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Arrêt
publié le 19 novembre 2020

Extrait de l'arrêt n° 130/2020 du 1 er octobre 2020 Numéro du rôle : 7386 En cause : le recours en annulation de l'article 14bis, alinéa 2, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, introduit par Annick Meurant La Cour constitutionnelle, composée du président émérite A. Alen, conformément à l'article 60bis(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 130/2020 du 1er octobre 2020 Numéro du rôle : 7386 En cause : le recours en annulation de l'article 14bis, alinéa 2, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, introduit par Annick Meurant et autres.

La Cour constitutionnelle, composée du président émérite A. Alen, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président F. Daoût, et des juges J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, T. Giet, R. Leysen et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président émérite A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 avril 2020 et parvenue au greffe le 28 avril 2020, un recours en annulation de l'article 14bis, alinéa 2, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, a été introduit par Annick Meurant, Guido Van Loon, Jan Creve, Dirk Bus et André Didden, assistés et représentés par Me P. Vande Casteele, avocat au barreau d'Anvers.

Le 13 mai 2020, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs R. Leysen et T. Giet ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de mettre fin à l'examen de l'affaire par un arrêt rendu sur procédure préliminaire. (...) II. En droit (...) B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 14bis, alinéa 2, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

Le recours en annulation a été introduit en vertu de l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, qui dispose qu'un nouveau délai de six mois est ouvert pour l'introduction d'un recours en annulation d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance notamment par toute personne physique ou morale justifiant d'un intérêt, lorsque la Cour, statuant sur une question préjudicielle, a déclaré que cette loi, ce décret ou cette ordonnance viole entre autres une des règles visées à l'article 1er.

B.2. L'article 14bis des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, tel qu'il a été inséré par l'article 14 de la loi du 16 juin 1989 « portant diverses réformes institutionnelles » et modifié par l'article 9 de la loi du 4 août 1996 « modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 » et par l'article 2 de la loi du 8 septembre 1997, dispose : « Pour l'application de l'article 14 des mêmes lois coordonnées, sont considérées comme des formes substantielles, les concertations, les associations, les transmissions d'informations, les avis, les avis conformes, les accords, les accords communs, à l'exception des accords de coopération visés à l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, et les propositions qui concernent les relations entre l'Etat, les Communautés et les Régions et qui sont prévus par ou en vertu des lois prises en exécution des articles 39, 127, § 1er, 128, § 1er, 129, § 1er, 130, § 1er, 135, 136, alinéa 1er, 140, 175, 176 et 177 de la Constitution.

Toutefois, les personnes physiques et les personnes morales, à l'exception de l'Etat, des Communautés, des Régions et de la Commission communautaire commune en ce qui concerne les matières visées à l'article 63 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relatives aux institutions bruxelloises, ne peuvent invoquer la violation des formes visées à l'alinéa précédent ».

B.3. Le moyen unique est pris de la violation, par la disposition attaquée, des articles 10, 11 et 13 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe général de l'accès à un juge.

Les parties requérantes reprochent à la disposition attaquée de ne pas permettre aux personnes physiques ou morales autres que l'Etat belge, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune d'invoquer, dans le cadre d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, la violation des formes visées à l'article 14bis, alinéa 1er, des mêmes lois.

B.4. Par son arrêt n° 147/2019 du 24 octobre 2019, la Cour a jugé : « B.3.2. L'article 14bis des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, tel qu'il a été inséré par l'article 14 de la loi du 16 juin 1989 ' portant diverses réformes institutionnelles ' et modifié par l'article 9 de la loi du 4 août 1996 ' modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 ' et par l'article 2 de la loi du 8 septembre 1997, dispose : ' Pour l'application de l'article 14 des mêmes lois coordonnées, sont considérées comme des formes substantielles, les concertations, les associations, les transmissions d'informations, les avis, les avis conformes, les accords, les accords communs, à l'exception des accords de coopération visés à l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, et les propositions qui concernent les relations entre l'Etat, les Communautés et les Régions et qui sont prévus par ou en vertu des lois prises en exécution des articles 39, 127, § 1er, 128, § 1er, 129, § 1er, 130, § 1er, 135, 136, alinéa 1er, 140, 175, 176 et 177 de la Constitution.

Toutefois, les personnes physiques et les personnes morales, à l'exception de l'Etat, des Communautés, des Régions et de la Commission communautaire commune en ce qui concerne les matières visées à l'article 63 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relatives aux institutions bruxelloises, ne peuvent invoquer la violation des formes visées à l'alinéa précédent '.

B.4.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 14bis, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que cette disposition ne permet pas aux personnes physiques ou morales autres que l'Etat belge, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune d'invoquer, dans le cadre d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, la violation des obligations de collaboration qu'il vise, ' alors que ces mêmes violations peuvent être invoquées par toute personne contre une norme de valeur législative devant la Cour constitutionnelle '.

B.4.2. En vertu de l'article 1er, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour statue, par voie d'arrêt, sur les recours en annulation, en tout ou en partie, d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution pour cause de violation ' des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des Communautés et des Régions '.

En vertu de l'article 30bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989, sont assimilées à des règles répartitrices de compétences au sens de l'article 1er, 1°, de la même loi spéciale ' la concertation, l'association, la transmission d'informations, les avis, les avis conformes, les accords, les accords communs et les propositions prévus par la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, à l'exception des accords de coopération visés à l'article 92bis de ladite loi, ainsi que par la loi spéciale du 16 janvier 1989 sur le financement des communautés et Régions ou par toute autre loi prise en exécution des articles 39, 127, § 1er, 128, § 1er, 129, § 1er, 130, § 1er, 135, 136, 137, 140, 166, 175, 176 et 177 de la Constitution '.

Sauf à l'égard des mécanismes de fédéralisme coopératif précités, visés à l'article 30bis précité, la Cour n'est pas compétente pour contrôler le processus ou les modalités d'élaboration d'une loi.

La loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle ne limite pas la possibilité, pour les personnes physiques ou morales, d'invoquer la violation des règles visées à l'article 30bis de la même loi.

B.4.3. La question préjudicielle invite dès lors à comparer la situation des personnes physiques ou morales autres que l'Etat belge, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune, selon qu'elles agissent en annulation devant le Conseil d'Etat ou devant la Cour constitutionnelle : dans le premier cas, elles ne peuvent invoquer la violation des mécanismes de fédéralisme coopératif visés à l'article 14bis, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, assimilés à des ' formalités substantielles ', alors que, dans le second cas, elles peuvent invoquer la violation des mécanismes de fédéralisme coopératif visés à l'article 30bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989, assimilés à des ' règles répartitrices de compétences '. [...] B.7. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.8.1. L'ancien article 124bis (actuellement l'article 30bis) de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle a été inséré par l'article 68 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions.

L'exposé des motifs indiquait à ce sujet : ' L'article 124bis en projet a pour but de préciser que les dispositions qui imposent à l'Etat, aux Régions et aux Communautés, différents modes de concertation avant la mise en oeuvre de certaines de leurs compétences, sont elles-mêmes des règles de compétence dont la violation peut entraîner l'annulation de la norme législative.

La Cour d'arbitrage veillera au respect du caractère effectif de la procédure de concertation ' (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 635/1, p. 49). L'association prévue par l'article 6, § 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles constituait une illustration de l'association prévue à l'article 124bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle (Doc. parl., Sénat, 1988-1989, n° 562/2, p. 230).

Le rapport indiquait également : ' Un membre souligne l'importance d'une précédente intervention précisant la portée du nouvel article 124bis contenu dans l'article à l'examen. Dès l'origine, en effet, la distinction entre les règles de forme et les règles de compétence a donné lieu à de longs débats. Au terme de ceux-ci, on aboutit à la conclusion que les violations des règles de forme n'ouvriraient pas l'action auprès de la Cour d'arbitrage. En l'espèce, c'est le fait de ne pas solliciter un avis qui est sanctionnable et pas le non-respect de l'avis rendu. L'article 68 met clairement les choses au point en transformant les règles de forme en règles de compétence.

Un membre conclut en observant que sont visées, à cet article, des exigences formelles qui s'insèrent dans le cadre de la répartition des compétences. Ces exigences formelles garantissent l'autonomie des Régions et des Communautés ' (ibid., p. 232).

B.8.2. En ce qui concerne la version initiale de l'article 124bis en projet, qui limitait la possibilité pour une personne physique ou morale d'invoquer la violation d'une des règles visées dans cette disposition, la section de législation du Conseil d'Etat avait émis les observations suivantes : ' On peut certes admettre que les règles précitées puissent soit être relatives à la compétence de l'autorité qui collabore à la préparation de la décision à prendre, soit influencer la décision prise par l'autorité compétente et que, dès lors, ces règles soient assimilées à des règles de compétence.

Mais, dans ce cas, les personnes privées qui, suivant l'article 2, 2°, de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage peuvent, si elles justifient d'un intérêt, introduire un recours en annulation d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 26bis de la Constitution, devraient également pouvoir invoquer la violation de l'une des règles précitées. Or, l'article en projet, dans son deuxième alinéa, leur refuse un tel recours " par dérogation à l'article 2, 2°, " de la loi précitée.

Dans l'exposé des motifs (p. 90), la dérogation à l'article 2, 2°, de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage est justifiée de la manière suivante : " Il va de soi que seules les autorités lésées par la violation de telles dispositions peuvent invoquer celles-ci à l'appui d'un recours en annulation... ".

Une telle motivation serait adéquate si les dispositions en question énonçaient des formalités prévues dans le seul intérêt des autorités appelées à les respecter, mais elle est insuffisante dès lors que ces dispositions sont considérées comme des règles de compétence.

Puisque, suivant l'exposé des motifs (p. 90) : " La Cour d'arbitrage veille au respect effectif de la procédure de concertation ", il est permis d'en conclure que la Cour d'arbitrage pourrait soulever d'office un moyen déduit de la violation d'une des règles visées dans l'article en projet ' (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 635/1, p. 84).

B.8.3. Suivant cette observation de la section de législation du Conseil d'Etat, le législateur n'a pas repris l'exclusion de la possibilité pour une personne physique ou morale d'invoquer, devant la Cour constitutionnelle, la violation des mécanismes de fédéralisme coopératif visés dans l'ancien article 124bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, devenu l'article 30bis de la même loi.

B.9.1. La disposition en cause a été insérée dans les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat par l'article 14 de la loi du 16 juin 1989 ' portant diverses réformes institutionnelles '.

Les travaux préparatoires exposent à ce sujet : ' L'article 14 confirme la qualité de formalité substantielle des mécanismes de collaboration entre l'Etat, les Communautés et les Régions, prévus par et en vertu des lois prises en exécution des articles 59bis, 59ter, 107quater, 108ter et 115 de la Constitution.

Cela implique que le non-respect desdits mécanismes par les autorités administratives concernées est susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat. [...] Etant donné que cet article concerne la compétence du Conseil d'Etat, une majorité spéciale n'est pas requise. La loi spéciale sur la Cour d'arbitrage n'est en aucune façon modifiée : pour les actes et règlements contestés, les mécanismes de collaboration énumérés sont des formes substantielles. Ceci n'empêche pas qu'une question préjudicielle à la Cour d'arbitrage doive être posée si l'élaboration d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance sont en cause.

Le deuxième alinéa implique que seules les personnes de droit public qui y sont énumérées, peuvent invoquer la violation des formes substantielles visées à l'alinéa premier. Cela n'empêche évidemment pas que l'article [159] de la Constitution trouve à s'appliquer, pour autant qu'une requête recevable et fondée sur d'autres moyens ait été introduite ' (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 790/1, pp. 5-6).

B.9.2. En ce qui concerne la disposition en cause, la section de législation du Conseil d'Etat avait émis les observations suivantes : ' Aux termes de l'article, " les concertations, associations, etc. " dont l'omission ou l'irrégularité constituent la violation de règles de compétence au sens de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage, seront qualifiées de formes substantielles dans les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. Il ressortira de l'alinéa 2 que lorsque le Conseil d'Etat sera sollicité de refuser l'application d'une disposition législative pour omission ou irrégularité de ces mêmes concertations, etc., il devra poser une question préjudicielle à la Cour d'arbitrage parce qu'il s'agira d'un moyen pris de la violation d'une règle de compétence. Mais s'il est sollicité de refuser l'application d'un règlement ou d'un acte individuel, ou d'annuler un tel acte, il devra considérer ces mêmes concertations, etc. comme des formes substantielles dont il ne pourra relever la violation qu'à la requête de l'Etat, des Communautés et des Régions.

D'une part, le législateur ordinaire ne saurait s'attribuer le pouvoir de qualifier des actes prescrits par le législateur spécial autrement que ne l'a fait celui-ci.

D'autre part, le législateur ne peut limiter les pouvoirs que le Conseil d'Etat, section administration, et les autres juridictions administratives tiennent de l'article [159] de la Constitution, au même titre que les cours et tribunaux de l'ordre judiciaire.

Il s'ensuit que l'article 7 doit être omis ' (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 790/1, pp. 32-33).

B.9.3. En réponse à cet avis, le rapport mentionne : ' L'article 14 n'est que la confirmation expresse dans la loi de l'interprétation donnée par le législateur spécial d'août 1988 des diverses procédures de concertation qui régissent les relations entre l'Etat, les Communautés et les Régions.

En vertu de cet article, en effet, lorsque ces procédures s'imposent pour les actes et règlements dont le Conseil d'Etat peut prononcer l'annulation, il s'agit de formes substantielles prescrites dans l'intérêt de l'Etat, de la Communauté ou de la Région. C'est d'ailleurs pourquoi seules ces autorités ont intérêt à invoquer la violation d'une de ces procédures.

En revanche, lorsque ces procédures s'imposent pour l'adoption des normes de nature législative, il s'agit de règles de compétence qui relèvent de l'appréciation de la Cour d'arbitrage en vertu de la législation qui régit cette dernière ' (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 790/3, p. 4).

B.10. Bien que l'objectif poursuivi par la disposition en cause n'apparaisse pas clairement dans les travaux préparatoires cités en B.9, il peut être rattaché au souci, légitime, de rationaliser le contentieux administratif.

En l'espèce toutefois, la disposition en cause présume, de manière irréfragable, que les personnes physiques ou morales autres que l'Etat belge, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune n'ont jamais intérêt à invoquer la violation des mécanismes de fédéralisme coopératif visés à l'article 14bis, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, qui ne seraient édictés que dans le seul intérêt de l'Etat belge, des communautés, des régions et de la Commission communautaire commune (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 790/3, p. 4).

Ce présupposé, fondé sur la méconnaissance d'un mécanisme de fédéralisme coopératif, ne suffit toutefois pas à justifier la mesure en cause quand est en cause un acte administratif ou un règlement, dès lors que le législateur a expressément refusé ce postulat quand est en cause une norme législative au regard d'un grief identique.

B.11.1. En outre, l'article 14, § 1er, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat consacre dans la loi l'exigence de l'intérêt au moyen. Selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, le requérant n'est en principe recevable à invoquer une irrégularité que lorsque celle-ci lèse ses intérêts.

Cette notion d'intérêt au moyen garantit dès lors à suffisance que ne seraient recevables à invoquer la violation des mécanismes de fédéralisme coopératif visés à l'article 14bis des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat que les personnes dont les intérêts sont lésés par l'adoption de l'acte attaqué, en méconnaissance des formes visées à l'alinéa 1er de l'article 14bis précité.

B.11.2. Enfin, les personnes physiques ou morales sont, en ce qui concerne l'invocation de la violation d'un mécanisme de fédéralisme coopératif, visé à l'article 14bis des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, entourant l'adoption d'un acte ou d'un règlement, privées de tout recours en annulation.

B.11.3. Le droit d'accès au juge constitue un principe général de droit qui doit être garanti à chacun dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution. En présumant, de manière irréfragable, que les personnes physiques ou morales autres que l'Etat belge, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune n'ont jamais intérêt à invoquer la violation des mécanismes de fédéralisme coopératif visés à l'article 14bis, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, et en excluant dès lors ces personnes de toute possibilité d'invoquer la violation de ces formes, la disposition en cause limite de manière disproportionnée le droit d'accès au juge d'une catégorie de justiciables.

Par conséquent, la disposition en cause emporte une atteinte discriminatoire au droit d'accès au juge.

B.12. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative ».

B.5. Pour des motifs identiques à ceux qui sont contenus dans l'arrêt n° 147/2019 précité, le moyen unique est fondé. B.6. Afin d'éviter toute insécurité juridique et de tenir compte des conséquences pour le contentieux devant le Conseil d'Etat qui peuvent découler d'une annulation en l'espèce, les effets de la disposition annulée doivent, en application de l'article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, être maintenus à l'égard de toutes les applications qui en ont été faites avant le 9 avril 2020, date de la publication de l'arrêt n° 147/2019 au Moniteur belge.

Par ces motifs, la Cour 1. annule l'article 14bis, alinéa 2, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;2. maintient les effets de la disposition annulée à l'égard de toutes les applications qui en ont été faites avant le 9 avril 2020, date de la publication de l'arrêt n° 147/2019 au Moniteur belge. Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 1er octobre 2020.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut A. Alen

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