publié le 28 janvier 2019
Extrait de l'arrêt n° 123/2018 du 4 octobre 2018 Numéro du rôle : 6691 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par la Cour d'appel de Gand. La Cour constitutionnelle, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédu(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 123/2018 du 4 octobre 2018 Numéro du rôle : 6691 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par la Cour d'appel de Gand.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges J.-P. Snappe, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 13 juin 2017 en cause de la SPRL « Stibrimmo » contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 28 juin 2017, la Cour d'appel de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 219 du CIR 1992 viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution s'il est interprété en ce sens que l'article 219, alinéa 7, du CIR 1992 ne devrait pas être appliqué si le bénéficiaire du montant des dépenses visées à l'article 57 ou des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, qui n'est pas justifié par la production de fiches individuelles et d'un relevé récapitulatif et qui provient de bénéfices dissimulés a été identifié de manière univoque au plus tard dans un délai de deux ans et six mois à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné, alors que l'article 219, alinéa 7, du CIR 1992 devrait, dans les circonstances données, être effectivement appliqué si le montant en question ne provenait pas de bénéfices dissimulés ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur la cotisation distincte à l'impôt des sociétés inscrite à l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992), tel qu'il a été remplacé par l'article 30 de la loi-programme du 19 décembre 2014Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 19/12/2014 pub. 29/12/2014 numac 2014021137 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer.
L'article 219 du CIR 1992 dispose : « Une cotisation distincte est établie à raison des dépenses visées à l'article 57 et des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, qui ne sont pas justifiés par la production de fiches individuelles et d'un relevé récapitulatif ainsi qu'à raison des bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société, et des avantages financiers ou de toute nature visés à l'article 53, 24°.
Cette cotisation est égale à 100 p.c. de ces dépenses, avantages de toute nature, avantages financiers et bénéfices dissimulés, sauf lorsqu'on peut démontrer que le bénéficiaire de ces dépenses, avantages de toute nature et avantages financiers est une personne morale ou que les bénéfices dissimulés sont réintégrés dans la comptabilité, comme prévu à l'alinéa 4, auxquels cas le taux est fixé à 50 p.c.
Ne sont pas considérées comme des bénéfices dissimulés, les réserves visées à l'article 24, alinéa 1er, 2° à 4°.
Les bénéfices dissimulés peuvent être réintégrés dans la comptabilité d'un exercice comptable postérieur à l'exercice comptable au cours duquel le bénéfice est réalisé, même si les délais d'imposition visés à l'article 354, alinéa 1er, sont expirés, pour autant que le contribuable n'ait pas encore été informé par écrit d'actes d'administration ou d'instruction spécifiques en cours.
De plus, les bénéfices dissimulés précités ne sont soumis à cette cotisation distincte que dans le cas où ils ne sont pas le résultat d'un rejet de frais professionnels.
Cette cotisation n'est pas applicable si le contribuable démontre que le montant des dépenses, visées à l'article 57, ou des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, est compris dans une déclaration introduite par le bénéficiaire conformément à l'article 305 ou dans une déclaration analogue introduite à l'étranger par le bénéficiaire.
Lorsque le montant des dépenses visées à l'article 57 ou des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, n'est pas compris dans une déclaration introduite conformément à l'article 305 ou dans une déclaration analogue introduite à l'étranger par le bénéficiaire, la cotisation distincte n'est pas applicable dans le chef du contribuable si le bénéficiaire a été identifié de manière univoque au plus tard dans un délai de 2 ans et 6 mois à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné ».
B.1.2. L'article 57 du CIR 1992 dispose : « Les frais ci-après ne sont considérés comme des frais professionnels que s'ils sont justifiés par la production de fiches individuelles et d'un relevé récapitulatif établis dans les formes et délais déterminés par le Roi : 1° commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations ou honoraires occasionnels ou non, gratifications, rétributions ou avantages de toute nature qui constituent pour les bénéficiaires des revenus professionnels imposables ou non en Belgique, à l'exclusion des rémunérations visées à l'article 30, 3°;2° rémunérations, pensions, rentes ou allocations en tenant lieu, payées aux membres du personnel, aux anciens membres du personnel ou à leurs ayants droit, à l'exclusion des avantages sociaux exonérés dans le chef des bénéficiaires;3° indemnités forfaitaires allouées aux membres du personnel en remboursement de frais effectifs propres à l'employeur ». B.1.3. L'article 31 du CIR 1992 dispose : « Les rémunérations des travailleurs sont toutes rétributions qui constituent, pour le travailleur, le produit du travail au service d'un employeur.
Elles comprennent notamment : [...] 2° les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle; [...] ».
B.1.4. L'article 32 du même Code dispose : « Les rémunérations des dirigeants d'entreprise sont toutes les rétributions allouées ou attribuées à une personne physique : 1° qui exerce un mandat d'administrateur, de gérant, de liquidateur ou des fonctions analogues;2° qui exerce au sein de la société une fonction dirigeante ou une activité dirigeante de gestion journalière, d'ordre commercial, financier ou technique, en dehors d'un contrat de travail. Elles comprennent notamment : [...] 2° les avantages, indemnités et rémunérations d'une nature analogue à celles qui sont visées à l'article 31, alinéa 2, 2° à 5°; [...] ».
B.2.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, si cette disposition est interprétée « en ce sens que l'article 219, alinéa 7, du CIR 1992 ne devrait pas être appliqué si le bénéficiaire du montant des dépenses visées à l'article 57 ou des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, qui n'est pas justifié par la production de fiches individuelles et d'un relevé récapitulatif et qui provient de bénéfices dissimulés a été identifié de manière univoque au plus tard dans un délai de deux ans et six mois à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné, alors que l'article 219, alinéa 7, du CIR 1992 devrait, dans les circonstances données, être effectivement appliqué si le montant en question ne provenait pas de bénéfices dissimulés ».
B.2.2. Ni la décision de renvoi ni les pièces introduites ne font apparaître que les bénéfices dissimulés ont été affectés au paiement de dépenses telles qu'elles sont visées à l'article 57 du CIR 1992 ou d'avantages de toute nature tels qu'ils sont visés dans les articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, du même Code.
Les faits de l'affaire soumise à la juridiction a quo et les motifs de la décision de renvoi font uniquement apparaître que l'administration fiscale a constaté que la partie demanderesse devant la juridiction a quo a réalisé des bénéfices dissimulés et que les deux associés, dont l'un est également gérant, ont reçu ce montant sans que la raison pour laquelle ce montant a été versé soit constatée.
Dès lors que la Cour est interrogée à cet égard sur la différence de traitement qui serait créée par la disposition en cause entre les dépenses et les avantages de toute nature non justifiés, selon qu'ils proviennent ou non de bénéfices dissimulés, la question préjudicielle n'appelle pas de réponse.
B.2.3. Il ressort de la décision de renvoi et de la motivation de cette décision que la juridiction a quo demande à la Cour si l'article 219, alinéa 7, du CIR 1992 est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que cette disposition prévoit uniquement pour les dépenses et les avantages de toute nature non justifiés, et non pour les bénéfices dissimulés, la non-application de la cotisation distincte si le bénéficiaire a été identifié de manière univoque dans le délai fixé. La Cour examine la question préjudicielle en ce sens.
B.3.1. Le Conseil des ministres fait préalablement valoir que la partie demanderesse devant la juridiction a quo aurait perdu son intérêt à la question préjudicielle. Une réponse affirmative à cette question signifierait en effet que les personnes ayant perçu les bénéfices dissimulés ne seraient pas taxées sur ces bénéfices, ce qui constituerait une discrimination illicite en vertu de l'arrêt n° 92/2017 du 13 juillet 2017.
B.3.2. Il n'appartient ni aux parties ni à la Cour d'apprécier l'intérêt, pour les parties devant la juridiction a quo, de la question que celle-ci adresse à la Cour.
B.4.1. Le système de taxation des commissions secrètes résulte de plusieurs modifications législatives successives. Les travaux préparatoires de ces différentes adaptations montrent que le législateur entendait combattre certaines formes d'abus. Il a dès lors instauré une « corrélation entre, d'une part, la déductibilité des montants dans le chef de celui qui les paie et, d'autre part, l' ' imposabilité ' de ces montants au nom des bénéficiaires » (Doc. parl., Chambre, 1972-1973, n° 521/7, pp. 38-39).
C'est pourquoi, par une loi du 25 juin 1973, il a établi la cotisation distincte « compensant la perte de l'impôt qui ne peut être perçu dans le chef des bénéficiaires » (ibid., p. 39).
B.4.2. A l'origine, la disposition en cause s'appliquait uniquement aux dépenses visées à l'article 57 du CIR 1992, c'est-à -dire aux commissions, courtages, honoraires et avantages de toute nature, qui sont payés à des bénéficiaires pour lesquels ces sommes constituent des revenus professionnels, ou encore aux rémunérations et pensions payées aux membres ou anciens membres du personnel ainsi qu'aux administrateurs et gérants. Lorsqu'une société ne justifie pas dans le délai imparti les sommes visées dans cette disposition par la production des fiches individuelles et du relevé récapitulatif prescrits par la loi et qui révèlent l'identité du bénéficiaire, elle est redevable d'une cotisation distincte à l'impôt des sociétés. Ces dépenses non justifiées comprennent les « commissions secrètes ».
La cotisation distincte sur les commissions secrètes prévue à l'impôt des sociétés tend donc à contraindre les contribuables à respecter leur obligation de fournir à l'administration fiscale, dans la forme et dans le délai prévu par la loi, les informations qui lui permettent de procéder à l'imposition des bénéficiaires.
B.4.3. Depuis la modification législative du 30 mars 1994, il s'avère qu'en plus de poursuivre cet objectif légitime, le législateur a voulu également combattre la fraude en fixant le taux de la cotisation distincte à 300 % et en visant entre autres à sanctionner le contribuable qui ne respecte pas ses obligations, afin d'éviter la récidive des infractions (Doc. parl., Chambre, 1993-1994, n° 1290/6, pp. 45-46 et p. 86).
B.4.4. La loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 11/09/1999 numac 1999021298 source ministere de la justice Loi portant assentiment de l'accord de coopération entre l'Etat fédéral et la Région wallonne relative à la guidance et au traitement d'auteurs d'infractions à caractère sexuel type loi prom. 04/05/1999 pub. 11/09/1999 numac 1999021311 source ministere de la justice Loi portant assentiment à l'accord de coopération entre l'Etat fédéral et la Communauté flamande relatif à la guidance et au traitement d'auteurs d'infractions à caractère sexuel type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999003331 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales diverses fermer a étendu le champ d'application de la cotisation sur les commissions secrètes aux bénéfices dissimulés. Il s'agit des « bénéfices constatés par l'administration [...] qui ne sont pas compris dans le résultat comptable de la société et qui, par conséquent, ne se retrouvent pas non plus parmi les éléments du patrimoine de la société. En particulier, cela concerne le chiffre d'affaires réalisé [au] noir par une entreprise » (Bull. Q. R., Chambre, 1999-2000, n° 16, p. 1774; cf. la même définition dans le commentaire administratif de l'article 219 du CIR 1992, n° 219/19).
Cette extension vise à mettre fin aux incertitudes qui découlaient de certaines décisions des cours et tribunaux assimilant les bénéfices dissimulés aux dépenses non justifiées et qui portaient sur les preuves que l'administration fiscale doit apporter pour pouvoir soumettre les bénéfices dissimulés à la cotisation distincte : « Jusqu'à présent, les cours et tribunaux admettaient l'extension de l'article 219, CIR 92, en stipulant que l'administration devait établir que certains revenus ont été dissimulés par l'entreprise et qu'ils ne se retrouvent nullement à un titre ou à un autre dans la comptabilité (c'est-à -dire qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une autre imputation en comptabilité; par exemple, la comptabilisation d'un revenu à un compte de passif en contrepartie de son imputation à l'actif, au débit du compte de la trésorerie de la société) mais sans exiger pour autant de l'administration que celle-ci identifie les bénéficiaires anonymes et démontre la raison de la distribution (Gand, 2 juin 1991).
La jurisprudence a cependant évolué. Quelques arrêts disposent qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve que de tels bénéfices ont quitté le patrimoine de la société et qu'ils ont servi en outre à des dépenses au sens de l'article 57, CIR 92.
Suivant un arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 1994, il convient d'apporter la triple preuve suivante : 1° l'existence du bénéfice dissimulé (un bénéfice réalisé supérieur au bénéfice déclaré);2° le bénéfice dissimulé a quitté le patrimoine de la société;3° le bénéfice dissimulé a servi à des dépenses visées à l'article 57, CIR 92. L'administration doit donc maintenant établir : 1. l'existence de bénéfices dissimulés sur la base de présomptions de fait (article 340, CIR 92) ou légales (article 342, CIR 92);2. que le bénéfice fixé ' valablement ' de cette manière a quitté l'entreprise et a servi à des dépenses visées à l'article 57, CIR 92. Cette démonstration est souvent interprétée par le juge comme une cascade de présomptions et, dès lors, rejetée par lui. Pour éviter une telle cascade de fardeaux de preuve au niveau de l'administration (ce qui aboutit très souvent à la preuve impossible) et revenir en fait à l'interprétation antérieure de l'article 219, CIR 92, il est proposé de modifier cet article afin que l'application de la cotisation distincte soit établie explicitement à raison des bénéfices dissimulés précités et de telle manière qu'il ne doive pas être démontré par l'administration que ces bénéfices ont quitté l'entreprise de la manière visée à l'article 57, CIR 92 (c'est-à -dire sous la forme de commissions, indemnités et autres salaires versés en noir) » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1949/8, pp. 41 et 42; dans le même sens, n° 1949/1, pp.11 et 12).
B.4.5. Par la loi-programme du 19 décembre 2014Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 19/12/2014 pub. 29/12/2014 numac 2014021137 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, le législateur a voulu conférer à la cotisation distincte sur les commissions secrètes un caractère purement indemnitaire et non plus un caractère punitif (Doc. parl., Chambre, 2014-2015, DOC 54-0672/001, p. 10). La cotisation distincte a dorénavant pour seul objectif de compenser la perte d'impôts sur les revenus.
Conformément à cet objectif, le législateur a ramené le taux de la cotisation distincte sur les commissions secrètes de 309 à 103 % (avec, dans certains cas, une réduction supplémentaire allant jusqu'à 51,5 % ). Il a également adapté les cas de non-application de cette cotisation prévus par la loi du 27 novembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/11/2002 pub. 10/12/2002 numac 2002003512 source ministere des finances Loi modifiant l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 fermer.
La cotisation n'est donc pas applicable lorsque le contribuable concerné démontre que le montant des dépenses ou des avantages de toute nature est compris dans la déclaration à l'impôt sur les revenus introduite par le bénéficiaire dans le délai imparti (article 219, alinéa 6, du CIR 1992). En l'absence d'une telle déclaration, lorsque les dépenses ou les avantages de toute nature n'ont pas été déclarés par le bénéficiaire dans le délai fixé, la cotisation ne s'applique pas désormais « si le bénéficiaire a été identifié de manière univoque au plus tard dans le délai de 2 ans et 6 mois à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné » (article 219, alinéa 7, du CIR 1992).
B.5. La juridiction a quo demande à la Cour si la disposition en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que l'exception à l'application de la cotisation distincte, telle qu'elle est prévue à l'article 219, alinéa 7, du CIR 1992, vaut uniquement pour les dépenses et les avantages de toute nature non justifiés, visés dans cet article, et non pour les bénéfices dissimulés.
B.6. Il appartient au législateur d'établir la base de l'impôt. Il dispose en la matière d'une large marge d'appréciation. En effet, les mesures fiscales constituent un élément essentiel de la politique socioéconomique. Elles assurent non seulement une part substantielle des recettes qui doivent permettre la réalisation de cette politique, mais elles permettent également au législateur d'orienter certains comportements et d'adopter des mesures correctrices afin de donner corps à la politique sociale et économique.
Les choix sociaux qui doivent être réalisés lors de la collecte et de l'affectation des ressources relèvent par conséquent du pouvoir d'appréciation du législateur. La Cour ne peut sanctionner un tel choix politique et les motifs qui le fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou s'ils sont manifestement déraisonnables.
B.7.1. Avec la cotisation distincte en cause, le législateur vise, d'une part, à lutter contre la fraude en décourageant la pratique de commissions secrètes et de bénéfices dissimulés et, d'autre part, à compenser la perte que représente pour le Trésor l'impôt éludé sur ces commissions et bénéfices.
Il est légitime que le législateur veille à prévenir la fraude fiscale et à préserver les intérêts du Trésor, par souci de justice et pour remplir au mieux les tâches d'intérêt général dont il a la charge.
B.7.2. A la lumière de l'objectif poursuivi, il n'est pas sans justification raisonnable que l'exception à l'application de la cotisation distincte soit limitée aux dépenses et aux avantages de toute nature non justifiés et ne concerne pas les bénéfices dissimulés, en cas d'identification univoque du bénéficiaire dans le délai fixé.
Les dépenses et les avantages de la première catégorie sont inscrits dans la comptabilité, mais ils n'ont pas été justifiés selon les modalités prescrites par la loi, ce qui empêche le fisc de vérifier si ces paiements ont subi le régime fiscal approprié à charge du bénéficiaire. Il n'en va pas de même pour les bénéfices dissimulés, qui n'ont pas été inscrits dans le résultat comptable de la société et ne se retrouvent donc pas parmi les éléments du patrimoine de la société, de sorte que ces revenus ne peuvent être taxés ni à l'égard de la société concernée ni, le cas échéant, à l'égard de leur bénéficiaire.
Compte tenu de ces différences, le législateur a pu raisonnablement considérer que les bénéfices soustraits de manière dissimulée au patrimoine de la société doivent, en ce qui concerne l'application de la cotisation distincte, être soumis à des règles plus strictes que les dépenses et les avantages de toute nature non justifiés. La différence de traitement entre les bénéfices dissimulés, d'une part, et les dépenses et les avantages de toute nature non justifiés, d'autre part, en ce que la disposition en cause prévoit une exception à l'application de la cotisation distincte uniquement pour les dépenses et les avantages de toute nature non justifiés, n'est dès lors pas dénuée de justification raisonnable.
B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 219, alinéa 7, du Code des impôts sur les revenus 1992 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 4 octobre 2018.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen