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Arrêt
publié le 01 août 2018

Extrait de l'arrêt n° 86/2018 du 5 juillet 2018 Numéro du rôle : 6611 En cause : le recours en annulation des articles 3 et 5 à 12 de la loi du 21 juillet 2016 modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, intro La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges L. Lavr(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 86/2018 du 5 juillet 2018 Numéro du rôle : 6611 En cause : le recours en annulation des articles 3 et 5 à 12 de la loi du 21 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/07/2016 pub. 02/08/2016 numac 2016011330 source service public federal de programmation integration sociale, lutte contre la pauvrete et economie sociale Loi Modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale fermer modifiant la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale, introduit par l'ASBL « Collectif Solidarité contre l'Exclusion : Emploi et Revenus pour tous » et l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet, R. Leysen et J. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er février 2017 et parvenue au greffe le 6 février 2017, un recours en annulation des articles 3 et 5 à 12 de la loi du 21 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/07/2016 pub. 02/08/2016 numac 2016011330 source service public federal de programmation integration sociale, lutte contre la pauvrete et economie sociale Loi Modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale fermer modifiant la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale (publiée au Moniteur belge du 2 août 2016) a été introduit par l'ASBL « Collectif Solidarité contre l'Exclusion : Emploi et Revenus pour tous » et l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », assistées et représentées par Me O. Stein, avocat au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 de la loi du 21 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/07/2016 pub. 02/08/2016 numac 2016011330 source service public federal de programmation integration sociale, lutte contre la pauvrete et economie sociale Loi Modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale fermer modifiant la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale.

Il ressort de l'exposé des moyens que les griefs portent exclusivement sur deux mesures mises en place par la loi attaquée : d'une part, la généralisation du projet individualisé d'intégration sociale à toutes les catégories de bénéficiaires du droit à l'intégration sociale et, d'autre part, l'instauration du service communautaire. La Cour limite son examen aux parties des dispositions attaquées contre lesquelles des griefs sont effectivement dirigés.

B.1.2. Les griefs précités ne concernent pas l'article 8 de la loi attaquée, qui modifie l'article 30 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer en ce qui concerne le moment auquel la sanction prévue par cet article prend cours et la possibilité d'assortir les sanctions administratives d'un sursis. Ils ne concernent pas non plus les articles 9 à 11 de la loi attaquée qui sont relatifs à la subvention due au centre public d'action sociale lors de la signature du projet individualisé d'intégration sociale, les parties requérantes ne formulant pas de grief contre le principe de la subvention ou contre les modalités de sa mise en oeuvre. Enfin, l'article 12 de la loi attaquée, qui concerne une disposition transitoire pour une catégorie de bénéficiaires du revenu d'intégration, ne fait l'objet d'aucun grief particulier.

Il résulte de ce qui précède que la Cour limite son examen aux articles 3, 5, 6 et 7 de la loi attaquée.

Quant aux moyens B.2. La Cour examine les moyens dans l'ordre suivant : a) les moyens et branches de moyens concernant le projet individualisé d'intégration sociale (articles 5, 6, 3°, 4° et 6°, et 7 de la loi attaquée) : B.3.1 à B.22; b) les moyens et branches de moyens visant l'instauration du service communautaire (articles 3 et 6, 2°, de la loi attaquée) : B.23.1 à B.30.2.

Quant au projet individualisé d'intégration sociale B.3.1. L'article 5 de la loi attaquée remplace l'article 10 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale par la disposition suivante : « Dans l'attente d'un emploi dans le cadre d'un contrat de travail ou dans le cadre d'un projet individualisé d'intégration sociale, la personne a droit, aux conditions fixées par la présente loi, à un revenu d'intégration.

Lorsque les revenus résultant d'une mise à l'emploi sont inférieurs au montant du revenu d'intégration auquel l'intéressé peut prétendre, le droit au revenu d'intégration est maintenu dans les conditions fixées par la présente loi.

Si le centre établit par une décision motivée que la personne ne peut travailler pour des raisons de santé ou d'équité, elle a droit, aux conditions fixées par la présente loi, à un revenu d'intégration, assorti ou non d'un projet individualisé d'intégration sociale.

Si le centre établit par une décision motivée que la personne ne peut participer à un projet individualisé d'intégration sociale, pour des raisons de santé ou d'équité, elle a droit, aux conditions fixées par la présente loi, à un revenu d'intégration ».

Cette disposition concerne les demandeurs âgés de moins de 25 ans.

B.3.2. L'article 6 de la loi attaquée dispose : « A l'article 11 de la même loi, les modifications suivantes sont apportées : 1° dans le paragraphe 1er, alinéa 3, les mots ' soit sur l'insertion professionnelle, soit sur l'insertion sociale ', sont remplacés par les mots ' de préférence sur l'insertion professionnelle, ou, à défaut, sur l'insertion sociale ';2° le paragraphe 1er est complété par un alinéa rédigé comme suit : ' Le projet individualisé d'intégration sociale peut avoir trait à un service communautaire, qui en fait alors partie intégrante.Le service communautaire consiste à exercer des activités sur une base volontaire qui constituent une contribution positive tant pour le parcours de développement personnel de l'intéressé que pour la société. '; 3° le paragraphe 2 est complété par un c) rédigé comme suit : ' c) lorsque l'intéressé n'a pas bénéficié du droit à l'intégration sociale au cours des trois derniers mois.'; 4° le paragraphe 2 est complété par un alinéa rédigé comme suit : ' Toute personne a droit à un projet individualisé d'intégration sociale adapté à sa situation personnelle et à ses capacités dans les trois mois de la décision du centre selon laquelle la personne remplit les conditions prévues aux articles 3 et 4.'; 5° dans le paragraphe 3, alinéa 1er, in fine, les mots ' à la demande de chacune des parties ' sont remplacés par les mots ' à la demande de chacune des parties, de commun accord ';6° dans le paragraphe 3, alinéa 2, les mots ', ainsi que les conditions spécifiques d'un contrat contenant un projet menant dans une période déterminée à un contrat de travail, d'un contrat d'études de plein exercice ou d'un contrat de formation ' sont abrogés ». A la suite de cette modification, l'article 11 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer se lit comme suit : « § 1er. L'octroi et le maintien du revenu d'intégration peuvent être assortis d'un projet individualisé d'intégration sociale, soit à la demande de l'intéressé lui-même, soit à l'initiative du centre.

Le projet s'appuie sur les aspirations, les aptitudes, les qualifications et les besoins de la personne concernée et les possibilités du centre.

Selon les besoins de la personne, le projet individualisé portera de préférence sur l'insertion professionnelle, ou, à défaut, sur l'insertion sociale.

Dans l'élaboration du projet individualisé d'intégration sociale, le centre veille à respecter une juste proportionnalité entre les exigences formulées à l'égard de l'intéressé et l'aide octroyée.

Le projet individualisé d'intégration sociale peut avoir trait à un service communautaire, qui en fait alors partie intégrante. Le service communautaire consiste à exercer des activités sur une base volontaire qui constituent une contribution positive tant pour le parcours de développement personnel de l'intéressé que pour la société. § 2. Ce projet est obligatoire : a) lorsque le centre accepte, sur la base de motifs d'équité, qu'en vue d'une augmentation de ses possibilités d'insertion professionnelle, la personne concernée entame, reprenne ou continue des études de plein exercice dans un établissement d'enseignement agréé, organisé ou subventionné par les communautés;b) lorsqu'il s'agit d'un projet visé à l'article 6, § 2.c) lorsque l'intéressé n'a pas bénéficié du droit à l'intégration sociale au cours des trois derniers mois. Toute personne a droit à un projet individualisé d'intégration sociale adapté à sa situation personnelle et à ses capacités dans les trois mois de la décision du centre selon laquelle la personne remplit les conditions prévues aux articles 3 et 4. § 3. Le projet visé au § 1 fait l'objet d'un contrat écrit conclu conformément à l'article 6, § 3 entre la personne concernée et le centre. A la demande d'une des parties, un ou plusieurs tiers peuvent être partie au contrat. Le contrat peut être modifié à la demande de chacune des parties, de commun accord au cours de son exécution.

Le Roi fixe par arrêté délibéré en Conseil des ministres les conditions minimales et les modalités auxquelles un contrat concernant un projet individualisé d'intégration sociale doit répondre ».

B.3.3. L'article 7 de la loi attaquée remplace l'article 13 de la même loi par la disposition suivante : « § 1er. Le droit à l'intégration sociale peut être réalisé par un emploi dans le cadre d'un contrat de travail tel que visé aux articles 8 et 9 ou par l'octroi d'un revenu d'intégration assorti, lorsque l'intéressé n'a pas bénéficié du droit à l'intégration sociale au cours des trois derniers mois, d'un projet individualisé d'intégration sociale visé à l'article 11, § 1er. Le projet individualisé d'intégration sociale est facultatif lorsque le droit à l'intégration sociale est réalisé par un emploi complété par l'octroi d'un revenu d'intégration. § 2. Toute personne a droit à un projet individualisé d'intégration sociale adapté à sa situation personnelle et à ses capacités dans les trois mois de la décision du centre selon laquelle la personne remplit les conditions prévues aux articles 3 et 4. § 3. L'article 6, § 3, est d'application lorsque dans le cadre de son droit à l'intégration sociale, l'intéressé se voit proposer un emploi ou un projet individualisé d'intégration sociale. § 4. Dans l'attente d'un emploi dans le cadre d'un contrat de travail ou dans le cadre d'un projet individualisé d'intégration sociale, la personne a droit, aux conditions fixées par la présente loi, à un revenu d'intégration.

Lorsque les revenus résultant d'une mise à l'emploi sont inférieurs au montant du revenu d'intégration auquel l'intéressé peut prétendre, le droit au revenu d'intégration est maintenu dans les conditions fixées par la présente loi.

Si le centre établit par une décision motivée que la personne ne peut pas travailler pour des raisons de santé ou d'équité, elle a droit, aux conditions fixées par la présente loi, à un revenu d'intégration, assortis ou non d'un projet individualisé d'intégration sociale.

Si le centre établit par une décision motivée que la personne ne peut participer à un projet individualisé d'intégration sociale, pour des raisons de santé ou d'équité, elle a droit, aux conditions fixées par la présente loi, à un revenu d'intégration. § 5. Le projet visé au § 1er fait l'objet d'un contrat écrit entre la personne concernée et le centre. A la demande d'une des parties, un ou plusieurs tiers peuvent être partie au contrat. A la demande de chacune des parties le contrat peut, de commun accord, être modifié au cours de son exécution.

Le Roi fixe par arrêté délibéré en Conseil des ministres les conditions minimales et les modalités auxquelles un contrat concernant un projet individualisé d'intégration sociale répond ».

Cette disposition concerne les demandeurs âgés de 25 ans et plus.

B.4.1. Le projet individualisé d'intégration sociale, conçu comme un contrat écrit conclu entre le bénéficiaire et le centre public d'action sociale, a été introduit dans la loi du 7 août 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/08/1974 pub. 28/10/1998 numac 1998000076 source ministere de l'interieur Loi instituant le droit à un minimum de moyens d'existence - Traduction allemande fermer instituant le droit à un minimum de moyens d'existence (article 6, § 2) par la loi du 12 janvier 1993 contenant un programme d'urgence pour une société plus solidaire.Il a été ensuite repris par la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale, qui a remplacé le minimum de moyens d'existence par le droit à l'intégration sociale.

Il ressort de l'exposé des motifs de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer qu'afin de tendre à la réalisation de l'objectif général de la loi, qui était de promouvoir la réinsertion des personnes les plus démunies, le législateur a estimé que « si l'aide financière reste indispensable, elle ne constitue plus, dans bien des cas, un instrument suffisant », et que « pour répondre aux attentes, tant des personnes précarisées elles-mêmes, qui aspirent à ' s'en sortir ', que des CPAS, les politiques sociales doivent évoluer de l'assistance strictement financière vers l'action sociale ». C'est pourquoi il a entendu intégrer le droit subjectif à l'intégration sociale dans un contrat et a poursuivi et amplifié le mouvement amorcé en 1993 avec le programme d'urgence pour une société plus solidaire et les contrats d'intégration pour les 18-25 ans (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1603/001, pp. 4-5).

Le projet individualisé d'intégration sociale n'était obligatoire, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi attaquée, que pour les demandeurs âgés de moins de vingt-cinq ans.

B.4.2. La loi attaquée vise une « extension de l'instrument d'accompagnement existant que constitue le [projet individualisé d'intégration sociale] » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1864/001, p. 4).

L'exposé des motifs indique : « Ceci implique que des conditions sont liées à l'aide accordée, lesquelles lient les deux parties et impliquent des obligations réciproques et des engagements mutuels, le but de l'accompagnement étant, au moyen d'actions et d'objectifs déterminés d'un commun accord, de franchir des étapes pour que le bénéficiaire du CPAS devienne graduellement plus indépendant et puisse participer pleinement à la société. En effet, si l'intéressé doit légitimement disposer de droits garantissant sa dignité humaine, ce droit doit être assorti de devoirs, notamment en termes d'engagements réciproques » (ibid., pp. 4-5).

En commission de la Santé publique, de l'Environnement et du Renouveau de la société, le ministre a exposé : « Le but du projet de loi est d'imprimer une dynamique positive afin d'aider les CPAS à mieux accompagner le groupe cible. L'accent est mis à cet égard sur la responsabilisation et l'activation du bénéficiaire.

Pour certains bénéficiaires, le chemin est long et difficile, mais il est capital de prendre conscience du fait que les droits s'accompagnent également de devoirs. La situation doit être appréciée positivement en vue de promouvoir la dignité humaine » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1864/003, p. 8).

B.4.3. Dès lors, les dispositions attaquées rendent la conclusion d'un projet individualisé d'intégration sociale obligatoire pour toutes les personnes concernées n'ayant pas bénéficié du droit à l'intégration sociale au cours des trois derniers mois, autrement dit, pour tous les nouveaux bénéficiaires du droit à l'intégration sociale, quel que soit leur âge.

En ce qui concerne le défaut d'encadrement légal du projet individualisé d'intégration sociale B.5. Par les premier et troisième moyens, les parties requérantes font grief au législateur d'avoir négligé de préciser lui-même les obligations qui peuvent être imposées aux bénéficiaires du revenu d'intégration dans le cadre d'un projet individualisé d'intégration sociale. Par le sixième moyen, en sa seconde branche, elles lui reprochent d'avoir, enoe conséquence, créé des différences de traitement contraires au principe d'égalité et de non-discrimination.

B.6. Le premier moyen, en sa première branche et le troisième moyen sont pris de la violation de l'article 22 de la Constitution, lu isolément ou en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. D'après les parties requérantes, les dispositions attaquées permettraient un très grand nombre d'ingérences dans les droits protégés par l'article 22 de la Constitution et par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, sans les encadrer ou les délimiter d'aucune manière, de sorte que la délégation au Roi contenue dans l'article 13, § 5, alinéa 2, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer, introduit par l'article 7 de la loi attaquée, ne serait pas compatible avec le principe de légalité.

B.7.1. Il ressort des travaux préparatoires de l'article 22 de la Constitution que le Constituant a recherché la plus grande concordance possible avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, de sorte que les garanties que fournissent ces deux dispositions forment un ensemble indissociable.

B.7.2. En réservant au législateur compétent le pouvoir de fixer dans quels cas et à quelles conditions il peut être porté atteinte au droit au respect de la vie privée, l'article 22 de la Constitution garantit à tout citoyen qu'aucune ingérence dans l'exercice de ce droit ne peut avoir lieu qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

Une délégation à un autre pouvoir n'est toutefois pas contraire au principe de légalité, pour autant que l'habilitation soit définie de manière suffisamment précise et porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels sont fixés préalablement par le législateur.

B.7.3. Outre l'exigence de légalité formelle, l'article 22 de la Constitution impose également que l'ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée soit définie en des termes clairs et suffisamment précis qui permettent d'appréhender de manière prévisible les hypothèses dans lesquelles le législateur autorise une pareille ingérence.

De même, l'exigence de prévisibilité à laquelle la loi doit satisfaire pour être conforme à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme implique que sa formulation soit assez précise pour que chacun puisse - en s'entourant au besoin de conseils éclairés - prévoir, à un degré raisonnable, dans les circonstances de la cause, les conséquences d'un acte déterminé (CEDH, grande chambre, 4 mai 2000, Rotaru c. Roumanie, § 55; grande chambre, 17 février 2004, Maestri c. Italie, § 30). La législation doit donner à chacun une indication suffisante sur les circonstances dans lesquelles et à quelles conditions elle habilite la puissance publique à recourir à des mesures affectant leurs droits protégés par la Convention (CEDH, 12 juin 2014, Fernàndez Martinez c. Espagne, § 117).

B.8. Le projet individualisé d'intégration sociale prend la forme d'un contrat écrit négocié et conclu entre le bénéficiaire et le CPAS. Ce contrat comprend notamment des obligations mises à charge du bénéficiaire dans le but, par priorité, de favoriser son insertion professionnelle ou, à défaut, son insertion sociale (article 11, § 1er, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer). Sa mise en oeuvre suppose que le CPAS assure un suivi du respect, par le bénéficiaire, des obligations qu'il a ainsi contractées. Le non-respect sans motif légitime de ses obligations par le bénéficiaire peut entraîner une sanction, en vertu de l'article 30, § 2, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer. Il n'est pas exclu que les obligations auxquelles le bénéficiaire s'engage aient, dans de nombreux cas, une incidence sur sa vie privée. La négociation, la mise en oeuvre, le suivi et le contrôle du projet individualisé d'intégration sociale sont donc susceptibles d'occasionner des ingérences dans le droit au respect de la vie privée des bénéficiaires du revenu d'intégration.

B.9.1. En prévoyant que l'octroi du revenu d'intégration pour toute personne qui en fait la demande et qui remplit les conditions fixées par les articles 3 et 4 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer précitée est assorti d'un projet individualisé d'intégration sociale tel qu'il est visé à l'article 11, § 1er, de la même loi, l'article 13, § 1er, de la même loi, introduit par l'article 7 de la loi attaquée, définit précisément les hypothèses dans lesquelles le législateur autorise les ingérences, par les centres publics d'action sociale, dans le droit au respect de la vie privée des personnes concernées.

B.9.2. En chargeant le Roi de fixer, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les conditions minimales et les modalités auxquelles un contrat concernant un projet individualisé d'intégration sociale doit répondre, l'article 13, § 5, dernier alinéa, de la même loi contient une délégation portant sur l'exécution d'une mesure qui comporte une ingérence dans le droit au respect de la vie privée des bénéficiaires du revenu d'intégration. Pour qu'une telle délégation puisse être jugée compatible avec le principe de légalité qui se déduit de l'article 22 de la Constitution, la Cour doit vérifier que le législateur a fixé lui-même les éléments essentiels du projet individualisé d'intégration sociale.

B.9.3. Le projet individualisé d'intégration sociale ne peut être imposé à une personne qui, pour des raisons de santé ou d'équité, ne peut y participer (article 10, alinéa 4, et article 13, § 4, alinéa 4, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer). Le projet doit être adapté à la situation personnelle et aux capacités de la personne concernée (article 11, § 2, alinéa 2 et article 13, § 2, de la même loi). Le projet s'appuie sur les aspirations, les aptitudes, les qualifications et les besoins de la personne concernée, il porte de préférence sur l'insertion professionnelle et, à défaut, sur l'insertion sociale de la personne concernée et il respecte une juste proportionnalité entre les exigences formulées à l'égard de l'intéressé et l'aide octroyée (article 11, § 1er, de la même loi).

B.9.4. L'exposé des motifs relatif à la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer précise : « Le projet décrit le parcours de la personne ainsi que les efforts d'accompagnement auxquels s'engage le CPAS. Le projet est un acte clairement réciproque et est établi sur la base du respect et de la dignité humaine de la personne. Le projet comporte des chances d'évolution pour la personne et élimine les obstacles à l'insertion sociale » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1603/001, p. 6). « Le demandeur doit être considéré comme partenaire à part entière dans la définition de ce projet individualisé.

Pour ce faire, il appartiendra au Roi de fixer des modalités de conclusion du contrat qui garantissent une véritable adhésion du jeune. [...] [...] Lorsque la personne n'est pas prête à entrer dans un processus d'insertion professionnelle, le projet pourra définir les modalités de l'insertion sociale de la personne afin de favoriser progressivement sa participation active dans la société. Des activités de resocialisation sont parfois nécessaires pour sortir les personnes de leur isolement avant de pouvoir entamer un processus menant à l'emploi.

Au sein des CPAS ou en partenariat avec le monde associatif, différentes initiatives peuvent être développées pour permettre aux personnes de retrouver confiance dans leurs capacités (groupes de dialogues, activités sociales collectives,...).

De sa propre initiative, la personne peut également mener des activités bénévoles sans que cela n'entrave son processus d'insertion » (ibid., p. 18).

B.9.5. Il résulte de ce qui précède que la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer, interprétée à la lumière des intentions du législateur exprimées dans les travaux préparatoires, contient suffisamment d'éléments permettant de déterminer les éléments essentiels du projet individualisé d'intégration sociale. L'on ne saurait reprocher au législateur d'avoir attribué au Roi, pour le surplus, la compétence de fixer les conditions minimales et les modalités auxquelles doivent répondre les contrats contenant les projets individualisés d'intégration sociale.

Par ailleurs, s'agissant d'un domaine dans lequel, par nature, le travail social doit être adapté à la situation personnelle de chaque bénéficiaire, il paraît inévitable qu'une certaine marge d'appréciation soit laissée aux CPAS dans la mise en oeuvre concrète de cet outil d'intégration. En déterminant l'objectif poursuivi par le projet individualisé et en imposant aux CPAS le respect d'un certain nombre de garanties lors de sa conclusion, le législateur a suffisamment encadré leur travail et veillé à ce que le projet individualisé ne donne pas lieu à des atteintes disproportionnées au droit au respect de la vie privée des demandeurs. Enfin, si de telles atteintes devaient se produire, elles pourraient être sanctionnées par les juridictions compétentes.

B.10.1. Les parties requérantes font encore grief au législateur, par leur troisième moyen, d'avoir aggravé l'indétermination du projet individualisé d'intégration sociale en abrogeant, par l'article 6, 6°, attaqué, dans l'article 11, § 3, alinéa 2, in fine, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer, les mots « ainsi que les conditions spécifiques d'un contrat contenant un projet menant dans une période déterminée à un contrat de travail, d'un contrat d'études de plein exercice ou d'un contrat de formation ».

B.10.2. L'exposé des motifs indique, à ce sujet : « Les différentes formes spécifiques de projet individualisé d'intégration sociale sont supprimées afin d'éviter une application trop rigoureuse de la distinction entre les différentes formes et afin de créer des formes mixtes qui permettent un travail sur mesure encore meilleur » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1864/001, pp. 7-8).

B.11. Rien ne permet de considérer que le législateur a, par l'abrogation attaquée, eu l'intention d'empêcher les CPAS de proposer et de conclure des projets individualisés d'intégration sociale spécifiquement destinés à mener le bénéficiaire à un contrat de travail, à encadrer la poursuite de ses études ou à l'encourager à suivre une formation. Dès lors que l'objectif poursuivi par le projet individualisé d'intégration sociale est, de manière inchangée, de favoriser l'insertion professionnelle et, à défaut, l'insertion sociale des bénéficiaires, il paraît évident que les outils spécifiques de travail social que sont les projets individualisés soit menant à un contrat de travail, soit encadrant les études ou la formation destinées à augmenter les chances de la personne concernée sur le marché de l'emploi demeurent privilégiés. Par l'abrogation attaquée, le législateur a seulement entendu permettre une application plus souple de ces outils spécifiques de travail social.

Il en résulte que, par l'abrogation attaquée, le législateur n'a pas créé une indétermination contraire au principe de légalité contenu dans l'article 22 de la Constitution.

B.12. Le premier moyen, en sa première branche, et le troisième moyen ne sont pas fondés.

B.13. Le premier moyen, en sa deuxième branche, est pris de la violation du principe de légalité contenu dans l'article 23 de la Constitution. Les parties requérantes reprochent au législateur d'avoir confié au Roi le soin de régler des aspects déterminants du droit à l'aide sociale garanti par cette disposition. Cette critique vise, d'une part, les obligations qui peuvent être imposées aux bénéficiaires du revenu d'intégration sociale par le projet individualisé d'intégration sociale et, d'autre part, l'instauration du service communautaire. En ce qu'il vise l'instauration du service communautaire, le moyen, en cette branche, doit être examiné conjointement aux autres moyens concernant cet objet.

B.14.1. L'article 23, alinéas 2 et 3, 2°, de la Constitution oblige le législateur compétent à garantir le droit à l'aide sociale et à déterminer les conditions d'exercice de ce droit.

Cette disposition constitutionnelle n'interdit cependant pas à ce législateur d'accorder des délégations au pouvoir exécutif, pour autant qu'elles portent sur l'exécution de mesures dont le législateur a déterminé l'objet.

Cette disposition constitutionnelle n'impose pas au législateur de régler tous les éléments essentiels du droit à l'aide sociale et ne lui interdit pas d'habiliter le pouvoir exécutif à régler ceux-ci.

B.14.2. Comme il est dit en B.9.5, la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer, interprétée à la lumière des intentions du législateur, contient suffisamment d'éléments permettant de déterminer les éléments essentiels du projet individualisé d'intégration sociale. Il en résulte que la délégation au Roi qui est attaquée porte sur l'exécution de mesures dont le législateur a déterminé l'objet et qu'elle ne viole donc pas l'article 23 de la Constitution.

B.15. Le premier moyen, en sa deuxième branche, en ce qu'il est relatif au projet individualisé d'intégration sociale, n'est pas fondé.

B.16. Le premier moyen, en sa troisième branche, est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination, garanti par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles citées au moyen. Les parties requérantes font valoir que l'indétermination législative accompagnant le projet individualisé d'intégration sociale et le service communautaire crée un risque sérieux de voir se développer des pratiques divergentes selon les CPAS compétents et, en conséquence, des discriminations entre usagers selon le CPAS dont ils dépendent. En ce qu'il vise le service communautaire, le moyen, en cette branche, doit être examiné conjointement aux autres moyens concernant cet objet.

Le sixième moyen, en sa seconde branche, est également pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination. Les parties requérantes font valoir que chaque nouvelle condition qui peut être imposée au bénéficiaire du revenu d'intégration sociale par le biais du projet individualisé d'intégration sociale crée une discrimination entre les personnes à qui cette condition est imposée et celles à qui elle ne l'est pas. La portée de ce moyen se confond avec celle du premier moyen, en sa troisième branche.

B.17.1. Comme il est dit en B.9.5, le législateur a entouré le projet individualisé d'intégration sociale d'un certain nombre de garanties.

Il a précisé l'objectif qui doit être poursuivi par la mise en oeuvre de cet outil d'intégration, il a prévu qu'en soient dispensées les personnes qui, pour des raisons de santé ou d'équité, ne peuvent y participer et il a imposé aux CPAS de l'adapter à la situation personnelle et aux capacités de la personne concernée et de respecter le principe de proportionnalité lors de la fixation des exigences qu'il contient. Il résulte de ceci que la conclusion, la mise en oeuvre et le contrôle de l'exécution des projets individualisés d'intégration sociale sont entourés d'un certain nombre de garanties pour les droits des bénéficiaires du revenu d'intégration sociale.

B.17.2. Pour le surplus, s'agissant d'un outil de travail social qui, par définition, pour être efficace et pertinent, doit être le plus possible adapté à la situation individuelle de chaque personne concernée, il est inévitable que des différences se fassent jour dans sa mise en oeuvre concrète. De telles différences ne seraient contraires au principe d'égalité et de non-discrimination que si elles entraînaient une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux des personnes concernées.

B.17.3. Au cours des travaux parlementaires relatifs à la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer, il a été précisé que « dans cette matière, force est de constater qu'il ne sera jamais possible de définir des normes avec précision étant donné que les concepts s'appliquent à un très grand nombre de personnes et sont mis en oeuvre par de nombreux CPAS » et que « plutôt que d'insérer des garanties dans la terminologie, il est prévu, d'une part, que l'intéressé peut se faire accompagner par un tiers et, d'autre part, qu'il peut s'adresser au tribunal du travail » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1603/004, p. 51).

B.18. Le premier moyen, en sa troisième branche, en ce qu'il est relatif au projet individualisé d'intégration sociale et le sixième moyen, en sa seconde branche, ne sont pas fondés.

En ce qui concerne la généralisation du projet individualisé d'intégration sociale B.19. Par le quatrième moyen, les parties requérantes font grief au législateur d'avoir étendu l'obligation de conclure un projet individualisé d'intégration sociale à toutes les catégories de bénéficiaires de l'intégration sociale et d'avoir instauré un service communautaire. Elles considèrent que par là, le législateur a renforcé le caractère conditionnel du droit à l'intégration sociale, en violation de l'obligation de standstill contenue dans l'article 23 de la Constitution.

En ce qu'il vise le service communautaire, ce moyen doit être examiné conjointement avec les autres moyens concernant cet objet.

B.20.1. En matière de droit à l'aide sociale, l'article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le degré de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.

B.20.2. Cette obligation ne peut toutefois s'entendre comme imposant à chaque législateur, dans le cadre de ses compétences, de ne pas toucher aux modalités de l'aide sociale prévues par la loi. Elle lui interdit d'adopter des mesures qui marqueraient un recul significatif du droit garanti par l'article 23, alinéa 1er et alinéa 3, 2°, de la Constitution, mais elle ne le prive pas du pouvoir d'apprécier de quelle manière ce droit est le plus adéquatement assuré.

B.21.1. Parmi les conditions d'obtention du droit à l'intégration sociale fixées par l'article 3, 5°, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer, non modifié par la loi attaquée, figure celle d'être disposé à travailler, à moins que des raisons de santé ou d'équité représentent un obstacle.

Le projet individualisé d'intégration sociale a pour fonction prioritaire d'aider à l'insertion professionnelle des personnes concernées et, lorsque l'insertion professionnelle n'est pas immédiatement envisageable, d'aider à leur insertion sociale. Il a été conçu par le législateur comme « un outil supplémentaire au profit des bénéficiaires » et ne « constitue ni un outil d'exclusion, ni un outil de sanction » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1864/003, p. 39). La personne dont il est constaté par le CPAS qu'elle ne peut participer à un projet individualisé d'intégration sociale pour des raisons de santé ou d'équité a droit au revenu d'intégration (article 13, § 4, alinéa 4 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer, remplacé par l'article 7 de la loi attaquée). Le projet individualisé d'intégration sociale est adapté à la situation personnelle et aux capacités de la personne concernée (article 13, § 2, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer, remplacé par l'article 7 de la loi attaquée) et il s'appuie sur les aspirations, les aptitudes, les qualifications et les besoins de la personne concernée, ainsi que sur les possibilités du CPAS (article 11, § 1er, alinéa 2, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer).

B.21.2. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la mesure attaquée constitue en l'espèce un recul significatif pour les bénéficiaires du revenu d'intégration sociale qui sont désormais tenus de s'engager par un projet individualisé d'intégration sociale, il peut être constaté qu'elle est justifiée par un motif d'intérêt général, à savoir favoriser l'intégration professionnelle et sociale des personnes qu'elle concerne. Le législateur a pu considérer, à cet égard, qu'il était pertinent d'étendre à de nouvelles catégories de personnes un outil d'intégration principalement utilisé jusqu'à présent pour les jeunes bénéficiaires du revenu d'intégration en vue de favoriser l'insertion professionnelle et sociale de tous les bénéficiaires.

B.22. Le quatrième moyen, en ce qu'il est relatif au projet individualisé d'intégration sociale, n'est pas fondé.

Quant au service communautaire B.23.1. L'article 3 de la loi attaquée insère, dans la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer, un article 3/1 qui dispose : « La disposition à travailler visée à l'article 3, 5°, peut être rencontrée par l'acceptation d'un service communautaire ».

B.23.2. L'article 6, 2°, de la loi attaquée complète le paragraphe 1er de l'article 11 de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer par l'alinéa suivant : « Le projet individualisé d'intégration sociale peut avoir trait à un service communautaire, qui en fait alors partie intégrante. Le service communautaire consiste à exercer des activités sur une base volontaire qui constituent une contribution positive tant pour le parcours de développement personnel de l'intéressé que pour la société ».

B.24.1. L'exposé des motifs de la loi attaquée indique, au sujet de l'article 3 précité : « La disposition à travailler, à moins que des motifs de santé et d'équité ne l'empêchent, constitue une condition pour pouvoir bénéficier du droit à l'intégration sociale. Le projet précise que l'engagement du bénéficiaire dans un service communautaire peut contribuer à répondre à cette condition sans l'exonérer de la condition de disponibilité au travail. Cette condition peut toujours être remplie par d'autres biais, comme une formation ou une démarche active de recherche d'emploi » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1864/001, p. 6).

Au sujet de l'article 6, il est exposé : « Le service communautaire doit être souscrit sur une base volontaire dans le cadre du projet individualisé d'intégration sociale. Une fois souscrit, il fait partie intégrante du projet individualisé d'intégration sociale. Le service communautaire doit être dirigé vers un futur travail rémunéré dans le cadre d'un contrat de travail, d'un contrat de services ou d'un emploi statutaire. Il ne doit en aucun cas réduire la disponibilité pour le marché du travail » (ibid., p. 7).

B.24.2. Le ministre a indiqué, lors des discussions en commission : « Le projet de loi retient une base volontaire pour le service communautaire. Le ministre n'aurait pas voulu procéder autrement. Le service communautaire est proposé par le CPAS. Rien n'oblige le CPAS à le proposer. Rien n'oblige à l'accepter. Le service communautaire est un outil d'intégration sociale, sociétale et socio-professionnelle. Il valorise la personne et constitue la première étape d'une réintégration. Les contrats ' article 60 ' et ' article 61 ' procèdent de la même dynamique. [...] Le ministre ne peut partager le point de vue de membres qui voient dans le service communautaire un moyen d'éroder le marché du travail.

En Belgique, quatre millions de personnes sont sur le marché du travail. Le service communautaire ne représentera qu'une très faible part par rapport à ce chiffre » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1864/003, p. 42).

B.24.3. La circulaire du 12 octobre 2016 du SPP Intégration sociale adressée aux CPAS précise, au sujet du service communautaire : « Lors de l'évaluation qui consiste à déterminer si une activité spécifique entre en considération pour un service communautaire, il faut toujours tenir compte du fait qu'une personne qui exécute un service communautaire ne peut assumer les tâches qui font partie d'une occupation rémunérée, que cette occupation soit exercée dans le cadre d'une nomination statutaire ou d'un contrat de travail. Ceci vaut également pour les contrats de travail établis dans le cadre d'une mesure de mise à l'emploi. Dans les organisations où le personnel rémunéré est complété par des personnes effectuant un service communautaire, il s'agit donc des petits extras qu'à défaut, on ne réaliserait pas. Le service communautaire ne peut servir à remplacer la période d'essai, un test de mise à l'emploi,... ».

B.25. Le premier moyen, en sa deuxième branche (partim), le deuxième moyen, le quatrième moyen (partim), le cinquième moyen, le sixième moyen, en sa première branche et le septième moyen concernent le service communautaire.

La Cour examine d'abord le cinquième moyen, qui est pris de la violation des règles répartitrices de compétence entre l'Etat, les communautés et les régions.

En ce qui concerne la compétence du législateur fédéral B.26. Le cinquième moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 39 et 134 de la Constitution et de l'article 6, § 1er, IX, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Les parties requérantes font valoir que le service communautaire constitue une mise au travail des bénéficiaires du droit à l'intégration sociale et qu'en conséquence, le législateur fédéral a empiété sur la compétence régionale en la matière.

B.27.1. L'article 6, § 1er, IX, 2°/1, de la loi spéciale précitée attribue désormais aux régions la compétence en matière de « mise au travail des personnes qui bénéficient du droit à l'intégration sociale ou du droit à l'aide sociale financière ».

L'article 5, § 1er, II, 2°, b, de la même loi spéciale, qui traite de la compétence communautaire en matière d'aide aux personnes et excepte de cette compétence les matières relatives aux CPAS, qui demeurent de la compétence fédérale, confirme en outre « la compétence des régions relative à la mise au travail des personnes qui bénéficient du droit à l'intégration sociale ou du droit à l'aide sociale financière visée à l'article 6, § 1er, IX, 2°/1 ».

B.27.2. L'article 6, § 1er, IX, 2°/1, précité a été inséré dans la loi spéciale du 8 août 1980 par l'article 22, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat. Les développements de la proposition de loi spéciale relatifs à cette disposition indiquent : « Les régions deviennent compétentes pour les programmes d'accompagnement visant à réinsérer les bénéficiaires d'un revenu d'intégration sur le marché du travail (articles 60 et 61) » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, 5-2232/1, p. 13). « Les régions deviennent compétentes pour les programmes d'accompagnement visant à réinsérer les bénéficiaires du revenu d'intégration sociale et de l'aide sociale équivalente.

Les régions deviennent compétentes pour déterminer les catégories d'utilisateurs à la disposition desquels peuvent être mis les bénéficiaires du revenu d'intégration sociale et de l'aide sociale équivalente. [...] Ceci comprend les matières réglées en tous cas aux articles 57quater, 60 et 61, de la loi organique du 8 juillet 1976 relative aux centres publics d'aide sociale, à savoir : - L'insertion professionnelle de certains étrangers par le CPAS (article 57quater); - La mise à l'emploi pour laquelle le CPAS intervient lui-même en tant qu'employeur juridique (article 60, § 7); - La mise à l'emploi pour laquelle le CPAS réalise sa mission d'insertion professionnelle en collaboration avec un autre employeur (article 61).

Le droit à l'intégration sociale, qui peut prendre la forme d'un revenu d'intégration ou d'une mise à l'emploi, reste fédéral » (ibid., pp. 108-109).

B.27.3. Les mêmes développements précisent, à propos de la modification de l'article 5 cité en B.27.1 : « Pour rendre l'article 5, § 1er, II, 2°, b, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles conforme à la proposition d'article 22 (article 6, § 1er, IX, 1°, nouveau), il convient de préciser à l'article 5, § 1er, II, 2°, b, de cette loi spéciale que la compétence fédérale n'a pas trait au placement des travailleurs effectué par les centres publics d'action sociale visé à l'article 6, § 1er, IX, 1°, nouveau » (ibid., p. 50).

B.28.1. Le service communautaire est conçu par les dispositions attaquées comme une activité qui peut être proposée par le CPAS au demandeur du revenu d'intégration sociale. Celui-ci n'est pas tenu d'accepter la proposition. L'acceptation de s'engager à effectuer un service communautaire est toutefois conçue par l'article 3/1, attaqué, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer comme un moyen pour le demandeur de prouver qu'il est disposé à travailler, la disposition à travailler étant, conformément à l'article 3, 5°, de la même loi, non modifié par la loi attaquée, une condition d'obtention du droit à l'intégration sociale.

Si la proposition d'effectuer un service communautaire est acceptée par le bénéficiaire du revenu d'intégration sociale, ce service fait partie intégrante du projet individualisé d'intégration sociale (article 11, § 1er, dernier alinéa, attaqué, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer), de sorte que les prestations convenues deviennent obligatoires pour le bénéficiaire. Si celui-ci souhaite arrêter le service ou en modifier les modalités, il ne peut le faire qu'en accord avec le CPAS puisqu'un nouveau projet individualisé d'intégration sociale doit être conclu.

B.28.2. En vertu de l'article 30, § 2, de la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer, une suspension partielle ou totale du paiement du revenu d'intégration pour un mois peut être prononcée si le bénéficiaire ne respecte pas sans motif légitime ses obligations prévues dans le contrat contenant le projet individualisé d'intégration sociale. En cas de récidive dans l'année, la suspension peut être prononcée pour un délai de trois mois.

B.29.1. Il découle de ce qui précède que, bien qu'aucune rémunération n'en soit la contrepartie, le service communautaire inscrit dans un projet individualisé d'intégration sociale ne répond pas à la définition du volontariat telle qu'elle se déduit de l'article 3 de la loi du 3 juillet 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/2005 pub. 29/08/2005 numac 2005022674 source service public federal securite sociale Loi relative aux droits des volontaires fermer relative aux droits des volontaires parce que l'on ne peut considérer qu'il s'agit d'une activité exercée « sans obligation ». Le service communautaire présente donc des caractéristiques proches de celles d'un travail rémunéré. En effet, le service communautaire devient, une fois accepté, contraignant dans la mesure où il fait alors partie intégrante du projet individualisé d'intégration sociale et où le défaut d'accomplissement des prestations qui y sont prévues peut entraîner une conséquence grave pour le bénéficiaire. Par ailleurs, les activités pouvant faire l'objet d'un service communautaire, qui doivent constituer une contribution positive pour la société, ne peuvent être distinguées, en toutes circonstances et par nature, des activités pouvant faire l'objet d'un travail rémunéré. Rien n'interdit en effet que les activités pouvant être accomplies au titre de service communautaire ne puissent également, si les moyens financiers sont disponibles, faire l'objet d'une rémunération.

B.29.2. Enfin, le service communautaire a pour fonction de concourir à l'intégration professionnelle du bénéficiaire du revenu d'intégration sociale, puisqu'il constitue un élément d'appréciation de la condition d'être disposé à travailler et qu'il doit « être dirigé », d'après l'exposé des motifs cité en B.24.1, « vers un futur travail rémunéré ».

B.30.1. Il résulte de ce qui précède que, tel qu'il est organisé par les dispositions attaquées, le service communautaire relève de la compétence attribuée aux régions par la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat en matière de mise au travail des personnes qui bénéficient du droit à l'intégration sociale. Les dispositions attaquées, en ce qu'elles permettent aux CPAS, d'une part, de proposer un service communautaire aux bénéficiaires du revenu d'intégration pour rencontrer leur disposition au travail et, d'autre part, d'intégrer ce service dans les projets individualisés d'intégration sociale avec les sanctions qui les accompagnent, violent l'article 6, § 1er, IX, 2°/1, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.30.2. Le cinquième moyen est fondé. Il convient d'annuler les articles 3 et 6, 2°, de la loi du 21 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/07/2016 pub. 02/08/2016 numac 2016011330 source service public federal de programmation integration sociale, lutte contre la pauvrete et economie sociale Loi Modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale fermer modifiant la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale.

Le premier moyen, en sa deuxième branche, en ce qu'il concerne le service communautaire, le deuxième moyen, le quatrième moyen, en ce qu'il concerne le service communautaire, le sixième moyen, en sa première branche et le septième moyen ne doivent pas être examinés, dès lors qu'ils ne pourraient conduire à une annulation plus ample.

Par ces motifs, la Cour - annule les articles 3 et 6, 2°, de la loi du 21 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/07/2016 pub. 02/08/2016 numac 2016011330 source service public federal de programmation integration sociale, lutte contre la pauvrete et economie sociale Loi Modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale fermer modifiant la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale; - rejette le recours pour le surplus.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 5 juillet 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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