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Arrêt
publié le 19 novembre 2019

Extrait de l'arrêt n° 58/2019 du 8 mai 2019 Numéro du rôle : 6835 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 30/1, § 2, alinéa 4, seconde phrase, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, posée par le La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 58/2019 du 8 mai 2019 Numéro du rôle : 6835 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 30/1, § 2, alinéa 4, seconde phrase, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, E. Derycke, P. Nihoul et T. Giet, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 240.501 du 22 janvier 2018 en cause de Liliane Henderickx et Dominique Servais contre la Région wallonne, partie intervenante : la SA « Standard de Liège », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 janvier 2018, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 30 [lire : 30/1], § 2, alinéa 4, in fine, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat qui pose que la partie intervenante devant cette juridiction ne peut être tenue au paiement d'une indemnité de procédure est-il conforme aux articles 10, 11 et 23 de la Constitution, combinés le cas échéant à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 9.4 de la Convention d'Aarhus, lorsque ladite partie (intervenante) renonce à son permis dans le décours de la procédure en annulation, après que celui-ci ait été suspendu par le Conseil d'Etat ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La section du contentieux administratif du Conseil d'Etat invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité de l'article 30/1, § 2, alinéa 4, seconde phrase, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, combinés le cas échéant avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 9, paragraphe 4, de la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (ci-après : la Convention d'Aarhus), en ce qu'il empêche qu'une partie intervenante puisse être tenue au paiement d'une indemnité de procédure, même lorsqu'elle a renoncé à un permis d'urbanisme au cours de la procédure en annulation après que la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat a suspendu le permis attaqué.

B.1.2. La question préjudicielle est fondée sur le postulat que la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat condamnerait une partie intervenante à payer une indemnité de procédure à la partie requérante, après qu'elle a renoncé au permis d'urbanisme attaqué dont elle est le bénéficiaire, si la disposition en cause incluait les parties intervenantes dans le système de l'indemnité de procédure devant le Conseil d'Etat.

Il appartient au juge a quo d'apprécier si, dans les circonstances de l'affaire qui lui est soumise, les parties requérantes doivent effectivement être considérées comme les parties ayant obtenu gain de cause au sens de la disposition en cause.

B.2.1. L'article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, tel qu'il a été inséré par l'article 11 de la loi du 20 janvier 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/01/2014 pub. 03/02/2014 numac 2014000082 source service public federal interieur Loi portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat fermer « portant réforme de la compétence, de la procédure et de l'organisation du Conseil d'Etat », dispose : « § 1er. La section du contentieux administratif peut accorder une indemnité de procédure qui est une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause.

Après avoir pris l'avis de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et de ' l'Orde van Vlaamse Balies ', le Roi établit par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, les montants de base, minima et maxima de l'indemnité de procédure, en fonction notamment de la nature de l'affaire et de l'importance du litige. § 2. La section du contentieux administratif peut, par décision spécialement motivée, soit réduire l'indemnité soit l'augmenter, sans pour autant dépasser les montants maxima et minima prévus par le Roi.

Dans son appréciation, elle tient compte : 1° de la capacité financière de la partie succombante, pour diminuer le montant de l'indemnité;2° de la complexité de l'affaire;3° du caractère manifestement déraisonnable de la situation. Si la partie succombante bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne, l'indemnité de procédure est fixée au montant minimum établi par le Roi, sauf en cas de situation manifestement déraisonnable. Sur ce point, la section du contentieux administratif motive spécialement sa décision de diminution ou d'augmentation.

Lorsque plusieurs parties bénéficient de l'indemnité de procédure à charge d'une ou de plusieurs parties succombantes, son montant est au maximum le double de l'indemnité de procédure maximale à laquelle peut prétendre le bénéficiaire qui est fondé à réclamer l'indemnité la plus élevée. Elle est répartie entre les parties par la section du contentieux administratif.

Aucune partie ne peut être tenue au paiement d'une indemnité pour l'intervention de l'avocat d'une autre partie au-delà du montant de l'indemnité de procédure. Les parties intervenantes ne peuvent être tenues au paiement ou bénéficier de cette indemnité ».

B.2.2. Cette disposition permet à la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat d'allouer une indemnité de procédure à la partie qui a obtenu gain de cause devant elle.

L'article 30/1, § 2, alinéa 4, seconde phrase, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat exclut toutefois expressément les parties intervenantes du principe de répétibilité des frais et honoraires d'avocat devant le Conseil d'Etat. En conséquence, elles ne peuvent ni être condamnées au paiement d'une indemnité de procédure, ni en bénéficier.

Seules les parties requérantes et adverses peuvent être considérées comme des parties qui ont obtenu gain de cause.

B.2.3. L'intervention dans une affaire pendante devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat est réglée par l'article 21bis des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, qui dispose : « Ceux qui ont intérêt à la solution de l'affaire peuvent y intervenir. La chambre peut, d'office ou à la demande du membre de l'auditorat désigné ou d'une partie, appeler en intervention ceux dont la présence est nécessaire à la cause.

L'intervenant à l'appui de la requête ne peut soulever d'autres moyens que ceux qui ont été formulés dans la requête introductive d'instance ».

Il en résulte qu'une intervention peut être forcée ou volontaire.

Une fois admise à la cause, la partie intervenante peut venir à l'appui de la partie requérante ou de la partie adverse.

B.3.1. En instaurant l'indemnité de procédure devant le Conseil d'Etat, le législateur poursuivait un double objectif : d'une part, mettre fin à l'obligation, pour les justiciables, d'introduire une nouvelle procédure devant le juge civil, sur la base de l'article 1382 du Code civil, en vue d'obtenir une indemnité pour les frais d'avocat qu'ils ont supportés, et, d'autre part, améliorer la gestion des finances publiques en évitant que des autorités aient à supporter les frais de deux procédures différentes devant deux juridictions différentes à l'occasion de la contestation, par un justiciable, d'un même acte administratif : « Actuellement, le requérant qui obtient gain de cause devant le Conseil d'Etat doit introduire une action devant les juridictions de l'ordre judiciaire en vue d'obtenir la répétibilité des honoraires d'avocats, sauf accord à l'amiable avec la partie adverse. [...] Toutefois, il semble contraire au principe de bonne administration de la justice d'imposer à un justiciable une nouvelle procédure juridictionnelle lorsqu'il est arrivé avec succès au terme de la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat. De même, les pouvoirs publics s'exposent à devoir supporter une double indemnité, d'une part, pour la procédure devant le Conseil d'Etat et d'autre part, pour la procédure ultérieure devant la juridiction de l'ordre judiciaire, ce qui est préjudiciable à une bonne gestion des deniers publics » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, p. 24).

B.3.2. Il ressort également des travaux préparatoires de la disposition en cause que l'article 30/1 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat s'inspire de l'indemnité de procédure telle qu'elle s'applique dans des procédures devant le juge civil et le juge pénal : « La disposition proposée entend prévoir un système similaire à celui prévu par le Code judiciaire, tout en permettant à la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat de statuer elle-même sur la question de la répétibilité des honoraires d'avocats » (ibid.).

B.3.3. L'exclusion des parties intervenantes de la répétibilité des frais et honoraires d'avocat devant le Conseil d'Etat est justifiée comme suit dans les travaux préparatoires : « Cette répétibilité doit bénéficier aux parties qui ont obtenu gain de cause dans le litige, lesquelles se limitent aux parties requérantes et adverses. Les parties intervenantes ne peuvent en bénéficier ni se voir imposer de contribuer à leur paiement, ce afin d'éviter le surcoût que leur intervention peut représenter pour les parties et pour ne pas dissuader une personne d'introduire un recours au Conseil d'Etat. Il y va aussi de la prévisibilité des coûts d'une telle procédure. Une partie obtient gain de cause lorsque, notamment, l'autorité retire son acte en se fondant sur une irrégularité constatée lors de la procédure au Conseil d'Etat, si les effets de son acte sont maintenus en application de l'article 14ter des lois coordonnées, si elle fait application de la boucle administrative pour corriger son acte ou, le cas échéant, si le Conseil d'Etat est amené à statuer sur les effets en droit privé d'une annulation. A l'inverse, pour déterminer la partie qui succombe, il n'est tenu compte que du principal et non des divers incidents pouvant émailler la procédure (boucle, référé,...). La disposition est similaire à celle qui est prévue par le Code judiciaire » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2277/1, pp. 24-25).

B.4. En cas de renonciation de la partie intervenante au permis d'urbanisme ou de lotir dont elle est le bénéficiaire, la jurisprudence de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat est fixée en ce sens que les parties requérante et adverse n'ont pas obtenu gain de cause, ni succombé, en sorte qu'aucune indemnité de procédure n'est allouée entre elles (notamment CE, 29 janvier 2016, n° 233.671; 21 janvier 2016, n° 233.577, et 10 novembre 2015, n° 232.871).

B.5. La Cour est invitée à examiner si la différence de traitement entre, d'une part, les parties requérantes qui obtiennent une indemnité de procédure au terme d'une procédure menée devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat dans laquelle elles ont obtenu gain de cause et, d'autre part, les parties requérantes qui n'obtiennent pas d'indemnité de procédure, parce que les parties intervenantes sont exclues de la répétibilité des frais et honoraires d'avocat devant cette juridiction, même lorsqu'une partie intervenante a renoncé au permis attaqué après un arrêt qui suspend les effets du permis, est compatible avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 9, paragraphe 4, de la Convention d'Aarhus.

B.6. Il ne ressort pas de la décision de renvoi en quoi la disposition en cause serait incompatible avec l'article 23 de la Constitution, ni même quel droit consacré par cette disposition constitutionnelle serait éventuellement violé.

En conséquence, la Cour limite son examen à la compatibilité de la disposition en cause avec les autres normes de référence visées dans la question préjudicielle.

B.7.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.7.2. L'article 9 de la Convention d'Aarhus dispose : « [...] 3. En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, chaque Partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre des dispositions du droit national de l'environnement.4. En outre, et sans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s'il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif.Les décisions prises au titre du présent article sont prononcées ou consignées par écrit. Les décisions des tribunaux et, autant que possible, celles d'autres organes doivent être accessibles au public ».

B.7.3. Le droit d'accès au juge est un droit fondamental qui doit être garanti à chacun dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution. Ce droit peut faire l'objet de limitations, y compris de nature financière, pour autant que ces limitations ne portent pas atteinte au droit à l'accès à un juge dans sa substance même.

L'introduction de règles financières est de nature à décourager les procédures non fondées et les frais excessifs et participe d'une bonne administration de la justice et de la sauvegarde des intérêts et droits d'autrui, parmi lesquels l'Etat en tant que partie au procès (CEDH, 18 juillet 2013, Klauz c. Croatie, § 85; 6 septembre 2016, Cindric et Beslic. Croatie, § 96).

En soi, l'instauration d'une indemnité de procédure, ou plus généralement la règle selon laquelle la partie qui succombe supporte tous les frais et risque donc de devoir payer cette indemnité de procédure, ne porte pas atteinte à ce droit, pour autant qu'il ne soit pas imposé de charge excessive à une partie au procès (CEDH, 3 juin 2014, Harrison McKee c. Hongrie, § § 27-28; 6 septembre 2016, Cindric et Beslic. Croatie, § § 96-99 et § § 121-122).

B.7.4. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé que l'objectif de la Convention d'Aarhus consistait à donner au justiciable un large accès à la justice (CJUE, 15 octobre 2009, C-263/08, Djurgarden-Lilla Värtans Miljöskyddsförening, point 45; 16 juillet 2009, C-427/07, Commission c. Irlande, point 82; 12 mai 2011, C-115/09, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen e.V., point 39; 11 avril 2013, C-260/11, Edwards e.a., point 31; 13 février 2014, C-530/11, Commission c. Royaume-Uni, point 44).

L'évitement de coûts excessifs contribue à la réalisation de cet accès à la justice.

B.8. Comme il ressort des travaux préparatoires visés en B.3.3, l'exclusion des parties intervenantes de la répétibilité des frais et honoraires d'avocat devant le Conseil d'Etat est justifiée par le souci d'éviter qu'une procédure devant cette juridiction ne devienne trop coûteuse pour les parties requérantes et adverses, ce qui pourrait conduire l'administré à renoncer à introduire un recours, et de permettre aux parties requérantes d'évaluer correctement le risque financier du recours au moment de son introduction.

B.9. Au regard de ces objectifs légitimes, il est pertinent d'exclure les parties intervenantes du régime de répétibilité des frais et honoraires d'avocat.

En effet, l'impossibilité d'obtenir une indemnité de procédure auprès de la partie intervenante, même dans le cas où celle-ci a renoncé au permis d'urbanisme à la suite d'un arrêt de suspension du Conseil d'Etat, n'entraîne pas de surcoût de la procédure pour les parties requérantes et adverses. Le coût de la procédure consiste, pour la partie requérante, au maximum, en ses dépens et ses frais et honoraires d'avocat, majorés, en cas de défaite, des dépens et d'une indemnité de procédure en faveur de la partie adverse. L'intervention du bénéficiaire du permis d'urbanisme attaqué n'entraîne pas une augmentation de ce coût, quelle que soit l'attitude que la partie intervenante prend au cours de la procédure. Ainsi, l'objectif qui consiste à assurer la prévisibilité des coûts de la procédure pour la partie requérante est également atteint. L'intervention, même suivie d'une renonciation au permis attaqué, ne bouleverse pas les prévisions financières faites par la partie requérante au moment de l'introduction du recours.

B.10.1. Par ailleurs, l'exclusion des parties intervenantes de la répétibilité des frais et honoraires d'avocat devant le Conseil d'Etat n'entraîne pas d'effets disproportionnés, même s'il en résulte qu'une partie requérante ne peut pas obtenir une indemnité de procédure à charge de la partie intervenante, lorsque celle-ci a renoncé au permis attaqué.

B.10.2. Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 96/2012 du 19 juillet 2012, il relève du pouvoir d'appréciation du législateur d'estimer s'il est opportun d'établir un régime de répétibilité des frais et honoraires d'avocat applicable aux procédures menées devant le Conseil d'Etat.

B.10.3. Par son arrêt n° 48/2015 du 30 avril 2015, la Cour a jugé que si le législateur choisit d'instaurer un système d'indemnité de procédure pour les procédures devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, il lui incombe de tenir compte, lors de l'élaboration d'un tel système, non seulement des différences entre les procédures devant le Conseil d'Etat et les procédures devant le juge civil, mais aussi des nombreux autres intérêts et principes en présence, qui sont parfois contradictoires.

B.10.4. L'exclusion des parties intervenantes de l'indemnité de procédure devant le Conseil d'Etat peut certes mener, dans des cas exceptionnels, à ce qu'une partie requérante ne puisse pas obtenir une indemnité de procédure à charge d'une partie intervenante, ni à charge de la partie adverse. Il reste que cet effet est contrebalancé par la garantie dont dispose la partie requérante de ne jamais devoir s'acquitter d'une indemnité de procédure en faveur d'une partie intervenante. En effet, comme il résulte du paragraphe 1er de la disposition en cause, qui est directement calqué sur l'article 1022 du Code judiciaire, une indemnité de procédure est une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause. Il s'ensuit que la répétibilité des frais et honoraires d'avocat n'est pas un mécanisme qui permettrait à une partie d'obtenir une indemnité de procédure, lorsqu'elle obtient gain de cause, sans pouvoir être condamnée au paiement de celle-ci en cas de défaite.

Ainsi, une extension de la répétibilité des frais et honoraires d'avocat aux parties intervenantes aurait non seulement pour conséquence que celles-ci puissent être condamnées au paiement d'une indemnité de procédure, mais aussi qu'elles puissent réclamer une telle indemnité, le cas échéant, auprès de la partie requérante.

Or, lorsqu'il a apprécié tous les intérêts en cause, le législateur a précisément voulu éviter que la procédure ne devienne trop coûteuse pour les parties requérantes et adverses en raison de l'intervention d'un tiers, ce qui peut rendre l'accès à la justice difficile et rendre les coûts d'une procédure peu prévisibles.

Dès lors, en ce qu'il réduit de manière globale le risque financier de la procédure pour la partie requérante, le choix du législateur d'exclure les parties intervenantes de la répétibilité des frais et honoraires d'avocat, même pour les procédures où celles-ci renoncent au permis d'urbanisme attaqué après un arrêt de suspension, contribue à garantir le droit d'accès au juge.

B.11. En conséquence, la différence de traitement visée en B.5 n'est pas sans justification raisonnable.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 30/1, § 2, alinéa 4, seconde phrase, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 9, paragraphe 4, de la Convention d'Aarhus.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 8 mai 2019.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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