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Arrêt
publié le 24 juin 2019

Extrait de l'arrêt n° 80/2019 du 23 mai 2019 Numéro du rôle : 6957 En cause : le recours en annulation de l'article 52, 4°, du décret de la Région flamande du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'aménagement du terri La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)

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24/06/2019
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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 80/2019 du 23 mai 2019 Numéro du rôle : 6957 En cause : le recours en annulation de l'article 52, 4°, du décret de la Région flamande du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'aménagement du territoire, d'écologie, d'environnement et d'aménagement du territoire », introduit par l'ASBL « Vlaamse Vereniging van Landmeters-Experten ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 juin 2018 et parvenue au greffe le 20 juin 2018, l'ASBL « Vlaamse Vereniging van Landmeters-Experten », assistée et représentée par Me J. Geens et Me E. Hannequart, avocats au barreau d'Anvers, a introduit un recours en annulation de l'article 52, 4°, du décret de la Région flamande du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'aménagement du territoire, d'écologie, d'environnement et d'aménagement du territoire [lire : en matière d'aménagement du territoire, d'écologie et d'environnement] » (publié au Moniteur belge du 20 décembre 2017, deuxième édition). (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée B.1.1. En vertu de l'article 4.2.15 du Code flamand de l'aménagement du territoire, tout lotissement est soumis à un permis d'environnement. La notion de « lotissement » est définie à l'article 4.1.1, 14°, du Code flamand de l'aménagement du territoire. L'article 52, 4°, du décret du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'aménagement du territoire, d'écologie, d'environnement et d'aménagement du territoire [lire : en matière d'aménagement du territoire, d'écologie et d'environnement] » (ci-après : le décret du 8 décembre 2017) modifie cette définition, de sorte qu'il n'est question d'un lotissement que si un terrain est volontairement scindé en deux ou plusieurs lots non bâtis, en vue de la vente d'au moins un de ces lots ou de sa location pour une durée supérieure à neuf ans, d'y établir une emphytéose ou un droit de superficie ou de proposer l'une de ces formes de cession, même sous condition suspensive, dans la perspective d'une construction d'habitations ou de l'édification de constructions.

Diviser une parcelle en un lot non bâti et un lot bâti ne relève donc plus de la définition du « lotissement », ni de l'obligation de permis qui y est attachée. L'article 4.1.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire ainsi modifié dispose : « Pour l'application de ce titre, il convient d'entendre par : [...] 14° lotir : partager un terrain sur base volontaire en deux ou plusieurs lots non bâtis afin de procéder à la vente d'au moins un de ces lots ou à sa location pour une durée supérieure à neuf ans, d'y établir une emphytéose ou un droit de superficie ou de proposer l'une de ces formes de cession, même sous condition suspensive, en vue de la construction d'habitations ou de l'édification de constructions; [...] ».

B.1.2. Les travaux préparatoires font apparaître que, par la disposition attaquée, le législateur décrétal a entendu diminuer la charge administrative des propriétaires d'une habitation se trouvant sur une grande parcelle qui souhaitent scinder une partie de cette parcelle afin de la vendre en vue de la construction d'une seule habitation : « Cette charge administrative semble excessive par rapport à la sécurité qu'offre un permis de lotir/permis d'environnement pour le lotissement de terrains. Une sécurité analogue peut par exemple être offerte par la demande d'une attestation urbanistique avant de procéder à la division.

C'est pourquoi, à l'avenir, l'obligation de lotir ne sera imposée que lorsque la parcelle est divisée en deux lots non bâtis (même si un seul de ces lots est vendu) » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 1149/1, p. 87).

Quant à la recevabilité B.2.1. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt de la partie requérante.

B.2.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.2.3. Il ressort de l'article 4 des statuts de la partie requérante qu'elle poursuit notamment la défense de l'exercice de la profession de géomètre-expert. La disposition attaquée limite le nombre de cas dans lesquels un « permis d'environnement pour lotir » est obligatoire et peut par conséquent affecter directement et défavorablement l'exercice de la profession de géomètre-expert, ceux-ci étant souvent associés à la préparation d'une demande d'un tel permis.

B.2.4. L'exception est rejetée.

Quant au fond B.3.1. Le second moyen, en sa première branche, est pris de la violation, par la disposition attaquée, de l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, en ce que la disposition attaquée, en supprimant l'obligation de demander un « permis d'environnement pour le lotissement de terrains » lorsque seul un lot non bâti est divisé afin de procéder à la vente d'au moins un de ces lots ou à sa location pour une durée supérieure à neuf ans, d'y établir une emphytéose ou un droit de superficie ou de proposer l'une de ces formes de cession, abaisse considérablement le degré de protection de l'environnement sain, sans que des motifs tenant à l'intérêt général le justifient.

B.3.2. L'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : [...] 4° le droit à la protection d'un environnement sain ». Cette disposition contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le degré de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.

B.3.3. Toute mesure en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire n'a pas ipso facto une incidence sur le droit à la protection d'un environnement sain, au sens de l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution. En l'espèce, il peut toutefois être admis que la disposition en cause, qui porte sur la réalisation de lotissements qui pourraient avoir des implications importantes pour les riverains et pour l'espace public, a une portée qui entre au moins partiellement dans le champ d'application de l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution.

B.3.4. En matière du droit de l'environnement, l'intérêt d'un permis préalable est, de façon générale, essentiel, afin que la personne tenue de détenir une autorisation et le public concerné bénéficient du service qu'une administration spécialisée peut offrir en appréciant concrètement leur situation et afin que le juge puisse examiner si l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la demande de permis est ou non conforme aux objectifs poursuivis par le Code flamand de l'aménagement du territoire et par le décret du 5 avril 1995 contenant des dispositions générales concernant la politique de l'environnement.

B.3.5. Une enquête publique, au cours de laquelle le public concerné a la possibilité de faire connaître ses points de vue, observations ou objections, est en outre toujours requise dans le cadre de la procédure d'autorisation ordinaire (article 23 du décret du 25 avril 2014 relatif au permis d'environnement).

L'enquête publique donne au public concerné une possibilité de participation qui offre une garantie pour la sauvegarde du droit à la protection d'un environnement sain et à un bon aménagement du territoire (article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution). Par ailleurs, le demandeur du permis et les membres du public concernés peuvent introduire un recours administratif et ils ont, en tant qu'auteurs d'un recours, le droit d'être entendus.

B.3.6. Le « permis d'environnement pour le lotissement de terrains » en particulier n'est en outre pas seulement créateur de droits et d'obligations pour les acquéreurs des biens lotis : il revêt aussi un caractère réglementaire. Il a de ce point de vue une valeur équivalente à celle d'un plan d'exécution spatial en ce qu'il a pour fonction non seulement de protéger les acquéreurs et les communes, mais aussi de sauvegarder l'intérêt général par un bon aménagement du territoire.

B.3.7. La disposition attaquée a pour conséquence qu'il n'est plus obligatoire d'obtenir un « permis d'environnement pour le lotissement de terrains » pour diviser une parcelle en un lot bâti et un lot non bâti. Il est ainsi possible de contourner, sans limitation quant à la superficie des parcelles ou à leur nombre, l'obligation d'autorisation et toutes les garanties qui en découlent pour l'environnement et le bon aménagement du territoire, en divisant artificiellement, en plusieurs phases, ce qui constitue en réalité un grand lotissement.

B.3.8. Par conséquent, les riverains de telles parcelles sont confrontés à un recul significatif du degré de protection offert par l'ancienne législation, qui ne peut être justifié par l'objectif de simplification administrative qui fonde la disposition attaquée, tel qu'il est mentionné en B.1.2.

Le second moyen, en sa première branche, est fondé.

B.3.9. Les autres griefs ne pouvant conduire à une annulation plus ample, il n'y a pas lieu de les examiner.

Par ces motifs, la Cour annule l'article 52, 4°, du décret de la Région flamande du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'aménagement du territoire, d'écologie, d'environnement et d'aménagement du territoire ».

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 mai 2019.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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