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Arrêt
publié le 30 avril 2021

Extrait de l'arrêt n° 150/2020 du 19 novembre 2020 Numéro du rôle : 7190 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 « portant des dispositions fiscales et budgétaires », dans leur version La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. M(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 150/2020 du 19 novembre 2020 Numéro du rôle : 7190 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 « portant des dispositions fiscales et budgétaires », dans leur version applicable aux exercices d'imposition 1987 et 1988, posée par la Cour du travail de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 16 mai 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 28 mai 2019, la Cour du travail de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, tels qu'ils étaient en vigueur au moment des faits, sont-ils compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, -en ce que pour les redevables de la cotisation spéciale de sécurité sociale qui ne font pas de recours fiscal contre le revenu imposable retenu par l'administration fiscale, sans préjudice des causes d'interruption et de suspension de la prescription, ces articles permettent à l'ONEm de réclamer à ces redevables le paiement de la cotisation spéciale de sécurité sociale dans un délai raisonnable à compter de la date exécutoire du rôle fiscal de l'année en cause; - en ce que pour les redevables de la cotisation spéciale de sécurité sociale qui font un recours fiscal contre le revenu imposable retenu par l'administration fiscale, ces articles permettent à l'ONEm de réclamer à ces redevables le paiement de la cotisation spéciale de sécurité sociale dans un délai raisonnable à l'expiration du recours fiscal, même si ce faisant le recours fiscal est vidé dans un délai, à compter de la date exécutoire du rôle fiscal de l'année en cause, qui paraît déraisonnable, singulièrement lorsque le recours fiscal n'aboutit pas à un nouveau calcul de la cotisation spéciale de sécurité sociale due ? ». (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause B.1. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que la Cour est invitée à statuer sur la constitutionnalité des articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 « portant des dispositions fiscales et budgétaires » (ci-après : la loi du 28 décembre 1983), dans leur version applicable aux exercices d'imposition 1987 et 1988.

B.2.1. L'article 60 de la loi du 28 décembre 1983, tel qu'il est applicable aux exercices d'imposition 1987 et 1988, à la suite de ses modifications par l'article 7 de la loi du 31 juillet 1984 « de redressement » (ci-après : la loi du 31 juillet 1984), entré en vigueur le 20 août 1984, et par l'article 56 de la loi du 7 novembre 1987 « ouvrant des crédits provisoires pour les années budgétaires 1987 et 1988 et portant des dispositions financières et diverses » (ci-après : la loi du 7 novembre 1987), entré en vigueur le 1er janvier 1988, dispose : « Les personnes qui sont assujetties à un régime quelconque de sécurité sociale ou qui sont bénéficiaires à un titre quelconque d'au moins une des prestations de la sécurité sociale, et dont le montant net des revenus imposables globalement à l'impôt des personnes physiques dépasse 3 millions de francs, sont chaque année, tenues de payer une cotisation spéciale de sécurité sociale pour les exercices d'imposition 1983 à 1988 ».

B.2.2. Depuis son remplacement par l'article 8 de la loi du 31 juillet 1984, entré en vigueur le 20 août 1984, l'article 61 de la loi du 28 décembre 1983 dispose : « § 1er. Le montant de cette cotisation est fixé à 10 p.c. du revenu imposable de chaque exercice d'imposition.

Par dérogation à l'alinéa 1er, lorsque le revenu est inférieur à 5 millions, le montant de la cotisation est fixé à 25 p.c. de la quotité du revenu qui excède 3 millions. § 2. Lorsque les revenus, imposables globalement à l'impôt des personnes physiques, dépassant 3 millions de F sont recueillis par plusieurs personnes, la cotisation est due par chacune d'elles et recouvrée pour une quotité qui est fonction du rapport existant entre les revenus qu'elle a recueillis et les revenus imposables globalement ».

B.2.3. L'article 61bis de la loi du 28 décembre 1983, inséré par l'article 8 de la loi du 31 juillet 1984, qui instaure une cotisation complémentaire de sécurité sociale, n'est pas applicable aux exercices d'imposition 1987 et 1988.

B.2.4. Inséré par l'article 117 de la loi du 4 août 1986 « portant des dispositions fiscales », entrée en vigueur le 30 août 1986, l'article 61ter de la loi du 28 décembre 1983 dispose : « Les montants de 3 millions de francs, de 4 millions de francs et de 5 millions de francs, visés aux articles 60, 61 et 61bis, sont, à partir de l'exercice d'imposition 1987, adaptés annuellement et simultanément à concurrence du coefficient d'augmentation de la moyenne des indices des prix à la consommation du Royaume fixés pour l'année qui précède celle des revenus par rapport à la moyenne des indices de l'année précédente.

Pour la détermination de la moyenne des indices, les fractions de centièmes sont arrondies au centième supérieur ou inférieur selon qu'elles atteignent ou excèdent cinq millièmes ou qu'elles sont inférieures à cette fraction.

Les montants adaptés sont arrondis au millier supérieur ou inférieur selon que le chiffre des centaines atteint ou non cinq ».

B.2.5. L'article 62 de la loi du 28 décembre 1983 disposait, à l'origine : « La cotisation doit faire l'objet d'un versement provisionnel à effectuer avant le 1er décembre de l'année précédant l'exercice d'imposition.

A défaut ou en cas d'insuffisance de versement provisionnel au 1er décembre, un intérêt de retard est dû à partir de cette date au taux de 1,25 % par mois, y compris le mois au cours duquel le paiement a lieu.

En cas d'excédent de versement provisionnel, des intérêts moratoires sont alloués au taux de 1 % par mois-calendrier, au plus tôt à partir du 1er décembre de l'année où la provision est due.

En cas de versement provisionnel tardif, il n'est pas tenu compte du mois pendant lequel le versement est effectué.

Le mois au cours duquel est envoyé à l'intéressé l'avis mettant à sa disposition la somme à restituer est compté pour un mois entier ».

Tel qu'il est applicable à l'exercice d'imposition 1988, l'article 62 de la loi du 28 décembre 1983, modifié par l'article 57 de la loi du 7 novembre 1987, entrée en vigueur le 1er février 1988, dispose : « La cotisation doit faire l'objet d'un versement provisionnel à effectuer avant le 1er décembre de l'année précédant l'exercice d'imposition.

A défaut ou en cas d'insuffisance de versement provisionnel au 1er décembre, un intérêt de retard est dû à partir de cette date au taux de 0,8 % par mois, y compris le mois au cours duquel le paiement a lieu.

En cas d'excédent de versement provisionnel, des intérêts moratoires sont alloués au taux de 0,6 % par mois-calendrier aux personnes visées aux articles 60 et 61bis, au plus tôt à partir du 1er décembre de l'année où la provision est due.

Le Roi peut adapter les taux visés aux deuxième et troisième alinéas lorsque les fluctuations du taux d'intérêt pratiqué sur le marché financier le justifient.

En cas de versement provisionnel tardif, il n'est pas tenu compte du mois pendant lequel le versement est effectué.

Le mois au cours duquel est envoyé à l'intéressé l'avis mettant à sa disposition la somme à restituer est compté pour un mois entier ».

B.2.6. L'article 63 de la loi du 28 décembre 1983 dispose : « La cotisation peut, à la demande des personnes visées à l'article 60, faire l'objet d'une retenue sur les rémunérations dues par leur employeur, éventuellement pour la quotité visée à l'article 61, alinéa 3, en vue d'être versée en leur nom et pour leur compte ».

L'article 64 de la loi du 28 décembre 1983 dispose : « La cotisation, le versement provisionnel et les intérêts de retard sont perçus et recouvrés par l'Office national de l'emploi et affectés à l'assurance-chômage.

L'Office national de l'emploi est autorisé à procéder au recouvrement par voie judiciaire.

Le Roi détermine les conditions techniques et administratives dans lesquelles l'Office effectue la perception et le recouvrement. Il ne peut doter l'Office de pouvoirs plus étendus que ceux qui sont reconnus à l'Office national de sécurité sociale ».

L'article 65 de la loi du 28 décembre 1983 dispose : « Le Roi fixe le mode de paiement de la cotisation à l'Office national de l'emploi ».

L'article 66 de la loi du 28 décembre 1983 dispose : « Les administrations publiques, notamment les administrations relevant du Ministère des Finances, du Ministère des Classes moyennes et du Ministère des Affaires sociales, sont tenues de fournir à l'Office national de l'emploi les renseignements qui lui sont nécessaires en vue de l'application du présent chapitre ».

L'article 67 de la loi du 28 décembre 1983 dispose : « La cotisation a la nature d'une cotisation personnelle due en exécution de la législation sociale.

Son mode de calcul déroge à titre exceptionnel à l'article 23 de la loi du 29 juin 1981Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1981 pub. 31/05/2011 numac 2011000295 source service public federal interieur Loi établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 29/06/1981 pub. 02/09/2014 numac 2014000386 source service public federal interieur Loi établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 29/06/1981 pub. 17/11/2015 numac 2015000647 source service public federal interieur Loi établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés et à l'article 11 de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants ». L'article 68 de la loi du 28 décembre 1983 dispose : « Dans la mesure où leur montant n'excède pas celui qui est réellement dû, la cotisation et le versement provisionnel sont déduits, pour l'année du paiement, de l'ensemble des revenus nets imposables des différentes catégories visées à l'article 6 du Code des impôts sur les revenus, au même titre que les dépenses visées à l'article 71 du même Code ».

L'article 69 de la loi du 28 décembre 1983 ajoute à l'article 580 du Code judiciaire un 12°, libellé comme suit : « des contestations relatives à l'obligation pour les assurés sociaux de verser une cotisation spéciale de sécurité sociale en vertu du chapitre III de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires ».

B.2.7. Tel qu'il est applicable aux exercices d'imposition 1987 et 1988, l'article 70, alinéa 1er, de la loi du 28 décembre 1983, modifié par l'article 58 de la loi du 7 novembre 1987, entrée en vigueur le 1er janvier 1988, et par l'article 109, § 3, de la loi-programme du 30 décembre 1988, entré en vigueur le 15 novembre 1988, dispose : « Les revenus mobiliers recueillis pendant les années 1984, 1985, 1986, 1987, 1988 qui, suivant l'article 220bis du Code des impôts sur les revenus, ne sont pas compris dans la déclaration annuelle à l'impôt des personnes physiques, sont ajoutés au montant des revenus imposables globalement, à l'exclusion toutefois des revenus visés aux articles 19 et 174, alinéa 2, 1° et 2°, du même Code, pour déterminer la base de perception prévue à l'article 60 en ce qui concerne la cotisation spéciale de sécurité sociale ».

B.2.8. L'article 71 de la loi du 28 décembre 1983 dispose : « L'arrêté royal n° 55 du 16 juillet 1982 fixant pour 1982 une cotisation spéciale et unique de sécurité sociale, modifié par l'arrêté royal n° 125 du 30 décembre 1982, et l'arrêté royal n° 124 du 30 décembre 1982 fixant pour 1983 une cotisation spéciale et unique de sécurité sociale sont rapportés ».

B.2.9. L'article 72 de la loi du 28 décembre 1983, tel qu'il a été modifié par l'article 10 de la loi du 31 juillet 1984, dispose : « A l'égard des personnes visées à l'article 60, les articles 29 à 31 de la loi de redressement du 10 février 1981 relative aux dispositions fiscales et financières cessent de produire leurs effets à partir du premier jour du deuxième mois qui suit celui au cours duquel la présente loi aura été publiée au Moniteur belge.

Les personnes qui ont invoqué les dispositions de l'article 3, alinéa 2, des arrêtés royaux n° 55 du 16 juillet 1982 et n° 124 du 30 décembre 1982 visés à l'article 71, doivent effectuer le versement du solde de cotisation : - soit au plus tard deux mois après la conversion en obligations au porteur des emprunts de l'Etat qui, par application de l'article 30, § 1er, de la loi du 10 février 1981Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/02/1981 pub. 30/01/2014 numac 2014000049 source service public federal interieur Loi de redressement relative aux pensions du secteur social. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer précitée, ont fait l'objet d'une inscription nominative au Grand Livre de la dette publique, ou après la libération des obligations industrielles ou des actions qui, par application de l'article 30, § 2, de la même loi, ont été déposées à la Banque nationale de Belgique pour compte de la Caisse des dépôts et consignations, si cette conversion ou cette libération est intervenue avant le jour de la publication de la présente loi au Moniteur belge; -soit au plus tard deux mois après cette publication, dans tous les autres cas.

L'article 62, alinéa 2, n'est pas applicable dans la mesure où l'insuffisance de versement provisionnel résultait de l'application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 3 des arrêtés royaux n° 55 et n° 124, pour autant que l'obligation prévue par l'alinéa précédent soit respectée ».

B.2.10. L'article 73 de la loi du 28 décembre 1983 dispose : « Les articles 60 à 69 et 71 de la présente loi produisent leurs effets le 4 août 1982 ».

Quant au fond B.3.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité des articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983, tels qu'ils étaient applicables au moment des faits, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'ils font naître une différence de traitement, selon que les redevables de la cotisation spéciale de sécurité sociale ont introduit ou non un recours fiscal.

B.3.2. L'interprétation des dispositions en cause par le juge a quo trouve appui dans l'arrêt n° 131/2013 du 26 septembre 2013, par lequel la Cour a jugé que lesdites dispositions ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elles permettent à l'ONEm, sans préjudice des causes d'interruption et de suspension de la prescription, de réclamer le paiement de la cotisation spéciale de sécurité sociale au-delà d'un délai raisonnable à compter de la date exécutoire du rôle fiscal de l'année en cause. Selon le juge a quo, il en découle que, dans le cadre d'un recours fiscal, il serait possible pour l'ONEm de réclamer le paiement de la cotisation dans un délai potentiellement déraisonnable à compter de la date exécutoire du rôle fiscal de l'année en cause.

En ce qui concerne l'interprétation du juge a quo B.4. Les parties appelantes devant le juge a quo, ainsi que le Conseil des ministres et l'ONEm contestent la manière dont le juge a quo interprète les dispositions en cause.

B.5. Les articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 ne prévoient pas de délai de prescription en ce qui concerne l'action de l'ONEm en recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale.

A défaut d'un autre texte la soumettant à un délai de prescription particulier, cette action personnelle se prescrit conformément au droit commun. La Cour a toutefois jugé, par l'arrêt n° 177/2009 du 12 novembre 2009, que les différences objectives qui existent entre les cotisations spéciales de sécurité sociale et les cotisations ordinaires de sécurité sociale ne suffisent pas à justifier, eu égard à l'objectif poursuivi, que le paiement de la cotisation spéciale de sécurité sociale puisse être réclamé pendant le délai de droit commun, alors que le recouvrement des cotisations ordinaires de sécurité sociale régularisées dues par les travailleurs indépendants en situation de début ou de reprise d'activité se prescrit par cinq ans.

La Cour en a déduit une lacune discriminatoire exprimée en des termes suffisamment précis et complets. Par conséquent, il appartient désormais au juge a quo d'appliquer le délai de prescription de cinq ans.

B.6. L'action en recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale étant une action personnelle au sens de l'article 2262bis, § 1er, alinéa 1er, du Code civil, le délai de prescription qui s'y attache ne prend cours qu'à partir du jour où l'obligation de paiement de ladite cotisation devient exigible.

L'obligation de paiement de la cotisation spéciale de sécurité sociale doit être distinguée de l'obligation de paiement, par le redevable, des versements provisionnels au sens de l'article 62 de la loi du 28 décembre 1983.

L'ONEm n'est en mesure d'établir l'existence d'une créance relative à cette cotisation ou le montant de celle-ci que lorsque certaines administrations publiques lui ont fourni les renseignements nécessaires (article 66 de la loi du 28 décembre 1983). Et ce n'est qu'« au vu [de ces] renseignements » qu'il « adresse aux personnes assujetties à la cotisation spéciale une feuille de calcul mentionnant le montant de la cotisation due, les éléments sur [la] base desquels la cotisation est établie, le solde éventuel à percevoir ou à restituer par l'Office national de l'Emploi et les intérêts de retard relatifs à ce solde », ce dernier devant « être acquitté [...] au plus tard le dernier jour du mois suivant celui au cours duquel la feuille de calcul leur est adressée » (article 2 de l'arrêté royal du 4 juillet 1984 « d'exécution du chapitre III - Cotisation spéciale de sécurité sociale - de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires », (ci-après : l'arrêté royal du 4 juillet 1984)).

B.7. La Cour de cassation a jugé qu'en vertu des articles 60, 64, alinéa 1er, et 66 de la loi du 28 décembre 1983 précitée, lus en combinaison avec l'article 2 de l'arrêté royal du 4 juillet 1984, « ce n'est qu'à l'expiration [du] délai de paiement [visé à l'alinéa 2 de cet article 2] que prend cours la prescription de l'action en recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale » (Cass., 27 juin 2011, S.10.0016.F; 5 mars 2012, S.11.0058.F).

Elle a également précisé que « l'Office national de l'emploi ne peut procéder au recouvrement de celle-ci aussi longtemps que la dette fiscale du redevable n'est pas définitivement établie, de sorte que, en cas de réclamation ou de recours fiscal, le délai de prescription ne prend cours qu'à l'expiration du mois suivant celui au cours duquel une nouvelle feuille de calcul établie sur la base de la décision fiscale définitive a été adressée par l'Office au redevable de la cotisation spéciale » (Cass., 5 mars 2012 précité; 4 octobre 2010, S.10.0006.N).

B.8. C'est dans cette interprétation que la Cour répond à la question préjudicielle.

B.9. Il ressort des arrêts de la Cour de cassation précités qu'à l'issue du recours fiscal, une nouvelle feuille de calcul est établie par l'ONEm, sur la base de la décision fiscale définitive, et adressée au redevable de la cotisation spéciale, quel que soit le résultat de la décision. Il ne serait en effet pas justifié que l'issue du recours fiscal, lequel est extérieur à la procédure de réclamation de la cotisation spéciale de sécurité sociale, ait des conséquences différentes sur la procédure en recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale.

Par conséquent, la Cour examine la question préjudicielle sans faire de distinction selon que le recours fiscal aboutit ou non à l'établissement d'un nouveau calcul de la cotisation spéciale de sécurité sociale due.

En ce qui concerne la question préjudicielle B.10. Il ressort de la question préjudicielle que la Cour est invitée à examiner la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que l'effet d'un litige fiscal sur le délai de prescription créerait une discrimination non justifiée quant au respect du délai raisonnable dans lequel la cotisation spéciale de sécurité sociale peut être recouvrée.

B.11. Par son arrêt n° 131/2013, la Cour a jugé : « B.5.1. Comme le souligne le Conseil des ministres, la spécificité du mode de calcul de la cotisation spéciale de sécurité sociale justifie, en principe, que le délai de prescription pour le recouvrement de cette cotisation tienne compte de la nécessité d'obtenir ces informations de la part de l'administration fiscale, voire du contribuable lui-même.

B.5.2. Au cours des travaux préparatoires de la loi en cause, le ministre de l'Emploi et du Travail souligna à cet égard : ' Les renseignements seront communiqués automatiquement par l'administration fiscale à l'O.N.Em. et [...] les services des finances communiquent tous les renseignements dont ils disposent en [la] matière ' (Doc. parl., Chambre, 1983-1984, n° 758/15, p. 78).

Au cours des discussions au Sénat, le ministre releva aussi : ' Les collaborations nécessaires avec les fonctionnaires des Finances ont été établies et donnent toute satisfaction. [...] - Une collaboration existe entre l'Onem et le département des Finances sur ce point; - Les Finances envoient à l'Onem un listing des titulaires de revenus de plus de 3 millions; - L'Onem interroge alors les contribuables qui selon lui n'ont pas acquitté la cotisation, sur les motifs de non-cotisation (si pas assujettis à l'O.N.S.S., p. ex.) ' (Doc. parl., Sénat, 1983-1984, n° 604/2, pp. 86 et 88).

B.5.3. Il n'est donc pas déraisonnable de faire débuter, en principe, la prescription de l'action en recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale à la fin du mois suivant celui au cours duquel la feuille de calcul a été adressée au redevable de la cotisation par l'ONEm.

B.6. Toutefois, le point de départ d'un délai de prescription ne peut être totalement laissé à l'arbitraire d'une des parties, ni être exclusivement fonction du temps mis par les autorités pour se concerter entre elles et rendre leur décision (voy. CEDH, 6 novembre 2008, Kokkinis c. Grèce, § § 34 et 35). Au contraire, le souci de prévenir l'insécurité juridique ' exige que le point de départ ou d'expiration des délais de prescription soient clairement définis et liés à des faits concrets et objectifs '.

Or, dans l'interprétation du juge a quo, la disposition en cause aboutit à ce que le point de départ du délai de prescription de l'action en recouvrement de l'ONEm soit conditionné par le seul moment où ce dernier décide d'adresser au contribuable sa feuille de calcul, ce moment pouvant être retardé, du fait de négligences ou, comme en l'espèce, en raison d'une mauvaise communication entre les services de l'administration fiscale et les services de l'ONEm.

B.7. Pour les motifs exposés en B.4, les autres différences objectives existant entre la cotisation spéciale de sécurité sociale et les cotisations sociales ordinaires régularisées ne suffisent pas à justifier la différence de traitement en cause.

B.8. Les articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 portant des dispositions fiscales et budgétaires, tels qu'ils étaient en vigueur au moment des faits soumis au juge a quo, ne sont dès lors pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils permettent à l'ONEm, sans préjudice des causes d'interruption et de suspension de la prescription, de réclamer le paiement de la cotisation spéciale de sécurité sociale au-delà d'un délai raisonnable à compter de la date exécutoire du rôle fiscal de l'année en cause ».

B.12. Il ressort de l'arrêt précité que le délai raisonnable dans lequel l'ONEm peut réclamer le paiement de la cotisation spéciale de sécurité sociale est en principe calculé à compter de la date exécutoire du rôle fiscal de l'année en cause. Toutefois, dans l'arrêt précité, la Cour se prononçait sur une procédure de recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale dans le cadre de laquelle aucune réclamation fiscale n'avait été introduite.

La situation dans laquelle une réclamation fiscale est introduite doit être distinguée, dès lors que l'ONEm ne peut procéder au recouvrement de la cotisation spéciale de sécurité sociale aussi longtemps que la dette fiscale du redevable n'est pas définitivement établie, de sorte que, en cas de réclamation ou de recours fiscal, le délai de prescription ne prend cours qu'à l'expiration du mois suivant celui au cours duquel une nouvelle feuille de calcul établie sur la base de la décision fiscale définitive a été adressée par l'Office au redevable de la cotisation spéciale.

B.13. La circonstance que le délai d'une procédure de recouvrement de la cotisation de sécurité sociale au cours de laquelle un recours fiscal est introduit par le redevable de ladite cotisation est plus long que celui d'une procédure de recouvrement de la cotisation de sécurité sociale au cours de laquelle aucun recours fiscal n'est introduit, n'est pas, en soi, de nature à rendre la durée de la procédure déraisonnable.

B.14. En cas de litige fiscal, le point de départ du délai de prescription de l'action en recouvrement de l'ONEm ne peut être conditionné par le seul moment où ce dernier décide d'adresser au contribuable sa nouvelle feuille de calcul. Il appartient dès lors au juge d'examiner si la réclamation du paiement de la cotisation spéciale de sécurité sociale n'a pas été effectuée au-delà d'un délai raisonnable à compter de la date à laquelle le litige fiscal a été définitivement réglé.

B.15. Par conséquent, les redevables de la cotisation spéciale de sécurité sociale ne sont pas traités différemment selon qu'ils ont introduit ou non un recours fiscal, dès lors que ni les uns ni les autres ne sont privés de la garantie du délai raisonnable.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 60 à 73 de la loi du 28 décembre 1983 « portant des dispositions fiscales et budgétaires », tels qu'ils étaient applicables pour les exercices d'imposition 1987 et 1988, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 novembre 2020.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux F. Daoût

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