Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 27 mai 2019

Extrait de l'arrêt n° 8/2019 du 23 janvier 2019 Numéro du rôle : 6759 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 29 et 31, § 1 er , de (...) La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-V(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2019201800
pub.
27/05/2019
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 8/2019 du 23 janvier 2019 (version résultant de l'ordonnance en rectification du 27 février 2019) Numéro du rôle : 6759 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 29 et 31, § 1er, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer relative aux sanctions administratives communales, posée par le Tribunal de police de Louvain.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 3 octobre 2017 en cause de Robert Pardon contre la ville de Louvain, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 31 octobre 2017, le Tribunal de police de Louvain a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 29 et 31, § 1er, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer relative aux sanctions administratives communales, combinés avec l'article 1er de l'arrêté royal du 9 mars 2014 relatif aux sanctions administratives communales pour les infractions en matière d'arrêt et de stationnement et pour les infractions aux panneaux C3 et F103 constatées au moyen d'appareils fonctionnant automatiquement, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution ainsi que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle le tribunal de police ne pourrait diminuer le montant de l'amende administrative parce que les montants ont été fixés par l'article 2 de l'arrêté royal du 9 mars 2014 précité, alors que, dans le cadre d'un traitement pénal, l'article 29, § 4, de la loi du 16 mars 1968 autorise pareille diminution de l'amende ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte essentiellement sur l'article 31, § 1er, alinéas 3 et 4, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer relative aux sanctions administratives communales (ci-après : la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer), en particulier en ce qui concerne le pouvoir du juge de réduire les amendes administratives infligées, entre autres, pour des infractions aux règles en matière d'arrêt et de stationnement.

B.1.2. L'article 31, § 1er, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer dispose : « La commune ou le contrevenant, en cas d'amende administrative peut introduire un recours par requête écrite auprès du tribunal de police, selon la procédure civile, dans le mois de la notification de la décision.

Lorsque la décision du fonctionnaire sanctionnateur se rapporte aux mineurs, le recours est introduit par requête gratuite auprès du tribunal de la jeunesse. Dans ce cas, le recours peut également être introduit par les père et mère, les tuteurs ou les personnes qui en ont la garde. Le tribunal de la jeunesse demeure compétent si le contrevenant est devenu majeur au moment où il se prononce.

Le tribunal de police ou le tribunal de la jeunesse statuent, dans le cadre d'un débat contradictoire et public, sur le recours introduit contre la sanction administrative visée [à] l'article 4, § 1er, 1°.

Ils jugent de la légalité et de la proportionnalité de l'amende imposée.

Ils peuvent soit confirmer, soit réformer la décision prise par le fonctionnaire sanctionnateur. [...] ».

B.2.1. En instaurant un système de sanctions administratives communales, le législateur a délibérément instauré une procédure distincte de la procédure pénale. Le législateur entendait faciliter et accélérer la répression d'incivilités et de dérangements mineurs, tout en allégeant la charge des juridictions pénales (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 2031/1, pp. 2-3).

Alors que les sanctions administratives communales étaient à l'origine réglées par l'article 119bis de la Nouvelle loi communale, le législateur, par la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer, a instauré un régime autonome de sanctions administratives communales. En vertu de l'article 2, § 1er, de cette loi, le conseil communal peut établir des peines ou des sanctions administratives contre les infractions à ses règlements ou ordonnances, à moins que des peines ou des sanctions administratives soient établies par ou en vertu d'une loi, d'un décret ou d'une ordonnance pour les mêmes infractions. Par dérogation à ce que prévoit cette disposition, le conseil communal peut en outre prévoir, dans ses règlements ou ordonnances, une sanction administrative contre certaines infractions visées dans le Code pénal (article 3, 1° et 2°) et contre certaines infractions à la législation sur la circulation routière (article 3, 3°).

B.2.2. L'article 4, § 4, alinéa 1er, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer, lu en combinaison avec l'article 3, 3°, de la même loi et avec l'arrêté royal du 9 mars 2014 « relatif aux sanctions administratives communales pour les infractions en matière d'arrêt et de stationnement et pour les infractions aux signaux C3 et F103 constatées au moyen d'appareils fonctionnant automatiquement », pris en exécution de ces dispositions (ci-après : l'arrêté royal du 9 mars 2014), permet, sous certaines conditions, d'infliger des amendes administratives contre, d'une part, des infractions aux dispositions relatives à l'arrêt et au stationnement et, d'autre part, des infractions aux dispositions concernant les signaux C3 et F103, constatées exclusivement au moyen d'appareils fonctionnant automatiquement, visés à l'article 62 de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968 (ci-après : la loi relative à la police de la circulation routière). Spécifiquement en ce qui concerne les infractions de circulation visées à l'article 3, 3°, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer, le législateur a voulu donner aux communes la possibilité d'établir une politique de stationnement autonome et plus efficace (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2712/001, pp. 5-6, et DOC 53-2712/006, p. 12) et a organisé une procédure appropriée dans la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer. La disposition en cause est applicable à cette procédure.

Si la commune souhaite faire usage de ce pouvoir qui lui est conféré d'infliger des amendes administratives, elle doit le prévoir dans ses règlements ou ordonnances (article 4, § 1er, de la loi du 24 juin 2013) et un protocole d'accord à ce sujet doit obligatoirement être conclu entre le procureur du Roi compétent et le collège des bourgmestre et échevins (article 23, § 1er, alinéa 5, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer). Il s'agit donc d'infractions « mixtes », qui restent effectivement pénales, mais qui peuvent être sanctionnées par une amende administrative.

B.2.3. En ce qui concerne le montant de ces amendes administratives communales, il ressort de l'article 4, § 4, alinéa 2, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer qu'il dépend de la catégorie dans laquelle les infractions en cause ont été réparties. Le Roi est habilité à répartir ces infractions en quatre catégories et à préciser le montant des amendes administratives qui y sont liées, en fonction de la gravité de la menace qu'elles représentent pour la sécurité routière et la mobilité, par analogie avec la répartition existante des infractions de circulation.

Spécifiquement en ce qui concerne la répartition des infractions en quatre catégories, prévue par l'article 4, § 4, alinéa 2, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer, et la fixation des montants des amendes administratives qui y sont liées, le législateur tendait à l'uniformité et à la transparence (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2712/001, p. 6) en conservant « un parallélisme entre les amendes pénales et les amendes administratives » (ibid., p. 9). Il a en outre cherché à exclure que les communes puissent déterminer elles-mêmes les amendes administratives pour les infractions visées et a souhaité obliger le fonctionnaire sanctionnateur à appliquer les amendes fixes déterminées par le Roi (ibid., p. 9).

L'arrêté royal du 9 mars 2014 a réparti les infractions routières précitées en deux catégories et a fixé le montant de l'amende administrative qui y est liée. Les montants fixes, non modulables, s'élevaient respectivement à 55 euros (catégorie 1) et à 110 euros (catégorie 2). A partir du 1er septembre 2018, les montants passent respectivement à 58 euros et à 116 euros.

B.2.4. En ce qui concerne les infractions relatives à l'arrêt et au stationnement et celles concernant les signaux C3 et F103, l'article 29 de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer règle la procédure administrative qui vise à infliger une amende administrative communale, ainsi que le recours administratif contre cette amende. Dans le cadre de cette procédure, le fonctionnaire sanctionnateur applique l'amende fixée par l'arrêté royal du 9 mars 2014.

B.3. Par la question préjudicielle, le juge a quo demande à la Cour de se prononcer sur la compatibilité des articles 29 et 31, § 1er, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer, combinés à l'article 1er de l'arrêté royal du 9 mars 2014, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle le tribunal de police ne peut réduire le montant de l'amende administrative infligée par le fonctionnaire sanctionnateur parce que ce montant est fixé à l'article 2 de l'arrêté royal précité.

La Cour examine les dispositions en cause dans cette interprétation.

La comparaison que le juge a quo soumet à la Cour réside dans le fait que la disposition en cause ne permettrait pas au juge de police de retenir des circonstances atténuantes pour réduire une amende administrative, alors que l'article 29, § 4, alinéa 1er, de la loi relative à la police de la circulation routière permet au juge de police de réduire à un montant inférieur au montant minimum fixé par la loi l'amende pénale infligée pour une même infraction, sans que celle-ci puisse être inférieure à un euro, en retenant des circonstances atténuantes.

B.4. Le législateur a pu légitimement considérer qu'en vue d'alléger la charge de travail des parquets et des juridictions pénales et afin de permettre aux communes de mener leur propre politique en matière de stationnement et de mobilité, il y avait lieu d'instaurer un régime de sanctions administratives communales pour certaines infractions au code de la route. Le régime de sanctions alternatif mis en place par la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer implique que, lorsque le procureur du Roi décide de ne pas poursuivre l'auteur présumé des infractions mixtes visées à l'article 3, 3°, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer, le fonctionnaire sanctionnateur de la commune dans laquelle ces infractions ont été constatées peut entamer la procédure pour infliger une sanction administrative et peut infliger une amende fixe.

B.5. L'appréciation de la gravité d'un manquement et la sévérité avec laquelle ce manquement peut être puni relèvent du pouvoir d'appréciation du législateur. C'est dès lors au législateur qu'il appartient de fixer les limites et les montants dans le cadre desquels le pouvoir d'appréciation de l'administration et, par conséquent, celui du juge, doivent s'exercer.

B.6. Lorsque l'auteur d'un même fait peut être puni d'une autre manière, c'est-à-dire lorsque, pour les mêmes faits, il peut se voir infliger soit une amende pénale, soit une amende administrative contre laquelle il peut introduire un recours auprès d'un tribunal, la Cour a déjà jugé qu'il doit en principe exister un parallélisme entre les mesures d'individualisation de la sanction (arrêts nos 40/97, 45/97, 128/99, 86/2007, 42/2009, 44/2011, 147/2015, 25/2016 et 159/2016) : lorsque, pour les mêmes faits, le juge de police peut infliger une amende pénale inférieure au montant légal minimum s'il existe des circonstances atténuantes, il doit en principe également disposer de la même possibilité dans une procédure civile dans laquelle il est saisi du recours introduit contre la décision d'infliger une sanction administrative.

B.7. Il n'est pas raisonnablement justifié d'empêcher la personne qui se voit infliger une amende administrative de bénéficier de la mesure qui habiliterait le juge de police à tenir compte de circonstances atténuantes, qui l'amèneraient à réduire l'amende à un montant inférieur à un montant fixé par la loi, alors que cette personne pourrait bénéficier de l'application de l'article 29, § 1er, alinéa 1er, de la loi relative à la police de la circulation routière si elle comparaissait pour les mêmes faits devant le juge de police, dans une procédure pénale.

La différence de traitement n'est pas raisonnablement justifiée.

B.8. Dans l'interprétation donnée par le juge a quo, l'article 31, § 1er, alinéas 3 et 4, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer, n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il n'autorise pas à tenir compte de circonstances atténuantes permettant de réduire une amende administrative à un montant inférieur au montant fixé par la loi.

Dans cette interprétation, la question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

B.9. Ainsi que l'indique le Conseil des ministres, il ressort toutefois des travaux préparatoires de la disposition en cause que celle-ci est susceptible de recevoir une autre interprétation. En effet, par la procédure de recours, le législateur entendait permettre au juge de police de juger de la proportionnalité et de la légalité de la sanction infligée, et de la réformer, y compris en diminuant l'amende (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 2031/1, p. 6) dans le cadre d'un contrôle au regard du principe de proportionnalité. Dans cette interprétation, lorsque la décision du juge de police réforme celle du fonctionnaire, elle la remplace.

Dans cette interprétation de la disposition en cause, la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 31, § 1er, alinéas 3 et 4, de la loi du 24 juin 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/06/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013000441 source service public federal interieur 24 JUIN 2013 - Loi relative aux sanctions administratives communales fermer relative aux sanctions administratives communales, interprété en ce sens que le juge de police ne peut réduire une amende administrative à un montant inférieur au montant fixé par la loi pour tenir compte de circonstances atténuantes, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. - La même disposition, interprétée en ce sens que [le juge de police peut réduire] une amende administrative à un montant inférieur au montant fixé par la loi pour tenir compte de circonstances atténuantes, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 janvier 2019.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen [Texte modifié à la suite de l'ordonnance en rectification du 27 février 2019]

^