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Arrêt
publié le 23 décembre 2020

Extrait de l'arrêt n° 119/2020 du 24 septembre 2020 Numéros du rôle : 7122 et 7124 En cause : les recours en annulation totale au partielle de l'article 4 du décret de la Région flamande du 13 juillet 2018 « modifiant la loi du 14 août 1986 r La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-V(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 119/2020 du 24 septembre 2020 Numéros du rôle : 7122 et 7124 En cause : les recours en annulation totale au partielle de l'article 4 du décret de la Région flamande du 13 juillet 2018 « modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux dans le cadre de la sixième réforme de l'Etat », introduits par l'ASBL « Hubertusvereniging - Vlaanderen » et par August Hendrickx et David Hendrickx.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 février 2019 et parvenue au greffe le 11 février 2019, l'ASBL « Hubertusvereniging - Vlaanderen », assistée et représentée par Me T. Walbrecht, avocat au barreau d'Anvers, a introduit un recours en annulation de l'article 4, 1°, du décret de la Région flamande du 13 juillet 2018 « modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux dans le cadre de la sixième réforme de l'Etat » (publié au Moniteur belge du 10 août 2018). b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 11 février 2019 et parvenue au greffe le 12 février 2019, un recours en annulation de l'article 4 du même décret a été introduit par August Hendrickx et David Hendrickx. Ces affaires, inscrites sous les numéros 7122 et 7124 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée B.1. Les parties requérantes dans les affaires nos 7122 et 7124 demandent l'annulation totale ou partielle de l'article 4 du décret de la Région flamande du 13 juillet 2018 « modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux dans le cadre de la sixième réforme de l'Etat » (ci-après : le décret du 13 juillet 2018), en ce que cette disposition instaure une interdiction d'utiliser pour les chiens des colliers pouvant donner des chocs électriques (ci-après : colliers électriques).

B.2.1. Le décret du 13 juillet 2018 modifie la loi du 14 août 1986 « relative à la protection et au bien-être des animaux » (ci-après : la loi du 14 août 1986) en vue de rendre la terminologie conforme à la régionalisation de la politique en matière de bien-être animal et d'effectuer certains changements de politique (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1555/1, p. 3).

B.2.2. L'article 4, 1°, du décret du 13 juillet 2018 instaure une interdiction d'utiliser des colliers électriques pour les chiens, avec la possibilité, pour le Gouvernement flamand, d'autoriser des dérogations pour l'utilisation de ces colliers dans le cadre d'une formation ou d'une thérapie comportementale. Les travaux préparatoires indiquent qu'il n'existait jusque-là, en Belgique, aucune législation concernant les colliers électriques pour chiens et que leur utilisation et leur vente étaient libres. Par la disposition attaquée, le législateur décrétal souhaite, pour promouvoir le bien-être animal, instaurer une interdiction de principe quant à l'utilisation de tels colliers, à l'instar de plusieurs autres pays européens (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1555/1, p. 5).

B.3.1. L'article 4 du décret du 13 juillet 2018 dispose : « A l'article 4 de la même loi, modifié par la loi du 27 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/12/2012 pub. 31/12/2012 numac 2012022492 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de bien-être animal, Cites, santé des animaux et protection de la santé des consommateurs fermer, les modifications suivantes sont apportées : ' 1° Il est inséré un paragraphe 2/2, rédigé comme suit : " § 2/2. L'utilisation pour les chiens de colliers pouvant donner des chocs électriques est interdite. Le Gouvernement flamand peut arrêter des modalités pour autoriser des dérogations à cette interdiction pour l'utilisation pendant la formation ou la thérapie comportementale pour chiens "; 2° dans le paragraphe 4, le membre de phrase ", 2/1, 2/2 " est inséré entre le membre de phrase " § § 2" et le membre de phrase " et 3 ";3° dans le paragraphe 4, le mot " Roi " est remplacé par les mots " Gouvernement flamand ";4° dans le paragraphe 5, le membre de phrase " 2/1, 2/2, " est inséré entre le membre de phrase " § § 1er, 2, " et le membre de phrase " 3 et 4" ' ». B.3.2. Par l'effet de ces modifications, l'article 4 de la loi du 14 août 1986 dispose, en ce qui concerne la Région flamande : « § 1er. Toute personne qui détient un animal, qui en prend soin ou doit en prendre soin, doit prendre les mesures nécessaires afin de procurer à l'animal une alimentation, des soins et un logement qui conviennent à sa nature, à ses besoins physiologiques et éthologiques, à son état de santé et à son degré de développement, d'adaptation ou de domestication. § 2. Aucune personne qui détient un animal, en prend soin, ou doit en prendre soin, ne peut entraver sa liberté de mouvement au point de l'exposer à des douleurs, des souffrances ou des lésions évitables.

Un animal habituellement ou continuellement attaché ou enfermé doit pouvoir disposer de suffisamment d'espace et de mobilité, conformément à des besoins physiologiques et éthologiques. § 2/1. Les équidés qui sont détenus à l'extérieur peuvent être rentrés dans une écurie ou, à défaut, disposent d'un abri naturel ou artificiel. § 2/2. L'utilisation pour les chiens de colliers pouvant donner des chocs électriques est interdite. Le Gouvernement flamand peut arrêter des modalités pour autoriser des dérogations à cette interdiction pour l'utilisation pendant la formation ou la thérapie comportementale pour chiens. § 3. L'éclairage, la température, le degré d'humidité, la ventilation, la circulation d'air et les autres conditions ambiantes du logement des animaux doivent être conformes aux besoins physiologiques et éthologiques de l'espèce. § 4. En exécution des § § 2, 2/1, 2/2 et 3 [...] et sans préjudice des dispositions du chapitre VIII, le Roi peut arrêter des règles complémentaires pour les différentes espèces et catégories d'animaux. § 5. Les agents de l'autorité visés à l'article [34] sont habilités à prendre ou à imposer les mesures nécessaires pour faire respecter sans délai les obligations découlant des § § 1er, 2, 3 et 4 ».

B.3.3. En ce qui concerne l'entrée en vigueur de l'article 4, 1°, du décret du 13 juillet 2018, l'article 42 de ce décret dispose : « L'article 4, 1°, du présent décret entre en vigueur à une date à fixer par le Gouvernement flamand ».

Quant à la recevabilité des recours en annulation B.4.1. Selon le Gouvernement flamand et l'ASBL « Global Action in the Interest of Animals » (GAIA), laquelle agit en tant que partie intervenante, les parties requérantes ne justifieraient pas de l'intérêt requis pour demander l'annulation de la disposition attaquée.

B.4.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.4.3. L'ASBL « Hubertusvereniging - Vlaanderen », partie requérante dans l'affaire n° 7122, considère l'interdiction décrétale d'utiliser des colliers électriques pour les chiens comme une restriction en matière de chasse. Conformément à ses statuts et à ses activités, elle vise notamment à la promotion, au développement et à la défense de l'art de la chasse.

B.4.4. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7124 disposent toutes deux d'un permis de chasse et équipent leurs chiens de chasse de colliers électriques pour leurs activités de chasse.

B.4.5. Les parties requérantes dans les deux affaires justifient dès lors d'un intérêt à l'annulation de la disposition attaquée, laquelle instaure une interdiction d'utiliser des colliers électriques pour les chiens.

B.4.6. L'exception est rejetée.

B.5.1. Le Gouvernement flamand fait ensuite valoir que le moyen unique dans les deux affaires serait irrecevable, en ce que les parties requérantes n'exposeraient pas de manière satisfaisante en quoi la disposition attaquée violerait les normes de référence.

En outre, le Gouvernement flamand soutient que le moyen unique dans l'affaire n° 7124 est irrecevable, en ce que la Cour est invitée à contrôler la disposition attaquée au regard des articles 544 et 1384 du Code civil et des articles 4, § 1er, et 36, 3°, de la loi du 14 août 1986.

B.5.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

B.5.3. Il ressort des mémoires du Gouvernement flamand qu'il a pu répondre de manière adéquate aux griefs formulés par les parties requérantes, de sorte qu'il y a lieu de rejeter l'exceptio obscuri libelli.

B.5.4. La Cour n'étant pas compétente pour contrôler des dispositions décrétales au regard d'autres dispositions législatives qui ne sont pas des règles répartitrices de compétences, le moyen unique dans l'affaire n° 7124, en ce qu'il est pris d'une violation des articles 544 et 1384 du Code civil et des articles 4, § 1er, et 36, 3°, de la loi du 14 août 1986, est irrecevable.

B.6.1. Enfin, le Gouvernement flamand estime qu'à la lumière des griefs invoqués par les parties requérantes, le recours en annulation dans l'affaire n° 7124 n'est recevable qu'en ce qu'il est dirigé contre l'article 4, 1°, du décret du 13 juillet 2018, qui insère un paragraphe 2/2 dans l'article 4 de la loi du 14 août 1986.

B.6.2. La Cour détermine l'étendue du recours en annulation en fonction du contenu de la requête et en particulier sur la base de l'exposé du moyen. La Cour limite son examen à la disposition contre laquelle des griefs sont effectivement dirigés.

Il ressort de l'exposé du moyen unique que la critique des parties requérantes dans l'affaire n° 7124 vise exclusivement l'article 4, 1°, du décret du 13 juillet 2018, qui instaure une interdiction d'utiliser des colliers électriques pour les chiens. La Cour limite dès lors son examen à cette disposition.

Ce constat n'empêche pas que, si la Cour devait décider d'annuler l'article 4, 1°, du décret attaqué, cette annulation devrait être étendue aux articles 4, 2° à 4°, en ce que ces dispositions renvoient à la disposition attaquée.

Quant au fond B.7.1. Le moyen unique dans l'affaire n° 7122 est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 4, 1°, du décret du 13 juillet 2018, en ce que cet article instaure une interdiction générale d'utiliser des colliers électriques pour chiens, sans prévoir une exception en ce qui concerne les chiens de chasse utilisés pour l'exercice de la chasse.

B.7.2. Le moyen unique dans l'affaire n° 7124 est pris de la violation, par l'article 4, 1°, du décret du 13 juillet 2018, des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que, sans qu'existe une justification raisonnable, l'article attaqué ferait naître une différence de traitement entre les propriétaires et les gardiens de chiens et ceux d'autres animaux, tels que le gros bétail (première branche), ainsi qu'entre les propriétaires et les gardiens de chiens de chasse qui participent à des activités de chasse et les personnes qui forment ces chiens et celles qui leur donnent une thérapie comportementale (seconde branche).

B.8.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.8.2. L'article 16 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

B.8.3. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». B.9.1. En ce qui concerne l'instauration de la disposition attaquée, les travaux préparatoires mentionnent : « L'utilisation de colliers électriques pour des chiens est souvent controversée. D'une part, il y a des dresseurs et des thérapeutes comportementalistes qui ne voient pas d'objection à l'utilisation d'un collier électrique pour résoudre des problèmes de comportement. Sont cités, parmi les avantages que présente le collier électrique, l'utilisation sur de plus longues distances et un risque moindre de blessures. D'autre part, il y a des détracteurs, qui font valoir que la douleur (et l'angoisse) provoquée par le choc va à l'encontre du bien-être animal et de l'éthique, qu'elle est inutile par rapport à la gravité ou à la nature du problème de comportement que l'on souhaite résoudre. A la demande du Conseil du bien-être des animaux, une étude détaillée a été réalisée en Belgique en 2010, dans le cadre d'un rapport scientifique sur la question du bien-être en cas d'utilisation de colliers électriques pour chiens. Dans ce rapport, il était examiné si un choc électrique devait être considéré comme une situation négative à laquelle un animal peut s'adapter pour un coût minimal et qui, en conséquence, ne provoque aucune modification de son bien-être, ou comme une situation négative qui exige une adaptation importante de l'animal, de sorte que son bien-être diminue. La conclusion générale du rapport est que le bien-être du chien dépend de la personne qui manie la télécommande de l'appareil » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1555/1, p. 5).

B.9.2. Le délégué du Gouvernement flamand a déclaré ce qui suit à la section de législation du Conseil d'Etat : « L'utilisation de colliers électriques pour chiens fait l'objet d'une controverse de longue date, en raison de ses implications négatives pour le bien-être animal. L'usage de tels colliers est d'ores et déjà totalement interdit dans plusieurs pays européens, comme le Danemark, l'Allemagne, le Luxembourg et la Roumanie, et limité dans d'autres pays (Chypre, République tchèque, Norvège, Suède et Suisse). De plus en plus de voix s'élèvent pour restreindre en Flandre également l'utilisation et le commerce de ces appareils.

Les implications négatives pour le bien-être ne sont pas uniquement liées à la puissance du courant utilisée et à la douleur et à l'angoisse que le choc cause à l'animal. Le principal facteur qui détermine si l'usage d'un collier électrique constitue un risque important pour le bien-être animal est la personne qui détient la télécommande de l'appareil.

S'ils sont mal utilisés, les colliers électriques ont une incidence très négative sur le bien-être animal et peuvent causer entre autres des problèmes comportementaux (principalement liés à l'angoisse). Il est en effet crucial, d'une part, que le stimulus soit adapté à chaque animal (notamment en fonction de l'épaisseur de la fourrure) et, d'autre part, qu'il soit donné au bon moment, de sorte que le chien fasse le lien entre le stimulus et son comportement et qu'il comprenne ce que l'on attend de lui. Malheureusement, c'est trop souvent là que le bât blesse. En outre, des études révèlent qu'un dressage par renforcement positif (en récompensant l'animal) permet d'obtenir les mêmes résultats que l'usage d'un collier électrique, de sorte que de tels appareils ne sont pas indispensables. Il peut dès lors se justifier, dans une perspective de bien-être animal, d'interdire de manière générale l'utilisation de ces appareils.

Ceci dit, un usage expert des colliers électriques peut, dans certains cas, s'avérer utile pour former des chiens ou pour traiter des problèmes comportementaux. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement flamand est habilité à autoriser des dérogations pour l'utilisation pendant la formation ou la thérapie comportementale pour chiens » (Conseil d'Etat, section de législation, avis n° 62.825/3 du 5 mars 2018, Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1555/1, pp. 42-43).

B.10.1. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés que l'instauration d'une interdiction d'utiliser des colliers électriques pour les chiens tend au bien-être de ces animaux. A l'appui de ce choix politique, le législateur décrétal renvoie à des études et à des avis scientifiques, ainsi qu'à des pratiques dans d'autres pays.

B.10.2. La protection du bien-être animal est un but légitime d'intérêt général, dont l'importance a déjà été relevée, notamment lors de l'établissement, par les Etats membres européens, du Protocole n° 33 « sur la protection et le bien-être des animaux », annexé au Traité instituant la Communauté européenne (JO 1997, C-340, p.110), dont le contenu a été repris en grande partie dans l'article 13 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

B.11.1. Selon les parties requérantes, il n'est pas nécessaire d'interdire l'utilisation de colliers électriques, dès lors qu'il ne serait pas établi que les colliers utilisés actuellement portent atteinte au bien-être des chiens. Elles estiment au contraire que l'interdiction peut avoir des incidences négatives sur le bien-être animal, en ce que des chiens en liberté, et plus spécifiquement des chiens de chasse, peuvent être victimes d'accidents de la route si l'utilisation d'un tel collier n'est pas autorisée.

B.11.2. Les travaux préparatoires mentionnés en B.9 indiquent qu'il existe une certaine controverse en ce qui concerne les effets néfastes de l'utilisation de colliers électriques. C'est en premier lieu aux experts en physiologie animale qu'il appartient d'évaluer la perception de la douleur chez les animaux. Il appartient au législateur décrétal, lorsqu'il prend des mesures liées au bien-être animal, de s'assurer que la nécessité de ces mesures est démontrée et de mettre soigneusement en balance les intérêts en présence.

B.12. La disposition attaquée instaure une interdiction d'utiliser des colliers électriques pour chiens. Le Gouvernement flamand peut toutefois autoriser des dérogations à cette interdiction dans le cadre de la formation et de la thérapie comportementale pour chiens.

B.13.1. Les parties requérantes dans l'affaire n° 7124 reprochent d'abord à la disposition attaquée d'interdire l'utilisation de colliers électriques pour chiens, alors que l'usage de certains dispositifs électriques sur d'autres animaux, comme les aiguillons électriques qui servent à rassembler le bétail, n'est pas interdit. La disposition attaquée ferait ainsi naître une différence de traitement entre les propriétaires ou gardiens d'animaux.

B.13.2. Selon le Gouvernement flamand, les catégories de personnes précitées ne seraient pas comparables et, pour cette raison, la disposition attaquée ne violerait pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.13.3. Interrogé par la section de législation du Conseil d'Etat sur la question de savoir pourquoi l'interdiction d'utiliser des colliers électriques vaut uniquement pour les chiens et non pour les autres animaux, le délégué du Gouvernement flamand a répondu : « Les chiens et les autres espèces animales ne sont pas comparables en l'occurrence, puisque de tels colliers électriques n'existent et ne sont utilisés que pour les chiens. Ce n'est dès lors que pour les chiens qu'il a été démontré que l'utilisation libre de ces systèmes comporte un risque important pour le bien-être animal. De plus, la mesure dans laquelle les chiens sont dressés, ainsi que la nature et la complexité du dressage, ne sont pas comparables au dressage d'autres espèces animales, si tant est qu'un tel dressage existe. Il s'agit donc ici de situations clairement différentes » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1555/1, p. 43).

B.13.4. La disposition attaquée règle l'utilisation de colliers électriques pour chiens. L'aiguillon électrique sert à conduire le bétail. Contrairement au collier électrique pour chiens, l'aiguillon électrique n'est pas fixé à l'animal. Cet instrument est utilisé pour administrer un choc électrique bref et unique aux muscles des membres postérieurs lorsque le bétail refuse de se déplacer.

B.13.5. Bien que les deux instruments permettent d'administrer des chocs électriques aux animaux et puissent avoir une incidence sur leur bien-être, leurs propriétés et leur impact, ainsi que les circonstances dans lesquelles ils sont utilisés sont très différents.

On ne saurait dès lors comparer utilement l'utilisation de colliers électriques pour chiens et celle d'aiguillons électriques. Pour le surplus, les parties requérantes ne précisent pas avec quels autres dispositifs les colliers électriques pour chiens sont comparés.

B.14. Le moyen unique dans l'affaire n° 7124, en sa première branche, n'est pas fondé.

B.15. Les parties requérantes critiquent ensuite la disposition attaquée en ce qu'elle ne prévoit pas la possibilité d'instaurer une dérogation en ce qui concerne l'utilisation de chiens de chasse pendant la chasse. Ainsi, les détenteurs de chiens de chasse seraient, d'une part, traités, à tort, de la même manière que les détenteurs d'autres chiens et, d'autre part, traités, à tort, différemment des personnes qui assurent la formation des chiens et la thérapie comportementale pour chiens, pour lesquelles une exception peut effectivement être faite.

B.16.1. Eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur décrétal, qui consiste à promouvoir le bien-être animal, il n'est pas sans justification raisonnable de déclarer l'interdiction d'utiliser un collier électrique applicable en principe à tous les chiens, dès lors que l'utilisation de ce type de collier peut avoir la même incidence sur leur bien-être.

B.16.2. Les parties requérantes estiment toutefois que, pour plusieurs raisons, une exception devrait être prévue pour l'utilisation de chiens de chasse pendant la chasse. Tout d'abord, les colliers électriques devraient permettre d'empêcher que l'instinct de chasse propre à ces chiens les pousse à poursuivre sans relâche le gibier.

Ensuite, il faut éviter que, du fait qu'ils courent en liberté, ces chiens s'éloignent trop et provoquent ainsi des accidents de la route, qui engageraient la responsabilité du propriétaire ou du détenteur de l'animal.

B.16.3. L'article 1385 du Code civil dispose : « Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ».

Cette responsabilité vaut de manière générale pour le propriétaire ou le gardien d'un chien. Dès lors que le risque qu'un chien s'échappe et provoque un accident de la route ne se présente pas que dans le cadre de la chasse, la responsabilité qui en découle ne saurait justifier qu'une distinction doive être établie, en ce qui concerne l'utilisation d'un collier électrique, entre les chiens de chasse et les autres chiens.

B.17.1. Il peut être admis que, comme le font valoir les parties requérantes, un chien de chasse utilisé pendant la chasse se distingue des autres chiens, en ce que son instinct de chasse le pousse à débusquer le gibier et à le poursuivre sans relâche, de sorte que le propriétaire ou le gardien sont amenés à corriger son comportement. On ne saurait toutefois déduire de ce constat que, pour cette raison, le législateur décrétal devait prévoir, pour les chiens de chasse, une dérogation à l'interdiction d'utiliser des colliers électriques. Avant même que de tels colliers commencent à être utilisés, il relevait en effet de la responsabilité des propriétaires de chiens de chasse de dresser ou de faire dresser leurs animaux de manière à maîtriser leur instinct de chasse, grâce, le cas échéant, au recours à certaines techniques de dressage.

B.17.2. En ce qui concerne la formation ou la thérapie comportementale pour chiens, la disposition attaquée prévoit la possibilité pour le Gouvernement flamand d'autoriser une exception à l'interdiction d'utiliser un collier électrique. A supposer qu'une telle exception soit instaurée, les propriétaires de chiens de chasse pourraient aussi en faire usage.

B.18. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.9 que le choix de réserver l'utilisation de colliers électriques aux seules personnes qui se chargent de la formation ou de la thérapie comportementale est dicté par le constat que le bien-être du chien est réputé dépendre de l'expertise de la personne qui manie la télécommande du collier électrique. La différence de traitement qui en découle entre ces personnes qualifiées et les propriétaires ou les détenteurs de chiens de chasse qui ne disposent pas de la même expertise n'est pas sans justification raisonnable, eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur décrétal, qui consiste à promouvoir le bien-être animal.

B.19. Les parties requérantes font encore valoir que l'interdiction d'utiliser un collier électrique violerait l'article 16 de la Constitution, en ce que cette mesure augmente le risque en termes de de responsabilité pour le propriétaire d'un chien de chasse et porterait ainsi atteinte à son droit de propriété.

B.20.1. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ayant une portée analogue à celle de l'article 16 de la Constitution, les garanties qu'il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle de la disposition attaquée.

B.20.2. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme offre une protection non seulement contre l'expropriation ou la privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase), mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l'usage des biens (second alinéa).

B.20.3. Selon l'article 1er du Premier Protocole additionnel, la protection du droit de propriété ne porte pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général. Il y a lieu d'établir un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et celles de la protection du droit de propriété.

B.20.4. Comme il a été dit en B.10.2, la protection du bien-être animal constitue un but légitime d'intérêt général. Une interdiction d'utiliser des colliers électriques qui tend au bien-être des chiens constitue une restriction du droit au respect des biens qui est compatible avec l'article 16 de la Constitution et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel. L'indemnité que le propriétaire d'un chien peut être tenu de verser pour un dommage causé par l'animal relève de la responsabilité civile qui vaut pour tous et ne saurait être considérée comme une atteinte au droit de propriété.

B.21.1. Enfin, les parties requérantes font encore valoir que l'interdiction d'utiliser des colliers électriques pour chiens pose également problème au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui exigerait que les pouvoirs publics prennent des mesures positives contre les chiens de chasse en liberté afin de protéger l'intégrité physique de la population.

B.21.2. Les parties requérantes renvoient, à l'appui de leur grief, à un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 26 juillet 2011 (CEDH, 26 juillet 2011, Georgel et Georgeta Stoicescu c.

Roumanie, § § 48-63). Dans cette affaire, l'Etat roumain a été condamné pour violation de l'article 8 précité, parce qu'il n'avait pas pris suffisamment de mesures pour contrer le danger causé par un grand nombre de chiens errants agressifs, qui avaient blessé de très nombreuses personnes.

B.21.3. On ne saurait toutefois déduire de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence précitée l'obligation positive, pour les pouvoirs publics, d'autoriser l'utilisation de colliers électriques pour les chiens de chasse dans le cadre d'activités de chasse en vue de protéger l'intégrité physique de personnes. C'est en effet au propriétaire du chien qu'il appartient de prendre les mesures nécessaires pour éviter que l'animal placé sous sa surveillance blesse des personnes. La nécessité d'utiliser un collier électrique à cette fin n'est pas établie, dès lors que le propriétaire dispose également d'autres moyens et de techniques de dressage.

B.22. Le moyen unique dans l'affaire n° 7122 et le moyen unique dans l'affaire n° 7124, en sa seconde branche, ne sont pas fondés.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi du 6 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/01/1989 pub. 18/02/2008 numac 2008000108 source service public federal interieur Loi spéciale sur la Cour d'arbitrage fermer sur la Cour constitutionnelle, le 24 septembre 2020.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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