publié le 15 janvier 2019
Extrait de l'arrêt n° 154/2018 du 8 novembre 2018 Numéro du rôle : 6792 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 1 er , 2 et 46 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, posée par le Tribunal de premi La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)
Extrait de l'arrêt n° 154/2018 du 8 novembre 2018 Numéro du rôle : 6792 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 1er, 2 et 46 de la loi du 10 avril 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1971 pub. 17/10/2014 numac 2014000710 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 23/03/2018 numac 2018030615 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 11/06/1998 numac 1998000213 source ministere de l'interieur Loi sur les accidents du travail - Traduction allemande fermer sur les accidents du travail, posée par le Tribunal de première instance de Flandre orientale, division Termonde.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, P. Nihoul, T. Giet et J. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. - Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 1er décembre 2017 en cause de A.D. et E.D. contre A.V. et la SPRL « VDA & Co », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 11 décembre 2017, le Tribunal de première instance de Flandre orientale, division Termonde, a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 1er, 2 et 46 de la loi du 10 avril 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1971 pub. 17/10/2014 numac 2014000710 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 23/03/2018 numac 2018030615 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 11/06/1998 numac 1998000213 source ministere de l'interieur Loi sur les accidents du travail - Traduction allemande fermer sur les accidents du travail violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils refusent au mandataire et au préposé de l'employeur d'une personne qui suit une formation professionnelle individuelle telle que visée aux articles 90 et suivants de l'arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009 portant organisation de l'emploi et de la formation professionnelle l'avantage de l'immunité dont bénéficient le mandataire et le préposé de l'employeur visés à l'article 46, § 1er, de la loi du 10 avril 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1971 pub. 17/10/2014 numac 2014000710 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 23/03/2018 numac 2018030615 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 11/06/1998 numac 1998000213 source ministere de l'interieur Loi sur les accidents du travail - Traduction allemande fermer sur les accidents du travail ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur les articles 1er, 2 et 46 de la loi du 10 avril 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1971 pub. 17/10/2014 numac 2014000710 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 23/03/2018 numac 2018030615 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 11/06/1998 numac 1998000213 source ministere de l'interieur Loi sur les accidents du travail - Traduction allemande fermer sur les accidents de travail (ci-après : loi sur les accidents du travail), qui disposent : «
Art. 1er.La présente loi est applicable à toutes les personnes qui, en qualité d'employeur, de travailleur ou de personne assimilée, sont assujetties pour tout ou en partie, à : 1° la loi du 27 juin 1969Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1969 pub. 24/01/2011 numac 2010000730 source service public federal interieur Loi révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs; 2° [...]; 3° l'arrêté-loi du 7 février 1945 concernant la sécurité sociale des marins de la marine marchande.
Art. 2.La présente loi est également applicable aux armateurs qui exploitent leur propre bâtiment; ils sont réputés être à la fois employeur et travailleur ». «
Art. 46.§ 1er. Indépendamment des droits découlant de la présente loi, une action en justice peut être intentée, conformément aux règles de la responsabilité civile, par la victime ou ses ayants droit : 1° contre l'employeur qui a causé intentionnellement l'accident du travail ou causé intentionnellement un accident ayant entraîné un accident du travail;2° contre l'employeur, dans la mesure où l'accident du travail a causé des dommages aux biens du travailleur;3° contre le mandataire ou le préposé de l'employeur qui a causé intentionnellement l'accident du travail;4° contre les personnes autres que l'employeur, ses mandataires ou préposés, qui sont responsables de l'accident;5° contre l'employeur, ses mandataires ou préposés, lorsque l'accident est survenu sur le chemin du travail.6° contre l'employeur, ses mandataires ou préposés lorsque l'accident est un accident de roulage.Par accident de roulage, on entend tout accident de la circulation routière impliquant un ou plusieurs véhicules, automoteurs ou non, et lié à la circulation sur la voie publique. 7° contre l'employeur qui, ayant méconnu gravement les obligations que lui imposent les dispositions légales et réglementaires relatives au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail, a exposé les travailleurs au risque d'accident du travail, alors que les fonctionnaires désignés pour surveiller l'application desdites dispositions en application des articles 43 à 49 du Code pénal social lui ont par écrit : a) signalé le danger auquel il expose ces travailleurs;b) communiqué les infractions qui ont été constatées;c) prescrit des mesures adéquates; d) [...].
L'action en responsabilité civile ne peut pas être intentée contre l'employeur qui prouve que l'accident est également dû au non-respect, par le travailleur victime de l'accident, des instructions de sécurité que l'employeur lui a préalablement notifiées par écrit, alors que les moyens de sécurité nécessaires ont été mis à sa disposition. § 2. Indépendamment des dispositions du § 1er, l'entreprise d'assurances reste tenue du paiement des indemnités résultant de la présente loi, dans les délais fixés aux articles 41 et 42.
La réparation en droit commun qui ne peut se rapporter à l'indemnisation des dommages corporels, telle qu'elle est couverte par la présente loi, peut se cumuler avec les indemnités résultant de la présente loi ».
B.2. Il est demandé à la Cour si ces dispositions sont compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que le mandataire et le préposé de l'employeur ne peuvent invoquer le régime de l'immunité civile prévu à l'article 46 de la loi sur les accidents du travail lorsque la victime de l'accident du travail est une personne qui suit chez l'employeur une formation professionnelle individuelle, au sens des articles 90 et suivants de l'arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009 portant organisation de l'emploi et de la formation professionnelle.
B.3.1. En vertu de l'article 46 de la loi sur les accidents du travail, les victimes d'accidents du travail ou leurs ayants droit ne peuvent introduire une action en responsabilité civile contre l'employeur, ses mandataires et préposés que dans les cas énumérés dans cet article. Cette disposition a pour effet que l'employeur, ses mandataires et préposés disposent en principe d'une immunité civile en cas d'accident du travail.
B.3.2. Les notions de « mandataire » et de « préposé » employées à l'article 46, § 1er, de la loi sur les accidents du travail doivent être comprises au sens du droit commun.
Aux termes de l'article 1984 du Code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom, le contrat ne se formant que par l'acceptation du mandataire. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que le mandat suppose que le mandataire est chargé d'accomplir des actes juridiques (Cass., 27 mars 1968, Pas., 1968, I, p. 916;7 octobre 1974, Pas., 1975, I., p. 155). Le mandataire de l'employeur doit donc être considéré comme la personne chargée contractuellement d'accomplir des actes juridiques au nom et pour le compte de l'employeur. Lorsque l'employeur est une société, le gérant et les administrateurs de la société doivent en principe être considérés comme des mandataires de la société.
La notion de « préposé » contenue dans l'article 46, § 1er, de la loi sur les accidents du travail a la même signification que celle qui est contenue dans l'article 1384, alinéa 3, du Code civil (Cass., 5 janvier 1970, Pas., 1970, I, p. 364; 3 mars 1971, Pas., 1971, p. 603), en vertu duquel ceux qui emploient d'autres personnes sont responsables du dommage causé par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. Le préposé de l'employeur est donc toute personne placée sous l'autorité du même employeur que la victime de l'accident du travail.
B.3.3. L'immunité civile de l'employeur, de ses mandataires et de ses préposés, régie par l'article 46, § 1er, de la loi sur les accidents du travail est une des grandes lignes de la loi sur les accidents du travail.
La loi sur les accidents du travail remonte à la loi du 24 décembre 1903 sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail, qui prévoyait la réparation forfaitaire du dommage résultant d'un accident du travail, le caractère forfaitaire de l'indemnité s'expliquant notamment par une réglementation de la responsabilité dérogeant au droit commun, basée non pas sur la notion de « faute », mais sur celle de « risque professionnel » et sur une répartition de ce risque entre l'employeur et la victime de l'accident du travail.
D'une part, même sans avoir personnellement commis la moindre faute, l'employeur était toujours rendu responsable du dommage résultant de l'accident du travail subi par la victime. Ainsi, non seulement la victime était dispensée de fournir la preuve, souvent très difficile à apporter, de la faute de l'employeur ou de son préposé et du lien de causalité entre cette faute et le dommage subi. En outre, son éventuelle faute (non intentionnelle) ne faisait pas obstacle à la réparation et n'entraînait pas sa responsabilité si cette faute avait causé un accident du travail à un tiers. D'autre part, la victime de l'accident du travail recevait une indemnité forfaitaire, de sorte qu'elle n'était que partiellement indemnisée pour le dommage subi. A la suite de plusieurs modifications législatives, le taux d'indemnisation initial de 50 % de la « rémunération de base » a été porté à 66 % et à 100 % .
Lors de l'élaboration de la loi sur les accidents du travail, le système a été modifié par l'instauration de l'assurance obligatoire, en vertu de laquelle le travailleur ne s'adresse plus à l'employeur mais à « l'assureur-loi ». C'est dès lors le préjudice subi par le travailleur qui est assuré et non plus la responsabilité de l'employeur, de sorte que le système présente une similitude avec un mécanisme d'assurance sociale.
B.3.4. L'objectif du système d'indemnisation forfaitaire consiste non seulement à protéger le revenu du travailleur contre un risque professionnel mais aussi à préserver la paix sociale dans les entreprises en excluant la multiplication des procès en responsabilité.
Dans certains cas, la réparation forfaitaire sera supérieure à l'indemnité que la victime aurait pu obtenir en intentant une action de droit commun contre l'auteur de la faute qui est à l'origine de l'accident et, dans d'autres, elle sera inférieure à cette même indemnité.
Le financement du système d'indemnisation forfaitaire est garanti par les employeurs, qui, depuis 1971, sont obligés de souscrire une assurance en matière d'accidents du travail et de supporter le coût des primes. Le souci de ne pas alourdir la charge économique qui en résulte par une éventuelle obligation de réparation relevant du droit commun a conduit le législateur à restreindre le champ des hypothèses susceptibles d'engager la responsabilité civile de l'employeur. Ce souci et l'objectif poursuivi de préserver la paix sociale dans les entreprises ont également amené le législateur à limiter les cas dans lesquels la responsabilité civile des mandataires et des préposés de l'employeur peut être engagée.
B.4. Le régime de la loi sur les accidents du travail déroge donc aux règles du droit commun en matière de responsabilité.
Ainsi que la Cour l'a déjà jugé à plusieurs reprises (cf. les arrêts nos 115/2002, 102/2004, 124/2004, 64/2008 et 51/2016), ce régime dérogatoire se justifie dans son principe et, pour cette raison, il est admissible que sa comparaison trait pour trait avec celui du droit commun fasse apparaître des différences de traitement tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre, sous la réserve que chacune des règles en cause doit être conforme à la logique du système auquel elle appartient.
B.5.1. Les articles 1er et 2 de la loi sur les accidents du travail concernent le champ d'application de cette loi.
En vertu de l'article 1er de la loi sur les accidents du travail, celle-ci est applicable à toutes les personnes qui, en qualité d'employeur, de travailleur ou de personne assimilée, sont assujetties pour tout ou en partie, à (1) la loi du 27 juin 1969Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1969 pub. 24/01/2011 numac 2010000730 source service public federal interieur Loi révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs et (2) l'arrêté-loi du 7 février 1945 concernant la sécurité sociale des marins de la marine marchande.
En vertu de l'article 2, la loi est également applicable aux armateurs qui exploitent leur propre navire; ils sont réputés être à la fois employeur et travailleur.
B.5.2. Les faits de la cause pendante devant le juge a quo font apparaître qu'en l'espèce, seul l'article 1er, 1°, de la loi sur les accidents du travail - qui renvoie à la loi du 27 juin 1969Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1969 pub. 24/01/2011 numac 2010000730 source service public federal interieur Loi révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs - est pertinent. Les parties à la présente affaire ne sont en effet ni des marins de la marine marchande, ni des armateurs exploitant leur propre navire.
B.5.3. En vertu de l'article 1er, § 1er, alinéa 1er, de la loi précitée du 27 juin 1969, celle-ci est applicable aux travailleurs et aux employeurs liés par un contrat de louage de travail.
Sont par ailleurs assimilés aux travailleurs, pour l'application de cette loi : les apprentis et les personnes auxquelles le Roi étend cette application en exécution de l'article 2, § 1er, 1°. Sont assimilées aux employeurs : les personnes qui occupent au travail des apprentis et les personnes désignées par le Roi en application de l'article 2, § 1er, 1° (article 1er, § 1er, alinéa 2, de la loi du 27 juin 1969Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1969 pub. 24/01/2011 numac 2010000730 source service public federal interieur Loi révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, dans sa version applicable au litige soumis au juge a quo).
Il ressort de l'article 2, § 1er, 1°, de la loi du 27 juin 1969Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1969 pub. 24/01/2011 numac 2010000730 source service public federal interieur Loi révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer que le Roi ne peut assimiler des personnes à des employeurs que pour autant que des prestations de travail soient effectuées sous leur autorité moyennant le paiement d'une rémunération (Cass., 12 septembre 1994, D.94.0008.N).
B.6.1. En Communauté flamande, la formation professionnelle individuelle est régie par l'arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009 portant organisation de l'emploi et de la formation professionnelle, pris en exécution du décret du 7 mai 2004 relatif à la création de l'agence autonomisée externe de droit public « Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding » (Office flamand de l'Emploi et de la Formation professionnelle).
B.6.2. En vertu de l'article 90 de cet arrêté, on entend par formation professionnelle individuelle : « la formation professionnelle, visée à l'article 61, 1°, si elle est dispensée dans une entreprise, par une association sans but lucratif ou une autorité administrative ».
En vertu des articles 91 et 92, l'Office flamand de l'Emploi et de la Formation professionnelle (ci-après : le VDAB) décide si un demandeur d'emploi peut suivre une formation professionnelle individuelle; il fixe, dans les limites définies à l'article 92, la durée de cette formation et il décide de la prolongation ou de la cessation prématurée de la formation professionnelle individuelle.
En vertu de l'article 93, l'apprenant qui suit une formation professionnelle individuelle bénéficie d'une « prime de productivité », dont le montant s'exprime en principe par un pourcentage de l'écart entre le salaire normal de la profession et le revenu auquel l'apprenant peut prétendre pour cause de chômage, de revenu d'intégration ou d'aide sociale financière. La prime de productivité est payée à l'apprenant par le VDAB, mais l'entreprise dans laquelle l'apprenant suit la formation est tenue de verser mensuellement au VDAB un montant qui correspond à l'écart entre le salaire normal de la profession et l'allocation moyenne de chômage.
En vertu de l'article 94, l'employeur s'engage à occuper l'apprenant consécutivement à sa formation professionnelle individuelle dans son entreprise dans les liens d'un contrat de travail à durée en principe indéterminée.
B.6.3. Il en ressort que l'apprenant qui suit une formation professionnelle individuelle dans une entreprise ne peut travailler pour cette entreprise moyennant le paiement d'une rémunération et n'est pas lié à l'entreprise par un contrat de travail. L'apprenant ne saurait dès lors être considéré comme un travailleur au sens de la loi sur les accidents du travail. Bien que le Roi puisse, en vertu de l'article 3 de la loi sur les accidents du travail, étendre le champ d'application de cette loi à d'autres catégories de personnes, il ne l'a pas fait en ce qui concerne les apprenants qui suivent une formation professionnelle individuelle.
B.7. C'est précisément parce que les personnes qui suivent une formation professionnelle individuelle dans une entreprise ne relèvent pas du champ d'application de la loi sur les accidents du travail que le Gouvernement flamand a prévu, à l'article 95 de l'arrêté, précité, du 5 juin 2009, que l'employeur doit assurer l'apprenant contre les accidents survenant au cours de la formation et contre les accidents sur le chemin du lieu de formation. Cette assurance doit offrir les mêmes garanties que la loi sur les accidents du travail et ses arrêtés d'exécution. En cas d'accident, l'indemnité est calculée sur la base du traitement auquel a droit un employé majeur travaillant comme salarié dans la profession à apprendre.
B.8.1. Il découle également du fait que la relation entre l'employeur et l'apprenant n'est pas régie par un contrat de travail et de l'absence de dispositions étendant le champ d'application de la loi sur les accidents du travail à l'apprenant et à l'employeur chez qui la formation individuelle est suivie que l'employeur, ses mandataires et ses préposés ne peuvent se prévaloir du régime d'immunité civile prévu à l'article 46 de la loi sur les accidents du travail, lorsque la victime d'un accident du travail est un apprenant qui suit une formation professionnelle individuelle.
B.8.2. Les dispositions en cause font donc naître une différence de traitement entre, d'une part, l'employeur d'un travailleur ou d'un apprenti qui est victime d'un accident du travail et les mandataires et les préposés de cet employeur et, d'autre part, l'employeur chez qui un apprenant suit une formation professionnelle individuelle et est victime d'un tel accident, et les mandataires et les préposés de cet employeur.
Par son arrêt n° 51/2016 du 24 mars 2016, la Cour a jugé que la différence de traitement précitée, en ce qu'elle concerne l'employeur, n'est pas sans justification raisonnable et est donc compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.9. Etant donné ce qui est dit au B.4, il est conforme à la logique du régime de la loi sur les accidents du travail que le champ d'application de cette dernière soit, en ce qui concerne les employeurs, limité en principe à ceux qui occupent des personnes bénéficiant de la protection de cette loi. Cette loi contient en effet un ensemble équilibré de règles qui, prises isolément, sont tantôt en faveur tantôt au détriment des employeurs ou des travailleurs.
De manière plus générale, il est conforme à la logique du régime fédéral de la sécurité sociale des travailleurs que le champ d'application de ce dernier soit déterminé entre autres par le critère de l'assujettissement ou non aux cotisations de sécurité sociale.
Cette obligation de payer des cotisations de sécurité sociale - affectées, entre autres, au financement du Fonds des accidents du travail - est régie par la loi du 27 juin 1969Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1969 pub. 24/01/2011 numac 2010000730 source service public federal interieur Loi révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer précitée, dont le champ d'application est en principe défini par l'existence d'un contrat de travail entre un employeur et un travailleur.
Dans le même esprit, il est conforme à la logique du régime de la loi sur les accidents du travail et à la logique du régime fédéral de la sécurité sociale des travailleurs que les dispositions contenues dans l'article 46, § 1er, de la loi sur les accidents du travail s'appliquent en principe uniquement aux mandataires et aux préposés de l'employeur, lorsque la victime de l'accident du travail bénéficie de la protection de cette loi.
B.10. La formation professionnelle individuelle concerne une mesure prise par la Communauté flamande dans le cadre de ses compétences en matière de reconversion et de recyclage professionnels, au sens de l'article 4, 16°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Etant donné que la mesure visée porte sur la formation professionnelle de demandeurs d'emploi et non sur l'occupation de ces personnes, il est en principe conforme à la logique de ce régime que les personnes concernées ne soient pas liées par un contrat de travail à l'employeur chez qui elles suivent cette formation.
B.11. Le non-assujettissement de l'employeur à la sécurité sociale des travailleurs en ce qui concerne l'apprenant qui suit une formation individuelle a notamment pour effet que l'employeur ne doit payer aucune cotisation de sécurité sociale pour cet apprenant et qu'il ne contribue donc pas au financement, entre autres, du Fonds des accidents du travail. L'employeur se trouve dès lors, vis-à -vis d'un apprenant qui suit une formation individuelle, dans une situation qui diffère de celle dans laquelle il se trouve vis-à -vis d'un travailleur ou d'un apprenti. Le non-assujettissement de l'employeur à la sécurité sociale des travailleurs en ce qui concerne l'apprenant qui suit une formation individuelle implique également que les mandataires et les préposés de l'employeur se trouvent vis-à -vis de l'apprenant qui suit une formation individuelle dans une situation qui diffère de celle dans laquelle ils se trouvent vis-à -vis d'un travailleur ou d'un apprenti.
B.12. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 1er, 2 et 46 de la loi du 10 avril 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1971 pub. 17/10/2014 numac 2014000710 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 23/03/2018 numac 2018030615 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 11/06/1998 numac 1998000213 source ministere de l'interieur Loi sur les accidents du travail - Traduction allemande fermer sur les accidents du travail ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les mandataires et les préposés de l'employeur ne peuvent invoquer le régime d'immunité civile prévu à l'article 46 lorsque la victime d'un accident du travail est une personne qui suit une formation professionnelle individuelle au sens des articles 90 et suivants de l'arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009 portant organisation de l'emploi et de la formation professionnelle.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 8 novembre 2018.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen