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Arrêt
publié le 15 octobre 2020

Extrait de l'arrêt n° 5/2020 du 16 janvier 2020 Numéro du rôle : 7149 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 112 du décret de la Région wallonne du 20(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 5/2020 du 16 janvier 2020 Numéro du rôle : 7149 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 112 du décret de la Région wallonne du 20 juillet 2016 « abrogeant le décret du 24 avril 2014 abrogeant les articles 1er à 128 et 129quater à 184 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme, du Patrimoine et de l'Energie, abrogeant les articles 1er à 128 et 129quater à 184 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine et formant le Code du Développement territorial » et à l'article D.IV.110 du Code du Développement territorial, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et J. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par l'arrêt n° 243.911 du 7 mars 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 21 mars 2019, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 112 du décret du 20 juillet 2016 abrogeant le décret du 27 avril 2014 abrogeant les articles 1er à 128 et 129quater à 184 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme, du Patrimoine et de l'Energie, abrogeant les articles 1er à 128 et 129quater à 184 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine et formant le Code du Développement territorial, et [...] l'article D.IV.110 du Code du développement territorial violent [-ils] les articles 10, 11 et 23 de la Constitution en ce que sont traités de manières différentes les demandeurs de permis d'urbanisme dont la demande a été déclarée complète après le 1er juin 2017 selon le fait que [leur] demande a été ou non introduite avant le 1er juin 2017 et ce même dans l'hypothèse où la demande a été introduite de manière non complète ou non conforme avant le 1er juin 2017, a été complétée après le 1er juin 2017 pour être déclarée complète est [lire : et] conforme aux dispositions applicables ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, de l'article 112 du décret du 20 juillet 2016 « abrogeant le décret du 24 avril 2014 abrogeant les articles 1er à 128 et 129quater à 184 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme, du Patrimoine et de l'Energie, abrogeant les articles 1er à 128 et 129quater à 184 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine et formant le Code du Développement territorial » (ci-après : le décret du 20 juillet 2016) et de l'article D.IV.110 du Code du développement territorial (ci-après : CoDT), en ce que ces dispositions font naître une différence de traitement entre les demandeurs de permis d'urbanisme, selon que leur demande de permis a été introduite avant ou après le 1er juin 2017, et ce, même dans l'hypothèse où la demande n'a été complétée et déclarée complète qu'après le 1er juin 2017.

B.2. L'article 112 du décret du 20 juillet 2016 précise que « le présent décret entre en vigueur à la date fixée par le Gouvernement ».

L'arrêté du Gouvernement wallon du 22 décembre 2016 « formant la partie réglementaire du Code du développement territorial » dispose, en son article 34, que le décret du 20 juillet 2016 et son arrêté d'exécution entrent en vigueur le 1er juin 2017.

L'article D.IV.110, alinéa 1er, du CoDT dispose : « Les demandes de permis de bâtir, de permis d'urbanisme, de permis de lotir ou de permis d'urbanisation, en ce compris celles qui entrent dans une des catégories visées à l'article D.IV.25, dont le dépôt, attesté par un récépissé ou dont la réception de l'envoi, attestée par un accusé de réception postal ou assimilé est antérieur à une des modifications de la législation de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme applicable en Région wallonne, poursuivent leur instruction sur la base des dispositions en vigueur à la date du récépissé ou de l'accusé de réception de la demande ».

L'article D.IV.110 détermine ainsi le régime transitoire relatif aux procédures de délivrance des permis.

B.3. Il ressort de l'arrêt de renvoi que la demande de permis d'urbanisme a fait l'objet d'un récépissé de dépôt le 26 mai 2017, que les services du fonctionnaire délégué ont sollicité des informations complémentaires le 9 juin 2017, que la SA « Les Pastels », qui a introduit la demande de permis, a déposé un complément de dossier le 21 août 2017, que la demande de permis a été déclarée complète et recevable le 31 août 2017, que la procédure d'instruction de la demande s'est poursuivie sur la base des dispositions du CWATUPE et que le permis a été délivré le 10 août 2018.

B.4.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination.

L'article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine et charge les différents législateurs de garantir les droits économiques, sociaux et culturels qu'il mentionne.

B.4.2. Ni le libellé de la question préjudicielle ni les motifs de la décision de renvoi ne permettent de déduire en quoi les dispositions en cause porteraient atteinte à l'article 23 de la Constitution.

Dans la mesure où il est demandé à la Cour d'apprécier la compatibilité des dispositions en cause avec l'article 23 de la Constitution, la question préjudicielle est donc irrecevable.

La Cour limite son examen à la compatibilité de la disposition transitoire en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5.1. Il appartient en principe au législateur, lorsqu'il décide d'introduire une nouvelle réglementation, d'estimer s'il est nécessaire ou opportun d'assortir celle-ci de dispositions transitoires. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'est violé que si le régime transitoire ou son absence entraîne une différence de traitement dénuée de justification raisonnable ou s'il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime.

B.5.2. Le propre d'une règle transitoire est d'établir une distinction entre les personnes qui sont concernées par des situations juridiques qui entrent dans le champ d'application de cette règle et les personnes qui sont concernées par des situations juridiques qui entrent dans le champ d'application d'une règle nouvelle. Semblable distinction ne viole pas, en soi, les articles 10 et 11 de la Constitution : toute disposition transitoire serait impossible s'il était admis que de telles dispositions violent les dispositions constitutionnelles précitées par cela seul qu'elles s'écartent des conditions d'application de la législation nouvelle.

B.6. Le commentaire de l'article D.IV.110 précise : « Il s'agit des mécanismes traditionnels réglant les procédures de permis en cours à la date d'entrée en vigueur d'une réforme.

Toutefois, en vue de lever toute ambiguïté par rapport au terme accusé de réception, il est précisé que c'est la date de l'introduction de la demande qui doit être prise en compte et non l'accusé de réception du caractère complet du dossier » (Doc. parl., Parlement wallon, 2015-2016, n° 307/1, p. 60).

B.7. La différence de traitement qui existe entre les demandeurs de permis d'urbanisme, selon que leur demande doit être instruite en vertu des règles du CWATUPE ou de celles du CoDT, repose sur un critère objectif, à savoir la date du récépissé de dépôt de la demande de permis.

B.8. Dans un souci de sécurité juridique, le législateur décrétal a pu raisonnablement considérer que les personnes qui avaient introduit une demande de permis d'urbanisme avant l'entrée en vigueur des dispositions nouvelles devaient s'attendre à ce que la procédure qui leur serait appliquée au moment de l'introduction de leur demande resterait applicable durant toute l'instruction de celle-ci, et ce, jusqu'à la décision finale la concernant. En outre, les intéressés qui veulent se voir appliquer les règles nouvelles qu'ils estimeraient plus favorables peuvent retirer leur demande et introduire une nouvelle demande de permis.

B.9. Le fait qu'une demande de permis introduite avant le 1er juin 2017 soit déclarée complète avant ou après cette date n'a pas pour incidence de modifier le régime applicable à cette demande. L'absence de prise en compte du caractère complet de la demande de permis n'est pas sans justification raisonnable, eu égard à l'objectif légitime poursuivi par le législateur décrétal, qui consiste à assurer, conformément au principe de la sécurité juridique, la transition entre le régime du CWATUPE et l'entrée en vigueur du CoDT, ainsi qu'à sauvegarder les droits acquis et les attentes légitimes des demandeurs de permis qui avaient introduit leur demande avant le 1er juin 2017.

La confiance légitime des administrés est assurée, dans la mesure où, au moment de l'introduction de leur demande de permis, ils savent avec précision quelles sont les dispositions applicables à leur demande de permis d'urbanisme et ce, jusqu'à la délivrance ou jusqu'au refus de délivrance de l'acte administratif.

B.10. La question préjudicielle appelle dès lors une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 112 du décret du 20 juillet 2016 « abrogeant le décret du 24 avril 2014 abrogeant les articles 1er à 128 et 129quater à 184 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme, du Patrimoine et de l'Energie, abrogeant les articles 1er à 128 et 129quater à 184 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine et formant le Code du Développement territorial » et l'article D.IV.110 du Code du développement territorial ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 16 janvier 2020.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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