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Arrêt
publié le 02 mai 2018

Extrait de l'arrêt n° 15/2018 du 7 février 2018 Numéro du rôle : 6670 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 25, § 2, b), de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une pei La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 15/2018 du 7 février 2018 Numéro du rôle : 6670 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 25, § 2, b), de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine, posée par la Cour de cassation.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 31 mai 2017 en cause de M.S., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 7 juin 2017, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 25, § 2, b, de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer relative au statut juridique externe des personnes condamnées [à une peine privative de liberté] et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine, lu en combinaison avec les articles 25, 56, alinéas 2 et 3, et 80 du Code pénal et 2 de la loi du 4 octobre 1867Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/10/1867 pub. 11/12/2009 numac 2009000816 source service public federal interieur Loi sur les circonstances atténuantes fermer sur les circonstances atténuantes, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'il a pour effet qu'une personne qui est condamnée par une juridiction correctionnelle à une peine d'emprisonnement du chef d'un crime correctionnalisé punissable, avant sa correctionnalisation, de la peine de réclusion de vingt à trente ans et commis en état de récidive légale peut prétendre à une libération conditionnelle après avoir subi un tiers de sa peine, alors qu'une personne qui est condamnée par une juridiction correctionnelle, en état de récidive légale, à une peine d'emprisonnement du chef d'un autre crime correctionnalisé ou d'un délit ne peut prétendre à une libération conditionnelle qu'après avoir subi les deux tiers de sa peine ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause et aux dispositions liées à celle-ci B.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 25, § 2, b, de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (ci-après : la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer), lu en combinaison avec les articles 25, 56, alinéas 2 et 3, et 80 du Code pénal et 2 de la loi du 4 octobre 1867Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/10/1867 pub. 11/12/2009 numac 2009000816 source service public federal interieur Loi sur les circonstances atténuantes fermer sur les circonstances atténuantes.

B.2. L'article 23, § 1er, 1°, de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer dispose : « La détention limitée et la surveillance électronique peuvent être accordées au condamné qui : 1° se trouve, à six mois près, dans les conditions de temps pour l'octroi d'une libération conditionnelle;[...] ».

L'article 25, § 2, de la même loi dispose, dans sa version applicable devant le juge a quo : « La libération conditionnelle est octroyée à tout condamné à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la partie à exécuter s'élève à plus de trois ans, pour autant que le condamné ait : a) soit, subi un tiers de ces peines;b) soit, si le jugement ou l'arrêt de condamnation a constaté que le condamné se trouvait en état de récidive, subi les deux tiers de ces peines, sans que la durée des peines déjà subies excède quatorze ans; [...] ».

L'article 25 du Code pénal fixe la durée de l'emprisonnement correctionnel, notamment pour les crimes correctionnalisés.

L'article 56, alinéa 2, du Code pénal prévoit que le tribunal correctionnel peut prononcer une peine plus lourde lorsqu'il constate que le condamné se trouve en état de récidive légale, parce qu'il a commis un nouveau délit avant l'expiration de cinq ans depuis qu'il a subi une peine d'emprisonnement d'un an au moins ou depuis que cette peine est prescrite.

L'article 56, alinéa 3, du Code pénal, introduit par l'article 14 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer « modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice », dispose : « [...] si le nouveau délit est un crime qui a été correctionnalisé ou pour lequel la cour d'assises a admis l'existence de circonstances atténuantes, la durée de la peine d'emprisonnement ne pourra excéder celle de la peine de réclusion maximale prévue par la loi pour ce crime ou quarante ans si ladite peine est la réclusion à perpétuité ».

L'article 80 du Code pénal prévoit comment, s'il existe des circonstances atténuantes, les peines criminelles peuvent être réduites.

L'article 2 de la loi du 4 octobre 1867Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/10/1867 pub. 11/12/2009 numac 2009000816 source service public federal interieur Loi sur les circonstances atténuantes fermer sur les circonstances atténuantes permet de correctionnaliser des crimes en raison de circonstances atténuantes ou d'une cause d'excuse.

B.3. En vertu de l'article 1er du Code pénal, la peine (criminelle, correctionnelle ou de police) prononcée par le juge en dernier ressort détermine la nature de l'infraction (crime, délit ou contravention).

Un crime correctionnalisé est une infraction punie normalement d'une peine criminelle qui est commuée en une peine correctionnelle en raison de l'admission de circonstances atténuantes ou d'une cause d'excuse.

Le crime correctionnalisé est assimilé à un délit et se voit appliquer, en principe, le régime applicable aux délits, notamment en matière de récidive.

B.4.1. Au stade du prononcé de la peine, la récidive de crime correctionnalisé sur délit (ou sur crime correctionnalisé) est assimilée à une récidive de délit sur délit et est régie par l'article 56, alinéas 2 et 3, du Code pénal.

B.4.2. Le Code pénal ne prévoit pas d'aggravation de la peine en cas de récidive de crime sur délit.

B.4.3. Par ses arrêts nos 193/2011 (B.7.1), 199/2011 (B.6.1), 185/2014 (B.9), et 102/2017 (B.5), la Cour a jugé à propos de l'article 56, alinéa 2, du Code pénal : « L'article 56, alinéa 2, du Code pénal fait partie d'un ensemble de dispositions visant à sanctionner la récidive, c'est-à-dire le cas dans lequel ' l'auteur d'une première infraction, puni à raison de ce fait, en commet une seconde ' (Doc. parl., Sénat, 1851-1852, n° 70, p. 28). Parce qu'elle est une ' circonstance aggravante ' et parce qu'elle témoigne de l'inefficacité de la première peine à ' engager [le condamné] à respecter la loi ', la récidive justifie l'application d'une peine plus sévère (ibid., p. 29).

La faculté laissée au juge de prononcer le double du maximum de la peine correctionnelle prévue par la loi pour ce second fait est une garantie utile dans l'intérêt de la société (ibid., p. 30).

L'impossibilité pour le juge de prendre une telle décision lorsqu'un crime succède à une condamnation à une peine correctionnelle fut justifiée par le fait que ' la peine criminelle [...] est pourvue d'une force suffisante et laisse au juge assez de latitude pour satisfaire à tous les besoins d'aggravation que cette récidive a fait surgir ', l'' inefficacité de la première condamnation trouv [ant] alors son remède dans la sévérité nécessaire de la deuxième ' (Doc. parl., Chambre, 1850-1851, n° 245, pp. 41-42) ».

B.5. Au stade de l'exécution des peines, les conditions de temps pour l'admission à la libération conditionnelle sont moins favorables en cas de condamnation en état de récidive : lorsque le jugement ou l'arrêt de condamnation a constaté que le condamné à une peine ou plusieurs peines privatives de liberté dont la partie à exécuter s'élève à plus de trois ans se trouvait en état de récidive, celui-ci doit avoir subi, en principe, les deux tiers de ces peines, sans que la durée des peines déjà subies excède quatorze ans, pour être admissible à la libération conditionnelle (article 25, § 2, b), de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer), au lieu d'un tiers de ces peines en cas de condamnation sans état de récidive (article 25, § 2, a), de la même loi).

La circonstance que le condamné a atteint la date d'admissibilité à la libération conditionnelle ne rend toutefois pas celle-ci automatique.

Outre les conditions de temps, des conditions de fond sont requises pour permettre au condamné de bénéficier d'une libération conditionnelle : avant d'octroyer une modalité d'exécution de la peine, les tribunaux d'application des peines vérifient l'absence de contre-indications (soit notamment « l'absence de perspectives de réinsertion sociale », « le risque de perpétration de nouvelles infractions graves » et « le risque que le condamné importune les victimes ») ainsi que la rédaction d'un plan de réinsertion sociale indiquant les perspectives de réinsertion du condamné (articles 25, § 2, 47, § 1er, et 48 de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer).

Quant à la question préjudicielle B.6. Le juge a quo demande si la disposition en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'elle « a pour effet qu'une personne qui est condamnée par une juridiction correctionnelle à une peine d'emprisonnement du chef d'un crime correctionnalisé punissable, avant sa correctionnalisation, de la peine de réclusion de vingt à trente ans et commis en état de récidive légale peut prétendre à une libération conditionnelle après avoir subi un tiers de sa peine, alors qu'une personne qui est condamnée par une juridiction correctionnelle, en état de récidive légale, à une peine d'emprisonnement du chef d'un autre crime correctionnalisé ou d'un délit ne peut prétendre à une libération conditionnelle qu'après avoir subi les deux tiers de sa peine ».

La Cour examine la question préjudicielle en tant qu'elle porte sur l'article 25, § 2, b), de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer, tel qu'il était en vigueur avant sa modification par l'article 4 de la loi du 21 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en vue d'instaurer une période de sécurité et modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive en ce qui concerne l'arrestation immédiate ».

B.7. Dans sa décision de renvoi, le juge a quo constate qu'il résulte de l'arrêt de la Cour constitutionnelle no 185/2014 qu'« une personne condamnée par le tribunal correctionnel à une peine d'emprisonnement du chef d'un crime correctionnalisé, punissable avant sa correctionnalisation de la peine de réclusion de vingt à trente ans, commis moins de cinq ans après qu'elle a subi ou prescrit une peine d'emprisonnement d'au moins un an, est admissible à la libération conditionnelle après avoir subi un tiers de sa peine ».

Le juge a quo en déduit que les deux catégories de personnes suivantes sont soumises à un régime différent d'admissibilité à la libération conditionnelle : - les personnes condamnées par le tribunal correctionnel ou par la cour d'appel à une peine d'emprisonnement du chef d'un crime correctionnalisé commis en état de récidive légale, punissable, avant sa correctionnalisation, de la réclusion de vingt à trente ans, qui sont admissibles à cette modalité, en application de l'arrêt précité de la Cour constitutionnelle, après avoir subi un tiers de leur peine, et - les personnes qui, comme le demandeur, sont condamnées par le tribunal correctionnel ou par la cour d'appel à une peine d'emprisonnement du chef d'un autre crime correctionnalisé ou d'un délit commis en état de récidive légale, qui ne sont admissibles à la libération conditionnelle qu'après avoir subi deux tiers de leur peine.

B.8.1. Par son arrêt n° 193/2011 du 15 décembre 2011, la Cour a jugé : « L'article 56, alinéa 2, du Code pénal, lu en combinaison avec l'article 25 du même Code et avec l'article 2, alinéas 1er et 3, de la loi du 4 octobre 1867Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/10/1867 pub. 11/12/2009 numac 2009000816 source service public federal interieur Loi sur les circonstances atténuantes fermer sur les circonstances atténuantes, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, mais uniquement dans la mesure où il autorise la condamnation de l'inculpé renvoyé au tribunal correctionnel du chef d'un crime correctionnalisé commis moins de cinq ans après qu'il a subi ou prescrit une peine d'emprisonnement d'au moins un an, à une peine supérieure à celle qui peut être prononcée à l'égard de l'inculpé renvoyé à la cour d'assises du chef du même crime commis dans cette même circonstance ».

B.8.2. Par son arrêt n° 199/2011 du 22 décembre 2011, la Cour a jugé : « L'article 56, alinéa 2, du Code pénal, lu en combinaison avec l'article 25 du même Code, avec l'article 216novies du Code d'instruction criminelle et avec l'article 2, alinéas 1er et 3, de la loi du 4 octobre 1867Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/10/1867 pub. 11/12/2009 numac 2009000816 source service public federal interieur Loi sur les circonstances atténuantes fermer sur les circonstances atténuantes, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, mais uniquement dans la mesure où il autorise la condamnation de l'inculpé renvoyé au tribunal correctionnel du chef d'un crime correctionnalisé commis moins de cinq ans après qu'il a subi ou prescrit une peine d'emprisonnement d'au moins un an, à une peine supérieure à celle qui peut être prononcée à l'égard de l'inculpé renvoyé du chef du même crime commis dans cette même circonstance à la cour d'assises ayant constaté l'existence de circonstances atténuantes ».

B.8.3. Par son arrêt n° 185/2014 du 18 décembre 2014, la Cour a jugé : « - L'article 56, alinéa 2, du Code pénal, lu en combinaison avec l'article 25 du même Code, avec l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/10/1867 pub. 11/12/2009 numac 2009000816 source service public federal interieur Loi sur les circonstances atténuantes fermer sur les circonstances atténuantes et avec l'article 25, § 2, b), de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, mais uniquement en ce qu'il a pour conséquence d'exclure plus longtemps une personne qui, pour une tentative d'assassinat, a été condamnée par le tribunal correctionnel du chef d'un crime correctionnalisé commis moins de cinq ans après qu'elle a subi ou prescrit une peine d'emprisonnement d'au moins un an, de la possibilité d'une libération conditionnelle, que la personne qui est condamnée à une peine criminelle par la cour d'assises du chef du même crime commis dans la même circonstance. - Les effets de cette disposition législative sont maintenus jusqu'à l'entrée en vigueur d'une loi qui met fin à cette discrimination et au plus tard jusqu'au 31 juillet 2015 ».

Jusqu'à ce jour, le législateur n'a toutefois pas remédié à l'inconstitutionnalité constatée dans l'arrêt n° 185/2014.

B.8.4. Par son arrêt n° 102/2017 du 26 juillet 2017, la Cour a jugé que le constat de violation contenu dans l'arrêt n° 185/2014 précité, en ce qui concerne la date d'admissibilité à la libération conditionnelle, est transposable à l'égard d'un crime punissable de la peine de réclusion de quinze à vingt ans qui a été correctionnalisé.

B.9. Par un arrêt du 19 octobre 2016 (P.16.0837.F), la Cour de cassation a jugé qu'en application de l'arrêt n° 185/2014, l'état de récidive légale constaté au stade du prononcé de la peine ne peut pas être pris en considération, au stade de l'exécution de la peine, pour déterminer la durée de la détention à subir avant d'être accessible à la libération conditionnelle dans le chef d'une personne condamnée à une peine d'emprisonnement du chef d'un crime correctionnalisé initialement punissable du même taux de peine que celui visé dans l'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 185/2014 (soit une peine de réclusion de vingt à trente ans).

Par un arrêt du 2 août 2017 (P.17.0766.N), la Cour de cassation a jugé qu'il ressortait de l'arrêt n° 102/2017 que le constat d'inconstitutionnalité contenu dans l'arrêt n° 185/2014 n'était pas limité aux crimes punissables d'une peine de réclusion de vingt à trente ans.

Par un arrêt du 27 septembre 2017 (P.17.0461.F) rendu dans le litige ayant donné lieu à l'arrêt n° 102/2017, la Cour de cassation a jugé que le tribunal d'application des peines avait décidé à bon droit que le condamné était admissible à la libération conditionnelle après avoir subi un tiers de sa peine, nonobstant la circonstance que le jugement de condamnation a constaté que le défendeur se trouvait en état de récidive.

B.10. Les deux arrêts nos 193/2011 et 199/2011 précités portaient sur une différence quant au taux de la peine, selon qu'une personne est condamnée par la cour d'assises ou par le tribunal correctionnel.

Les deux arrêts nos 185/2014 et 102/2017 précités portaient sur une différence quant à l'exécution de la peine, selon qu'une personne est condamnée par la cour d'assises ou par le tribunal correctionnel.

La présente question préjudicielle porte sur une différence de traitement quant à l'exécution de la peine, entre personnes condamnées par une juridiction correctionnelle, selon le type d'infraction qui est en cause.

B.11.1. Les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement du chef d'un délit commis en état de récidive légale ne sont admissibles à la libération conditionnelle qu'après avoir subi deux tiers de leur peine.

Il en est de même pour celles condamnées du chef d'un crime punissable de la réclusion de cinq à dix ans qui a été correctionnalisé. En effet, dans cette hypothèse, la peine qui peut être prononcée est un emprisonnement de cinq ans au plus, c'est-à-dire une peine correctionnelle.

B.11.2. Il appartient au législateur, et non à la Cour, de déterminer à quel moment des personnes qui ont été condamnées et qui se trouvent en état de récidive légale entrent en ligne de compte pour une libération conditionnelle. A la lumière des articles 10 et 11 de la Constitution, la Cour doit toutefois veiller à ce que des personnes qui se trouvent dans une situation comparable ne soient pas traitées de manière inégale sans qu'existe pour ce faire une justification raisonnable. Si la Cour constate à cet égard une discrimination, il appartient au législateur de décider comment il doit y être mis fin.

Dans l'attente d'une intervention du législateur, les dispositions en cause doivent cependant être appliquées en conformité avec la Constitution.

B.11.3. Pour des motifs analogues à ceux énoncés dans les arrêts nos 185/2014 et 102/2017 précités, la disposition en cause est affectée d'une même inconstitutionnalité.

B.12. La différence de traitement en cause qui consiste à retenir un seuil d'admissibilité à la libération conditionnelle plus sévère pour les personnes condamnées par une juridiction correctionnelle, en état de récidive légale, à une peine d'emprisonnement du chef d'un crime punissable de la peine de réclusion de cinq à dix ans correctionnalisé ou d'un délit, est dépourvue de justification raisonnable.

En effet, elle a pour conséquence qu'il n'est pas garanti que l'échelle des peines est respectée au stade de l'exécution des peines dès lors que les condamnés en état de récidive légale à une peine d'emprisonnement pour un fait puni plus sévèrement par la loi sont susceptibles d'être admissibles à la libération conditionnelle plus tôt que les condamnés en état de récidive légale à une peine d'emprisonnement pour un fait puni moins sévèrement par la loi.

B.13. La question préjudicielle appelle une réponse positive.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 25, § 2, b, de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer « relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine », dans sa version applicable devant le juge a quo, lu en combinaison avec les articles 25, 56, alinéas 2 et 3, et 80 du Code pénal et avec l'article 2 de la loi du 4 octobre 1867Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/10/1867 pub. 11/12/2009 numac 2009000816 source service public federal interieur Loi sur les circonstances atténuantes fermer sur les circonstances atténuantes, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il a pour effet qu'une personne condamnée par une juridiction correctionnelle, en état de récidive légale, à une peine d'emprisonnement du chef d'un délit ou d'un crime correctionnalisé initialement punissable, avant sa correctionnalisation, de la peine de réclusion de cinq à dix ans, est admissible à la libération conditionnelle après avoir subi deux tiers de sa peine alors qu'une personne condamnée par une juridiction correctionnelle, en état de récidive légale, à une peine d'emprisonnement du chef d'un crime correctionnalisé initialement punissable, avant sa correctionnalisation, d'une autre peine de réclusion est admissible à la libération conditionnelle après avoir subi un tiers de cette peine.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 7 février 2018.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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