publié le 03 mai 2021
Extrait de l'arrêt n° 145/2020 du 12 novembre 2020 Numéros du rôle : 7197 et 7199 En cause : les recours en annulation partielle du décret flamand du 9 novembre 2018 « contenant des dispositions relatives à la location de biens destinés à l'h La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, des juges J.-P. Moer(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 145/2020 du 12 novembre 2020 Numéros du rôle : 7197 et 7199 En cause : les recours en annulation partielle du décret flamand du 9 novembre 2018 « contenant des dispositions relatives à la location de biens destinés à l'habitation ou de parties de ceux-ci » (décret flamand sur la location d'habitations), introduits par l'« Orde van Vlaamse balies » et Edward Janssens et par l'ASBL « Chambre d'Arbitrage et de Médiation / Kamer van Arbitrage en Bemiddeling » et autres.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite A. Alen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 juin 2019 et parvenue au greffe le 6 juin 2019, un recours en annulation des articles 5, 43, § 2, 45, § 2, 65 et 83 du décret flamand du 9 novembre 2018 « contenant des dispositions relatives à la location de biens destinés à l'habitation ou de parties de ceux-ci » (décret flamand sur la location d'habitations), publié au Moniteur belge du 7 décembre 2018, a été introduit par l'« Orde van Vlaamse balies » et Edward Janssens, assistés et représentés par Me P. Wouters, avocat à la Cour de cassation. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 juin 2019 et parvenue au greffe le 11 juin 2019, un recours en annulation de l'article 44 du même décret flamand a été introduit par l'ASBL « Chambre d'Arbitrage et de Médiation / Kamer van Arbitrage en Bemiddeling », Olivier Domb et Claudy De Ganck, assistés et représentés par Me B.Cambier, Me A. Paternostre et Me K. Boels, avocats au barreau de Bruxelles.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7197 et 7199 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à l'affaire 7197 En ce qui concerne l'objet du recours en annulation B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 5, 43, § 2, 45, § 2, 65 et 83 du décret flamand du 9 novembre 2018 « contenant des dispositions relatives à la location de biens destinés à l'habitation ou de parties de ceux-ci » (ci-après : le décret du 9 novembre 2018).
Le moyen unique est pris de la violation, par les dispositions attaquées, des articles 10, 11, 13 et 25 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
B.1.2. Le Gouvernement flamand fait valoir que le moyen est partiellement irrecevable, à défaut de griefs dirigés contre plusieurs dispositions attaquées et à défaut d'exposé en ce qui concerne certaines normes de référence qui seraient violées.
B.1.3. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
B.1.4. L'article 5 du décret du 9 novembre 2018 fixe le champ d'application du titre II de ce décret, qui porte sur les baux de résidence principale.
Les articles 43 et 45 font partie du chapitre V du titre II du décret précité, intitulé « Contestations ».
L'article 43 dispose : « Compétence du juge de paix § 1er. Quel que soit le montant de la demande, le juge de paix prend connaissance des litiges relatifs aux baux relevant du présent titre, et des actions y afférentes.
Seul le juge de paix de l'endroit où se situe le bien, a la compétence de prendre connaissance de l'action. § 2. Par dérogation à l'article 584 du Code judiciaire, le juge de paix statue au provisoire sur les litiges, visés au paragraphe 1er, dont il reconnaît l'urgence.
Sous réserve de l'article 45, § 1er, alinéas 1er, 2 et 3, les articles 1035 à 1041 inclus du Code judiciaire s'appliquent ».
L'article 45 dispose : « Introduction par requête § 1er. Toute action relative aux baux relevant de l'application du présent titre, peut être introduite par requête déposée auprès du greffe [de la justice] de paix.
Sous peine de nullité, la requête mentionne : 1° les jour, mois et an;2° les nom, prénom, date de naissance et domicile du requérant;3° les nom, prénom, date de naissance et domicile ou, à défaut de domicile, la résidence de la personne contre laquelle l'action est introduite;4° l'objet et le résumé des moyens de l'action;5° la signature du requérant ou de son avocat;6° une attestation de composition de ménage. Un certificat du domicile et de la date de naissance de la personne telle que visée à l'alinéa 2, 3°, est joint à la requête. Le certificat est délivré par l'administration communale.
L'attestation de composition du ménage, visée à l'alinéa 2, 6°, est délivrée par l'administration communale.
Le greffier convoque les parties par pli judiciaire et par lettre ordinaire à comparaître lors de la séance, fixée par le juge, dans les quinze jours suivant l'inscription de la requête au rôle général. La convocation doit être accompagnée d'une copie de la requête. § 2. Par dérogation à l'article 1026 du Code judiciaire, la signature du requérant ou de l'avocat de la partie est requise pour les actions relatives aux baux relevant de l'application du présent titre ».
L'article 65 fait partie du titre III du décret du 9 novembre 2018, qui règle les baux pour le logement d'étudiants et prévoit que les articles 43 et 45 précités, entre autres, sont applicables à ces baux.
L'article 83 du décret du 9 novembre 2018 dispose : « Le présent décret ne s'applique pas aux baux écrits qui ont été conclus avant la date d'entrée en vigueur du présent décret ».
B.2.1. Il ressort de l'exposé du moyen unique que des griefs sont uniquement invoqués contre l'article 45, § 2, du décret du 9 novembre 2018 et contre l'article 65, en ce que cette dernière disposition rend l'article 45, § 2, également applicable aux baux pour le logement d'étudiants. La Cour limite dès lors son examen à ces dispositions.
B.2.2. En ce qui concerne les normes de référence invoquées par les parties requérantes, l'exposé de la requête ne fait pas apparaître en quoi l'article 25 de la Constitution serait violé. Le moyen n'est dès lors pas recevable en ce qu'il porte sur cette disposition constitutionnelle.
B.3.1. Dans son mémoire, le Conseil des ministres soutient, dans un moyen nouveau, que les articles 43, § 2, et 45, § 2, du décret du 9 novembre 2018 violeraient la compétence du législateur fédéral qui consiste à régler l'organisation et la compétence des cours et tribunaux, ainsi qu'à fixer les règles procédurales afférentes à ces juridictions. Il demande également à la Cour de soulever un moyen d'office à cet égard.
B.3.2. L'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle autorise entre autres le Conseil des ministres à introduire un mémoire dans une affaire relative à un recours en annulation et à formuler des moyens nouveaux. Une telle intervention ne peut cependant ni modifier ni étendre le recours.
B.3.3. Compte tenu de ce qui est dit en B.2.1, le moyen invoqué par le Conseil des ministres n'est recevable qu'en ce qu'il est dirigé contre l'article 45, § 2, du décret du 9 novembre 2018.
Dès lors que le Conseil des ministres est autorisé à invoquer un moyen nouveau, la Cour n'a pas à examiner s'il convient, le cas échéant, de soulever d'office le même moyen.
En ce qui concerne le fond B.4.1. Les articles 45, § 2, et 65, attaqués, du décret du 9 novembre 2018 exigent la signature du requérant ou de l'avocat de la partie lorsqu'une action relative aux baux de résidence principale et/ou aux baux pour le logement d'étudiants est introduite par requête unilatérale auprès du juge de paix. Ces dispositions dérogent ainsi à l'article 1026, 5°, du Code judiciaire, en vertu duquel une requête unilatérale doit en principe être signée par un avocat.
Selon les parties requérantes, l'intervention obligatoire d'un avocat constitue une garantie importante pour éviter que le recours à une requête unilatérale porte atteinte aux droits de la défense. L'avocat a une fonction de « filtre », en ce qu'il peut dissuader son client d'introduire une requête unilatérale manifestement non fondée et susceptible de porter préjudice à des tiers.
Les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement, sans qu'existe une justification raisonnable à cet égard, entre, d'une part, les justiciables auxquels s'applique la procédure du contentieux locatif, réglée par le Code judiciaire, laquelle exige qu'une requête unilatérale soit toujours signée par un avocat, et, d'autre part, les justiciables impliqués dans des litiges locatifs pour lesquels les dispositions attaquées ne prévoient pas une telle obligation.
B.4.2. Le Conseil des ministres fait valoir dans un moyen nouveau que les dispositions attaquées violent les règles qui répartissent les compétences respectives entre l'autorité fédérale et les régions.
B.4.3. L'examen de la conformité d'une disposition législative aux règles répartitrices de compétences doit en règle précéder celui de sa compatibilité avec les dispositions du titre II et des articles 170, 172 et 191 de la Constitution.
B.5.1. L'article 15 de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat (ci-après : la loi spéciale du 6 janvier 2014) a remplacé l'article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles par ce qui suit : « Les matières visées à l'article 39 de la Constitution sont : [...] IV. En ce qui concerne le logement : [...] 2° les règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l'habitation ». B.5.2. Quant au transfert de compétences concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l'habitation, les travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014 mentionnent : « La situation actuelle conduit au morcellement des compétences car, d'une part, la compétence en matière de logement social est exercée par les régions, alors que, d'autre part, celle relative à la location d'habitations privées est exercée par l'Etat fédéral. Cela complique la possibilité de mener une politique de logement cohérente.
En outre, sur la base de leur compétence en matière de logement, les régions ont adopté des règles actées en ce qui concerne les conditions élémentaires de sécurité, de salubrité et d'habitabilité auxquelles doit répondre le bien loué.
Une politique du logement cohérente peut être mieux réalisée par le renforcement du niveau régional parce que la problématique du logement est étroitement liée à un nombre de compétences régionales, telles que l'aménagement du territoire, la politique foncière et du sol et la revalorisation urbaine et rurale.
La proposition de loi spéciale attribue aux régions la compétence relative aux règles spécifiques concernant la location de biens ou des parties de ceux-ci, destinés à l'habitation.
Par l'utilisation de la notion de ' biens destinés à l'habitation ', il n'est pas fait référence uniquement aux contrats de bail relatifs à la résidence principale du preneur mais également, par exemple, à la location d'habitations et de chambres d'étudiants et à la location de résidences secondaires et d'habitations de vacances. Tout comme dans la loi du 20 février 1991 relative à la résidence principale du preneur, aucune distinction n'est faite entre les biens meubles ou immeubles.
La précision selon laquelle il ne s'agit que des ' règles spécifiques ' confirme que l'autorité fédérale conserve sa compétence en ce qui concerne les dispositions générales du droit civil en matière d'obligations et de contrats. Par exemple, le législateur fédéral pourrait toujours décider de modifier les règles concernant l'interprétation des contrats en amendant les articles 1156 à 1164 du Code civil. Un tel amendement s'appliquerait à tous les contrats, en ce compris les contrats de bail, à moins que le législateur compétent n'édicte des règles spécifiques » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, p. 82).
B.5.3. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.
B.5.4. La compétence concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l'habitation, visée à l'article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, ne permet cependant pas aux régions de déterminer les règles de procédure devant les cours et tribunaux, dès lors que cette matière relève de la compétence résiduelle du législateur fédéral. Dans son avis relatif à l'avant-projet de décret qui a abouti aux dispositions attaquées, le Conseil d'Etat, section de législation, a observé : « Le chapitre 5 du titre 2 du projet règle la procédure relative aux litiges concernant les baux de résidence principale. D'autres articles en projet contiennent également des dispositions procédurales.
Dans l'exposé des motifs, il est dit à cet égard qu'il peut être admis que la compétence pour adopter des règles en matière de droit procédural a été transférée aux régions à titre accessoire ', de sorte que le législateur décrétal flamand ' est également compétent pour régler la procédure relative aux litiges en matière de baux à loyer relatifs à des biens destinés à l'habitation, alors que l'autorité fédérale demeure compétente pour déterminer les règles procédurales des baux en général '.
Cette thèse ne peut être admise. Selon la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle, la définition des compétences des juridictions et la fixation des règles procédurales devant les juridictions relèvent de la compétence de principe du législateur fédéral » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1612/1, p. 175).
B.6.1. L'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « Les décrets peuvent porter des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles les Parlements ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires à l'exercice de leur compétence ».
B.6.2. La disposition précitée permet notamment à la Région flamande d'adopter des dispositions décrétales qui règlent une matière fédérale, à condition que ces dispositions soient nécessaires à l'exercice des compétences de la région, que cette matière se prête à un régime différencié et que l'incidence de ces dispositions sur la matière fédérale ne soit que marginale.
B.7.1. En ce qui concerne le décret du 9 novembre 2018, les travaux préparatoires précisent : « Les auteurs du présent projet souhaitent expressément regrouper un maximum de dispositions relatives aux baux à loyer. C'est la raison pour laquelle les différentes dispositions du droit des baux à loyer, qui sont contenues dans la loi relative aux baux à loyer, dans le Code civil et dans le Code judiciaire, sont regroupées de manière structurée dans un seul texte. Il est dès lors indispensable que les dispositions relatives à la procédure en matière de baux soient également reprises dans le projet, de sorte que les locataires et les bailleurs soient informés au maximum de ces aspects de la location et de sorte que tant les locataires que les bailleurs puissent, le cas échéant, faire respecter leurs droits. Ce sont essentiellement les dispositions existantes du Code judiciaire qui sont reprises, seules des modifications limitées étant apportées sur certains points. Ces modifications ont pour objet d'harmoniser au maximum la réglementation quant au fond et les dispositions procédurales, harmonisation qui doit optimiser l'application dans la pratique des dispositions matérielles.
Ces modifications limitées confirment et renforcent l'objectif de la procédure spécifique en matière de litiges locatifs, à savoir créer une procédure simple et accessible qui favorise un règlement quant au fond, comme voulu à l'époque par le législateur fédéral » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1612/1, pp. 5-6).
B.7.2. Spécifiquement en ce qui concerne l'article 45, § 2, attaqué, du décret du 9 novembre 2018, il est dit : « Dans un nouveau paragraphe 2, il est prévu une dérogation limitée aux règles générales relatives à l'introduction d'une requête unilatérale, telles qu'elles sont prévues aux articles 1025 à 1034 du Code judiciaire. La dérogation limitée implique que les requêtes unilatérales, dans les litiges relatifs aux baux pour résidences principales ne doivent plus être signées par un avocat, mais peuvent également l'être par le requérant lui-même. Donc, soit le requérant ou l'avocat signe la requête, soit les deux la signent. Le texte même de l'article 1026 du Code judiciaire précise que la signature de l'avocat peut être exclue par la loi, de sorte qu'un régime différencié, instauré par le législateur, est envisageable. En supprimant, pour les litiges locatifs, l'exigence selon laquelle la requête doit être signée par un avocat, le justiciable a plus facilement accès au juge de paix, un objectif que poursuivait également le législateur fédéral lorsqu'il a adopté la loi du 30 novembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/11/1998 pub. 01/01/1999 numac 1998010046 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions du Code judicaire relatives à la procédure en matière de louage de choses et de la loi du 30 décembre 1975 concernant les biens trouvés en dehors des propriétés privées ou mis sur la voie publique en exécution de jugements d'expulsion type loi prom. 30/11/1998 pub. 18/12/1998 numac 1998007272 source ministere de la defense nationale Loi organique des services de renseignement et de sécurité fermer » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1612/1, p. 59).
B.7.3. Les dispositions attaquées s'inscrivent donc dans le cadre de l'objectif qui consiste à faciliter au maximum l'accès au juge dans les litiges relatifs aux baux de résidence principale et aux baux pour le logement d'étudiants. Eu égard à cet objectif, le législateur décrétal a pu estimer, dans l'exercice de la compétence concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l'habitation qui lui a été attribuée, qu'il était nécessaire de laisser au requérant le choix de signer lui-même ou de faire signer par un avocat la requête adressée au juge de paix. Par ailleurs, ce choix est conforme à celui qui consiste, à la lumière de l'objectif précité, à confier au juge de paix la compétence relative aux litiges locatifs, auxquels s'appliquent les titres II et III du décret du 9 novembre 2018.
B.7.4. En vertu de l'article 1026, 5°, du Code judiciaire, une requête unilatérale doit, à peine de nullité, contenir la signature de l'avocat de la partie, sauf lorsque la loi en dispose autrement. Dès lors que le législateur fédéral lui-même prévoit la possibilité de déroger à l'obligation selon laquelle la requête doit être signée par un avocat, il apparaît que la matière réglée se prête à un règlement différencié.
B.7.5. Etant donné que les dispositions attaquées s'appliquent uniquement aux litiges afférents aux baux de résidence principale ou aux baux pour le logement d'étudiants, l'incidence sur la matière fédérale est en outre marginale.
B.7.6. Il est par conséquent satisfait aux conditions d'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, de sorte que le législateur décrétal n'a pas excédé sa compétence en adoptant les dispositions attaquées.
B.8. Le moyen invoqué par le Conseil des ministres n'est pas fondé.
B.9. La Cour doit encore examiner si les dispositions attaquées violent les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, sans qu'existe une justification raisonnable à cet égard, elles feraient naître une différence de traitement entre, d'une part, les justiciables impliqués dans des litiges auxquels s'applique le régime fédéral du Code judiciaire et dans le cadre desquels une requête unilatérale doit en principe toujours être signée par un avocat et, d'autre part, les justiciables impliqués dans des litiges locatifs pour lesquels le juge de paix est compétent en vertu de l'article 43, § 2, du décret du 9 novembre 2018 et pour lesquels les articles 45, § 2, et 65 ne prévoient pas une telle obligation.
B.10.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.10.2. La différence de traitement critiquée résulte de l'autonomie accordée aux régions et à l'autorité fédérale par ou en vertu de la Constitution, dans les matières qui relèvent de leurs compétences respectives.
Sans préjudice de l'application éventuelle du principe de proportionnalité dans l'exercice des compétences, cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe une différence de traitement entre, d'une part, les destinataires de règles fédérales et, d'autre part, les destinataires de règles régionales, dans des matières analogues, était jugé contraire au principe d'égalité et de non-discrimination.
B.11.1. En ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, le moyen n'est pas fondé. La Cour doit cependant encore examiner si les dispositions attaquées violent le droit d'accès au juge.
B.11.2. Il ressort des travaux préparatoires des dispositions attaquées, cités en B.7, que le législateur décrétal a voulu organiser une procédure simple et accessible devant le juge de paix pour trancher les litiges locatifs qui relèvent de sa compétence. En supprimant l'exigence de la signature de l'avocat pour les litiges relatifs aux baux de résidence principale et aux baux pour le logement d'étudiants, le législateur décrétal vise à faciliter l'accès du justiciable au juge de paix, ce qui implique un gain de temps et une diminution des frais.
Les dispositions attaquées ne portent dès lors pas atteinte au droit d'accès au juge, garanti par l'article 13 de la Constitution, lu en combinaison ou non avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Dès lors que les parties requérantes ne démontrent pas un point de rattachement avec la mise en oeuvre du droit de l'Union, le moyen est irrecevable en ce qu'il invoque la violation de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
B.12. Le moyen invoqué par les parties requérantes n'est pas fondé.
Quant à l'affaire n° 7199 B.13. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 44 du décret du 9 novembre 2018, qui dispose : « Exclusion de la possibilité d'arbitrage Toute convention d'arbitrage conclue avant la naissance d'un litige ou à l'occasion d'un litige, dont le juge prend connaissance en application de l'article 43, est nulle de plein droit ».
A l'appui de leur recours en annulation, les parties requérantes invoquent deux moyens.
En ce qui concerne le premier moyen B.14. Le premier moyen est pris de la violation, par la disposition attaquée, des articles 33, 35, 143, § 1er, et 146 de la Constitution, de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, des articles 1101 et 1134 du Code civil et des articles 1676 et suivants du Code judiciaire.
Les parties requérantes reprochent au législateur décrétal de violer la compétence du législateur fédéral en excluant la possibilité d'arbitrage concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l'habitation.
B.15. En vertu de l'article 142, alinéa 2, de la Constitution et de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour est compétente pour statuer sur les recours en annulation d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution pour cause de violation des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale, des communautés et des régions et pour cause de violation des articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.
B.16. L'article 35 de la Constitution dispose : « L'autorité fédérale n'a de compétences que dans les matières que lui attribuent formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution même.
Les communautés ou les régions, chacune pour ce qui la concerne, sont compétentes pour les autres matières, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa.
Disposition transitoire La loi visée à l'alinéa 2 détermine la date à laquelle le présent article entre en vigueur. Cette date ne peut pas être antérieure à la date d'entrée en vigueur du nouvel article à insérer au titre III de la Constitution, déterminant les compétences exclusives de l'autorité fédérale ».
La loi visée à l'alinéa 2 de l'article 35 de la Constitution n'a pas encore été adoptée. Cette disposition constitutionnelle n'est donc jamais entrée en vigueur, de sorte que la Cour n'est pas compétente pour statuer sur le respect de celle-ci.
B.17.1. L'article 33 de la Constitution dispose : « Tous les pouvoirs émanent de la Nation.
Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution ».
B.17.2. L'article 1101 du Code civil dispose : « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».
B.17.3. L'article 1134 du Code civil dispose : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi ».
B.17.4. Les articles 1676 à 1723 du Code judiciaire, qui composent la sixième partie de ce Code, ont pour objet de régler l'« arbitrage », qui constitue un mode particulier de règlement des différends.
B.17.5. Aucune des dispositions constitutionnelle ou législatives citées en B.17 n'a pour objet de déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale et des entités fédérées.
La Cour n'est donc pas compétente pour statuer sur le respect des règles que ces dispositions énoncent.
B.18. En ce qu'il est pris de la violation des articles 33 et 35 de la Constitution, des articles 1101 et 1134 du Code civil, ainsi que des articles 1676 et suivants du Code judiciaire, le moyen est irrecevable.
B.19.1. L'arbitrage est un mode de règlement des conflits qui repose sur l'autonomie des parties, qui décident de confier à un ou plusieurs arbitres le pouvoir de dire le droit en vue de mettre définitivement fin au différend qui les oppose. En vertu de l'article 1681 du Code judiciaire, « une convention d'arbitrage est une convention par laquelle les parties soumettent à l'arbitrage tous les différends ou certains des différends qui sont nés ou pourraient naître entre elles au sujet d'un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel ». En application de l'article 1682 du même Code, « le juge saisi d'un différend faisant l'objet d'une convention d'arbitrage se déclare sans juridiction à la demande d'une partie, à moins qu'en ce qui concerne ce différend, la convention ne soit pas valable ou n'ait pris fin ».
B.19.2. Selon la disposition attaquée, toute convention d'arbitrage conclue avant la naissance d'un litige ou à l'occasion d'un litige, dont le juge prend connaissance en application de l'article 43 du décret du 9 novembre 2018 est nulle de plein droit. Cela signifie que toute forme d'arbitrage dans le cadre de litiges en matière de baux pour résidence principale et pour le logement d'étudiants est proscrite, et que de tels litiges relèvent de la compétence exclusive du juge de paix.
B.19.3. La compétence concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l'habitation attribuée aux régions par l'article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ne permet pas de régler la compétence des cours et tribunaux, puisqu'en vertu de l'article 146 de la Constitution, cette matière relève de la compétence du législateur fédéral. Régler la possibilité de conclure une convention d'arbitrage, ce qui a une incidence sur la compétence des cours et tribunaux, relève également de la compétence de l'autorité fédérale.
B.20.1. Comme il a été dit en B.6.2, l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles permet néanmoins à la Région flamande d'adopter des dispositions décrétales dans une matière qui relève de la compétence de l'autorité fédérale, à condition que ces dispositions soient nécessaires à l'exercice des compétences de la région, que cette matière se prête à un régime différencié et que l'incidence de ces dispositions sur la matière fédérale ne soit que marginale.
B.20.2. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal a adopté la disposition attaquée dans le but d'éviter que des conventions d'arbitrage puissent constituer un obstacle financier à la résolution de litiges locatifs : « Conformément aux articles 1676 à 1723 du Code judiciaire, les parties peuvent convenir de soumettre à l'arbitrage les différends qui sont nés ou pourraient naître entre elles. Il en résulte que le juge de paix perd sa juridiction pour se prononcer sur le différend (article 1682 du Code judiciaire).
Une procédure d'arbitrage coûte cependant plus cher qu'une procédure devant le juge de paix. Comme les conflits locatifs portent souvent sur de faibles montants, une clause d'arbitrage pourrait même créer un obstacle financier insurmontable. Lors de l'évaluation du droit des baux à loyer, un consensus s'est dégagé entre les acteurs pour exclure la possibilité d'arbitrage pour les conflits locatifs, comme cela avait déjà été le cas pour les litiges relevant de la compétence du tribunal du travail (article 1676, § 5, du Code judiciaire).
Puisque cette disposition porte uniquement sur les différends relatifs aux baux de résidence principale, l'option retenue consiste à insérer celle-ci dans le décret flamand sur la location d'habitations et non dans l'article 1676 du Code judiciaire » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1612/1, p. 58).
B.20.3. Comme les dispositions attaquées dans l'affaire n° 7197, l'article 44 du décret du 9 novembre 2018 cadre donc avec l'objectif de simplifier et de faciliter au maximum l'accès au juge dans des litiges relatifs à des baux de résidence principale et à des baux pour le logement d'étudiants. Eu égard à cet objectif, le législateur décrétal a pu estimer, dans l'exercice de la compétence qui lui a été attribuée, qu'il était nécessaire d'éviter que l'impact financier éventuel d'une procédure d'arbitrage puisse constituer un obstacle à la résolution de conflits locatifs. Ce choix est conforme à celui qui consiste, à la lumière de ce même objectif, à confier exclusivement au juge de paix la compétence relative aux litiges locatifs, auxquels s'appliquent les titres II et III du décret du 9 novembre 2018.
B.20.4. En vertu de l'article 1676, § 1er, du Code judiciaire, toute cause de nature patrimoniale de même que toute cause de nature non patrimoniale sur laquelle il est permis de transiger peuvent faire l'objet d'un arbitrage. Conformément à l'article 1676, § 4, du même Code, cette disposition est applicable sauf lorsque la loi en dispose autrement. Dès lors que le législateur fédéral permet ainsi explicitement d'exclure certains litiges de l'arbitrage, il apparaît que la matière réglée se prête à un règlement différencié.
B.20.5. Etant donné que la disposition attaquée s'applique uniquement aux litiges en matière de baux de résidence principale et/ou de baux pour le logement d'étudiants, l'incidence sur la matière fédérale est en outre marginale.
B.20.6. Il est par conséquent satisfait aux conditions d'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, de sorte que le législateur décrétal n'a pas excédé sa compétence en adoptant la disposition attaquée.
B.21. Le premier moyen n'est pas fondé.
En ce qui concerne le deuxième moyen B.22. Le deuxième moyen est pris de la violation, par la disposition attaquée, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il est également reproché à la disposition attaquée de porter atteinte au droit d'accès au juge et à un tribunal indépendant et impartial et de violer ainsi les articles 13 et 146 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 6, 13 et 18 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 8 et 29 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
B.23. A défaut d'inscription des règles de la Déclaration universelle des droits de l'homme dans un texte normatif de valeur contraignante, la Cour ne peut contrôler le respect des dispositions de cette Déclaration dont la violation est invoquée.
En outre, les parties requérantes ne précisent pas en quoi la disposition attaquée pourrait violer les articles 6, 13 et 18 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Enfin, la Cour n peut examiner la compatibilité de la disposition attaquée avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, lu en combinaison avec les dispositions constitutionnelles invoquées par les parties requérantes, qu'en ce que les dispositions en cause mettent en oeuvre le droit de l'Union conformément à l'article 51, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (CJUE, grande chambre, 26 février 2013, C-617/10, Aklagaren, points 17 et suivants). Etant donné que les parties requérantes ne démontrent pas un lien de rattachement avec la mise en oeuvre du droit de l'Union, le moyen est irrecevable en ce qu'il invoque la violation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
B.24. La Cour doit donc encore examiner si la disposition attaquée viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle fait naître une différence de traitement, sans qu'existe une justification raisonnable à cet égard, entre les justiciables impliqués dans des litiges auxquels s'applique la disposition attaquée et dans lesquels un arbitrage est exclu, d'une part, et les justiciables impliqués dans des litiges qui peuvent faire l'objet d'un arbitrage, d'autre part.
B.25.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.25.2. Comme la Cour l'a jugé en ce qui concerne le premier moyen, le législateur décrétal est, conformément aux conditions contenues dans l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, compétent pour exclure toute forme d'arbitrage dans le cadre de litiges en matière de baux de résidence principale et de baux pour le logement d'étudiants.
Les différences de traitement critiquées résultent de l'autonomie qui a été attribuée aux régions et à l'autorité fédérale par ou en vertu de la Constitution, dans les matières qui relèvent de leurs compétences respectives.
Sans préjudice de l'application éventuelle du principe de proportionnalité dans l'exercice des compétences, cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe une différence de traitement entre des destinataires de règles fédérales, d'une part, et les destinataires de règles régionales, d'autre part, dans des matières analogues, était jugé contraire au principe d'égalité et de non-discrimination.
B.26. Le deuxième moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour rejette les recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 12 novembre 2020.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen