publié le 08 août 2019
Extrait de l'arrêt n° 14/2019 du 31 janvier 2019 Numéro du rôle : 6774 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 6.2.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire, posée par la Cour d'appel de Bruxelles. La Cour constitu composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, J(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 14/2019 du 31 janvier 2019 Numéro du rôle : 6774 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 6.2.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 25 octobre 2017 en cause de la SA « Conimmo » et de la SPRL « Dyls Construct » contre Michaël Van Loock et autres, et en cause de Michäel Van Loock et autres contre la commune de Zaventem et l'association des copropriétaires de l'immeuble sis à Woluwe-Saint-Etienne, Frans Smoldersstraat 8 a-b / Leuvensesteenweg 299, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 15 novembre 2017, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 6.2.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire, en ce qu'il dispose ou en ce qu'il est interprété en ce sens que la demande de réparation privée - contrairement à la demande de réparation publique - ne doit pas être transcrite au bureau des hypothèques et en combinaison ou non avec l'article 3 de la loi hypothécaire, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 6.2.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire, avant sa modification par le décret de la Région flamande du 25 avril 2014 « concernant le maintien du permis d'environnement ».
L'article 6.2.1, alinéa 1er, du Code flamand de l'aménagement du territoire disposait avant cette modification : « La citation devant le Tribunal correctionnel en vertu de l'article 6.1.1 ou l'exploit d'introduction de la cause visée aux articles 6.1.41 à 6.1.43 inclus n'est recevable qu'après transcription au bureau des hypothèques dans le ressort duquel les biens sont situés.
Si une demande recevable de règlement à l'amiable est adressée à l'inspecteur urbaniste, une transcription ne peut être réalisée qu'après l'expiration du délai mentionné dans l'article 6.1.52, § 1er, deuxième alinéa ou, si une demande de tentative de médiation a été introduite auprès du Conseil supérieur au cours de ce délai, après la clôture de cette tentative de médiation ».
B.2. Le Code flamand de l'aménagement du territoire a été adopté en 2009 dans le but de coordonner les dispositions du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire (ci-après : le décret du 18 mai 1999) et de l'article 90bis du décret forestier du 13 juin 1990 (article 1er de l'arrêté du Gouvernement flamand du 15 mai 2009 portant coordination de la législation décrétale relative à l'aménagement du territoire).
La disposition en cause résulte de l'article 160, alinéa 1er, du décret du 18 mai 1999 qui, d'une part, en ce qui concerne la condition de publicité, découle lui-même de l'article 72 du décret relatif à l'aménagement du territoire, coordonné le 22 octobre 1996 (ci-après : le décret de coordination) et qui, d'autre part, en ce qui concerne la sanction, prévoit pour la première fois expressément l'irrecevabilité de la demande, développée dans la jurisprudence, en cas d'inobservation d'une condition de publicité lors de l'introduction de certaines demandes de réparation. La sanction précitée est plus précisément liée à l'inobservation de la transcription obligatoire au bureau des hypothèques de l'acte introductif d'instance de ces demandes. Il ne s'agit toutefois que d'une exception d'irrecevabilité purement dilatoire, de sorte que la non-transcription de cet acte peut encore être corrigée dans le courant de la procédure (Doc. parl., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1332/1, p. 74). L'article 72 du décret de coordination reproduit dans une large mesure l'article 69 de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme (ci-après : la loi organique de l'urbanisme).
Il ressort des travaux préparatoires de la loi organique de l'urbanisme que la condition de publicité a pour objectif d'informer les tiers du caractère potentiellement illicite d'un lotissement ou des travaux de construction ou de transformation » (Doc. parl., Sénat, 1958-1959, n° 124, p. 83).
B.3. Il ressort de l'exposé des faits et de la motivation contenus dans la décision de renvoi que la juridiction a quo demande en réalité si l'article 6.2.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire, tel qu'il est applicable dans l'affaire pendante devant la juridiction a quo, est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il instaure une différence de traitement entre les personnes qui sont confrontées à une demande de réparation en cas de non-transcription de l'acte introductif d'instance au bureau des hypothèques.
L'article 6.2.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire prévoit que l'acte introductif d'instance relatif à une demande de réparation doit, à peine d'irrecevabilité, être transcrit au bureau des hypothèques. Du fait que cet article renvoie aux articles 6.1.41 à 6.1.43 du Code flamand de l'aménagement du territoire, le régime de sanction en cause n'est applicable qu'aux demandes de réparation dites « publiques ».
Les demandes de réparation qui trouvent leur fondement dans les articles 6.1.41 à 6.1.43 du Code flamand de l'aménagement du territoire sont dites « publiques » et tendent au respect des prescriptions urbanistiques et à la restauration du bon aménagement du territoire.
La demande de réparation dite « privée » ne découle pas des dispositions du Code flamand de l'aménagement du territoire, mais se fonde sur l'article 1382 du Code civil qui prévoit que celui par la faute duquel un dommage est causé à autrui est tenu de le réparer. Il s'agit d'une action purement civile introduite par des tiers qui soutiennent avoir subi un préjudice du fait de la construction illégale. Le régime de sanction en cause n'est pas applicable à la demande de réparation privée.
B.4. La détermination de mesures d'exécution, y compris des conditions et des modalités relatives à l'exercice de l'action publique, qui est spécifiquement axée sur le respect des prescriptions urbanistiques et sur la restauration du bon aménagement du territoire, est une matière qui est attribuée aux régions (article 6, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles).
B.5. Le fait de faire cesser, de réparer ou de prévenir des actes illégaux sont des formes de réparation en nature dans le cadre de la demande introduite sur la base de l'article 1382 du Code civil. Ces mesures de réparation sont réputées relever des attributions des tribunaux dans le cadre de l'action en responsabilité extracontractuelle.
La réparation en nature qui découle du régime de responsabilité extracontractuelle, les conditions d'exercice et les modalités de la demande y afférentes relèvent dès lors de la compétence résiduelle de l'autorité fédérale.
B.6. La différence de traitement en cause, qui provient de ce que l'acte introductif d'instance d'une demande de réparation « privée » ne doit pas être transcrit au bureau des hypothèques, découle de ce que cette situation ne ressortit pas à la compétence des régions mais à celle du législateur fédéral.
Une différence de traitement qui trouve son origine dans les compétences distinctes des régions et de l'autorité fédérale ne peut pas être considérée en soi comme contraire au principe d'égalité et de non-discrimination. En effet, cette situation est la simple conséquence de l'autonomie attribuée aux autorités respectives par ou en vertu de la Constitution.
B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 6.2.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire, avant sa modification par le décret de la Région flamande du 25 avril 2014 « concernant le maintien du permis d'environnement », ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 31 janvier 2019.
Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux A. Alen