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Arrêt
publié le 09 juin 2021

Extrait de l'arrêt n° 22/2021 du 11 février 2021 Numéro du rôle : 7268 En cause : le recours en annulation partielle du décret de la Communauté flamande du 15 février 2019 « sur le droit en matière de délinquance juvénile », introduit par M.J La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, des juges J.-P. Moer(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 22/2021 du 11 février 2021 Numéro du rôle : 7268 En cause : le recours en annulation partielle du décret de la Communauté flamande du 15 février 2019 « sur le droit en matière de délinquance juvénile », introduit par M.J. et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite A. Alen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président émérite A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 25 octobre 2019 et parvenue au greffe le 28 octobre 2019, un recours en annulation partielle du décret de la Communauté flamande du 15 février 2019 « sur le droit en matière de délinquance juvénile » (publié au Moniteur belge du 26 avril 2019) a été introduit par M.J., M.W., I.C., M.P., L.P., S.P., E. V.L., K.M., Y.C., D.C., M.B., T.B., A.D., L.L., L.L., D.L. et C.H, assistés et représentés par Me P. Verpoorten, avocat au barreau d'Anvers. (...) II. En droit (...) Quant au décret attaqué B.1.1. Le décret attaqué de la Communauté flamande du 15 février 2019 « sur le droit en matière de délinquance juvénile » (ci-après : le décret du 15 février 2019) règle cette matière dans la région de langue néerlandaise. Il concerne l'ensemble des règles concernant la « réaction » à un « délit de mineur », c'est-à-dire à un « fait qualifié d'infraction, commis par un mineur » (article 2, 7°). Un « mineur » est défini comme étant « une personne d'au moins douze ans qui n'a pas atteint l'âge de dix-huit ans au moment où elle commet le délit de mineur » (article 2, 10°). En ce qui concerne une personne qui a commis un délit de mineur et qui, au moment des faits, n'avait pas encore atteint l'âge de douze ans, il existe une présomption irréfragable de non-responsabilité (article 4, § 2, alinéa 1er).

La « réaction » est « la mesure ou la sanction en guise de réponse sociale à un délit de mineur » (article 2, 17°). Une « mesure » peut être imposée par le juge de la jeunesse au cours de la procédure préparatoire (article 2, 9°), alors qu'une « sanction » peut être imposée par le tribunal de la jeunesse au cours de la procédure au fond (article 2, 19°).

B.1.2. Le décret attaqué a été pris à la suite de l'extension, dans le cadre de la sixième réforme de l'Etat, de la compétence des communautés en matière de protection de la jeunesse à la compétence en matière de « droit pénal de la jeunesse » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, p. 54). A cet effet, l'exception, contenue dans l'article 5, § 1er, II, 6°, d), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, à la compétence en matière de protection de la jeunesse pour ce qui concerne « la détermination des mesures qui peuvent être prises à l'égard des mineurs ayant commis un fait qualifié d'infraction » a été abrogée (article 9, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat).

Autrefois, cette compétence était réservée à l'autorité fédérale et elle était régie par la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait » (ci-après : la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer).

B.1.3. Au cours des travaux préparatoires du décret attaqué, il a été dit : « L'ambition essentielle du droit en matière de délinquance juvénile consiste à prévoir une réponse claire et conforme aux normes sociales aux délits commis par des mineurs, sans ignorer la responsabilité du jeune auteur. Cette réaction est clairement distincte de l'aide à la jeunesse, mais elle peut être aisément combinée avec celle-ci le cas échéant. Le droit en matière de délinquance juvénile ne contient donc qu'une partie du droit de la jeunesse, à savoir les réactions à la délinquance juvénile, y compris le traitement au niveau du ministère public. [...] La consolidation et l'affinement d'une action ' restauratrice ', axée sur la réparation, en tant que réaction à part entière à la délinquance juvénile constituent une prémisse importante et socialement justifiée. [...] Nous sommes toutefois aussi persuadés que, parallèlement à la piste réparatrice ou restauratrice, il faut en outre une offre différenciée de réactions rapides et constructives en réponse à la délinquance juvénile.

Le délai entre la commission du délit par le mineur et la réaction à ce délit doit être le plus bref possible pour avoir un impact positif sur le mineur. Il faut prévoir des délais dans lesquels certaines décisions doivent être prises, sans qu'il puisse être porté atteinte aux droits et aux garanties juridiques dont jouissent les mineurs. Il sera alors possible de conclure des accords (locaux) dans le cadre d'une approche en chaîne, pour que les différents partenaires de la chaîne puissent agir rapidement et de façon mieux coordonnée.

Plutôt que d'opter pour une voie unique de réparation/restauration ou de sanction comme alternative à la protection, il est expressément choisi de prévoir plusieurs voies en ce qui concerne la réaction. La notion de « droit en matière de délinquance juvénile » comprend les deux voies, ainsi que la possibilité de réagir, par le biais de l'aide à la jeunesse et de la piste sécuritaire (aide en milieu fermé), à un délit de mineur commis par des jeunes gens qui ne peuvent être considérés comme responsables parce qu'ils sont atteints d'un trouble mental » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, pp. 4-5).

Les principaux points du décret attaqué sont résumés comme suit dans les travaux préparatoires : « 4.1. La responsabilité des jeunes comme prémisse constructive Une des convictions centrales consiste à considérer et à traiter plus explicitement les jeunes comme des jeunes gens responsables, plutôt que comme des enfants incapables, irresponsables et devant être protégés. Le jeune est responsabilisé par rapport aux actes qu'il pose et à leurs conséquences. La réaction à un délit de mineur doit cibler le préjudice causé par ce mineur à sa victime et à la société. A tous les stades de la procédure, la possibilité de réparation est offerte et encouragée. [...] [...] 4.2. Des réactions claires, rapides, constructives et réparatrices aux délits commis par des mineurs La réaction aux délits de mineurs doit être claire, rapide, constructive et réparatrice. Et ce, tant pour le délinquant mineur, ses parents/les responsables de son éducation et pour la victime que pour la collectivité. Le cumul des réactions est possible, mais il convient de tenir compte de l'application des principes de proportionnalité et de subsidiarité. [...] 4.3. Données probantes Le droit en matière de délinquance juvénile est fondé sur le principe important en vertu lequel il convient de se fonder sur des données probantes. [Le ministre compétent] entend ainsi obtenir des résultats effectifs et son approche se veut également permanente. Se fonder sur des données probantes consiste à se baser sur des données quantitatives et/ou qualitatives (en matière de recherche scientifique). Il faut mieux connaître l'effet des réactions mises en oeuvre à l'égard des mineurs qui commettent des délits ou qui sont soupçonnés d'en avoir commis. [...] 4.4. Offre différenciée de réactions à la délinquance juvénile Le but est de varier les réactions qui sont à la disposition du ministère public et des tribunaux de la jeunesse comme alternative au placement. Le projet de décret tend non seulement à créer des possibilités de réaction à l'égard des mineurs, mais il en appelle également à la responsabilité des parents et des responsables de l'éducation. En imposant aux juges de la jeunesse et aux tribunaux de la jeunesse l'obligation d'indiquer clairement et explicitement la raison pour laquelle ils optent pour telle ou telle réaction et les facteurs dont ils tiennent compte ou non, on tente d'objectiver les décisions prises. [...] 4.5. Alignement sur le décret du 12 juillet 2013 ' relatif à l'aide intégrale à la jeunesse ' Le projet de décret est une opportunité importante d'organiser de manière plus logique l'aide à la jeunesse au sens large en Flandre, en l'alignant sur le décret du 12 juillet 2013 ' relatif à l'aide intégrale à la jeunesse '. [...] 4.6. Accueil en milieu fermé comme réaction la plus radicale à un délit de mineur [...] Ce projet de décret réserve une possibilité de placement en milieu fermé pour les personnes qui commettent des délits de mineur. Le fait que cette réaction puisse uniquement être imposée par un juge de la jeunesse ou par un tribunal de la jeunesse et que le mineur ne puisse pas, de sa propre initiative, quitter cet endroit pendant une période déterminée sont des conditions déterminantes pour que la réaction soit dite « privative de liberté ». L'endroit où cette réaction la plus sévère et privative de liberté a lieu est l'institution communautaire.

L'actuelle obligation d'admission imposée à ces institutions reste maintenue. L'encadrement en milieu fermé ne peut être envisagé qu'en dernier recours, lorsqu'il est indispensable et que toutes les autres réactions ne font plus sens. La privation de liberté n'est possible que pour les délits d'une certaine gravité commis par des mineurs et la durée de la réaction ne peut être supérieure au strict nécessaire et doit être justifiée par la gravité des faits et par le degré de maturité du mineur. La durée maximale est fixée par décret. Il faut qu'il y ait suffisamment de modalités d'exécution qui permettent une transition progressive vers le monde extérieur. Sont également prévues des possibilités de suivi et de coopération après le séjour en institution communautaire.

Dans des circonstances exceptionnelles, il reste possible de se dessaisir et de faire juger des jeunes de seize ans et plus comme des adultes. Ces jeunes faisant l'objet du dessaisissement, qui sont arrêtés ou condamnés à une peine d'emprisonnement, sont accueillis dans un centre de détention flamand jusqu'à l'âge de vingt-trois ans au plus tard. Jusqu'à cet âge, ils séjournent alors dans une infrastructure adaptée et non plus dans une prison pour adultes. Si la peine d'emprisonnement imposée dépasse l'âge de vingt-trois ans, ces jeunes sont transférés dès cet âge dans une prison fédérale pour adultes. [...] 4.7. Garanties juridiques et exigences de qualité Les réactions que le tribunal de la jeunesse peut imposer constituent presque toujours une ingérence dans la vie privée et familiale de l'intéressé, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 22 de la Constitution. Dans un certain nombre de cas, ces réactions sont privatives de liberté au sens de l'article 5 de la même Convention. Il est essentiel de garantir l'accès au juge, sa compétence pour se prononcer sur la nature et sur l'exécution de la réaction, ainsi que le droit à un traitement équitable et public de la cause par une juridiction indépendante et impartiale pour déterminer les droits et obligations et pour établir le bien-fondé des poursuites pénales.

Des directives européennes formulent les principes de base d'une ' justice adaptée aux enfants '. A cet égard, il convient de prévoir des garanties procédurales, comme le principe de légalité, le principe de proportionnalité, le principe de subsidiarité, la présomption d'innocence, le droit à un procès équitable, le droit à l'aide juridique, le droit d'accès au tribunal et le droit de recours. Les garanties juridiques ne peuvent être minimisées ou être refusées aux enfants sous le prétexte de l'intérêt supérieur des enfants. Ce projet de décret entend offrir des garanties juridiques suffisantes aux mineurs qui commettent des délits. Le renforcement des garanties juridiques est une conséquence évidente de la reconnaissance de la responsabilité grandissante du mineur » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/11, pp. 7-13).

B.1.4. Le décret attaqué a été modifié par le décret du 24 septembre 2019 « modifiant la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d'infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait et le décret du 15 février 2019 sur le droit en matière de délinquance juvénile, en ce qui concerne les dispositions transitoires », par le décret du 19 juin 2020 « contenant des mesures en cas d'urgence civile en matière de santé publique dans le cadre du décret du 15 février 2019 sur le droit en matière de délinquance juvénile et modifiant le décret du 15 février 2019 sur le droit en matière de délinquance juvénile » et par le décret du 17 juillet 2020 « modifiant le décret du 15 février 2019 sur le droit en matière de délinquance juvénile, en ce qui concerne la procédure préparatoire ». Ces modifications n'ont pas d'incidence sur l'objet du recours.

La Cour tient cependant compte de ces modifications afin, plus particulièrement, de déterminer la portée des dispositions attaquées.

Quant aux exceptions soulevées par le Gouvernement flamand B.2.1. Le Gouvernement flamand conteste la recevabilité du recours en annulation au motif que les parties requérantes n'auraient pas la capacité d'agir, en ce qu'elles étaient toutes mineures au moment de l'introduction du recours en annulation et n'étaient pas représentées par leurs représentants légaux dans le cadre du présent recours.

B.2.2. Un mineur non émancipé n'a en principe pas la capacité pour introduire un recours en annulation en son propre nom auprès de la Cour. Pour être recevable à introduire un tel recours, il doit être représenté par les personnes qui exercent l'autorité parentale à son égard. Il en va différemment lorsqu'un mineur qui possède la capacité de discernement requise agit en ce qui concerne les actes qui portent directement sur sa personne et pour lesquels il est reconnu comme étant une partie autonome au procès. Tel est le cas en l'espèce. Le décret « relatif au droit en matière de délinquance juvénile », attaqué, concerne directement les requérants mineurs âgés d'au moins douze ans et les reconnaît comme étant des parties autonomes au procès, en ce qu'il dispose notamment que le suspect mineur ou le délinquant mineur est entendu en personne devant le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse (article 15).

Il n'y a aucune raison de ne pas admettre que les parties requérantes qui avaient plus de douze ans au moment de l'introduction du recours disposent de la capacité de discernement requise.

Dès lors que la capacité d'agir de ces parties requérantes est établie, le recours en annulation est recevable.

B.3.1. Le Gouvernement flamand fait ensuite valoir que le recours est partiellement irrecevable, à défaut d'un exposé suffisamment clair des moyens.

B.3.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

La Cour examine les moyens dans la mesure où ils satisfont à cette exigence.

B.4.1. Enfin, le Gouvernement flamand invoque l'irrecevabilité partielle du mémoire en réponse introduit par les parties requérantes, en ce qu'il contient des citations en anglais qui ne sont pas traduites.

B.4.2. L'article 62, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 dispose : « Les affaires sont introduites devant la Cour constitutionnelle en français, en néerlandais ou en allemand ».

Conformément à cette disposition, le recours en annulation a été valablement introduit en néerlandais. Les parties requérantes ont aussi rédigé leur mémoire en réponse en néerlandais. A l'appui de leur argumentation, les parties requérantes citent des passages en anglais tirés du guide sur les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, rédigé par la Cour européenne des droits de l'homme.

La citation, dans leur version originale, d'extraits de documents de la Cour européenne des droits de l'homme dont il n'existe pas de traduction officielle en néerlandais ne viole pas l'article 62, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989. Le Gouvernement flamand ne démontre pas en quoi il serait porté atteinte aux droits de la défense et au caractère contradictoire de la procédure.

Quant au fond B.5. Les parties requérantes demandent l'annulation de plusieurs dispositions du décret du 15 février 2019 qui portent sur : 1. l'intervention du juge de la jeunesse ou du tribunal de la jeunesse et le traitement de l'affaire;2. le classement sans suite sous conditions, la médiation, le projet positif et la concertation restauratrice en groupe;3. les mesures privatives de liberté et les sanctions. 1. L'intervention du juge de la jeunesse ou du tribunal de la jeunesse et le traitement de l'affaire B.6. Les parties requérantes attaquent plusieurs dispositions du décret du 15 février 2019 relatives à l'intervention du juge de la jeunesse ou du tribunal de la jeunesse et au traitement de l'affaire, plus particulièrement en ce qui concerne : a) la comparution du suspect ou délinquant mineur et le droit à l'assistance d'un avocat;b) les critères dont le juge de la jeunesse et le tribunal de la jeunesse doivent tenir compte;c) l'absence d'un régime de révision des « erreurs judiciaires »;d) l'intervention du même juge tout au long de la procédure;e) la possibilité d'interroger des témoins et des experts. a) La comparution du suspect ou délinquant mineur et le droit à l'assistance d'un avocat (premier moyen) B.7. L'article 15 du décret attaqué dispose : « § 1er. Le suspect mineur ou le délinquant mineur est entendu en personne devant le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse à propos du délit de mineur mis à sa charge, avant que le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse ne s'exprime sur la requête du ministère public et qu'une réaction ne puisse être définie. Le tribunal de la jeunesse ne doit pas entendre personnellement le suspect mineur ou le délinquant mineur s'il est introuvable, si son état de santé ne le permet pas ou s'il refuse de comparaître.

Le mineur précité comparaît en personne, mais après consultation de son avocat, il peut explicitement choisir de comparaître par le biais d'une vidéoconférence, si cela fait partie des possibilités. [...] Par dérogation à l'alinéa 2, le mineur précité doit toujours être présent en personne lors de la première comparution devant le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse. Après cette première comparution, le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse peut à tout moment ordonner que le mineur précité soit présent en personne.

Si le suspect mineur ou le délinquant mineur n'est pas présent à l'audience à laquelle il a été convoqué, une décision par défaut est possible. § 2. Le suspect mineur ou le délinquant mineur a droit à l'assistance d'un avocat chaque fois qu'il comparaît devant le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse. Cet avocat sera, le cas échéant, désigné conformément à l'article 54bis de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer. [...] ».

B.8. Dans la première branche du moyen dirigé contre cette disposition, les parties requérantes invoquent la violation des droits de défense du mineur, tels qu'ils sont notamment garantis par l'article 22bis, alinéas 2 et 5, de la Constitution, en ce qu'il découle de la disposition attaquée que le mineur qui ne comparaît pas en personne n'a pas le droit d'être assisté ou représenté par un avocat.

Dans la seconde branche du même moyen, elles invoquent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 40, paragraphe 2, b), iv), de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'il découle de la disposition attaquée que le mineur peut être entendu sous la contrainte.

B.9.1. Le Gouvernement flamand conteste la recevabilité de la première branche, en ce que les parties requérantes invoquent la violation du « principe général des droits de défense du mineur », au regard duquel la Cour ne peut exercer un contrôle direct et qui ne serait pas garanti par l'article 22bis de la Constitution, également invoqué.

B.9.2. Sans qu'il faille examiner si les droits de défense du mineur qui sont invoqués dans la première branche du moyen sont garantis par l'article 22bis de la Constitution, il suffit de constater que ces droits sont garantis par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui sont invoqués dans la seconde branche du même moyen, en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Les deux branches sont examinées conjointement.

B.10.1. L'article 15, attaqué, du décret du 15 février 2019 est en partie repris de l'article 52ter, alinéas 1er et 2, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, qui dispose : « Dans les cas prévus à l'article 52, le jeune ayant atteint l'âge de douze ans doit être entendu personnellement par le juge de la jeunesse avant toute mesure, sauf s'il n'a pu être trouvé, si son état de santé s'y oppose ou s'il refuse de comparaître.

L'intéressé a droit à l'assistance d'un avocat, lors de toute comparution devant le tribunal de la jeunesse. Cet avocat est désigné, le cas échéant, conformément à l'article 54bis. Hors les cas où le tribunal de la jeunesse est saisi conformément à l'article 45, 2, b) ou c), le juge de la jeunesse peut néanmoins avoir un entretien particulier avec l'intéressé ».

Cette disposition a été insérée dans la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer par la loi du 2 février 1994, afin d'améliorer substantiellement la situation juridique des mineurs comparaissant devant les juridictions de la jeunesse, notamment en ce qu'elle prévoit que, dès que le tribunal de la jeunesse est saisi, un avocat est désigné pour les assister, même quand ne sont requises que des mesures provisoires (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 532/1, p. 7).

B.10.2. L'article 15, attaqué, du décret du 15 février 2019 reprend l'obligation de principe faite au juge de la jeunesse ou au tribunal de la jeunesse d'entendre le suspect ou délinquant mineur et le droit de ce mineur à l'assistance d'un avocat. Il prévoit en outre la possibilité pour le mineur d'être entendu par vidéoconférence, sous certaines conditions et s'il le souhaite.

Par voie d'amendements, il a été prévu une exception à l'obligation faite au juge de la jeunesse ou au tribunal de la jeunesse d'entendre l'intéressé « s'il est introuvable, si son état de santé ne le permet pas ou s'il refuse de comparaître » (article 15, § 1er, alinéa 1er), et une possibilité pour le juge de la jeunesse ou pour le tribunal de la jeunesse de prendre une décision par défaut « si le suspect mineur ou le délinquant mineur n'est pas présent à l'audience à laquelle il a été convoqué » (article 15, § 1er, alinéa 5). Ces amendements ont été justifiés comme suit : « Il n'est pas souhaitable - et telle n'a jamais été l'intention du législateur décrétal - que les suspects et délinquants mineurs qui refusent ' délibérément ' de comparaître ne puissent pas se voir imposer une réaction du juge de la jeunesse ou du tribunal de la jeunesse. [...] Une ordonnance ou un jugement doivent aussi pouvoir être rendus lorsque le suspect ou délinquant mineur ne comparaît pas, n'est pas en mesure de comparaître pour des raisons de santé ou est introuvable » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/2, pp. 8-9).

B.11.1. Ni le libellé des dispositions attaquées ni les travaux préparatoires ne font apparaître que le suspect ou délinquant mineur qui ne comparaît pas en personne devant le juge de la jeunesse ou devant le tribunal de la jeunesse ne peut être représenté par un avocat. La disposition attaquée confirme en revanche le droit du mineur d'être assisté par un avocat. Le cas échéant, le mineur peut choisir de ne pas comparaître en personne ou par vidéoconférence, mais de se faire représenter par son avocat. Conformément à l'article 15, § 1er, alinéa 1er, attaqué, le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse peut, dans ce cas, par une décision contradictoire, imposer une réaction sans entendre préalablement le mineur. Comme le Gouvernement flamand le confirme également, une décision ne peut être rendue par défaut que si le suspect ou délinquant mineur ne comparaît pas à l'audience à laquelle il a été convoqué, que ce soit en personne, par vidéoconférence, ou en étant représenté par son avocat.

B.11.2. Il ne découle pas non plus de la disposition attaquée que le suspect ou délinquant mineur peut être obligé de parler. L'obligation de principe faite au juge de la jeunesse ou au tribunal de la jeunesse d'entendre le mineur ne porte en effet pas atteinte au droit du mineur de garder le silence. L'article 15, § 1er, alinéas 1er et 5, attaqué confirme en outre le droit du mineur de ne pas comparaître, auquel cas le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse peut prendre une décision sans l'entendre. L'article 3, § 5, alinéa 3, du décret attaqué pose par ailleurs le principe fondamental selon lequel « aucune mesure ne peut être prise en vue [...] d'aveux ou de déclarations forcées ».

B.11.3. Compte tenu de ce qui est dit en B.11.1 et sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.11.2, le moyen n'est pas fondé. b) Les critères dont le juge de la jeunesse et le tribunal de la jeunesse doivent tenir compte (deuxième moyen) B.12. L'article 16, § 1er, du décret attaqué dispose : « Afin de prendre la décision d'imposer une réaction, le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse tient compte de tous les facteurs suivants, selon l'ordre énuméré : 1° la gravité des faits, le dommage et les conséquences pour la victime;2° la personnalité et la maturité du suspect ou du délinquant mineurs;3° la récidive, ou le risque de récidive;4° la sécurité de la société;5° l'entourage quotidien du suspect ou du délinquant mineurs;6° la sécurité du suspect ou du délinquant mineurs. Il ressort clairement de la décision prise que les facteurs ont été pris en compte ».

B.13. Les parties requérantes font valoir que cette disposition porte atteinte aux articles 10, 11 et 22bis, alinéas 4 et 5, de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 3, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que l'intérêt de l'enfant est subordonné à d'autres facteurs.

B.14.1. L'article 22bis, alinéas 4 et 5, de la Constitution dispose : « Dans toute décision qui le concerne, l'intérêt de l'enfant est pris en considération de manière primordiale.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent ces droits de l'enfant ».

B.14.2. L'article 3, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ».

B.15.1. L'article 16, § 1er, attaqué, du décret du 15 février 2019 est en partie repris de l'article 37, § 1er, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, tel qu'il a été modifié par l'article 7, 1°, de la loi du 13 juin 2006. En vertu de cette disposition, le tribunal de la jeunesse doit, lorsqu'il impose des mesures de garde, de préservation et d'éducation, prendre en compte (1°) la personnalité et le degré de maturité de l'intéressé, (2°) son cadre de vie, (3°) la gravité des faits, les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, les dommages et les conséquences pour la victime, (4°) les mesures antérieures prises à l'égard de l'intéressé et son comportement durant l'exécution de celles-ci, (5°) la sécurité de l'intéressé et (6°) la sécurité publique. B.15.2. Par son arrêt n° 49/2008 du 13 mars 2008, la Cour s'est prononcée sur la compatibilité de cette disposition avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 3, paragraphe 1, et 40, paragraphes 1 et 3, de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que les critères mentionnés dans ces dispositions ne seraient pas pertinents ou proportionnés à la lumière de l'objectif poursuivi par les mesures à prendre. La Cour a jugé : « B.14.3. Les critères énumérés par l'article 37, § 1er, contribuent à objectiver les décisions du tribunal de la jeunesse et permettent de moduler les mesures en fonction de la situation personnelle du jeune (âge de l'auteur, spécificité de la situation, besoins spécifiques).

B.14.4. S'agissant en particulier de l'intérêt du mineur, même s'il n'y est pas fait une référence expresse parmi ces critères, le 5° du titre préliminaire de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer qui dispose que les mineurs jouissent des droits et des libertés énoncés par la Constitution et par la Convention relative aux droits de l'enfant démontre que le juge de la jeunesse doit respecter en tout état de cause ces dispositions quand il prend une mesure à l'égard d'un mineur.

B.14.5. Le moyen n'est pas fondé ».

B.15.3. La disposition attaquée contient des critères analogues qui permettent au juge de la jeunesse et au tribunal de la jeunesse d'adapter les réactions à la situation personnelle du jeune (la personnalité et le degré de maturité du mineur, son environnement et sa sécurité). Par ailleurs, les principes fondamentaux mentionnés à l'article 3 du décret attaqué de même que le 5° du titre préliminaire de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer énoncent que « le suspect et le délinquant mineurs bénéficient [...] de tous les droits spécifiques qui leur sont octroyés en tant que tels par la Constitution et les textes des traités internationaux, notamment des droits décrits dans la Convention internationale des droits de l'enfant ».

En prévoyant, à l'article 16, § 1er, attaqué, que le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse doit tenir compte des facteurs précités « selon l'ordre énuméré », en ne faisant apparaître qu'à la deuxième, ou respectivement, aux cinquième et sixième places la personnalité et le degré de maturité du suspect ou délinquant mineur ainsi que son environnement et sa sécurité, le décret attaqué ne garantit toutefois pas que l'intérêt de l'enfant primera toujours pour toute décision qui le concerne, conformément à l'article 22bis, alinéa 4, de la Constitution et à l'article 3, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant.

B.16. A l'article 16, § 1er, du décret attaqué, il convient d'annuler les mots « , selon l'ordre énuméré ».

Pour le surplus, le moyen n'est pas fondé. c) L'absence de régime de révision des « erreurs judiciaires » (deuxième branche du quatrième moyen) B.17. Les parties requérantes font valoir que le décret attaqué viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il ne prévoit pas de régime de « révision d'erreurs judiciaires à l'égard des mineurs », alors que les articles 443 et suivants du Code d'instruction criminelle prévoient un tel régime pour les personnes majeures.

B.18.1. Comme il est dit en B.1.2, le législateur décrétal a fait usage de sa compétence en matière de protection de la jeunesse, laquelle comprend, depuis la sixième réforme de l'Etat, la compétence en matière de « détermination des mesures qui peuvent être prises à l'égard des mineurs ayant commis un fait qualifié d'infraction » (article 5, § 1er, II, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980, tel qu'il a été modifié par l'article 9, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat). Pour ce faire, le législateur décrétal doit cependant respecter la compétence de l'autorité fédérale en ce qui concerne la procédure devant les juridictions de la jeunesse (article 5, § 1er, II, 6°, c), de la loi spéciale du 8 août 1980). Les dispositions procédurales contenues dans la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer restent donc applicables aux procédures devant les juridictions de la jeunesse, visées par le décret attaqué, sauf si le législateur décrétal a prévu un régime dérogatoire en application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.18.2. L'article 62 de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer dispose que « sauf dérogation, les dispositions légales concernant les poursuites en matière correctionnelle » s'appliquent aux procédures, visées au titre II, chapitre III, de cette loi, devant les juridictions de la jeunesse en ce qui concerne les mesures prises à l'égard des mineurs ayant commis un fait qualifié d'infraction.

Eu égard à la compétence précitée de l'autorité fédérale en ce qui concerne la procédure devant les juridictions de la jeunesse, cette disposition est applicable aux procédures, visées par le décret attaqué, devant les juridictions de la jeunesse en ce qui concerne les réactions imposées aux suspects ou délinquants mineurs.

En vertu de cet article 62 de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, pour la révision d'une condamnation d'un mineur, coulée en force de chose jugée, par le tribunal de la jeunesse pour délit de mineur, les articles 443 à 447 du Code d'instruction criminelle sont applicables, à défaut, dans cette loi et dans le décret attaqué, de règles procédurales spécifiques en la matière.

B.18.3. La différence de traitement soulevée par les parties requérantes est dès lors inexistante.

B.19. Le moyen n'est pas fondé. d) L'intervention du même juge tout au long de la procédure (sixième moyen) B.20. En vertu de l'article 19, alinéa 1er, du décret attaqué, le juge de la jeunesse connaît de la requête du ministère public dans le cadre de la procédure préparatoire, alors que le tribunal de la jeunesse, en vertu de l'article 28, alinéa 1er, connaît de la citation du ministère public dans le cadre de la procédure au fond. Malgré les différences terminologiques, c'est le même juge qui intervient tout au long de la procédure (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 253). Alors qu'au cours de la procédure préparatoire, le juge de la jeunesse décide seul, au cours de la procédure au fond, il siège avec le ministère public et le greffier.

B.21. Les parties requérantes font valoir que ces dispositions portent atteinte au droit à un juge impartial, tel qu'il est garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 40, paragraphe 2, b), iii), de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que c'est le même juge de la jeunesse qui mène l'instruction, statue sur la détention préventive et siège ensuite en tant que juge du fond afin de statuer sur la culpabilité et sur la mesure de la peine.

B.22.1. Dans l'exercice de sa compétence en matière de protection de la jeunesse, le législateur décrétal doit respecter la compétence de l'autorité fédérale pour ce qui est de l'organisation des juridictions de la jeunesse (article 5, § 1er, II, 6°, c), de la loi spéciale du 8 août 1980). Donc, en principe, le législateur décrétal n'est pas compétent pour adopter des dispositions qui prévoient l'intervention de juges de la jeunesse différents selon la phase de la procédure.

B.22.2. Par conséquent, le moyen n'est pas dirigé contre les articles 19 et 28 du décret attaqué, mais bien contre le régime fédéral en matière d'organisation des juridictions de la jeunesse, sur la base duquel le juge de la jeunesse est compétent pour connaître tant des réquisitions du ministère public dans le cadre de la procédure préparatoire afin de procéder à des investigations et d'ordonner des mesures, que de la citation du ministère public afin de statuer sur le fond de l'affaire.

B.23. Le moyen n'est pas recevable. e) La possibilité d'interroger des témoins et des experts (dixième moyen) B.24. Les parties requérantes critiquent le fait que le décret attaqué règle de manière très sommaire la procédure au fond devant le tribunal de la jeunesse et qu'il ne prévoie pas la possibilité d'interroger des témoins ou des experts, ce qui porterait une atteinte discriminatoire au droit à un procès équitable.

B.25. Comme il est dit en B.18.1, lorsqu'il exerce sa compétence en matière de protection de la jeunesse, le législateur décrétal doit respecter la compétence de l'autorité fédérale pour ce qui est de la procédure devant les juridictions de la jeunesse (article 5, § 1er, II, 6°, c), de la loi spéciale du 8 août 1980). Donc, en principe, le législateur décrétal n'est pas compétent pour adopter des dispositions relatives à la procédure au fond devant le tribunal de la jeunesse et au pouvoir d'investigation de celui-ci. Cette procédure est réglée par la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et, en vertu de l'article 62 de cette loi, sauf dérogation, par les dispositions législatives relatives aux poursuites en matière correctionnelle.

B.26. Le moyen n'est pas fondé. 2. Le classement sans suite sous conditions, la médiation, le projet positif et la concertation restauratrice en groupe (septième moyen) B.27. Le décret attaqué prévoit la possibilité, d'une part, pour le procureur du Roi, d'attacher des conditions au classement sans suite (article 11), de proposer une médiation au suspect mineur (article 12) ou de lui proposer d'élaborer un projet positif (article 13) et, d'autre part, pour le juge de la jeunesse, de faire au suspect mineur une offre de médiation restauratrice ou une concertation restauratrice en groupe (article 22) ou de lui proposer d'élaborer un projet positif (article 23). Une des conditions prévues à cet effet est que « le suspect mineur ne nie pas le délit de mineur ».

B.28.1. Selon les parties requérantes, ces dispositions violent les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que la condition selon laquelle le suspect mineur doit ne pas nier le délit de mineur porterait atteinte à la présomption d'innocence et au droit du mineur à garder le silence.

B.28.2. En ce que les parties requérantes et intervenantes font valoir dans leurs mémoires respectifs qu'il serait question d'une différence de traitement injustifiée dès lors que les dispositions attaquées imposent des conditions qui ne s'appliquent pas dans le cadre d'une demande de médiation conformément à l'article 553 du Code d'instruction criminelle, il s'agit de moyens nouveaux, qui, en vertu des articles 85 et 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, ne sont pas recevables.

B.29.1. Par son arrêt n° 50/2008 du 13 mars 2008, la Cour a annulé la condition, insérée dans la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, dans le cadre d'une proposition de médiation par le procureur du Roi ou d'une offre restauratrice de médiation ou d'une concertation restauratrice en groupe par le tribunal de la jeunesse, aux termes de laquelle il faut que le mineur « déclare ne pas nier être concerné par le fait qualifié infraction » ou « déclare ne pas nier le fait qualifié infraction ».

La Cour a jugé : « B.15.16. La seule existence de l'accord de médiation, dont le procureur du Roi et le tribunal prendront connaissance, puisqu'ils doivent en tenir compte, établit que le mineur a déclaré ne pas nier être concerné par les faits qui lui sont reprochés. Quelles que soient les précautions prises pour que les éléments recueillis dans le cadre de l'offre restauratrice, en ce compris la reconnaissance par le mineur de la matérialité du fait qualifié infraction, ne puissent être utilisés en dehors de celle-ci (articles 37quater, § § 2 et 3, et 45quater, § 4), tout mineur qui, après une médiation ou une concertation, se présente devant le procureur du Roi ou devant le juge de la jeunesse, est réputé reconnaître les faits. Si, ainsi qu'il est dit en B.15.9, cette renonciation à la présomption d'innocence et au droit au silence est admissible dans le cadre de la médiation ou de la concertation, parce que le mineur a pu mesurer les effets de cette renonciation qui lui permet de participer à une offre restauratrice qu'il est de son intérêt d'accepter, il n'en est plus de même lorsque l'accord auquel elle aboutit n'emporte pas l'extinction de l'action publique.

B.15.17. Il n'est pas compatible avec les dispositions rappelées en B.15.6 de prévoir, alors que la procédure peut reprendre après un accord de médiation ou de concertation, que le mineur soit tenu de faire une déclaration préalable à la reconnaissance des faits qui lui sont reprochés. Cette reconnaissance peut être un élément important qui permettra au mineur de prendre conscience des conséquences de son acte et de s'engager dans un processus de responsabilisation. Mais elle peut se situer dans le cadre de la médiation ou de la concertation et rester couverte par le secret qui les entoure. Par contre, inscrire cette exigence dans la loi et en faire une condition préalable à l'offre restauratrice est hors de proportion avec l'objectif poursuivi.

Il est justifié qu'une offre restauratrice ne puisse être proposée que si un mineur est soupçonné d'avoir commis un fait qualifié infraction, ainsi que le prévoient explicitement les articles 37bis, § 2, et 45quater, § 1er, de la loi. Mais en exigeant une reconnaissance particulière du mineur dont il pourra être déduit ultérieurement qu'il a nécessairement reconnu les faits qui lui sont reprochés, dans un autre cadre que celui de l'offre restauratrice, le législateur a pris une mesure qui va au-delà de l'objectif qu'il poursuit et qui traite les mineurs qui acceptent une offre de médiation ou de concertation restauratrice en groupe, différemment des adultes qui formulent une demande de médiation fondée sur l'article 553, § 1er, du Code d'instruction criminelle, sans que cette différence de traitement soit raisonnablement justifiée ».

B.29.2. Afin de tenir compte de cet arrêt, le législateur décrétal n'a pas prévu, dans les dispositions attaquées, que le suspect mineur doit reconnaître les faits qui lui sont reprochés, ni qu'il doit déclarer expressément ne pas nier ces faits (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, pp. 33, 44, et 258). Il suffit qu'il ne nie pas le délit de mineur. Comme le Gouvernement flamand le souligne également, ces dispositions n'empêchent dès lors pas le mineur d'invoquer en la matière son droit de garder le silence. Ces dispositions ne portent pas non plus atteinte à la présomption d'innocence, en ce que le fait de ne pas nier le délit de mineur n'implique pas une présomption de reconnaissance de culpabilité.

B.29.3. En ce qui concerne en particulier l'offre de médiation faite par le procureur du Roi, le décret attaqué mentionne expressément que « si la médiation ne donne aucun résultat, ni la reconnaissance des faits par le mineur, ni le déroulement ou le résultat de la médiation ne peuvent être utilisés par les autorités judiciaires ou une autre personne au préjudice du mineur. L'accord résultant de la médiation ou les informations sur la procédure de médiation, si celle-ci aboutit, ne peuvent pas non plus être utilisés contre le mineur dans une procédure ultérieure » (article 12, § 5, alinéa 1er). L'article 22, § 7, du décret attaqué contient une disposition analogue en ce qui concerne l'offre restauratrice faite par le juge de la jeunesse.

A la demande de la section de législation du Conseil d'Etat, qui souhaitait savoir si l'accord entre les parties, visé par ces dispositions, implique la reconnaissance des faits par le mineur, le délégué du Gouvernement flamand a répondu : « Un accord conclu dans le cadre d'une médiation n'implique pas nécessairement la reconnaissance (explicite) des faits par le suspect mineur. Une condition nécessaire pour pouvoir procéder à une médiation est le fait que le suspect mineur ne nie pas le délit.

Le contenu de l'accord entre les parties concernées leur appartient.

Lorsque, pour elles, une reconnaissance explicite ne doit pas faire l'objet de l'accord auquel elles parviennent dans le cadre de la réparation poursuivie, cela n'est pas nécessaire. Les parties concernées doivent uniquement parvenir à un accord, dans lequel elles se retrouvent toutes, quant à la manière dont elles entendent procéder à une réparation. [...] [...] Si un suspect reconnaît les faits lors de la médiation, cette circonstance ne peut être utilisée contre lui. Et une reconnaissance par un suspect ne doit pas nécessairement être reprise dans l'accord qui est conclu si toutes les parties ne le souhaitent pas ou ne l'estiment pas nécessaire pour parvenir à une réparation » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, pp. 274-275 et 282).

B.29.4. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.29.2, les dispositions attaquées ne portent pas atteinte au droit de garder le silence ni à la présomption d'innocence.

B.30. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.29.2, le moyen n'est pas fondé. 3. Les mesures et sanctions privatives de liberté B.31. Les parties requérantes attaquent plusieurs dispositions du décret du 15 février 2019 relatives aux mesures et sanctions privatives de liberté que le juge de jeunesse ou le tribunal de la jeunesse peuvent imposer, en particulier en ce qui concerne : a) le réexamen (la révision) d'une mesure ou sanction privative de liberté;b) l'encadrement en milieu fermé de longue durée;c) le dessaisissement;d) le placement dans une section du service psychiatrique pour adolescents. a) Le réexamen (la révision) d'une mesure ou sanction privative de liberté (troisième moyen et première branche du quatrième moyen) B.32.1. L'article 16, § 2, du décret attaqué prévoit la possibilité pour le juge de la jeunesse ou pour le tribunal de la jeunesse de « réexaminer » les mesures ou sanctions imposées, et dispose : « Le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse peut à tout moment, d'office ou à la demande du procureur du Roi, réexaminer les mesures ou sanctions imposées au suspect ou au délinquant mineurs, en les révoquant ou en les transformant en mesures ou sanctions moins sévères ou de moindre portée.

Le suspect mineur, ses parents ou les personnes responsables de son éducation peuvent, au moyen d'une requête motivée, demander le réexamen d'une mesure imposée. Ils peuvent faire la demande de prendre une mesure moins sévère ou de moindre portée après un délai de trois mois à compter du jour où la décision est devenue définitive. Le greffe transmet immédiatement une copie de la requête au ministère public. Le juge de la jeunesse entend le suspect mineur et ses parents ou les personnes responsables de son éducation, ainsi que le ministère public si ce dernier en fait la demande. Le requérant ne peut introduire une nouvelle demande ayant le même objet avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date de la dernière décision de rejet de sa demande.

Le délinquant mineur, ses parents ou les personnes responsables de son éducation peuvent, au moyen d'une requête motivée, demander le réexamen d'une sanction imposée. Ils peuvent faire la demande d'imposer une sanction moins sévère ou de moindre portée après un délai de six mois à compter du jour où la décision est devenue définitive. Si la requête est rejetée, elle ne peut être renouvelée avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date à laquelle la décision de rejet est devenue définitive. [...] Toute sanction visée à l'article 29, § 2 doit dans la mesure où aucune disposition particulière n'est prévue, être réexaminée afin d'être confirmée, révoquée ou modifiée avant l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date à laquelle la décision est définitive. Cette procédure est engagée par le ministère public conformément aux conditions de forme prévues à l'article 45, 2°, b) et c).

Tous les trois mois, le service compétent chargé du suivi de la sanction transmet un rapport d'évaluation au tribunal de la jeunesse.

Lors du réexamen le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse veille à ce que le caractère restaurateur de la mesure ou de la sanction soit maintenu. Lors du réexamen d'une sanction, le tribunal de la jeunesse doit en outre prendre en considération les intérêts de la victime avant de prendre une décision. Si nécessaire, elle peut faire procéder à une enquête sociale à cette fin.

La victime est informée de la décision de réexamen de la mesure ou de la sanction par le service désigné par le Gouvernement flamand ».

B.32.2. Cette disposition a été insérée à la suite de l'avis émis par la section de législation du Conseil d'Etat, qui avait constaté que l'avant-projet de décret ne prévoyait pas de possibilité de réexamen des mesures ou sanctions imposées, alors qu'il était prévu d'abroger l'article 60 de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, qui attribuait un tel pouvoir de réexamen au tribunal de la jeunesse. Le Conseil d'Etat avait observé : « Cette lacune doit être comblée. Cette mesure s'impose d'autant plus, en ce qui concerne le placement dans une section d'une institution communautaire en vue d'un encadrement en milieu fermé qui peut durer jusqu'à neuf mois, que le mineur doit, en vertu de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, avoir le droit de faire contrôler par un juge à intervalles réguliers la régularité de sa détention » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 259).

B.32.3. A la suite de cet avis, le législateur décrétal a inséré, dans l'article 16, § 2, par la voie d'un amendement, la possibilité pour le juge de la jeunesse ou le tribunal de la jeunesse de réexaminer la mesure ou sanction imposée : « Par l'insertion du nouveau paragraphe 2, il est prévu une possibilité générale de réexamen telle qu'elle est également contenue dans l'article 60 de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.

Le nouveau paragraphe permet au juge de la jeunesse ou au tribunal de la jeunesse de retirer ou de modifier à tout moment - d'office ou à la demande du ministère public - une mesure ou sanction imposée à un suspect ou délinquant mineur, et d'intervenir dans les limites de ce décret d'une manière moins sévère ou intrusive à l'égard du mineur.

Ce nouveau paragraphe permet également au suspect ou délinquant mineur de demander de sa propre initiative au juge de la jeunesse ou au tribunal de la jeunesse le réexamen d'une mesure ou sanction. La même possibilité est prévue pour les parents ou responsables de l'éducation du suspect ou délinquant mineur.

Dans le cadre du réexamen d'une mesure ou d'une sanction, il convient cependant de veiller à ce que le caractère réparateur/restaurateur de la mesure ou de la sanction reste maintenu. Le traitement réparateur/restaurateur et constructif d'un délit de mineur constitue en effet l'un des principes fondamentaux de ce décret. Il ne faut pas perdre de vue non plus l'intérêt de la victime. Dans le cadre du réexamen potentiel d'une sanction, les intérêts de la victime doivent être pris en compte avant qu'une décision puisse être prise.

Le tribunal de la jeunesse dispose dans ce cas de la possibilité de faire procéder à une enquête sociale et d'étudier l'impact sur la victime. Un service désigné par le Gouvernement flamand informe la victime de la décision prise de réexaminer la sanction.

L'insertion du nouveau paragraphe 2 traduit la réalité selon laquelle les facteurs sociaux et la vie des mineurs sont en plein développement et qu'il faut au moins prévoir la possibilité d'y répondre. Le tribunal de la jeunesse est informé tous les trois mois de l'évolution du mineur » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/2, pp. 11-12).

B.33.1. Par le troisième moyen, les parties requérantes visent le régime mentionné à l'article 16, § 2, alinéa 2, en ce qu'il porte sur le réexamen des mesures d'« orientation en milieu fermé » et d'« encadrement en milieu fermé » qui, en vertu de l'article 20, § 2, alinéa 1er, 4° et 5°, du décret attaqué, peuvent être imposées par le juge de la jeunesse au cours de la procédure préparatoire.

B.33.2. Dans les travaux préparatoires du décret attaqué, il est précisé que la procédure préparatoire et les mesures qui peuvent être imposées au cours de cette phase de la procédure tendent à ce que « soit prise à l'égard d'un suspect mineur au cours de la procédure - et dans l'attente d'une décision quant au fond - une mesure d'instruction ou une mesure de garde » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 21).

Les mesures d'« orientation en milieu fermé » et d'« encadrement en milieu fermé », mentionnées à l'article 20, § 2, alinéa 1er, 4° et 5°, impliquent que le suspect ou délinquant mineur est confié à une section d'une institution communautaire, organisée pour accueillir des personnes auxquelles une réaction est imposée en application du décret attaqué.

Au cours de l'« orientation en milieu fermé », qui dure au maximum un mois, un examen multidisciplinaire et une évaluation des risques sont primordiaux (articles 20, § 2, alinéa 1er, 4°, et 26, § § 1er et 4).

L'institution communautaire à laquelle le mineur est confié a pour mission d'émettre un avis sur la base de l'évaluation des risques concernant la nécessité d'un encadrement en milieu fermé et d'élaborer une proposition d'orientation quant au parcours le plus approprié pour le mineur (articles 2, 5°, et 26).

L'« encadrement en milieu fermé », que le juge de la jeunesse ne peut ordonner qu'après qu'une orientation en milieu fermé a eu lieu, porte sur un « parcours individualisé, résidentiel, médico-légal pour un délinquant mineur (présumé), qui tend activement à sa réinsertion dans la société » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 19). Au cours de la procédure préparatoire, cette mesure d'un « encadrement en milieu fermé » est en outre « liée à la nécessité d'un endroit fermé en raison de l'examen des faits en cours, à la nécessité d'un endroit fermé en vue de la protection de la société ou à la nécessité liée à la personne du suspect mineur » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 59). L'encadrement en milieu fermé dure au maximum trois mois (articles 20, § 2, alinéa 1er, 5°, et 27, § § 1er et 2), mais il peut être prolongé par le juge de la jeunesse, par décision spécialement motivée, en principe au plus tard jusqu'à ce que le délai maximum de la procédure préparatoire ait expiré (article 21, § 4).

B.34. Les parties requérantes font valoir que le régime de réexamen des mesures d'« orientation en milieu fermé » et d'« encadrement en milieu fermé », prévu par l'article 16, § 2, alinéa 2, attaqué, lu en combinaison avec l'article 20, § 2, alinéa 1er, 4° et 5°, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 5 et 6, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il instaure un « régime de détention préventive » qui porte atteinte à la présomption d'innocence du mineur et qui est discriminatoire en ce que, pendant cette « détention préventive », le mineur bénéficie d'une situation juridique moins favorable que la personne majeure qui est placée en détention préventive en application de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la détention préventive ».

B.35.1. Contrairement à ce que le Gouvernement flamand fait valoir, il ressort à suffisance de la requête que les parties requérantes critiquent l'absence d'un contrôle effectif de la légalité du maintien en détention, comme l'exige l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme. La seule circonstance qu'elles ont, dans leur requête, uniquement fait référence à l'article 5, paragraphe 1, c), de la même Convention n'implique pas que la précision qu'elles ont apportée dans leur mémoire en réponse en ce qui concerne l'article 5, paragraphe 4, de cette Convention, doive être considérée comme un moyen nouveau pris dans ce mémoire.

B.35.2. Dans l'exposé du moyen, elles ne disent cependant pas en quoi les dispositions attaquées porteraient atteinte à la présomption d'innocence, telle qu'elle est garantie par l'article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme.

Dans cette mesure, le moyen n'est pas recevable.

B.36.1. Entre une « orientation en milieu fermé » ou un « encadrement en milieu fermé » au sens de l'article 20, § 2, alinéa 1er, 4° et 5°, du décret attaqué et une détention préventive au sens de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la détention préventive », il existe une différence fondamentale, en ce que les premières mesures s'inscrivent dans le cadre de l'administration de la justice à l'égard des mineurs, alors que la seconde s'inscrit dans le cadre de l'administration de la justice à l'égard des personnes majeures. En raison de la nature spécifique des questions que la justice des mineurs est amenée à traiter, l'administration de celle-ci doit nécessairement se distinguer du système d'administration de la justice pénale applicable aux adultes (voy. CEDH, 2 mars 2010, Adamkiewicz c. Pologne, § 106).

La prise en compte de la spécificité de l'administration de la justice à l'égard des mineurs ne saurait toutefois aboutir à priver ces derniers, sur la base du seul critère de l'âge, de garanties fondamentales reconnues par la Constitution et par les conventions internationales liant la Belgique en cas d'atteinte à la liberté individuelle.

B.36.2. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

La Cour doit donc examiner si le régime de réexamen des mesures d'« orientation en milieu fermé » et d'« encadrement en milieu fermé » est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, invoqué au moyen.

B.37. L'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : [...] c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci; [...] 4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. [...] ».

B.38.1. Eu égard à l'importance fondamentale de l'habeas corpus, toutes les limitations de la liberté individuelle doivent être interprétées de manière restrictive et leur constitutionnalité doit être examinée avec la plus grande circonspection.

B.38.2. En vertu de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne qui est privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin que ce dernier statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illicite.

Selon la nature de la privation de liberté concernée, un contrôle judiciaire de la légalité du maintien en détention doit en outre avoir lieu « à intervalles réguliers ». Les motifs qui justifiaient la détention au départ peuvent en effet avoir cessé d'exister (CEDH, 24 octobre 1979, Winterwerp c. Pays-Bas, § 55; 19 mai 2016, D.L. c.

Bulgarie, § 87).

La Cour européenne des droits de l'homme a déjà jugé qu'un mineur privé de sa liberté a droit à une voie de recours (CEDH, 29 février 1988, Bouamar c. Belgique, § § 60-64; D.L. c. Bulgarie, précité, § 87). Dans la mesure où la privation de liberté dépend du comportement du mineur concerné, lequel peut évoluer durant la privation de liberté, un contrôle judiciaire périodique de la régularité de la détention s'impose. Cet examen doit se faire à intervalles réguliers et ce tant de manière automatique qu'à la demande de l'intéressé (CEDH, Bouamar c. Belgique, précité, § § 60-64; D.L. c. Bulgarie, précité, § 89).

B.38.3. Afin d'examiner le caractère raisonnable des intervalles, dans l'analyse du respect de l'exigence de « bref délai » visée à l'article 5, paragraphe 4, précité, il convient de tenir compte des différentes dispositions et des délais de procédure prévus par le droit interne (CEDH, 21 avril 2009, Raducu c. Roumanie, § 82).

B.39.1.1. En vertu du décret attaqué, le placement d'un suspect mineur dans une institution communautaire commence toujours par une « orientation en milieu fermé » d'un mois au maximum, axée principalement sur un examen multidisciplinaire et une évaluation des risques (article 26, § 4, alinéa 1er). Le juge de la jeunesse ne peut ordonner une orientation en milieu fermé que s'il est satisfait cumulativement aux conditions mentionnées à l'article 26, § § 2 ou 3, du décret attaqué et si ces conditions sont décrites de manière détaillée dans son ordonnance.

Au plus tard le dixième jour civil après le début de l'orientation en milieu fermé, sur la base d'une évaluation des risques, un avis est donné au juge de la jeunesse sur la nécessité d'un encadrement en milieu fermé (article 26, § 4, alinéa 2). Ainsi, dix jours après l'ordonnance initiale du juge de la jeunesse, « une première évaluation a lieu », dans le cadre de laquelle « le juge de la jeunesse statue sur le retrait, la modification ou le maintien de l'orientation en milieu fermé » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 56).

Si l'avis précise qu'un encadrement en milieu fermé n'est pas nécessaire, le mineur et son avocat doivent être entendus dans les quarante-huit heures de la réception de l'avis. Le cas échéant, le juge de la jeunesse peut imposer une autre mesure, « de moindre portée » (article 26, § 4, alinéa 3).

Lorsque l'avis suggère un encadrement en milieu fermé et que le juge de la jeunesse suit cet avis, le mineur et son avocat peuvent être entendus dans les quarante-huit heures suivant la réception de l'avis (article 26, § 4, alinéa 4).

Dans les deux hypothèses, les parents ou, le cas échéant, les responsables de l'éducation sont convoqués, afin d'être entendus, et le ministère public est entendu s'il le souhaite.

B.39.1.2. Pendant le reste de la période d'orientation en milieu fermé, une proposition d'orientation est élaborée. Si celle-ci suggère un encadrement en milieu fermé, elle doit également comprendre une proposition concernant la durée de l'encadrement en milieu fermé dans une institution communautaire. En vertu de l'article 27, § 2, alinéa 1er, le juge de la jeunesse ne peut décider d'imposer un encadrement en milieu fermé qu'après avoir reçu la proposition d'orientation visée à l'article 26, § 4, alinéa 4. Cette disposition doit donc être interprétée en ce sens qu'un encadrement en milieu fermé ne peut être imposé par le juge de la jeunesse que si cette mesure est conseillée dans la proposition d'orientation.

B.39.2. Dans son ordonnance, le juge de la jeunesse fixe la durée de l'encadrement en milieu fermé, qui, conformément à l'article 16, § 1er, doit être motivée et qui peut être de maximum trois mois (article 27, § § 1er et 2, alinéa 1er). Conformément à l'article 15, § § 1er et 3, le suspect mineur doit être entendu par le juge de la jeunesse avant que cette mesure puisse être imposée et ses parents ou les responsables de son éducation peuvent être entendus. La durée de la mesure peut être prolongée par une décision spécialement motivée, après que le suspect mineur, ses parents ou les responsables de son éducation ont été convoqués, jusqu'à ce que le délai maximum de la procédure préparatoire ait expiré (article 21, § 4, tel qu'il a été modifié par l'article 2 du décret du 17 juillet 2020 « modifiant le décret du 15 février 2019 sur le droit en matière de délinquance juvénile, en ce qui concerne la procédure préparatoire »).

La durée de la procédure préparatoire est en principe limitée à neuf mois à partir de la demande du ministère public (article 21, § 1er, alinéa 1er, et § 4, modifié par l'article 2 du décret du 17 juillet 2020). La procédure préparatoire peut toutefois être prolongée, aux conditions fixées à l'article 21, § 2, par décision spécialement motivée du juge de la jeunesse, par périodes de maximum trois mois jusqu'à maximum deux ans (article 21, § 2, tel qu'il a été modifié par l'article 2 du décret du 17 juillet 2020).

Dans ce délai maximum de deux ans, l'encadrement en milieu fermé peut être prolongé par périodes de maximum trois mois (article 21, § 4, tel qu'il a été modifié par l'article 2 du décret du 17 juillet 2020).

Passé ce délai de deux ans, la procédure préparatoire peut ensuite être prolongée très exceptionnellement, au maximum de mois en mois, tant que les mêmes conditions restent remplies et si le juge de la jeunesse considère une telle prolongation comme absolument nécessaire et en justifie spécifiquement les motifs dans sa décision, après avoir convoqué le suspect mineur, ses parents ou les personnes responsables de son éducation (article 21, § 3). Dans ce cas, la mesure d'un encadrement en milieu fermé peut être prolongée au maximum de mois en mois (article 21, § 4, tel qu'il a été modifié par l'article 2 du décret du 17 juillet 2020).

Enfin, lorsque la durée de la procédure préparatoire a expiré et que le suspect mineur a été cité à comparaître devant le tribunal de la jeunesse, ce dernier peut, par jugement spécialement motivé, prolonger la mesure d'une orientation en milieu fermé par un délai de chaque fois un mois au maximum et au plus tard jusqu'au jour où la décision au fond est prise. Cette dernière prolongation n'est possible que si des circonstances graves et exceptionnelles l'exigent en matière de sécurité publique et qu'après que le suspect mineur, ses parents ou les personnes responsables de son éducation ont été convoqués (article 21, § 6, tel qu'il a été inséré par l'article 2 du décret du 17 juillet 2020).

B.39.3. Il ressort de ce qui précède que le suspect mineur, ses parents ou les personnes responsables de son éducation sont toujours convoqués avant que soient prises la décision d'imposer les mesures d'encadrement en milieu fermé, la décision de prolonger la durée de la procédure préparatoire et la décision de prolonger la mesure d'encadrement en milieu fermé, et que ces décisions doivent être spécialement motivées.

B.39.4.1. En vertu de l'article 52quater de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, tel qu'il a été modifié par l'article 66 du décret attaqué, un recours à former dans les quarante-huit heures était ouvert contre la décision du juge de la jeunesse imposant la mesure d'une orientation en milieu fermé ou d'un encadrement en milieu fermé. Ce recours pouvait être formé par une déclaration au directeur de l'institution ou à la personne désignée à cet effet par le directeur. La chambre de la jeunesse de la cour d'appel traitait l'affaire et statuait dans les quinze jours ouvrables à compter de l'acte d'appel. Passé ce délai, la mesure cessait d'être d'application.

L'article 52quater ainsi modifié, en ce qu'il renvoyait à l'article 20, § 2, alinéa 1er, 4° et 5°, du décret attaqué, ne prévoyait un délai et une procédure d'appel particuliers qu'en ce qui concerne les décisions d'imposer les mesures d'orientation en milieu fermé et d'encadrement en milieu fermé. A la différence de l'ancienne version, la nouvelle version de l'article 52quater ne prévoyait pas ces délai et procédure d'appel particuliers en ce qui concerne la décision de prolonger la mesure d'encadrement en milieu fermé.

L'article 52quater de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer a été rétabli dans son ancienne version, légèrement modifiée, par l'article 6 du décret du 24 septembre 2019 « modifiant la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d'infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait et le décret du 15 février 2019 sur le droit en matière de délinquance juvénile, en ce qui concerne les dispositions transitoires ». L'article 52quater de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer renvoie donc à nouveau aux mesures de garde mentionnées dans la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, et non plus à la décision d'imposer les mesures d'orientation en milieu fermé ou d'encadrement en milieu fermé. Cette modification visait à tenir compte de l'entrée en vigueur par phases des dispositions du décret attaqué en ce qui concerne l'orientation en milieu fermé et l'encadrement en milieu fermé dans une institution communautaire (article 89, alinéa 2, du décret attaqué) et à maintenir ainsi un délai de recours spécifique pour les mesures de garde actuellement en vigueur.

Il découle toutefois de ce qui précède qu'il n'est plus prévu de délai de recours particulier ni de procédure particulière de recours qui seront applicables pour les décisions relatives à l'orientation en milieu fermé et à l'encadrement en milieu fermé, dès que le décret sera entré en vigueur en ce qui concerne ces mesures.

B.39.4.2. Il appartient au législateur décrétal d'organiser, par analogie avec ce que prévoit l'article 52quater de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, un délai et une procédure de recours particuliers pour les décisions imposant les mesures d'orientation en milieu fermé et les mesures d'encadrement en milieu fermé, ainsi que pour les décisions visant à prolonger les mesures d'encadrement en milieu fermé.

Dans l'attente de cette intervention du législateur décrétal, les garanties juridiques contenues dans l'article 52quater précité devront être appliquées, par analogie, en ce qui concerne les décisions précitées, dès que les mesures d'orientation en milieu fermé ou d'encadrement en milieu fermé seront entrées en vigueur.

B.39.5. Sous réserve de ce qui est dit en B.39.4.2, la procédure précitée implique, en ce qui concerne les décisions d'imposer les mesures d'une orientation en milieu fermé et d'un encadrement en milieu fermé, que le juge de la jeunesse et, le cas échéant, la chambre de la jeunesse de la cour d'appel doivent se prononcer à plusieurs reprises et dans les délais légaux sur la nécessité de ces mesures et de leur prolongation, qu'ils doivent tenir compte des rapports et avis documentés de l'institution où le mineur séjourne, et que le mineur et ses parents ou les personnes responsables de son éducation doivent être entendus à différents intervalles.

B.39.6. Outre ces garanties, le législateur décrétal a prévu, à l'article 16 attaqué, la possibilité de réexaminer la mesure imposée.

Le juge de la jeunesse peut donc à tout moment, d'office ou à la demande du ministère public, réexaminer la mesure imposée en la rapportant ou en prévoyant une mesure moins sévère ou de moindre portée (article 16, § 2, alinéa 1er). En ce qui concerne spécifiquement la mesure de l'« encadrement en milieu fermé », il est prévu que le juge de la jeunesse peut lever la mesure, d'office ou à la demande du ministère public, avant l'échéance, s'il apparaît qu'un encadrement en milieu fermé n'est plus approprié pour le suspect mineur (article 20, § 2, alinéa 3).

Ensuite, le suspect mineur, ses parents ou les responsables de son éducation peuvent, par requête motivée, demander le réexamen d'une mesure imposée (article 16, § 2, alinéa 2). Cette requête peut être introduite après un délai de trois mois à compter du jour où la décision est devenue définitive, puis tous les trois mois à compter de la date de la dernière décision rejetant la requête. Avant de prendre une décision quant à la demande de réexamen, le juge de la jeunesse doit entendre le suspect mineur et ses parents ou les responsables de son éducation, de même que le ministère public si celui-ci en fait la demande.

B.39.7. Compte tenu de cet ensemble de dispositions procédurales et de délais contraignants qui s'appliquent lorsqu'est imposée une mesure d'« orientation en milieu fermé » et lorsqu'est imposée et prolongée une mesure d'« encadrement en milieu fermé » et sous réserve de ce qui est dit en B.39.4.2, il ne peut être conclu que l'article 16, § 2, alinéa 2, attaqué, qui prévoit un délai d'attente de trois mois avant qu'une demande de réexamen puisse être introduite, serait déraisonnable au regard de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.40. Sous réserve de ce qui est dit en B.39.4.2, le moyen n'est pas fondé.

B.41. Les parties requérantes critiquent également l'article 16, § 2, alinéa 3, du décret attaqué en ce qu'il prévoit un délai d'attente de six mois avant qu'une demande de réexamen des sanctions privatives de liberté qui sont prononcées par le tribunal de la jeunesse au cours de la procédure au fond puisse être introduite (première branche du quatrième moyen).

B.42. Les parties requérantes font valoir que cette disposition porte atteinte aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 3, paragraphe 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce qu'elle ne prévoit pas un droit d'accès au juge dans un bref délai dans l'hypothèse où la privation de liberté serait devenue irrégulière.

B.43. Comme il est dit en B.38.3, il convient, lors de l'examen du caractère raisonnable des intervalles, qui garantit le respect de l'exigence de « bref délai » visée à l'article 5, paragraphe 4, précité, de tenir compte des différentes dispositions et délais de procédure prévus par le droit interne (CEDH, 21 avril 2009, Raducu c.

Roumanie, § 82).

B.44.1. Les sanctions privatives de liberté qui peuvent être imposées à un délinquant mineur au cours de la procédure au fond en vertu de l'article 29, § 2, alinéa 1er, du décret attaqué sont une orientation en milieu fermé de maximum un mois (6°), un encadrement en milieu fermé de maximum trois, six ou neuf mois (7°) et un encadrement en milieu fermé de maximum deux, cinq ou sept ans (8°).

Le décret du 19 juin 2020 « contenant des mesures en cas d'urgence civile en matière de santé publique dans le cadre du décret du 15 février 2019 sur le droit en matière de délinquance juvénile et modifiant le décret du 15 février 2019 sur le droit en matière de délinquance juvénile », a ajouté à cette liste le fait de « confier le suspect mineur à un service pédopsychiatrique médicolégal d'un hôpital psychiatrique et, si ceci s'avère nécessaire, après une expertise psychiatrique ». Cette disposition ne fait toutefois pas l'objet du recours présentement examiné.

B.44.2. Les sanctions d'« orientation en milieu fermé de maximum un mois » et d'« encadrement en milieu fermé de maximum trois, six ou neuf mois » peuvent être imposées au délinquant mineur au cours de la procédure au fond par le tribunal de la jeunesse, en application des dispositions procédurales mentionnées en B.39 en ce qui concerne l'imposition d'une orientation en milieu fermé et d'un encadrement en milieu fermé au cours de la procédure préparatoire (articles 35 et 36). Le placement d'un délinquant mineur dans une institution communautaire doit donc commencer par une « orientation en milieu fermé » de maximum un mois, un avis doit être formulé quant à la nécessité d'un encadrement en milieu fermé et une proposition d'orientation doit être élaborée, contenant, le cas échéant, une proposition quant à la durée de l'encadrement en milieu fermé. Le tribunal de la jeunesse ne peut ordonner un encadrement en milieu fermé qu'après avoir reçu la proposition d'orientation. Si le délinquant mineur s'est déjà vu imposer au cours de la procédure préparatoire une mesure d'orientation en milieu fermé, suivie ou non d'une mesure d'encadrement en milieu fermé, des éléments du rapport d'orientation délivré peuvent être pris en considération pour déterminer la durée de l'encadrement en milieu fermé (article 36, alinéa 4).

La sanction d'un « encadrement en milieu fermé de maximum deux, cinq ou sept ans » est axée sur l'encadrement et la réinsertion du mineur (article 37, § 3). Cette sanction ne peut être imposée que moyennant le respect des conditions mentionnées à l'article 37, § § 2 et 3, et en principe uniquement après que le tribunal de la jeunesse a fait procéder à des examens sociaux et médico-psychologiques par une équipe multidisciplinaire. L'examen médico-psychologique vise à évaluer la situation en fonction de la personnalité, de l'environnement et du degré de maturité du délinquant mineur.

B.44.3. Dans son jugement, le tribunal de la jeunesse doit fixer la « durée maximale » des sanctions précitées (article 29, § 3, alinéa 2).

Pour l'encadrement en milieu fermé de maximum deux, cinq ou sept ans, cette durée maximale ne peut excéder la peine qui s'appliquerait si le fait avait été commis par une personne majeure. Toute mesure d'orientation en milieu fermé et d'encadrement en milieu fermé que le mineur aurait subie par suite du délit de mineur en question est imputée à la durée de cette sanction, qui ne peut excéder le jour où le délinquant mineur atteint l'âge de vingt-cinq ans (article 37, § 1er, alinéa 1er, et § 3, alinéa 1er).

Il découle de l'utilisation des mots « durée maximale » que les sanctions imposées ne peuvent être prolongées, mais qu'elles peuvent par contre toujours être levées avant que la durée maximale soit atteinte (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, pp. 60 et 64). Le tribunal de la jeunesse peut ainsi à tout moment, d'office ou à la demande du ministère public, réexaminer la sanction imposée au délinquant mineur, en la retirant ou en la remplaçant par une sanction moins sévère ou de moindre portée (article 16, § 2, alinéa 1er). A cet égard, l'institution communautaire envoie tous les trois mois un rapport d'évaluation au tribunal de la jeunesse (article 16, § 2, alinéa 6, et Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 61). Pour le surplus, les sanctions doivent être révisées avant l'expiration d'un délai d'un an à compter du jour où la décision est devenue définitive, afin d'être confirmées, retirées ou modifiées (article 16, § 2, alinéa 1er).

Pour l'encadrement en milieu fermé de maximum deux, cinq ou sept ans, il est en outre prévu que les délinquants mineurs comparaissent en personne tous les six mois, et dès de l'âge de dix-huit ans chaque année, devant le tribunal de la jeunesse, en vue de l'évaluation de la sanction imposée et, le cas échéant, de l'élaboration d'un parcours de suivi (article 37, § 5). Cette évaluation a pour but de « vérifier si le parcours élaboré est toujours ' sur mesure ' pour l'intéressé et si la ' nécessité d'un encadrement en milieu fermé ' est toujours présente. Lorsqu'un encadrement en milieu fermé n'est plus jugé nécessaire, la sanction peut être levée, soit d'office par le tribunal, soit à la demande du ministère public, avant que la durée imposée soit atteinte » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 65).

B.44.4. Les dispositions procédurales précitées relatives aux sanctions d'orientation en milieu fermé et d'encadrement en milieu fermé impliquent dès lors que le tribunal de la jeunesse peut à tout moment et doit régulièrement se prononcer sur la nécessité de cette privation de liberté, sur la base de rapports d'évaluation qu'il reçoit régulièrement de l'institution où le mineur séjourne, et que le mineur doit comparaître en personne devant le tribunal de la jeunesse, à intervalles réguliers.

Outre ces garanties, le législateur décrétal a prévu, pour le suspect mineur, ses parents ou les personnes responsables de son éducation, la possibilité de demander, par requête motivée, le réexamen d'une sanction imposée (article 16, § 2, alinéa 3). Cette demande peut être introduite après un délai de six mois à compter du jour où la décision est devenue définitive, puis chaque fois après un délai de six mois à compter de la date de la dernière décision rejetant la demande.

B.44.5. Compte tenu de cet ensemble de dispositions procédurales et de délais qui s'appliquent en ce qui concerne les sanctions d'« orientation en milieu fermé » et d'« encadrement en milieu fermé », il ne peut être conclu que le délai d'attente de six mois avant l'introduction d'une demande de réexamen, prévu par l'article 16, § 2, alinéa 3, attaqué, serait déraisonnable au regard de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.45. Le moyen n'est pas fondé. b) L'encadrement en milieu fermé de longue durée (cinquième, huitième, neuvième et onzième moyens) B.46. En vertu de l'article 37, § 1er, du décret attaqué, le tribunal de la jeunesse peut confier un délinquant mineur à une section d'une institution communautaire en vue d'un encadrement en milieu fermé de maximum deux, cinq ou sept ans (un « encadrement en milieu fermé de longue durée »).

B.47. Dans leur cinquième moyen, les parties requérantes critiquent la compétence permettant au tribunal de la jeunesse d'imposer un encadrement en milieu fermé de plus de cinq ans. La disposition attaquée porterait ainsi atteinte au droit d'accès au juge compétent, tel qu'il est garanti par les articles 13, 33 et 150 de la Constitution, en ce que cette sanction constitue, selon le droit pénal commun, une peine criminelle qui, en vertu de l'article 150 de la Constitution, ne peut être infligée que par un jury.

B.48.1. En vertu de l'article 150 de la Constitution, la cour d'assises est compétente « en toutes matières criminelles ». Dès lors que cette disposition constitutionnelle ne définit pas la notion de « matières criminelles », le législateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer les compétences de la cour d'assises. A cet égard, il peut notamment tenir compte de la nature des faits commis, de la peine prévue par la loi et de la gravité et des conséquences de l'infraction pour la victime et pour la société.

Cette marge d'appréciation connaît cependant des limites, étant donné que l'article 150 de la Constitution impose au législateur de réserver au moins au jury les crimes les plus graves (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 266).

B.48.2. L'article 216novies du Code d'instruction criminelle dispose : « La cour d'assises connaît des crimes, à l'exception des cas où il est fait application de l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/10/1867 pub. 11/12/2009 numac 2009000816 source service public federal interieur Loi sur les circonstances atténuantes fermer sur les circonstances atténuantes ».

L'article 1er du Code pénal dispose : « L'infraction que les lois punissent d'une peine criminelle est un crime. [...] ».

La qualification d'une infraction comme crime dépend de la peine prévue par la loi. Une infraction n'est qualifiée de crime que si elle est punie d'une peine criminelle.

B.49. L'encadrement en milieu fermé dans une institution communautaire de maximum deux, cinq ou sept ans est une « réponse sociale à un délit de mineur » (article 2, 19°), qui est « axée sur l'encadrement et la réinsertion » du délinquant mineur (article 37, § 3, du décret attaqué). Il s'agit d'un « parcours individualisé, résidentiel, médico-légal pour un délinquant mineur [...] qui tend activement à sa réinsertion dans la société » et dans le cadre duquel « il faut miser pleinement sur l'aspect constructif et réparateur/restaurateur du travail avec le délinquant mineur et ses parents, ainsi qu'avec les responsables de son éducation et sur le soutien et l'encouragement du délinquant mineur et de ses parents/responsables d'éducation à assumer activement leur responsabilité. Il est essentiel de se concentrer sur les possibilités et talents de l'intéressé et de lui donner l'occasion de participer » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 19). Cette réaction n'est pas une « peine criminelle » et ne saurait dès lors relever du champ d'application de l'article 150 de la Constitution, qui concerne les matières criminelles.

B.50. Le moyen n'est pas fondé.

B.51. Les huitième et neuvième moyens sont dirigés contre l'article 37 du décret attaqué, en ce qu'il permet d'imposer un encadrement en milieu fermé de longue durée à des mineurs âgés de douze à seize ans.

B.52. En vertu de l'article 37, § 1er, alinéa 1er, et § 2, du décret attaqué, le tribunal de la jeunesse ne peut prononcer la sanction d'un encadrement en milieu fermé de maximum deux, cinq ou sept ans que s'il est satisfait cumulativement aux conditions suivantes : « 1° le délinquant mineur est au moins âgé de seize ans au moment du délit de mineur; 2° il y a présomption de la capacité à commettre une faute.Il s'agit d'une présomption réfragable, compte tenu de la personnalité et de la maturité du mineur précité et de son contexte social; 3° toute autre sanction est inadaptée ou a échoué;4° le délit de mineur commis par ledit mineur est un fait tel que visé aux articles 136bis, 136ter, 136quater, 136sexies, 137, 140, 141, 373, 375, 376, 379, 393, 394, 395, 396, 397, 400, 401, 417ter, 417quater, 428, § 5, 468, 469, 470, 471, 472, 473, 474 et 475 du Code pénal dans la mesure où il est passible de plus de cinq ans de réclusion;5° l'intégrité physique et psychique du mineur précité ou de tiers est en danger;6° un encadrement en milieu fermé est nécessaire ». En vertu de l'article 37, § 1er, alinéa 2, du décret attaqué, cette sanction « ne peut être prononcée à l'égard de personnes âgées de moins de seize ans au moment du délit de mineur que dans des circonstances exceptionnelles ». L'article 37, § 4, du même décret dispose, à cet égard : « Par dérogation au § 2, 1°, le tribunal de la jeunesse peut ordonner la sanction visée au § 1er à l'égard de délinquants mineurs qui n'ont pas encore atteint l'âge de seize ans au moment du délit de mineur.

Si les conditions cumulatives mentionnées au § 2, 2°, 3°, 5° et 6° sont remplies et que le délit de mineur est commis par un mineur qui, au moment des faits, est âgé d'au moins douze ans et n'a pas encore atteint l'âge de quatorze ans, la sanction, visée au § 1er, ne peut être imposée que si le délit de mineur commis, s'il avait été commis par un majeur au sens du Code pénal ou des lois spéciales, [était] passible d'une peine correctionnelle d'emprisonnement à titre principal de cinq à dix ans ou d'une peine plus lourde. La durée maximale de la sanction est de deux ans. Le délinquant mineur est placé dans la capacité réservée, visée à l'article 40, § 3, alinéa 1er.

Si les conditions cumulatives mentionnées au § 2, 2°, 3°, 5° et 6° sont remplies et que le délit de mineur est commis par un mineur qui, au moment des faits, est âgé d'au moins quatorze ans et n'a pas encore atteint l'âge de seize ans, la durée de la sanction ne peut dépasser cinq ans ».

B.53. Dans le huitième moyen, les parties requérantes font valoir que l'article 37 du décret attaqué porte atteinte au principe de légalité en matière pénale, garanti par les articles 12 et 14 de la Constitution, en ce que la sanction de l'encadrement en milieu fermé de longue durée pour les mineurs âgés de douze à seize ans serait insuffisamment prévisible pour les intéressés. Plus particulièrement, il serait laissé au tribunal de la jeunesse un trop grand pouvoir d'appréciation pour déterminer les « circonstances exceptionnelles », de même que pour interpréter les notions de « [sanctions] inadaptées », d'« [intégrité physique et psychique] en danger » et d'« [encadrement en milieu fermé] nécessaire ».

B.54.1. L'article 12, alinéa 2, de la Constitution dispose : « Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit ».

L'article 14 de la Constitution dispose : « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi ».

B.54.2. En attribuant au pouvoir législatif la compétence pour déterminer dans quels cas des poursuites pénales sont possibles, l'article 12, alinéa 2, de la Constitution garantit à tout justiciable qu'aucun comportement ne sera punissable qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

En outre, le principe de légalité en matière pénale qui découle de la disposition constitutionnelle précitée procède de l'idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable. Il exige que le législateur indique, en des termes suffisamment précis, clairs et offrant la sécurité juridique, quels faits sont sanctionnés, afin, d'une part, que celui qui adopte un comportement puisse évaluer préalablement, de manière satisfaisante, quelle sera la conséquence pénale de ce comportement et afin, d'autre part, que ne soit pas laissé au juge un trop grand pouvoir d'appréciation.

Toutefois, le principe de légalité en matière pénale n'empêche pas que la loi attribue un pouvoir d'appréciation au juge. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des lois, de la diversité des situations auxquelles elles s'appliquent et de l'évolution des comportements qu'elles répriment.

La condition qu'une infraction doit être clairement définie par la loi se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l'aide de son interprétation par les juridictions, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.

Ce n'est qu'en examinant une disposition pénale spécifique qu'il est possible de déterminer, en tenant compte des éléments propres aux infractions qu'elle entend réprimer, si les termes généraux utilisés par le législateur sont à ce point vagues qu'ils méconnaîtraient le principe de légalité en matière pénale.

B.54.3. Ce qui précède vaut aussi pour le législateur décrétal lorsque, en application de l'article 11 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, il érige en infraction les manquements à des dispositions décrétales et il établit les peines punissant ces manquements.

B.55.1. L'encadrement en milieu fermé de longue durée ne peut en principe être imposé qu'à un délinquant mineur qui a seize ans au moins au moment où il commet le délit de mineur. Par dérogation à cette condition, conformément à l'article 37, § 1er, alinéa 2, du décret attaqué, cette sanction peut être prononcée « dans des circonstances exceptionnelles » à l'égard de personnes qui étaient âgées de moins de seize ans au moment des faits, auquel cas cette sanction est limitée à un maximum de deux ans ou de cinq ans, en fonction de l'âge du mineur.

Le décret attaqué ne précise pas ce que sont ces « circonstances exceptionnelles ». Au cours des travaux préparatoires, cette condition a fait l'objet du commentaire suivant : « En principe, cette sanction de longue durée ne peut être imposée qu'à délinquant mineur qui est âgé d'au moins seize ans et qui satisfait cumulativement aux conditions énumérées ci-dessus.

Toutefois, lorsque des mineurs commettent des délits alors qu'ils n'ont pas encore atteint l'âge de seize ans, mais qu'il s'agit de faits à ce point graves, cette sanction peut également être imposée, avec cependant une durée maximale moins longue » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 65).

B.55.2. Comme le Gouvernement flamand l'a également confirmé, il ressort de ces travaux préparatoires que le législateur décrétal avait l'intention que les « circonstances exceptionnelles » justifiant la dérogation à l'exigence d'âge de principe de seize ans pour imposer un encadrement en milieu fermé de longue durée portent sur la gravité des faits commis.

Cette intention ne correspond toutefois pas aux conditions prévues à l'article 37 attaqué pour imposer l'encadrement en milieu fermé de longue durée aux mineurs, selon qu'ils avaient ou non atteint l'âge de seize ans au moment où ils ont commis le délit de mineur.

Pour le mineur qui était âgé de seize ans ou plus au moment où il a commis le délit de mineur, un encadrement en milieu fermé de longue durée ne peut être imposé que pour une liste limitative de délits mentionnés dans le Code pénal « dans la mesure où ils sont passibles de plus de cinq ans de réclusion » (article 37, § 2, 4°). Pour le mineur qui n'avait pas encore atteint l'âge de seize ans au moment où il a commis le délit, la sanction privative de liberté n'est pas limitée à une liste restrictive de délits. En revanche, pour le mineur qui était âgé d'au moins douze ans, mais de moins de quatorze ans au moment où il a commis les faits, la seule restriction, en ce qui concerne la gravité des faits concernés, est que le délit commis, s'il avait été commis par une personne majeure « au sens du Code pénal ou des lois spéciales, [soit] passible d'une peine correctionnelle d'emprisonnement à titre principal de cinq à dix ans ou d'une peine plus lourde » (article 37, § 4, alinéa 2). Pour le mineur qui était âgé d'au moins quatorze ans, mais qui n'avait pas encore atteint l'âge de seize ans au moment des faits, l'article 37, § 4, alinéa 3, ne prévoit même aucune exigence ni en ce qui concerne la gravité des faits concernés, ni en ce qui concerne la qualification pénale des faits commis, ni en ce qui concerne la mesure de la peine.

Les conditions prévues pour imposer un encadrement en milieu fermé de longue durée sont donc moins strictes à l'égard des mineurs qui étaient âgés de moins de seize ans au moment où ils ont commis le délit de mineur qu'à l'égard des mineurs qui étaient âgés d'au moins seize ans au moment où ils ont commis le délit de mineur, ce qui est en contradiction avec l'intention du législateur décrétal, telle qu'elle est exprimée à l'article 37, § 1er, alinéa 2, selon laquelle la sanction ne peut être prononcée que « dans des circonstances exceptionnelles » à l'égard de personnes qui étaient âgées de moins de seize ans au moment où elles ont commis le délit de mineur.

B.55.3. Cette incohérence entre, d'une part, la condition générale de l'existence de « circonstances exceptionnelles » mentionnée à l'article 37, § 1er, alinéa 2, et, d'autre part, les conditions spécifiques contenues dans l'article 37, § 4, constitue une source d'insécurité juridique pour les mineurs qui n'avaient pas atteint l'âge de seize ans au moment des faits. Ils ne sont pas en mesure de prévoir suffisamment s'ils adoptent un comportement susceptible de donner lieu à un encadrement en milieu fermé de maximum deux ou cinq ans.

En ce qu'il est donc laissé au tribunal de la jeunesse le soin d'établir l'existence de « circonstances exceptionnelles », sans que soient précisées en des termes suffisamment précis ces circonstances dans les conditions fixées pour imposer cette sanction, la disposition attaquée entraîne un risque d'arbitraire, de sorte qu'il est porté atteinte au principe de prévisibilité, tel qu'il découle du principe de légalité.

B.56. Il ressort de ce qui précède que l'article 37 du décret attaqué, en ce qu'il permet au tribunal de la jeunesse d'imposer un encadrement en milieu fermé de maximum deux ou cinq ans à un mineur qui était âgé de moins de seize ans au moment où il a commis le délit de mineur, viole les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution. Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Par conséquent, il y a lieu d'annuler l'article 37, § 1er, alinéa 2, et § 4, du décret attaqué.

B.57. Dans le neuvième moyen, les parties requérantes critiquent la « présomption de la capacité à commettre une faute », visée à l'article 37, § 2, 2°, du décret attaqué, en ce que cette présomption, en vertu de l'article 37, § 4, s'applique à l'égard des mineurs qui ont au moins douze ans et qui n'ont pas encore atteint l'âge de seize ans.

B.58. Eu égard à l'annulation de l'article 37, § 1er, alinéa 2, et § 4, du décret attaqué, le grief relatif à la référence à la « présomption de la capacité à commettre une faute » contenue dans l'article 37, § 2, 2°, à l'égard des délinquants mineurs qui ont au moins douze ans et qui n'ont pas encore atteint l'âge de seize ans est sans objet. Ce moyen ne doit donc pas être examiné.

B.59.1. Le onzième moyen est dirigé contre l'article 37, § 6, du décret attaqué. En vertu de cette disposition, le tribunal de la jeunesse ne peut en principe imposer un encadrement en milieu fermé de longue durée qu'« après avoir fait procéder à [un examen] social et médico-psychologique par une équipe multidisciplinaire ». Le tribunal de la jeunesse ne peut toutefois imposer cette sanction sans disposer du rapport de l'examen médico-psychologique « lorsqu'il constate que le délinquant mineur se dérobe à cet examen ou refuse de s'y soumettre » (article 37, § 6, alinéa 2, 1°).

B.59.2. Les parties requérantes font valoir que cette exception à l'obligation, pour le tribunal de la jeunesse, de disposer du rapport d'un examen médico-psychologique porte atteinte aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que l'usage du droit de garder le silence et de ne pas collaborer à la procédure pénale serait puni d'une peine privative de liberté.

B.60. Contrairement à ce que les parties requérantes soutiennent, l'article 37, § 6, alinéa 2, 1°, attaqué n'implique nullement que le refus du délinquant mineur de se soumettre à un examen médico-psychologique serait puni d'un encadrement en milieu fermé.

Cette disposition prévoit simplement que le tribunal de la jeunesse, malgré l'obligation de principe qui lui incombe de faire procéder à un examen médico-psychologique, peut imposer un encadrement en milieu fermé sans disposer d'un rapport de cet examen si le mineur se soustrait à cet examen ou refuse de s'y soumettre. Le tribunal de la jeunesse peut uniquement imposer cet encadrement en milieu fermé s'il est satisfait aux conditions contenues dans l'article 37, § § 2 et 4, ce qu'il doit justifier dans un jugement spécialement motivé. A défaut du rapport de l'examen médico-psychologique, le tribunal de la jeunesse doit prendre en compte d'autres éléments du dossier, dont l'enquête sociale à effectuer.

B.61. Le moyen repose sur une prémisse erronée et n'est donc pas fondé. c) Le dessaisissement (douzième moyen) B.62. L'article 38 du décret attaqué concerne la possibilité dont dispose le tribunal de la jeunesse de se dessaisir et de renvoyer l'affaire au ministère public afin que l'affaire se poursuive devant le tribunal compétent en application du droit pénal commun et de la procédure pénale de droit commun. En vertu de l'article 38, § 3, le tribunal de la jeunesse ne peut se dessaisir de l'affaire qu'après avoir « fait procéder à [un examen] social et médico-psychologique par une équipe multidisciplinaire ». Le tribunal de la jeunesse peut toutefois se dessaisir de l'affaire sans disposer du rapport de l'examen médico-psychologique « s'il constate que le suspect mineur se dérobe à cet examen ou refuse de s'y soumettre » (article 38, § 3, alinéa 3, 1°).

B.63. Les parties requérantes font valoir que cette exception à l'obligation faite au tribunal de la jeunesse de disposer du rapport d'un examen médico-psychologique porte atteinte aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que l'usage du droit de garder le silence et de ne pas collaborer à la procédure pénale serait puni d'un dessaisissement.

B.64. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés en B.60 en ce qui concerne le moyen dirigé contre l'article 37, § 6, le moyen repose sur une prémisse erronée.

En effet, l'article 38, § 2, attaqué, n'implique nullement que le refus du délinquant mineur de se soumettre à un examen médico-psychologique est puni d'un dessaisissement de l'affaire. La disposition attaquée prévoit simplement que, malgré l'obligation de principe qu'il a de faire procéder à un examen médico-psychologique, le tribunal de la jeunesse a la possibilité de se dessaisir d'une affaire sans disposer d'un rapport de cet examen, si le mineur se soustrait à cet examen ou refuse de s'y soumettre. Le tribunal de la jeunesse peut uniquement se dessaisir de l'affaire s'il est satisfait aux conditions contenues dans l'article 38, § 2, et il doit justifier sa décision dans un jugement spécialement motivé. A défaut du rapport de l'examen médico-psychologique, le tribunal de la jeunesse peut prendre en compte d'autres éléments du dossier, dont l'enquête sociale.

B.65. Le moyen n'est pas fondé. d) Le placement dans une section du service psychiatrique pour adolescents (treizième moyen) B.66.1. L'article 39 du décret attaqué concerne la possibilité qu'a le tribunal de la jeunesse de confier un délinquant mineur à une section ouverte ou fermée d'un service psychiatrique pour adolescents et dispose : « § 1er. Le tribunal de la jeunesse peut confier un délinquant mineur soit à une division ouverte, soit à une division fermée d'un service psychiatrique pour adolescents.

Le placement dans une division ouverte d'un service psychiatrique pour adolescents ne peut être imposé à un délinquant mineur que si un rapport indépendant établi par un psychiatre pour adolescents daté de moins d'un mois démontre que son jugement ou sa capacité à contrôler ses actes ont été sérieusement altérés. Le placement en division fermée d'un service psychiatrique pour adolescents n'est possible que conformément à l'article 43 de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer. § 2. Le délinquant mineur comparaît deux fois par an devant le tribunal de la jeunesse en vue d'une évaluation de la décision prise.

Le Gouvernement flamand détermine les normes minimales ainsi que les modalités relatives au contenu et à la concrétisation du rapport visé au § 1er, alinéa 2. Le Gouvernement flamand peut conclure un accord de coopération à ce sujet avec l'autorité fédérale ».

B.66.2. Dans l'exposé des motifs, il est précisé que le fait de confier un délinquant mineur à une section d'un service psychiatrique pour adolescents n'est pas une sanction, mais bien une « ' réponse ' sécuritaire ou protectrice » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 69) : « Ce n'est que lorsqu'il existe un problème pédopsychiatrique et que l'intéressé ne peut être réputé responsable du délit de mineur qu'il a commis qu'il est prévu un type de réaction spécifique au délit de mineur. En pareil cas, les soins et la sécurité de l'intéressé et de la collectivité priment lorsqu'il s'agit de concrétiser la réaction au délit de mineur » (ibid., p. 13).

B.67. Les parties requérantes font valoir que l'article 39 du décret attaqué porte atteinte aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 5, paragraphe 1, e), et paragraphe 4, et avec l'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Elles critiquent la disposition attaquée en ce qu'elle établirait un « internement pénal pour jeunes » et qu'à l'inverse de la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes type loi prom. 05/05/2014 pub. 23/03/2016 numac 2016000187 source service public federal interieur Loi relative à l'internement des personnes. - Traduction allemande d'extraits fermer « relative à l'internement », elle ne prévoit pas de conditions quant à la gravité du délit commis et à la gravité de la maladie mentale. Ensuite, elles critiquent la disposition attaquée en ce qu'elle ne prévoit pas de voie de recours effective pour le mineur qui souhaite soumettre dans un bref délai à un juge l'illégalité de sa détention.

B.68.1. Il existe une différence fondamentale entre le placement dans une section d'un service psychiatrique pour adolescents au sens de la disposition attaquée et l'internement au sens de la loi du 5 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2014 pub. 09/07/2014 numac 2014009316 source service public federal justice Loi relative à l'internement des personnes type loi prom. 05/05/2014 pub. 23/03/2016 numac 2016000187 source service public federal interieur Loi relative à l'internement des personnes. - Traduction allemande d'extraits fermer « relative à l'internement », en ce que la première mesure relève de l'administration de la justice à l'égard des mineurs, tandis que la seconde relève de l'administration de la justice à l'égard des personnes majeures. En raison de la nature spécifique des questions qui doivent être traitées dans le cadre de l'administration de la justice à l'égard des mineurs, celle-ci se distingue de l'administration de la justice applicable aux adultes (voy. CEDH, 2 mars 2010, Adamkiewicz c. Pologne, § 106).

B.68.2. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.69.1. L'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : [...] e) s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond; [...] 4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ». B.69.2. La privation de liberté d'une personne souffrant de troubles mentaux n'est compatible avec l'article 5, paragraphe 1, e), de la Convention européenne des droits de l'homme que s'il est satisfait à trois conditions minimales. Premièrement, il doit être établi de manière probante, sur la base d'une expertise médicale objective, que la personne souffre d'un trouble mental réel et permanent.

Deuxièmement, ce trouble doit revêtir un caractère ou une ampleur légitimant le maintien de la privation de liberté. Troisièmement, la privation de liberté ne peut se prolonger valablement sans la persistance de pareil trouble, en ce sens que l'interné doit avoir la possibilité d'être libéré lorsque son état mental s'est suffisamment stabilisé (CEDH, 24 octobre 1979, Winterwerp c. Pays-Bas, § 39; 2 octobre 2012, L.B. c. Belgique, § 92; 10 janvier 2013, Claes c.

Belgique, § 113; 10 janvier 2013, Dufoort c. Belgique, § 77; 10 janvier 2013, Swennen c. Belgique, § 70).

B.69.3. Le contrôle judiciaire de la régularité de la privation de liberté permanente d'une personne souffrant de troubles mentaux doit se faire sur la base de l'état de santé actuel de l'intéressé, compte tenu du danger qu'il constitue pour l'intégrité physique ou psychique de tiers ou de lui-même, tel qu'il est attesté par des évaluations médicales actuelles, et non sur la base d'événements du passé qui fondent la décision initiale de privation de liberté (CEDH, décision, 17 septembre 2013, Juncal c. Royaume-Uni, § 30; 18 février 2014, Ruiz Rivera c. Suisse, § 60).

B.69.4. En vertu de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne qui est privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et qu'il ordonne sa libération si la détention est illégale. L'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme constitue une lex specialis par rapport aux exigences plus générales de l'article 13 de cette Convention (CEDH, grande chambre, 19 février 2009, A. et autres c.

Royaume-Uni, § 202; 10 janvier 2013, Dufoort c. Belgique, § 92; 6 septembre 2016, W.D. c. Belgique, § 144).

B.70. En vertu de l'article 39, § 1er, du décret attaqué, le tribunal de la jeunesse peut confier le mineur à une section ouverte d'un service psychiatrique pour adolescents « si un rapport indépendant établi par un psychiatre pour adolescents daté de moins d'un mois démontre que son jugement ou sa capacité à contrôler ses actes ont été sérieusement altérés ». Le placement dans une section fermée d'un service pédopsychiatrique n'est possible que conformément à l'article 43 de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, qui renvoie à son tour à la loi du 26 juin 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1990 pub. 22/07/2009 numac 2009000474 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la personne des malades mentaux fermer « relative à la protection de la personne des malades mentaux ». En vertu de cette dernière loi, le tribunal de la jeunesse peut ordonner une mise en observation de quarante jours au maximum s'il ressort d'un rapport médical circonstancié établi sur la base d'un examen effectué au plus tard quinze jours auparavant que le malade mental mineur met « gravement en péril sa santé et sa sécurité [ou] constitue une menace grave pour la vie ou l'intégrité d'autrui » (articles 2 et 6, § 2, de la loi du 26 juin 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1990 pub. 22/07/2009 numac 2009000474 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la personne des malades mentaux fermer). Après l'expiration de la période d'observation, le tribunal de la jeunesse ne peut ordonner le maintien de l'hospitalisation que si le médecin-chef confirme dans un rapport détaillé la nécessité du maintien de l'hospitalisation (article 13).

B.71.1. Le législateur décrétal a raisonnablement pu considérer qu'un délinquant mineur, quelle que soit la nature du délit de mineur commis, entre en considération pour un placement dans une section ouverte ou fermée d'un service psychiatrique pour adolescents s'il s'avère que son jugement ou sa capacité à contrôler ses actes ont été sérieusement altérés ou s'il est satisfait aux conditions d'une admission forcée au sens de la loi du 26 juin 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/1990 pub. 22/07/2009 numac 2009000474 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la personne des malades mentaux fermer. Ainsi qu'il a également été souligné dans les travaux préparatoires précités, « dans le cadre d'un tel problème pédopsychiatrique, les soins et la sécurité de l'intéressé et de la collectivité priment lorsqu'il s'agit de concrétiser la réaction au délit de mineur » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1670/1, p. 13). L'autorité se conforme ainsi à l'obligation de protection qui lui incombe et qui découle, entre autres, des articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (voy. notamment CEDH, 6 novembre 2018, Milicevic c.

Montenegro, § § 54-55; 4 juillet 2019, Kurt c. Autriche, § § 62-63).

L'exigence d'un rapport récent d'un pédopsychiatre faisant apparaître que le jugement du mineur ou sa capacité à contrôler ses actes ont été sérieusement altérés garantit que la décision est fondée sur des motifs médicaux objectifs. A la lumière des dispositions conventionnelles précitées, cette condition ne saurait être interprétée autrement qu'en ce que les résultats du rapport doivent être suffisamment sérieux pour pouvoir justifier un placement dans une section ouverte d'un service psychiatrique pour adolescents.

B.71.2. En vertu de l'article 39, § 2, le délinquant mineur comparaît tous les six mois devant le tribunal de la jeunesse en vue d'une évaluation de la décision de placement dans une section d'un service psychiatrique pour adolescents. Cette obligation d'évaluation périodique doit donc être interprétée en ce sens que le tribunal de la jeunesse a, à cette occasion, la possibilité de réexaminer le placement dans une section d'un service psychiatrique pour adolescents.

B.71.3. De surcroît, bien que l'article 16, § 2, du décret attaqué renvoie uniquement aux « mesures ou sanctions imposées », alors que le placement dans une section d'un service psychiatrique pour adolescents constitue une réaction spécifique à un délit de mineur, il peut être admis, comme le Gouvernement flamand le soutient, que le législateur décrétal entendait, par analogie, appliquer au placement dans une section d'un service psychiatrique pour adolescents les garanties mentionnées dans cette disposition en matière de réexamen de la sanction imposée. Le tribunal de la jeunesse dispose donc à tout moment de la possibilité de réexaminer le placement imposé, d'office ou à la demande du ministère public, en le retirant ou en le transformant en une sanction de moindre portée (article 16, § 2, alinéa 1er) et, à cet égard, le service pédopsychiatrique concerné envoie tous les trois mois un rapport d'évaluation au tribunal de la jeunesse (article 16, § 2, alinéa 6).

B.71.4. Sous réserve des interprétations mentionnées en B.71.1, B.71.2 et B.71.3, la disposition attaquée ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 5, paragraphe 1, e), et paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.72. Sous réserve des interprétations mentionnées en B.71.4, le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour 1. annule dans le décret de la Communauté flamande du 15 février 2019 « sur le droit en matière de délinquance juvénile » : - les mots « , selon l'ordre énuméré, » à l'article 16, § 1er; - l'article 37, § 1er, alinéa 2, et § 4; 2. sous réserve de ce qui est dit en B.39.4.2, sous réserve des interprétations mentionnées en B.11.2, B.29.2, B.71.1, B.71.2 et B.71.3, et compte tenu de ce qui est dit en B.11.1, rejette le recours pour le surplus.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 11 février 2021.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut A. Alen

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