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Arrêt
publié le 17 avril 2020

Extrait de l'arrêt n° 162/2019 du 7 novembre 2019 Numéro du rôle : 6595 En cause : le recours en annulation de l'article 28, § 1 er , 3° et 4°, et § 2, et de l'article 108, alinéa 1 er , 2°, de la loi du 17 juin 20 La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 162/2019 du 7 novembre 2019 Numéro du rôle : 6595 En cause : le recours en annulation de l'article 28, § 1er, 3° et 4°, et § 2, et de l'article 108, alinéa 1er, 2°, de la loi du 17 juin 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/06/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016021053 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics fermer « relative aux marchés publics », introduit par P.M. et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen et M. Pâques, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du juge émérite E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 16 janvier 2017 et parvenue au greffe le 17 janvier 2017, un recours en annulation de l'article 28, § 1er, 3° et 4°, et § 2, et de l'article 108, alinéa 1er, 2°, de la loi du 17 juin 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/06/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016021053 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics fermer « relative aux marchés publics » (publiée au Moniteur belge du 14 juillet 2016) a été introduit par P.M., N. G.d.M. et P. V.d.S., assistés et représentés par Me P. Vande Casteele, avocat au barreau d'Anvers.

Par arrêt interlocutoire n° 43/2018 du 29 mars 2018, publié au Moniteur belge du 2 juillet 2018, la Cour a posé à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « L'article 10, c) et d), i), ii) et v), de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 ' sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE ' est-il compatible avec le principe d'égalité, combiné ou non avec le principe de subsidiarité et avec les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en ce que les services qu'il vise sont exclus, dans la directive précitée, de l'application des règles de passation de marchés, qui garantissent pourtant la pleine concurrence et la libre circulation pour la passation de marchés de services par l'autorité ? ».

Par arrêt du 6 juin 2019 dans l'affaire C-264/18, la Cour de justice de l'Union européenne a répondu à la question. (...) II. En droit (...) B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 28, § 1er, 3° et 4°, a), b) et e), et § 2, et 108, alinéa 1er, 2°, de la loi du 17 juin 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/06/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016021053 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics fermer « relative aux marchés publics » et prennent deux moyens de la violation des articles 10, 11, 23, 40, 142, 151, 160 et 161 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec le principe de la libre prestation des services consacré par l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, avec les articles 29, 56, 57, 59, 288 et 291 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après : le TFUE), avec la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 « sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE » et avec les principes d'économie, de légalité et du raisonnable.

B.2. Par leurs deux moyens, les parties requérantes critiquent l'exclusion des services d'arbitrage et de conciliation (article 28, § 1er, 3°, de la loi attaquée) et de certains services juridiques (article 28, § 1er, 4°, a), b) et e), de la loi attaquée), dans les secteurs classiques ainsi que dans les secteurs spéciaux (article 108, alinéa 1er, 2°, de la loi attaquée), du champ d'application de la loi attaquée et des règles de passation qu'elle contient. Il ressort de l'exposé de ces moyens que les dispositions attaquées font, en grande partie, l'objet des mêmes griefs, qui peuvent être résumés en trois branches.

Les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées excluent, sans justification raisonnable, les services en cause de l'application des règles de passation prévues par la loi attaquée et instaurent ainsi une différence de traitement non justifiée par rapport à d'autres services que l'autorité publique ne peut acquérir qu'en respectant les règles de passation (première branche). A cet égard, elles exposent que seul l'assujettissement des services en cause aux règles générales de passation prévues par la loi attaquée permet de garantir la libre circulation des services, la concurrence et les principes de transparence, de proportionnalité et d'économie, de sorte que les dispositions attaquées porteraient atteinte aux libertés, à la concurrence et aux principes précités.

Les parties requérantes font également valoir que les dispositions attaquées méconnaissent la directive 2014/24/UE en ce qu'elles visent à transposer les dispositions de celle-ci, ou que les dispositions de la directive sont elles-mêmes invalides (deuxième branche).

En ce qui concerne l'article 28, § 1er, 4°, e), de la loi attaquée, les parties requérantes font encore valoir que cet article organise la « privatisation de la justice » et que cette externalisation est contraire aux articles 40, 142, 151, 160 et 161 de la Constitution (troisième branche).

B.3. Par son arrêt n° 43/2018 du 29 mars 2018, la Cour a estimé qu'il convenait, avant de statuer quant au fond, de poser une question à la Cour de justice de l'Union européenne à propos de la validité de l'article 10, c) et d), i), ii) et v), de la directive 2014/24/UE. En effet, en cas d'invalidation des exclusions prévues par cette disposition, il y aurait lieu d'admettre que les dispositions attaquées sont incompatibles avec le droit de l'Union européenne.

B.4. La Cour a dès lors posé la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l'Union européenne : « L'article 10, c) et d), i), ii) et v), de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 ' sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE ' est-il compatible avec le principe d'égalité, combiné ou non avec le principe de subsidiarité et avec les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en ce que les services qu'il vise sont exclus, dans la directive précitée, de l'application des règles de passation de marchés, qui garantissent pourtant la pleine concurrence et la libre circulation pour la passation de marchés de services par l'autorité ? ».

B.5. Par son arrêt du 6 juin 2019 (C-264/18), la Cour de justice de l'Union européenne a répondu à la question préjudicielle précitée : « 19. Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour de se prononcer sur la validité de l'article 10, sous c), et sous d), i), ii) et v), de la directive 2014/24, au regard des principes d'égalité de traitement et de subsidiarité, ainsi que des articles 49 et 56 TFUE. 20. Concernant, premièrement, le principe de subsidiarité et le respect des articles 49 et 56 TFUE, il convient de rappeler, d'une part, que le principe de subsidiarité, énoncé à l'article 5, paragraphe 3, TUE, prévoit que, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union n'intervient que si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau de l'Union (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C-547/14, EU: C: 2016: 325, point 215 et jurisprudence citée). 21. Il découle nécessairement du fait que le législateur de l'Union a exclu du champ d'application de la directive 2014/24 les services visés à l'article 10, sous c), et sous d), i), ii) et v), de celle-ci qu'il a, ce faisant, estimé qu'il revenait aux législateurs nationaux de déterminer si ces services devaient être soumis aux règles de passation de marchés publics.22. Dès lors, il ne saurait être soutenu que ces dispositions ont été adoptées en violation du principe de subsidiarité.23. D'autre part, quant au respect des articles 49 et 56 TFUE, le considérant 1 de la directive 2014/24 énonce que la passation de marchés publics par les autorités des Etats membres ou en leur nom doit être conforme aux principes du traité FUE, notamment aux dispositions relatives à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services.24. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, la coordination au niveau de l'Union des procédures de passation des marchés publics vise à supprimer les entraves à la libre circulation des services et des marchandises que ces procédures peuvent instaurer et donc à protéger les intérêts des opérateurs économiques établis dans un Etat membre, désireux d'offrir des biens ou des services aux pouvoirs adjudicateurs établis dans un autre Etat membre (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2007, Commission/Irlande, C-507/03, EU: C: 2007: 676, point 27 et jurisprudence citée).25. Il ne s'ensuit toutefois pas que, en excluant les services visés à l'article 10, sous c), et sous d), i), ii) et v), de la directive 2014/24 du champ d'application de cette dernière et, partant, en ne contraignant pas les Etats membres à les soumettre aux règles de passation de marchés publics, cette même directive porterait atteinte aux libertés garanties par les traités. 26. Concernant, deuxièmement, le pouvoir d'appréciation du législateur de l'Union et le principe général d'égalité de traitement, selon une jurisprudence constante de la Cour, celle-ci a reconnu au législateur de l'Union, dans le cadre de l'exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d'appréciation lorsque son action implique des choix de nature politique, économique et sociale et lorsqu'il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C-127/07, EU: C: 2008: 728, point 57, ainsi que du 30 janvier 2019, Planta Tabak, C-220/17, EU: C: 2019: 76, point 44). Seul le caractère manifestement inapproprié d'une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l'objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre, peut affecter la légalité d'une telle mesure (arrêt du 14 décembre 2004, Swedish Match, C-210/03, EU: C: 2004: 802, point 48). 27. Toutefois, même en présence d'un tel pouvoir, le législateur de l'Union est tenu de baser son choix sur des critères objectifs et appropriés par rapport au but poursuivi par la législation en cause (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C-127/07, EU: C: 2008: 728, point 58). 28. De plus, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, le principe général d'égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l'Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C-127/07, EU: C: 2008: 728, point 23 et jurisprudence citée). 29. Le caractère comparable de situations différentes s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments qui les caractérisent.Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l'objet et du but de l'acte de l'Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l'acte en cause (arrêts du 12 mai 2011, Luxembourg/Parlement et Conseil, C-176/09, EU: C: 2011: 290, point 32, ainsi que du 30 janvier 2019, Planta Tabak, C-220/17, EU: C: 2019: 76, point 37). 30. C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner la validité de l'article 10, sous c), et sous d), i), ii), et v), de la directive 2014/24 au regard du principe d'égalité de traitement.31. Ainsi, en ce qui concerne, en premier lieu, les services d'arbitrage et de conciliation, visés à l'article 10, sous c), de la directive 2014/24, le considérant 24 de celle-ci énonce que les organismes ou personnes fournissant des services d'arbitrage et de conciliation ainsi que d'autres modes alternatifs similaires de règlement des conflits sont sélectionnés d'une manière qui ne peut être soumise à des règles de passation de marchés publics.32. En effet, les arbitres et conciliateurs doivent toujours être acceptés par toutes les parties au litige et sont désignés d'un commun accord par celles-ci.Un organisme public qui lancerait une procédure de passation de marchés publics pour un service d'arbitrage ou de conciliation ne saurait, dès lors, imposer à l'autre partie l'adjudicataire de ce marché en tant qu'arbitre ou conciliateur commun. 33. Compte tenu de leurs caractéristiques objectives, les services d'arbitrage et de conciliation, visés à cet article 10, sous c), ne sont, partant, pas comparables aux autres services inclus dans le champ d'application de la directive 2014/24.Il s'ensuit que c'est sans porter atteinte au principe de l'égalité de traitement que le législateur de l'Union a pu, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, écarter les services visés à l'article 10, sous c), de la directive 2014/24 du champ d'application de cette dernière. 34. En deuxième lieu, concernant les services fournis par des avocats, visés à l'article 10, sous d), i) et ii), de la directive 2014/24, il ressort du considérant 25 de cette directive que le législateur de l'Union a pris en compte le fait que de tels services juridiques sont habituellement fournis par des organismes ou des personnes qui sont désignés ou sélectionnés d'une manière qui ne peut pas être soumise à des règles de passation des marchés publics dans certains Etats membres, de telle sorte qu'il convenait d'exclure ces services juridiques du champ d'application de ladite directive.35. A cet égard, il y a lieu de relever que l'article 10, sous d), i) et ii), de la directive 2014/24 n'exclut pas tous les services susceptibles d'être fournis par un avocat au bénéfice d'un pouvoir adjudicateur du champ d'application de ladite directive, mais uniquement la représentation légale de son client dans le cadre d'une procédure devant une instance internationale d'arbitrage ou de conciliation, devant les juridictions ou les autorités publiques d'un Etat membre ou d'un pays tiers ainsi que devant les juridictions ou institutions internationales, mais également le conseil juridique fourni dans le cadre de la préparation ou de l'éventualité d'une telle procédure.De telles prestations de services fournies par un avocat ne se conçoivent que dans le cadre d'une relation intuitu personae entre l'avocat et son client, marquée par la confidentialité la plus stricte. 36. Or, d'une part, une telle relation intuitu personae entre l'avocat et son client, caractérisée par le libre choix de son défenseur et le rapport de confiance qui unit le client à son avocat, rend difficile la description objective de la qualité attendue des services à fournir.37. D'autre part, la confidentialité de la relation entre l'avocat et son client, dont l'objet consiste, particulièrement dans les circonstances décrites au point 35 du présent arrêt, tant à sauvegarder le plein exercice des droits de la défense des justiciables qu'à protéger l'exigence selon laquelle tout justiciable doit avoir la possibilité de s'adresser en toute liberté à son avocat (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, EU: C: 1982: 157, point 18), pourrait être menacée par l'obligation, pour le pouvoir adjudicateur, de préciser les conditions d'attribution d'un tel marché ainsi que la publicité qui doit être donnée à de telles conditions.38. Il en résulte que, eu égard à leurs caractéristiques objectives, les services visés à l'article 10, sous d), i) et ii), de la directive 2014/24 ne sont pas comparables aux autres services inclus dans le champ d'application de cette directive.Compte tenu de cette différence objective, c'est également sans porter atteinte au principe d'égalité de traitement que le législateur de l'Union a pu, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, écarter ces services du champ d'application de ladite directive. 39. En troisième lieu, en ce qui concerne les services juridiques relevant des activités participant, même occasionnellement, à l'exercice de l'autorité publique, visés à l'article 10, sous d), v), de la directive 2014/24, ces activités, et, partant, ces services, sont exclues, aux termes de l'article 51 TFUE, du champ d'application des dispositions de ce traité relatives à la liberté d'établissement et de celles relatives à la libre prestation de services aux termes de l'article 62 TFUE.De tels services se distinguent de ceux qui relèvent du champ d'application de cette directive en ce qu'ils participent directement ou indirectement à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat ou des autres collectivités publiques. 40. Il en ressort que, par leur nature même, des services juridiques liés, même occasionnellement, à l'exercice de l'autorité publique ne sont pas comparables, du fait de leurs caractéristiques objectives, aux autres services inclus dans le champ d'application de la directive 2014/24.Compte tenu de cette différence objective, c'est, encore une fois, sans porter atteinte au principe d'égalité de traitement que le législateur de l'Union a pu, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, les exclure du champ d'application de la directive 2014/24. 41. Partant, l'examen des dispositions de l'article 10, sous c), et sous d), i), ii) et v), de la directive 2014/24 n'a révélé aucun élément susceptible d'affecter leur validité au regard des principes d'égalité de traitement et de subsidiarité, ainsi que des articles 49 et 56 TFUE. 42. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l'examen de celle-ci n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des dispositions de l'article 10, sous c), et sous d), i), ii) et v), de la directive 2014/24 au regard des principes d'égalité de traitement et de subsidiarité ainsi que des articles 49 et 56 TFUE » (CJUE, 6 juin 2019, C-264/18, P.M. e.a., points 19-42).

B.6. Il ressort de l'arrêt précité que l'article 10, c) et d), i), ii) et v), de la directive 2014/24/UE est compatible avec le principe d'égalité, le principe de subsidiarité et les articles 49 et 56 du TFUE. Selon la Cour de justice, eu égard à leurs caractéristiques objectives, les services d'arbitrage et de conciliation et les services juridiques en cause ne sont pas comparables aux autres services qui relèvent du champ d'application de la directive 2014/24/UE, de sorte que le législateur de l'Union a pu raisonnablement décider de les exclure du champ d'application de la directive.

B.7. Il résulte de ce qui est dit en B.5 que la directive 2014/24/UE n'impose pas aux Etats membres de soumettre les marchés de services en cause aux règles de passation prévues par la directive précitée, en particulier aux règles transposées en droit national. Les dispositions attaquées expriment dès lors purement le choix politique que le législateur national a fait de ne pas soumettre les marchés de services en cause aux règles générales en vigueur en matière de passation de marchés de services.

Il ressort de ce qui précède que les moyens, en leur deuxième branche, ne sont pas fondés.

B.8. La Cour doit ensuite vérifier si les dispositions attaquées sont compatibles avec le principe d'égalité et de non-discrimination, tel qu'il est garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.9. Compte tenu des différences objectives relevées par la Cour de justice, dans son arrêt du 6 juin 2019, précité, qui existent entre, d'une part, les services d'arbitrage et de conciliation ainsi que les services d'avocats exclus du champ d'application de la directive 2014/24/UE et, d'autre part, les autres services inclus dans le champ d'application de cette directive, la différence de traitement dénoncée par les parties requérantes est raisonnablement justifiée pour les raisons suivantes.

Elle n'entraîne pas d'effets disproportionnés dès lors que, d'une part, même lors de l'attribution de marchés non soumis à la loi du 17 juin 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/06/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016021053 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics fermer, l'autorité publique est tenue de respecter les principes de bonne administration ainsi que, le cas échéant, les règles fondamentales du droit primaire européen en général et le principe de non-discrimination en raison de la nationalité en particulier, ce principe impliquant, notamment, une obligation de transparence qui permet au pouvoir adjudicateur de s'assurer que ledit principe est respecté (CJCE, 7 décembre 2000, C-324/98, Telaustria Verlags GmbH; 27 octobre 2005, C-234/03, Contse, point 49) et que, d'autre part, l'article 28, § 2, de la loi précitée, lu en combinaison avec l'article 108, alinéa 1er, 2°, de la même loi, habilite le Roi à « fixer les règles de passation auxquelles sont soumis les marchés visés au paragraphe 1er, 4° a et b, dans les cas qu'Il détermine ». Cette habilitation a été mise en oeuvre par l'établissement de règles minimales de passation applicables aux marchés pour la désignation d'un avocat dans le cadre de la représentation légale ou en vue de la préparation d'une procédure judiciaire (article 125 de l'arrêté royal du 18 avril 2017 « relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques »; article 122 de l'arrêté royal du 18 juin 2017 « relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs spéciaux »).

Le législateur a dès lors pu décider, sans méconnaître les articles 10 et 11 de la Constitution, qu'il n'y avait pas lieu de soumettre les services en cause à l'application de la loi attaquée.

L'article 28, § 1er, 3° et 4°, et § 2, et l'article 108, alinéa 1er, 2°, de la loi du 17 juin 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/06/2016 pub. 14/07/2016 numac 2016021053 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi relative aux marchés publics fermer « relative aux marchés publics » sont compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Les moyens, en leur première branche, ne sont pas fondés.

B.10. En ce qui concerne la troisième branche, l'article 28, § 1er, 4°, e), de la loi attaquée n'a pas la portée que lui attribuent les parties requérantes.

En ce qu'elle exclut de la réglementation des marchés publics « les autres services juridiques qui, dans le Royaume, sont liés, même occasionnellement, à l'exercice de la puissance publique », cette disposition ne concerne pas l'exercice du service public de la justice.

Les moyens, en leur troisième branche, ne sont pas fondés.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 7 novembre 2019.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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