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Arrêt
publié le 18 janvier 2021

Extrait de l'arrêt n° 165/2020 du 17 décembre 2020 Numéros du rôle : 7292 et 7293 En cause : les recours en annulation du décret de la Région flamande du 26 avril 2019 « portant réglementation de l'utilisation de feux d'artifice, de pétards, La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges P. Niho(...)

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Extrait de l'arrêt n° 165/2020 du 17 décembre 2020 Numéros du rôle : 7292 et 7293 En cause : les recours en annulation du décret de la Région flamande du 26 avril 2019 « portant réglementation de l'utilisation de feux d'artifice, de pétards, de canons à carbure et de lanternes volantes », introduits par Christophe Byl et autres et par la SPRL « PyroStar » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 14 novembre 2019 et parvenue au greffe le 15 novembre 2019, un recours en annulation du décret de la Région flamande du 26 avril 2019 « portant réglementation de l'utilisation de feux d'artifice, de pétards, de canons à carbure et de lanternes volantes » (publié au Moniteur belge du 17 mai 2019) a été introduit par Christophe Byl agissant sous la dénomination commerciale « CBF Pyrotechnics », la SPRL « FARCES AMUSANTES », la SPRL « T & T Fireworks », la SPRL « Dewico », la SPRL « Loots », la SA « Feestartikelen Salon Roger » et la SPRL « Visual FX », assistés et représentés par Me J.Vanpraet et Me R. Veranneman, avocats au barreau de Flandre occidentale. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 14 novembre 2019 et parvenue au greffe le 15 novembre 2019, un recours en annulation du même décret a été introduit par la SPRL « PyroStar », la SPRL « Technodexon » et Ben Vanwesenbeeck, assistés et représentés par Me F.Sebreghts, Me C. Smeyers et Me J.-C. Beyers, avocats au barreau d'Anvers.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 7292 et 7293 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) B.1. Les parties requérantes dans les affaires nos 7292 et 7293 demandent l'annulation du décret de la Région flamande du 26 avril 2019 « portant réglementation de l'utilisation de feux d'artifice, de pétards, de canons à carbure et de lanternes volantes » qui dispose : «

Article 1er.Le présent décret règle une matière régionale.

Art. 2.Il est interdit de tirer des feux d'artifice, de faire exploser des pétards, d'utiliser des canons à carbure ou de lâcher des lanternes volantes.

Par dérogation à l'alinéa 1er, la commune peut, en cas d'événements exceptionnels, accorder à l'avance l'autorisation de tirer des feux d'artifice, de faire exploser des pétards ou d'utiliser des canons à carbure dans un nombre limité d'endroits et pour une période limitée dans le temps. La commune arrête les conditions relatives à la demande et à la délivrance de cette autorisation.

Art. 3.La commune peut poursuivre et sanctionner toute violation de l'interdiction visée à l'article 2, conformément aux exigences formelles, délais et procédures visés à la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer relative aux sanctions administratives communales.

En cas d'infraction telle que visée à l'alinéa 1er, la commune peut imposer une amende administrative. Cette amende ne peut excéder les montants maximaux visés à l'article 4, § 1er, 1°, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer relative aux sanctions administratives communales ».

B.2. Les travaux préparatoires indiquent : « Les personnes et les animaux souffrent des effets négatifs liés aux feux d'artifice, aux pétards, aux canons à carbure et aux lanternes volantes. Les fortes déflagrations inattendues, qui sont associées au tir de feux d'artifice et à l'utilisation de pétards et de canons à carbure, engendrent souvent de graves réactions d'angoisse et de stress parmi les animaux. C'est principalement pendant la période de fin d'année que paraissent chaque année à nouveau dans les médias des dizaines de bulletins d'informations au sujet d'animaux qui se sont perdus, qui ont été blessés ou qui sont même décédés à la suite de feux d'artifice et de pétards. Il s'ensuit une très grande souffrance animale, qui est évitable.

Les effets négatifs ne se limitent toutefois pas au bruit. La mauvaise utilisation de feux d'artifice, de pétards et de lanternes volantes entraîne également de nombreux risques. Des incendies domestiques déclenchés à la suite de tirs de feux d'artifice et du lâcher de lanternes volantes, et des blessures corporelles ne sont malheureusement pas rares. En outre, les restes de feux d'artifice, de pétards et de lanternes volantes, qui persistent souvent comme des déchets sauvages, impliquent des risques pour le bien-être des animaux en cas d'ingestion. [...] Pour répondre aux inquiétudes en matière de sécurité, de santé et de bien-être des animaux qu'entraîne l'utilisation de feux d'artifice, de pétards, de canons à carbure et de lanternes volantes, il s'indique de se baser sur le principe d'une interdiction générale. Lors d'événements exceptionnels, une autorisation peut éventuellement être accordée de tirer des feux d'artifice ou de faire déflagrer des pétards ou des canons à carbure, dans un nombre limité de lieux et pour une période limitée dans le temps. Eu égard aux importants risques liés à la sécurité lors du lâcher de lanternes volantes, il convient de ne pas autoriser d'exception. Les villes et les communes sont les plus à même d'évaluer s'il est souhaitable d'accorder une telle autorisation sur leur territoire et, si oui, à quels endroits, à quels moments et sous quelles conditions cela peut se faire. C'est pourquoi il va de soi que le pouvoir de décision concernant la délivrance ou non d'une autorisation et la fixation des conditions pour demander et délivrer cette autorisation est réservé aux villes et aux communes. Le contrôle du respect de cette mesure et la répression des infractions éventuelles s'organisent eux aussi le plus efficacement au niveau local » (Doc. parl., Parlement flamand, 2018-2019, n° 1924/1, p. 2).

Quant à la recevabilité B.3. Le Gouvernement flamand allègue que les recours en annulation ne sont pas recevables à défaut d'intérêt des parties requérantes.

B.4.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7292 et les deux premières parties requérantes dans l'affaire n° 7293 sont toutes actives professionnellement dans le secteur pyrotechnique, plus précisément en qualité d'artificier de spectacle, de grossiste-importateur ou de détaillant. En ces qualités, elles peuvent être directement et défavorablement affectées par le décret attaqué, qui instaure une interdiction de principe de tirer des feux d'artifice, de faire exploser des pétards, d'utiliser des canons à carbure et de lâcher des lanternes volantes. La circonstance que les communes peuvent déroger à l'interdiction précitée aux conditions prévues à l'article 2, alinéa 2, du décret attaqué ne porte pas atteinte à l'intérêt dont se prévalent les parties requérantes.

L'intérêt des parties requérantes précitées étant établi, il n'y a pas lieu d'examiner si la troisième partie requérante dans l'affaire n° 7293 justifie, elle aussi, de l'intérêt requis à son recours.

B.4.2. L'exception est rejetée.

Quant au fond B.5.1. Les parties requérantes dans les affaires nos 7292 et 7293 invoquent plusieurs moyens. Certains de ces moyens concernent la conformité du décret attaqué aux règles répartitrices de compétences, d'autres concernent la compatibilité de ce décret avec des dispositions du titre II de la Constitution, lues ou non en combinaison avec des normes internationales et avec des principes généraux du droit.

B.5.2. L'examen de la conformité d'une disposition législative aux règles répartitrices de compétences doit en règle précéder celui de sa compatibilité avec les dispositions du titre II et des articles 170, 172 et 191 de la Constitution.

B.6.1. Le premier moyen dans l'affaire n° 7292 est pris de la violation des règles répartitrices de compétences, et plus particulièrement (1) de la compétence fédérale en matière de sécurité publique, de protection contre l'incendie et de prévention des incendies, qui ressort notamment de l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 1° et 8°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980), (2) de la compétence fédérale en matière de réglementation des explosifs, qui ressort notamment de l'article 6, § 1er, X, alinéa 1er, 10° et 13°, de la loi spéciale du 8 août 1980, (3) des compétences régionales en matière d'environnement et de bien-être des animaux, qui ressortent de l'article 6, § 1er, II et XI, de la loi spéciale du 8 août 1980, (4) de la compétence fédérale en matière de normes des produits, qui ressort de l'article 6, § 1er, II, alinéa 2, 1°, et VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, lu ou non en combinaison avec la directive 2013/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 « relative à l'harmonisation des législations des Etats membres concernant la mise à disposition sur le marché d'articles pyrotechniques (refonte) » (ci-après : la directive 2013/29/UE), et (5) du principe de la loyauté fédérale, tel qu'il est garanti par l'article 143, § 1er, de la Constitution, et du principe de proportionnalité. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 7293 est également pris de la violation des règles répartitrices de compétences, et plus particulièrement des articles 39, 134 et 143, § 1er, de la Constitution et de l'article 6, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, lus en combinaison avec la directive 2013/29/UE, avec le principe de proportionnalité et avec le principe de l'union économique et monétaire belge.

B.6.2. Les parties requérantes font valoir en substance que le décret attaqué règle une matière qui relève des compétences résiduelles de l'autorité fédérale et, en particulier, des compétences fédérales en matière de sécurité publique, de protection contre l'incendie et de prévention des incendies, et en matière d'explosifs. A cet égard, elles estiment que le décret attaqué ne saurait trouver de fondement juridique dans les compétences régionales en matière de protection de l'environnement et du bien-être des animaux. A titre subsidiaire, elles invoquent que le décret attaqué viole la compétence fédérale en matière d'établissement de normes de produits, ainsi que le principe de l'union économique et monétaire belge et celui de la loyauté fédérale.

B.7.1. L'article 39 de la Constitution dispose : « La loi attribue aux organes régionaux qu'elle crée et qui sont composés de mandataires élus, la compétence de régler les matières qu'elle détermine, à l'exception de celles visées aux articles 30 et 127 à 129, dans le ressort et selon le mode qu'elle établit. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa ».

L'article 143, § 1er, de la Constitution dispose : « Dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'Etat fédéral, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyauté fédérale, en vue d'éviter des conflits d'intérêts ».

B.7.2. L'article 6, § 1er, II, VI, alinéa 3, VIII, alinéa 1er, 1° et 8°, X, alinéa 1er, 10° et 13°, et XI de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose : « Les matières visées à l'article 39 de la Constitution sont : [...] II. En ce qui concerne l'environnement et la politique de l'eau : 1° La protection de l'environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l'eau et de l'air contre la pollution et les agressions ainsi que la lutte contre le bruit;2° La politique des déchets;3° La police des établissements dangereux, insalubres et incommodes sous réserve des mesures de police interne qui concernent la protection du travail;4° La protection et la distribution d'eau, en ce compris la réglementation technique relative à la qualité de l'eau potable, l'épuration des eaux usées et l'égouttage;5° L'intervention financière à la suite de dommages causés par des calamités publiques. L'autorité fédérale est toutefois compétente pour : 1° L'établissement des normes de produits;2° La protection contre les radiations ionisantes, en ce compris les déchets radioactifs; [...] VI. En ce qui concerne l'économie : [...] En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux. [...] VIII. En ce qui concerne les pouvoirs subordonnés : 1° la composition, l'organisation, la compétence et le fonctionnement des institutions provinciales et communales et des collectivités supracommunales, à l'exception : [...] - de l'organisation de et de la politique relative à la police, en ce compris l'article 135, § 2, de la nouvelle loi communale, et aux services d'incendie; [...] 8° les associations de provinces, de collectivités supracommunales et de communes dans un but d'utilité publique, à l'exception de la tutelle spécifique en matière de lutte contre l'incendie, organisée par la loi; [...] X. En ce qui concerne les travaux publics et le transport : [...] 10° les règles de police de la navigation sur les voies navigables, à l'exclusion de la réglementation en matière de transport de matières animales qui présentent un danger pour la population, de transport de matières radioactives et de transport de matières explosives; [...] 13° la réglementation en matière de transport de marchandises dangereuses et de transport exceptionnel par route, à l'exclusion de la réglementation en matière de transport de matières radioactives, de transport d'explosifs et de transport de matières animales qui présentent un danger pour la population; [...] XI. Le bien-être des animaux ».

B.8.1. Le décret attaqué interdit par principe de tirer des feux d'artifice, de faire exploser des pétards, d'utiliser des canons à carbure et de lâcher des lanternes volantes (article 2, alinéa 1er).

Les communes peuvent déroger à cette interdiction : elles peuvent, en cas d'événements exceptionnels, accorder préalablement l'autorisation de tirer des feux d'artifice, de faire exploser des pétards et d'utiliser des canons à carbure dans un nombre limité d'endroits et pour une période limitée dans le temps (article 2, alinéa 2). En ce qui concerne le lâcher de lanternes volantes, les communes ne peuvent toutefois pas déroger à l'interdiction.

Les communes peuvent sanctionner les infractions à l'interdiction instaurée par le décret en imposant des amendes administratives (article 3).

B.8.2. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.2 que par le décret attaqué, le législateur décrétal a voulu favoriser le bien-être des animaux, lutter contre le bruit et les déchets sauvages et prévenir les incendies domestiques et les blessures corporelles.

B.9. Le Gouvernement flamand estime à titre principal que le décret attaqué s'inscrit dans le cadre des compétences attribuées aux régions en matière de protection de l'environnement et en matière de bien-être des animaux. A titre subsidiaire, il fait valoir que le décret règle la matière « protection contre l'incendie et prévention des incendies » et que cette matière ne relève pas de la compétence exclusive de l'autorité fédérale.

B.10.1. En vertu de l'article 6, § 1er, II, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes pour prévenir et combattre les différentes formes de pollution de l'environnement. Le législateur décrétal trouve dans l'alinéa 1er, 1°, de cette disposition la compétence générale lui permettant de régler ce qui concerne la protection de l'environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l'eau et de l'air, contre la pollution et les agressions, ainsi que de prendre des mesures pour lutter contre le bruit. En vertu de l'alinéa 1er, 2°, les régions sont également compétentes pour la politique des déchets.

B.10.2. La matière relative au bien-être des animaux (article 6, § 1er, XI, de la loi spéciale du 8 août 1980) a été attribuée aux régions par l'article 24 de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat (ci-après : la loi spéciale du 6 janvier 2014).

Il ressort des travaux préparatoires de cette loi que la notion de « bien-être des animaux » doit être conçue au sens large et concerne en substance « les matières réglées par ou en vertu de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux ».

L'autorité fédérale reste toutefois compétente « pour les normes et leur contrôle relatifs à la santé des animaux ainsi qu'à la qualité des produits d'origine animale en vue d'assurer la sécurité de la chaîne alimentaire » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, p. 153).

B.10.3. La loi du 28 mai 1956 « relative aux substances et mélanges explosibles ou susceptibles de déflagrer et aux engins qui en sont chargés » (ci-après : la loi du 28 mai 1956) constitue la loi de base dans le domaine de la réglementation des matières explosives. La matière réglée par cette loi n'a jamais fait l'objet d'une attribution explicite de compétences aux communautés ou aux régions, de sorte que cette matière relève en principe des compétences résiduelles de l'autorité fédérale.

B.10.4. Lors du transfert aux régions de la réglementation en matière de transport de marchandises dangereuses et de transport exceptionnel par route, ainsi que des règles de police de la navigation sur les voies navigables, le législateur spécial a prévu expressément, par la loi spéciale du 6 janvier 2014, une exception aux compétences régionales concernées en ce qui concerne le transport de matières explosives.

La loi spéciale du 6 janvier 2014 a en effet attribué aux régions « les règles de police de la navigation sur les voies navigables » et « la réglementation en matière de transport de marchandises dangereuses et de transport exceptionnel par route », à l'exclusion toutefois notamment de la réglementation en matière de transport de matières explosives (article 6, § 1er, X, alinéa 1er, 10° et 13°, de la loi spéciale du 8 août 1980, inséré par l'article 26 de la loi spéciale du 6 janvier 2014).

En ce qui concerne le transport de matières explosives par route, les travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014 indiquent : « Ce transfert de compétences n'inclut pas [...] le transport d'explosifs, qui demeurent de la compétence de l'autorité fédérale.

Les matières explosives sont celles énumérées en tout cas dans les classes suivantes de l'Accord européen relatif au transport international de marchandises dangereuses par route (ADR), signé à Genève le 30 septembre 1957 : - Classe 1; - Classe 3 : numéros ONU 1204, 2059, 3343, 3357 et 3064; - Classe 4.1 : numéros ONU 1310, 1320, 1321, 1322, 1336, 1337, 1344, 1347, 1348, 1349, 1354, 1355, 1356, 1357, 1517, 1571, 2852, 2907, 2555, 2556, 2557, 3317, 3319 et 3344; - Classe 5.1 : numéros ONU 1942, 2067, 2426 et 3375; - Classe 9 : numéro ONU 3268.

Il s'agit de la matière réglée en tout cas dans les textes suivants : - la loi du 28 mai 1956 relative aux substances et mélanges explosibles ou susceptibles de déflagrer et aux engins qui en sont chargés; - l'arrêté royal du 23 septembre 1958 portant règlement général sur la fabrication, l'emmagasinage, la détention, le débit, le transport et l'emploi de produits explosifs; - l'arrêté royal du 3 septembre 1958 portant réglementation du transport, de l'emmagasinage et de la vente du nitrate ammoniaque et ses mélanges » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, p. 137).

B.10.5. Selon l'article 1er, alinéa 1er, de la loi du 28 mai 1956, le Roi règle, dans l'intérêt de la sécurité publique, notamment « l'emploi [...] des substances et mélanges explosibles ou susceptibles de déflagrer et d'engins chargés de telles substances ou mélanges ».

Selon l'article 1er de l'arrêté royal du 23 septembre 1958 « portant règlement général sur la fabrication, l'emmagasinage, la détention, le débit, le transport et l'emploi de produits explosifs », sont « considérés comme explosifs pour l'application de la présente réglementation les produits susceptibles d'être utilisés pour leur propriété explosive, déflagrante ou pyrotechnique ». L'article 2 de cet arrêté royal range les explosifs en classes et en catégories et prévoit à cet égard une classe C « Artifices » dont relèvent les artifices de spectacle, les artifices de joie, les artifices à usage technique et de signalisation.

Les travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014 renvoient également à l'Accord européen du 30 septembre 1957 « relatif au transport international des marchandises dangereuses par route (ADR) », et notamment à la classe 1 énoncée dans cet accord et dont relèvent les artifices.

B.11.1. La répartition des compétences entre l'autorité fédérale et les régions repose sur un système de compétences exclusives qui implique que toute situation juridique soit en principe réglée par un seul législateur. Lorsqu'une réglementation a, comme en l'espèce, des liens avec plusieurs attributions de compétences, la Cour doit rechercher où se trouve l'élément prépondérant de la relation juridique réglée.

B.11.2. Les compétences qui ont été attribuées aux communautés et aux régions sont en principe définies en termes de matières et non en termes d'objectifs. L'objectif qui est poursuivi par l'adoption d'une norme ne peut ainsi en principe pas déterminer par lui-même si la norme entre dans la sphère de compétence du législateur décrétal dont elle émane.

B.12.1. Le décret attaqué instaure notamment une interdiction de principe de tirer des feux d'artifice, de faire exploser des pétards et d'utiliser des canons à carbure, à laquelle les communes peuvent déroger en cas d'événements exceptionnels.

Ce décret ne contient aucune norme relative au bruit ou à la pollution de l'air, qu'il ne faut pas dépasser lors de l'utilisation des produits précités, et vise toutes les formes de feux d'artifice, y compris les artifices destinés à être utilisés à l'intérieur et qui présentent un niveau sonore négligeable tant pour l'homme que pour l'animal. Abstraction faite de l'interdiction de principe d'utiliser des feux d'artifice, des pétards et des canons à carbure, le décret attaqué ne contient pas davantage de mesures pouvant s'inscrire dans le cadre de la compétence attribuée aux régions en matière de politique des déchets.

Ainsi, l'élément prépondérant de la situation juridique réglée concerne l'utilisation des produits concernés, qu'il convient de considérer comme des substances explosibles. Ainsi qu'il ressort de ce qui précède, la réglementation relative à l'utilisation des substances explosibles relève de la compétence résiduelle de l'autorité fédérale.

B.12.2. Eu égard au fait que la réglementation de l'utilisation des substances explosibles relève de la compétence de l'autorité fédérale, le législateur décrétal ne saurait en l'espèce invoquer sa compétence pour compléter, par des normes spécifiques, dans le cadre des compétences attribuées aux régions, les normes fédérales de base relatives à la protection contre l'incendie.

B.13. En instaurant une interdiction de principe de tirer des feux d'artifice, de faire exploser des pétards et d'utiliser des canons à carbure, interdiction à laquelle les communes peuvent déroger sous les conditions définies dans le décret attaqué, le législateur décrétal a réglé une matière qui relève de la compétence de l'autorité fédérale.

B.14.1. Il convient encore d'examiner si les conditions d'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 ont été respectées.

Cet article dispose : « Les décrets peuvent porter des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles les Parlements ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires à l'exercice de leur compétence ».

Cette disposition autorise notamment la Région flamande à prendre un décret réglant une matière fédérale, pour autant que cette disposition soit nécessaire à l'exercice de ses compétences, que cette matière se prête à un règlement différencié et que son incidence sur la matière fédérale ne soit que marginale.

B.14.2. Sans qu'il soit nécessaire en l'espèce d'examiner si le décret attaqué est nécessaire à l'exercice des compétences de la Région flamande et si la matière se prête à un règlement différencié, il suffit de constater que l'incidence de ce décret sur la matière fédérale relative à la réglementation de l'utilisation de substances explosibles n'est pas marginale. En effet, le décret attaqué instaure une interdiction de principe d'utiliser des feux d'artifice, des pétards et des canons à carbure et règle ainsi de façon étendue l'utilisation de ces produits. La circonstance que les communes ont la possibilité, sans y être obligées, d'autoriser des dérogations à l'interdiction pour des événements exceptionnels, n'est pas de nature à rendre marginale l'incidence du décret attaqué sur la matière fédérale.

B.15. En ce qu'il porte sur le fait de tirer des feux d'artifice, de faire exploser des pétards et d'utiliser des canons à carbure, le décret attaqué n'est pas conforme aux règles répartitrices de compétences.

B.16.1. Le décret attaqué instaure non seulement une interdiction de principe de tirer des feux d'artifice, de faire exploser des pétards et d'utiliser des canons à carbure, mais il instaure aussi une interdiction de lâcher des lanternes volantes. Les lanternes volantes ne comportent pas de substances explosives et ne peuvent dès lors pas être qualifiées de substances explosibles au sens des règles répartitrices de compétences.

B.16.2. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.2 qu'en interdisant le lâcher de lanternes volantes, le législateur décrétal a poursuivi plusieurs objectifs, plus précisément prévenir les incendies domestiques et les blessures corporelles, lutter contre les déchets sauvages et favoriser le bien-être des animaux.

B.16.3. L'interdiction de lâcher des lanternes volantes contenue dans le décret attaqué a un caractère absolu. Contrairement à ce que prévoit l'article 2, alinéa 2, du décret attaqué en ce qui concerne le tir de feux d'artifice, l'explosion de pétards et l'utilisation de canons à carbure, les communes ne disposent pas de la possibilité de déroger sous certaines conditions à l'interdiction du lâcher de lanternes volantes.

B.17.1. Selon l'article 6, § 1er, II, alinéa 2, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, l'autorité fédérale est compétente pour l'établissement des normes de produits. Les gouvernements régionaux doivent être associés à l'élaboration de ces normes (article 6, § 4, 1°, de cette même loi spéciale).

Les normes de produits sont des règles qui déterminent de manière contraignante les conditions auxquelles un produit doit satisfaire, lors de la mise sur le marché, en vue, entre autres, de la protection de l'environnement. Elles fixent notamment des limites en ce qui concerne les niveaux de polluants ou de nuisances à ne pas dépasser dans la composition ou dans les émissions d'un produit et peuvent contenir des spécifications quant aux propriétés, aux méthodes d'essai, à l'emballage, au marquage et à l'étiquetage des produits.

B.17.2. Les travaux préparatoires de l'article 6, § 1er, II, alinéa 2, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/1, p.20; Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 1063/7, pp. 37, 38, 39, 42, 43 et 44) ont souligné qu'il faut uniquement regarder comme « normes de produits » dont l'établissement est réservé à l'autorité fédérale les prescriptions auxquelles les produits doivent répondre, notamment d'un point de vue écologique, « au moment de leur mise sur le marché ». En effet, c'est précisément la nécessité de préserver l'union économique et monétaire belge (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/1, p. 20; Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 1063/7, p. 37) et d'éliminer les obstacles à la libre circulation des biens entre les régions (Doc.parl., Sénat, 1992-1993, n° 558/5, p. 67) qui justifie que la compétence relative aux normes de produits soit réservée à l'autorité fédérale.

B.17.3. Le décret attaqué ne contient pas en soi d'exigences auxquelles doivent satisfaire les lanternes volantes au moment de la mise sur le marché et n'établit ainsi en soi pas de normes de produits.

B.18.1. Dans l'exercice de ses compétences, le législateur décrétal doit néanmoins respecter la loyauté fédérale, ainsi que le prévoit l'article 143, § 1er, de la Constitution.

B.18.2. Le respect de la loyauté fédérale suppose que, lorsqu'elles exercent leurs compétences, l'autorité fédérale et les entités fédérées ne perturbent pas l'équilibre de la construction fédérale dans son ensemble. La loyauté fédérale concerne plus que le simple exercice des compétences : elle indique dans quel esprit il doit avoir lieu.

Le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l'exercice de sa propre compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l'exercice de leurs compétences par les autres législateurs.

B.18.3. Sans qu'il soit nécessaire en l'espèce d'examiner si une interdiction générale à l'utilisation de lanternes volantes sur l'ensemble du territoire de la Région flamande peut s'inscrire dans le cadre d'une ou de plusieurs matières qui relèvent de la compétence des régions, il suffit de constater qu'une telle interdiction a pour effet d'exclure du marché les produits concernés, ce qui empêche le législateur fédéral d'exercer en pratique sa compétence en matière de normes de produits.

En ce qu'il concerne le lâcher de lanternes volantes, le décret attaqué viole le principe de la loyauté fédérale garanti par l'article 143, § 1er, de la Constitution.

B.19. Il découle de ce qui précède que le premier moyen dans l'affaire n° 7292 et le deuxième moyen dans l'affaire n° 7293 sont fondés et que le décret attaqué doit être annulé. B.20. L'examen des autres moyens invoqués par les parties requérantes ne pouvant aboutir à une plus ample annulation, il n'y a pas lieu de les examiner.

B.21. Il n'y a pas lieu d'accéder à la demande du Gouvernement flamand de maintenir, en application de l'article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les effets du décret annulé. La simple circonstance que plusieurs actes administratifs ont été pris en exécution du décret attaqué ne saurait en l'espèce justifier le maintien des effets.

Par ces motifs, la Cour annule le décret de la Région flamande du 26 avril 2019 « portant réglementation de l'utilisation de feux d'artifice, de pétards, de canons à carbure et de lanternes volantes ».

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 décembre 2020.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen

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