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Arrêt
publié le 12 septembre 2018

Extrait de l'arrêt n° 108/2018 du 19 juillet 2018 Numéro du rôle : 6881 En cause : le recours en annulation partielle de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges J.-P. S(...)

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12/09/2018
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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 108/2018 du 19 juillet 2018 Numéro du rôle : 6881 En cause : le recours en annulation partielle de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, introduit par la SA « Rocoluc ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges J.-P. Snappe, T. Merckx-Van Goey, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 23 mars 2018 et parvenue au greffe le 26 mars 2018, la SA « Rocoluc », assistée et représentée par Me F. Tulkens et Me M. Vanderstraeten, avocats au barreau de Bruxelles, a, à la suite de l'arrêt de la Cour n° 129/2017 du 9 novembre 2017 (publié au Moniteur belge du 23 mars 2018), introduit un recours en annulation de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs en ce qu'elle n'interdit pas le cumul de plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes (A+, B+ et F1+) pour l'exploitation de jeux de hasard et de paris via un seul et même nom de domaine et les URL associées. (...) II. En droit (...) Quant à la recevabilité et à l'étendue du recours B.1. Le recours en annulation est dirigé contre la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs.

B.2. Par son arrêt n° 129/2017 du 9 novembre 2017, rendu sur question préjudicielle, la Cour a dit pour droit : « En ce qu'elle n'interdit pas le cumul de plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes (A+, B+ et F1+) pour l'exploitation de jeux de hasard et de paris via un seul et même nom de domaine et les URL associées, la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs viole les articles 10 et 11 de la Constitution ».

Cet arrêt a été publié au Moniteur belge le 23 mars 2018.

B.3. Faisant suite à l'arrêt n° 129/2017 du 9 novembre 2017, le recours en annulation est introduit sur la base de l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, qui dispose : « Un nouveau délai de six mois est ouvert pour l'introduction d'un recours en annulation d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution par le Conseil des Ministres, par le Gouvernement d'une Communauté ou d'une Région, par les présidents des assemblées législatives à la demande de deux tiers de leurs membres ou par toute personne physique ou morale justifiant d'un intérêt, lorsque la Cour, statuant sur une question préjudicielle, a déclaré que cette loi, ce décret ou cette règle visée à l'article 134 de la Constitution viole une des règles ou un des articles de la Constitution visés à l'article 1er. Le délai prend cours le lendemain de la date de la publication de l'arrêt au Moniteur belge ».

Le recours en annulation est recevable sur la base de cette disposition.

B.4.1. Par l'article 4, alinéa 2, précité, le législateur spécial a voulu éviter le maintien dans l'ordre juridique de dispositions que la Cour, sur question préjudicielle, a déclarées contraires aux règles que la Cour est habilitée à faire respecter (voy. Doc. parl., Sénat, 2000-2001, n° 2-897/1, p. 6).

B.4.2. Statuant sur un recours en annulation introduit sur la base de l'article 4, alinéa 2, la Cour peut donc être amenée à annuler la norme attaquée dans la mesure de l'inconstitutionnalité constatée auparavant au contentieux préjudiciel.

B.4.3. L'étendue du présent recours en annulation est donc limitée à l'inconstitutionnalité constatée, sur question préjudicielle, dans l'arrêt n° 129/2017 précité.

Quant au moyen unique B.5. Le moyen unique est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

La partie requérante critique le fait que la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs n'interdit pas le cumul de plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes (A+, B+ et F1+) pour l'exploitation de jeux de hasard et de paris via un seul et même nom de domaine et les URL associées, alors qu'une telle différence de traitement n'est pas pertinente au regard des objectifs poursuivis par le législateur.

B.6. Par son arrêt n° 129/2017 du 9 novembre 2017, la Cour a jugé : « B.3. Il ressort toutefois des mémoires des parties intervenantes que plusieurs titulaires différents de licences A+, B+ et F1+ ont conclu des accords pour proposer, sur le même site internet (un seul nom de domaine et une même URL associée), des jeux et paris relevant de différentes classes. La question préjudicielle doit donc être comprise comme visant la situation de plusieurs titulaires distincts cumulant, ensemble, plusieurs licences supplémentaires de classes différentes et exploitant le même nom de domaine et la même URL associée pour proposer des jeux et paris relevant de classes différentes en ligne sur un site internet commun.

B.4.1. La Cour est invitée à examiner la compatibilité des dispositions précitées avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le cumul de l'exploitation de plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes A+, B+ ou F1+ sur le même nom de domaine, donc sur le même site internet, serait autorisé alors que le cumul de l'exploitation de plusieurs licences de classes distinctes A, B ou F1 dans le même lieu physique est interdit. [...] B.5. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la circonstance que les titulaires de licences de classes A+, B+ ou F1+ sont nécessairement également titulaires d'une licence de classe A, B ou F1 n'empêche pas la Cour de comparer la situation des exploitants de jeux et paris lorsqu'ils ne sont actifs que dans le monde réel et celle des exploitants de jeux et paris lorsqu'ils développent leurs activités dans le monde réel et via les instruments de la société de l'information.

B.6.1. Les objectifs poursuivis par le législateur lorsqu'il a entrepris de réglementer les jeux et paris sont ainsi commentés dans l'exposé des motifs du projet de loi du 10 janvier 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/01/2010 pub. 01/02/2010 numac 2010009070 source service public federal justice Loi portant modification de la législation relative aux jeux de hasard fermer ' portant modification de la législation relative aux jeux de hasard ' : ' La régulation des jeux de hasard est basée sur l'idée de canalisation ". Pour satisfaire le besoin manifeste du jeu chez les personnes, l'offre illégale est combattue par l'autorisation d'une offre de jeux légale " limitée ".

La régulation des jeux de hasard illégaux contribue à réfréner la participation aux jeux de hasard et est un moyen adapté et proportionné pour atteindre les objectifs qui constituent la base de la politique en matière de jeux de hasard. En limitant l'offre légale, on répond à l'un des piliers de cette politique, à savoir la protection du joueur contre l'addiction au jeu. [...] Comme la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer, le projet de loi part du principe que l'exploitation de jeux de hasard est a priori interdite. Des exceptions peuvent toutefois être prévues par un système de licences.

L'interdiction d'exploitation de principe est maintenue comme point de départ, avec la conséquence que l'octroi de licences n'est permis que dans une mesure réduite compte tenu des limites prévues par la loi ' (Doc. parl., Chambre, 2008-2009, DOC 52-1992/001, p. 4).

B.6.2. Au sujet de la régulation des jeux de hasard et paris exploités via les instruments de la société de l'information, il est précisé : ' Une telle politique de contrôle efficace n'est possible que si l'on réserve les jeux en ligne à ceux qui exploitent les jeux de hasard dans le monde réel également, ce qui évite la création d'une offre supplémentaire de jeux en ligne.

Seules les entités qui disposent d'une licence A, B ou F1 dans le monde réel peuvent offrir ce type d'activité dans le monde virtuel.

Les jeux qu'ils offrent via Internet doivent être de même nature que ceux qui sont offerts dans le monde réel. Ainsi, un exploitant de casino qui dispose d'une licence supplémentaire ne pourra offrir que des jeux de casino via Internet et non des paris, par exemple.

Seuls les détenteurs d'une licence F1 qui organisent des paris peuvent disposer au maximum d'une licence complémentaire. Cette licence complémentaire ne peut porter que sur l'organisation de paris en ligne de même nature que ceux qu'ils offrent dans le monde réel.

La politique proposée vise à lutter contre l'expansion des jeux de hasard en ligne ' (ibid., p. 10).

B.7. La différence de traitement en cause repose sur le caractère réel ou virtuel de l'offre de jeux de hasard et de paris. Alors que dans le monde réel, des jeux et des paris de nature différente ne peuvent être offerts dans le même lieu physique, ce qui oblige les joueurs qui veulent jouer à des jeux différents et placer des paris à se déplacer en plusieurs endroits, ces mêmes jeux et paris peuvent être offerts sur le même site internet (même nom de domaine et même URL), ce qui permet au joueur de jouer à des jeux relevant de classes différentes et de placer des paris sans devoir se connecter à des sites différents.

B.8.1. Un tel critère est objectif. La Cour doit encore examiner s'il est pertinent par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur.

B.8.2. La régulation de jeux de hasard et la limitation de l'offre visent à protéger les joueurs, notamment contre les risques d'assuétude inhérents à ce type d'activité. L'interdiction d'offrir divers types de jeux et paris dans le même endroit physique contribue à la protection des joueurs, dès lors qu'elle les oblige à se déplacer pour accéder à d'autres jeux ou paris. Elle a également pour effet d'éviter que les joueurs ne soient tentés de jouer à d'autres jeux que ceux auxquels ils avaient l'intention de jouer ou de placer des paris alors qu'ils n'en avaient pas l'intention, puisqu'ils ne sont pas directement confrontés avec une offre qu'ils n'avaient pas recherchée.

B.8.3. Ces objectifs sont également ceux qui étaient poursuivis par le législateur lorsqu'il a entrepris de réguler les jeux et paris en ligne. Il n'est dès lors pas pertinent d'autoriser le cumul de l'offre de plusieurs types de jeux et de paris sur un même site internet, utilisant un nom de domaine unique et une URL unique associée, alors qu'un tel cumul est interdit dans le monde réel. Il est vrai, ainsi que le relèvent les parties intervenantes, qu'il est très aisé de se déplacer dans le monde virtuel d'un site à l'autre et qu'il est facile d'ouvrir simultanément plusieurs pages internet sur un même ordinateur, de sorte que l'interdiction de cumul dans le monde virtuel n'a pas la même portée ou le même effet que l'interdiction de cumul dans le monde réel. Il n'en demeure pas moins que l'obligation de devoir ouvrir plusieurs sites et de devoir à chaque fois s'identifier à nouveau peut constituer un frein pour le joueur. Par ailleurs, l'interdiction de proposer des jeux et paris relevant de classes différentes sur le même site internet permet de diminuer le risque que le joueur soit confronté à une offre qu'il n'a pas recherchée.

B.9. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative. En ce qu'elle n'interdit pas le cumul de plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes (A+, B+ et F1+) pour l'exploitation de jeux de hasard et de paris via un seul et même nom de domaine et les URL associées, la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.10.1. Une des parties intervenantes demande à la Cour, à titre tout à fait subsidiaire, de maintenir les effets des dispositions dont elle constaterait l'inconstitutionnalité.

B.10.2. Le maintien des effets doit être considéré comme une exception à la nature déclaratoire de l'arrêt rendu au contentieux préjudiciel.

Avant de décider de maintenir les effets des dispositions en cause, la Cour doit constater que l'avantage découlant du constat d'inconstitutionnalité non modulé est disproportionné par rapport à la perturbation que celui-ci impliquerait pour l'ordre juridique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ».

B.7. Pour des motifs identiques à ceux contenus dans l'arrêt n° 129/2017 précité, le moyen unique est fondé.

Il y a donc lieu d'annuler la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs en ce qu'elle n'interdit pas le cumul de plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes (A+, B+ et F1+) pour l'exploitation de jeux de hasard et de paris via un seul et même nom de domaine et les URL associées.

B.8. Contrairement à ce que considère le Conseil des ministres dans son mémoire justificatif, cette annulation ne concerne pas des dispositions pénales, mais la procédure administrative de délivrance, par la Commission des jeux de hasard, des licences pour l'exploitation de jeux de hasard et de paris.

Cette annulation a pour conséquence que la Commission des jeux de hasard ne peut pas délivrer plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes (A+, B+ et F1+) pour l'exploitation de jeux de hasard et de paris via un seul et même nom de domaine et les URL associées.

Par ces motifs, la Cour annule la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs en ce qu'elle n'interdit pas le cumul de plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes (A+, B+ et F1+) pour l'exploitation de jeux de hasard et de paris via un seul et même nom de domaine et les URL associées.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 juillet 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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