publié le 09 mai 2018
Extrait de l'arrêt n° 42/2018 du 29 mars 2018 Numéros du rôle : 6585 et 6639 En cause : les recours en annulation de l'article 2.12.3 de la loi du 12 juillet 2016 contenant le premier ajustement du budget général des dépenses pour l'année bud La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges L. Lavryse(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 42/2018 du 29 mars 2018 Numéros du rôle : 6585 et 6639 En cause : les recours en annulation de l'article 2.12.3 de la
loi du 12 juillet 2016Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
12/07/2016
pub.
14/09/2016
numac
2016003280
source
service public federal budget et controle de la gestion
Loi contenant le premier ajustement du budget général des dépenses pour l'année budgétaire 2016
fermer contenant le premier ajustement du budget général des dépenses pour l'année budgétaire 2016, introduits par l'union professionnelle « Belgian Gaming Association » et par la SA « Casino de Spa » et autres.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite E. De Groot, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 janvier 2017 et parvenue au greffe le 10 janvier 2017, l'union professionnelle « Belgian Gaming Association », assistée et représentée par Me R.Depla, avocat au barreau de Bruges, a introduit un recours en annulation de l'article 2.12.3 de la loi du 12 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/2016 pub. 14/09/2016 numac 2016003280 source service public federal budget et controle de la gestion Loi contenant le premier ajustement du budget général des dépenses pour l'année budgétaire 2016 fermer contenant le premier ajustement du budget général des dépenses pour l'année budgétaire 2016 (publiée au Moniteur belge du 14 septembre 2016). b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 mars 2017 et parvenue au greffe le 15 mars 2017, un recours en annulation de la même disposition légale a été introduit par la SA « Casino de Spa », la SA « Circus Belgium », la SA « Gambling Management » et la SA « Napoleon Games », assistées et représentées par Me M. Picat et Me C. Hoogstoel, avocats au barreau de Bruxelles.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 6585 et 6639 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée et à son contexte B.1.1. Afin de renforcer la protection du public et le contrôle du secteur des jeux de hasard (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-419/17, pp. 31-32), le législateur a notamment créé la Commission des jeux de hasard (article 9 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs type loi prom. 07/05/1999 pub. 23/09/1999 numac 1999003346 source ministere des finances Loi contenant le quatrième ajustement du budget général des dépenses de l'année budgétaire 1999 fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs; ci-après : la loi sur les jeux de hasard).
B.1.2. Cette Commission « contrôle le respect de la loi et des conditions auxquelles est assorti l'octroi d'une licence; elle donne des avis aux ministres de la Justice, des Finances, de l'Intérieur et des Affaires économiques concernant l'exécution de la loi. Elle octroie les licences si le demandeur remplit les conditions posées et peut, si nécessaire, prononcer des avertissements, suspendre partiellement ou totalement ces licences pour une durée déterminée ou les retirer. Elle peut imposer une interdiction d'exploitation provisoire ou définitive d'un ou de plusieurs jeux de hasard » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-419/17, pp. 32-33).
B.1.3. Afin de pourvoir au financement de cette Commission, le législateur a institué un fonds de la Commission des jeux de hasard au budget du Service public fédéral Justice (article 19 de la loi sur les jeux de hasard).
B.2.1. L'article 19 de la loi sur les jeux de hasard dispose : « § 1er. Les frais d'installation, de personnel et de fonctionnement de la commission et de son secrétariat sont mis entièrement à la charge des titulaires de licences de classe A, A+, B, B+, C, E, F1, F1+, G1 et G2.
La contribution du titulaire de la licence de classe F2 est due par le titulaire de la licence de classe F1 pour le compte de qui les paris sont engagés.
Pour les titulaires d'une licence des classes C et F2, la contribution doit être payée avant l'octroi de la licence. Le montant de cette contribution correspond à celui d'une contribution couvrant toute la durée de la licence.
La cotisation annuelle au SPF Economie, visée à l'article 20, § 1er, de la loi du 5 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/07/1998 pub. 31/07/1998 numac 1998011215 source ministere des affaires economiques Loi relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis fermer relative au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis ainsi que l'augmentation de la cotisation visée à l'article 20bis, alinéa 4, de la même loi, sont à la charge des établissements de jeux de hasard.
Le Roi fixe, par arrêté, délibéré en Conseil des ministres, la contribution [aux] frais de fonctionnement, de personnel et de l'installation de la commission des jeux de hasard due par les titulaires de licences de classe A, B, C et E ainsi que la cotisation annuelle et, le cas échéant, l'augmentation de la cotisation au SPF Economie due par les établissements de jeux de hasard.
Le Roi saisira les chambres législatives d'un projet de loi de confirmation de l'arrêté pris en exécution de l'alinéa précédent. § 2. Il est institué un fonds de la Commission des jeux de hasard au budget du Service Public Fédéral Justice. Le fonds est alimenté par le produit des rétributions visées au § 1er en tant que contribution aux frais d'installation, de personnel et de fonctionnement de la Commission et de son secrétariat mis à charge des titulaires de licences de classes A, A+, B, B+, C, E, F1, F1+, G1 et G2 ».
B.2.2. Les travaux préparatoires de l'article 19 précisent : « Les frais de fonctionnement, de personnel et d'installation de la commission sont mis à la charge des exploitants de jeux de hasard, selon les modalités fixées par le Roi.
Cette disposition est inspirée par la loi du 11 janvier 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/01/1993 pub. 29/07/2013 numac 2013000488 source service public federal interieur Loi relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 11/01/1993 pub. 27/06/2012 numac 2012000391 source service public federal interieur Loi relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux. Le Conseil d'Etat estime que ce financement ne peut s'analyser comme une redevance, mais serait plutôt un impôt permettant à l'Etat fédéral d'assurer un meilleur fonctionnement de la justice. Le Conseil d'Etat est en outre d'avis que l'impôt sur les appareils automatiques de divertissement est un impôt régional conformément à l'article 3 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions. Selon le Gouvernement, le but du projet de loi est de créer un cadre légal pour les établissements de jeux de hasard (tolérés) et le développement d'une politique nationale cohérente en matière de jeu. La commission des jeux de hasard intervient à cet égard en tant qu'organe d'avis, de décision et de contrôle administratif et indépendant, et remplit en tant que tel une fonction clé. Il semble dès lors logique que les personnes qui bénéficient du nouveau cadre légal et du travail de la commission contribuent aux charges de la commission en payant les frais exposés par la commission. Le fait que le projet de loi tend à garantir aux joueurs une protection sociale minimale et qu'il tend à préserver l'ensemble de la collectivité tant contre les effets préjudiciables d'une dérégulation du marché du jeu que contre les éventuelles pratiques illicites constitue aussi une protection des intérêts professionnels des exploitants des établissements de jeux concernés. Ils ont tout intérêt à ce que les jeux de hasard et leur exploitation soient organisés d'une manière conforme et contrôlée.
Dans le cas évoqué, il ne s'agit dès lors pas d'un impôt » (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-419/4, p. 33).
B.2.3. En exécution de l'article 19 de la loi sur les jeux de hasard, le montant de la contribution précitée est fixé par année civile, par un arrêté royal, qui doit être confirmé par une loi.
B.2.4. Pour ce qui est des revenus, le législateur a ainsi imposé une contribution financière aux titulaires d'une licence qui exploitent des jeux de hasard. Les contributions perçues annuellement sont versées au budget des voies et moyens, en particulier au fonds de la Commission des jeux de hasard, également connu sous l'intitulé « programme budgétaire 12-62-5 ». Les contributions qui sont perçues servent à couvrir les frais afférents à la création, au personnel et au fonctionnement de la Commission et du secrétariat. Ces frais non récurrents ou fixes figurent au budget général des dépenses. Plus particulièrement, des crédits sont affectés à cet effet au fonds de la Commission des jeux de hasard.
B.3. Contrairement aux programmes budgétaires ordinaires, les crédits qui ne sont pas épuisés à la fin de l'année budgétaire sont conservés dans un fonds budgétaire (article 62, § 2, de la loi du 22 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/05/2003 pub. 03/07/2003 numac 2003003367 source service public federal budget et controle de la gestion et service public federal finances Loi portant organisation du budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral fermer « portant organisation du budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral »), ce qui implique que le solde du fonds et dès lors les moyens disponibles dans celui-ci peuvent s'accumuler. Il découle de l'article précité que, sauf disposition légale dérogatoire, le fonds ne peut se voir retirer des moyens.
Il résulte de ce qui précède qu'en ce qui concerne le fonds de la Commission des jeux de hasard, le solde de départ et les recettes de l'année budgétaire, à savoir les contributions annuelles des titulaires d'une licence, constituent ensemble, le cas échéant diminués des moyens qui sont désaffectés par voie législative, les moyens disponibles du fonds.
B.4. Dans le cadre de son audit concernant le fonctionnement de la Commission des jeux de hasard, la Cour des comptes a constaté que, de manière systématique, les moyens disponibles ne sont pas affectés (rapport de la Cour des comptes du 2 mai 2013 relatif au fonctionnement de la Commission des jeux de hasard, www.ccrek.be, p. 52), ce qui donne lieu aux « excédents » du fonds. Il ressort également des chiffres récents disponibles que les revenus du fonds budgétaire varient par année budgétaire entre 9,0 (Moniteur belge, 30 décembre 2015, p. 80308) et 9,9 millions d'euros (Moniteur belge, 29 décembre 2016, p. 90926) et que les dépenses estimées ne dépassent pas 9,0 millions d'euros (Moniteur belge, 29 décembre 2016, p. 91399), ce qui permet une augmentation progressive du solde des moyens disponibles.
B.5. Par la loi attaquée, le législateur a, pour plusieurs programmes budgétaires, dont le fonds de la Commission des jeux de hasard, revu l'estimation initiale des dépenses pour l'année budgétaire 2016, les moyens disponibles et l'autorisation de procéder à des dépenses.
B.6. L'article 2.12.3 de la loi attaquée dispose : « L'article 2.12.7 de la loi du 18 décembre 2015Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/12/2015 pub. 30/12/2015 numac 2015003459 source service public federal budget et controle de la gestion Loi contenant le budget général des dépenses pour l'année budgétaire 2016 fermer contenant le budget général des dépenses pour l'année budgétaire 2016 est [remplacé] ainsi : Par dérogation à l'article 62, § 2, de la loi du 22 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/05/2003 pub. 03/07/2003 numac 2003003367 source service public federal budget et controle de la gestion et service public federal finances Loi portant organisation du budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral fermer portant organisation du budget et de la comptabilité de l'autorité fédérale, les moyens disponibles du Fonds de la Commission des jeux de hasard (programme 12-62-5) sont désaffectés, à concurrence d'un montant de 15.618.000 euros, et sont ajoutés aux ressources générales du Trésor ».
B.7. La disposition attaquée a été commentée comme suit au cours des travaux préparatoires : « Cette disposition permet de désaffecter un montant de 15 618 000 EUR des moyens disponibles du Fonds de la Commission des jeux de hasard et de l'attribuer aux ressources générales du Trésor » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1805/001, p. 47).
Cette opération budgétaire ressort également du tableau joint au projet :
Programme
DENOMINATION DU FONDS Origine ou destination des moyens
Budget initial 2016
Ajustement
Budget ajusté 2016
12-62-5
FONDS DE LA COMMISSION DES JEUX DE HASARD (ART. 19 DE LA LOI DU 7 MAI 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs type loi prom. 07/05/1999 pub. 23/09/1999 numac 1999003346 source ministere des finances Loi contenant le quatrième ajustement du budget général des dépenses de l'année budgétaire 1999 fermer)
- Solde au 1 janvier
23.565
1.146
24.711
28.407
195
28.602
- Recettes de l'année en cours
8.177
205
8.362
- Désaffectation/Réaffectation de moyens
-290
-15.618
-15.908
-290
-15.618
-15.908
- Disponible pendant l'année en cours
31.452
-14.267
17.185
36.294
-15.218
21.076
- Dépenses de l'année
7.887
7.887
7.887
7.887
- Solde du fonds organique au 31 décembre
23.565
-14.267
9.298
28.407
-15.218
13.189
(montants en milliers d'euros; Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1805/002, p. 647).
Quant à la recevabilité B.8. La Constitution et la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée; il s'ensuit que l'action populaire n'est pas admissible.
B.9.1. La partie requérante dans l'affaire n° 6585, l'union professionnelle « Belgian Gaming Association », a pour objectif, aux termes du point 3 de la partie A de ses statuts (publiés aux annexes du Moniteur belge du 10 février 2010), « le développement et la coordination des intérêts professionnels de ses membres, de même que la défense de leurs intérêts, ainsi que l'amélioration de la gestion de leurs activités professionnelles ». Cette union professionnelle au sens de la loi du 31 mars 1898Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/03/1898 pub. 11/10/2011 numac 2011000638 source service public federal interieur Loi sur les Unions professionnelles Coordination officieuse en langue allemande fermer sur les unions professionnelles regroupe les fournisseurs de jeux de hasard automatiques (point 1 de la partie B des statuts précités).
En vertu de l'article 10 de cette loi, une union professionnelle justifie de la qualité requise pour attaquer des dispositions qui sont susceptibles d'affecter les intérêts de ses membres de manière directe et défavorable.
B.9.2. Les parties requérantes dans l'affaire n° 6639 sont titulaires d'une licence et paient chaque année une contribution financière au fonds de la Commission des jeux de hasard afin de couvrir les frais afférents à cette Commission.
B.10.1. La disposition attaquée vise à désaffecter 15 618 000,00 euros des moyens disponibles du fonds de la Commission des jeux de hasard pour les ajouter aux ressources générales du Trésor.
B.10.2. Etant donné que la qualification de la contribution des exploitants au fonds - rétribution ou impôt - est de nature à influencer l'examen de l'intérêt, l'examen de la recevabilité se confond avec l'examen du fond de l'affaire.
Quant aux moyens B.11. Le Conseil des ministres soutient que le premier moyen dans les affaires nos 6585 et 6639 et le deuxième moyen dans l'affaire n° 6585 sont irrecevables, la Cour n'étant pas compétente.
B.12. En vertu de l'article 142, alinéa 2, de la Constitution et de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour est compétente pour statuer sur les recours en annulation d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution pour cause de violation des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions et pour cause de violation des articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.
B.13. La Cour examine les moyens dans la mesure où ils sont pris de la violation d'une ou de plusieurs normes mentionnées en B.12.
B.14. Le premier moyen dans les deux affaires est pris de la violation de l'article 177 de la Constitution et de l'article 3, 1°, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, combinés avec les articles 4, 5 et 11 de la même loi.
B.15.1. L'article 177 de la Constitution dispose : « Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, fixe le système de financement des régions.
Les Parlements de région déterminent, chacun pour ce qui le concerne, l'affectation de leurs recettes par les règles visées à l'article 134 ».
B.15.2. En exécution de l'article 177, alinéa 1er, de la Constitution, l'article 1er, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions dispose : « Sans préjudice de l'article 170, § 2, de la Constitution, le financement du budget de la Région wallonne, de la Région flamande et de la Région de Bruxelles-Capitale est assuré par : 1° des recettes non fiscales;2° des recettes fiscales visées par la présente loi;3° des recettes de l'exercice de l'autonomie fiscale en matière d'impôt des personnes physiques visées au titre III/1;4° des parties attribuées du produit d'impôts et de perceptions;5° des dotations fédérales;6° un mécanisme de solidarité nationale;7° pour la période de 2015 jusqu'à 2033, un mécanisme de transition;8° des emprunts ». B.16.1. L'article 3 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions dispose : « Les impôts suivants sont des impôts régionaux : 1° la taxe sur les jeux et paris; [...] Ces impôts sont soumis aux dispositions des articles 4, 5, 8 et 11 ».
B.16.2. L'article 4, § 1er, de la même loi spéciale dispose : « Les régions sont compétentes pour modifier le taux d'imposition, la base d'imposition et les exonérations des impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 1° à 4° et 6° à 9° ».
B.16.3. L'article 5 de la même loi spéciale dispose : « § 1. Les impôts visés à l'article 3 sont attribués aux régions en fonction de leur localisation. § 2. Pour l'application du § 1er, les impôts concernés sont réputés localisés comme suit : 1° la taxe sur les jeux et paris : à l'endroit où les jeux sont organisés et où les paris sont engagés; [...] ».
B.17.1. Si la contribution mentionnée en B.2 est considérée comme un impôt, le législateur régional est compétent sur la base de l'article 3, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, en ce qui concerne les aspects visés à l'article 4, § 1er, de cette loi spéciale.
Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 34/2018, du 22 mars 2018, le législateur fédéral est quant à lui compétent pour déterminer la matière imposable de cette taxe, par une loi adoptée à la majorité spéciale. La modification de l'affectation du produit de cette taxe requiert une modification des dispositions précitées de la loi spéciale de financement.
B.17.2. Si la contribution mentionnée en B.2 est considérée comme une rétribution, c'est au législateur matériellement compétent, en l'espèce le législateur fédéral, compétent pour régler les établissements de jeux de hasard, qu'il appartient de l'établir.
B.17.3. La qualification de la contribution en cause, et partant également la disposition attaquée, concernent les règles répartitrices de compétence entre l'Etat fédéral et les régions. La Cour est compétente pour en contrôler le respect.
B.18. Par son arrêt n° 100/2001, du 13 juillet 2001, la Cour a jugé qu'étant donné que l'autorité fédérale est compétente pour régler les établissements de jeux de hasard, celle-ci est également compétente en vertu de l'article 173 de la Constitution pour imposer une contribution en vue de son financement : « B.10.3.2. Le législateur fédéral qui, ainsi qu'il a été dit en B.9.3, est compétent pour régler les établissements de jeux de hasard, est également compétent pour organiser le contrôle nécessité par le caractère dangereux des activités qu'il tolère et pour confier ce contrôle à une commission dont il règle la composition. C'est également à lui qu'il appartient de faire peser la charge du financement de cette commission sur les établissements qu'elle doit contrôler. En décidant que ce financement doit se faire au moyen de la contribution prévue par l'article 19, il est resté dans les limites de ses compétences et n'a pas établi une taxe ' sur les jeux et paris ' au sens de l'article 3 de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions ».
B.19. La contribution doit cependant satisfaire effectivement aux conditions d'une rétribution. Il n'est question d'une rétribution que si la contribution porte sur la rémunération d'un service accompli par l'autorité publique au bénéfice d'un redevable de la contribution considéré isolément et si elle revêt un caractère purement indemnitaire. Pour ce faire, il faut qu'existe un rapport raisonnable entre le coût ou la valeur du service fourni et le montant dû par le redevable.
B.20. Il ressort d'un audit de la Cour des comptes que, d'une part, eu égard au caractère purement forfaitaire des contributions et au nombre prévisible des titulaires d'une licence, les recettes du fonds de la Commission des jeux de hasard sont prévisibles et que, d'autre part, les réelles possibilités d'affectation du fonds sont systématiquement limitées, ce qui aboutit à des excédents considérables (rapport de la Cour des comptes du 2 mai 2013 concernant le fonctionnement de la Commission des jeux de hasard, www.ccrek.be).
B.21. La disposition attaquée désaffecte des moyens financiers du fonds de la Commission des jeux de hasard et les ajoute aux ressources générales de l'autorité fédérale. Dès lors, ces moyens, qui proviennent directement des contributions des titulaires d'une licence, ne sont plus affectés au service public pour lequel elles ont été spécifiquement perçues.
B.22. L'ampleur de cette désaffectation des moyens en question et de la réaffectation de ces moyens fait apparaître que la contribution perçue par l'autorité fédérale va bien au-delà de la couverture des frais de fonctionnement effectifs de la Commission des jeux de hasard et qu'il n'existe dès lors plus de rapport raisonnable entre le coût ou la valeur du service fourni et le montant dû par le redevable.
Le législateur compétent doit en effet veiller à ne pas perturber ce rapport raisonnable. Il ne peut toutefois être mis fin à cette disproportion en réaffectant les moyens disponibles hors du fonds de la Commission des jeux de hasard et en les ajoutant aux ressources générales du Trésor. La contribution acquiert, du fait qu'une part considérable est désaffectée, le caractère d'un impôt. Ainsi qu'il ressort du B.17.1 et du B.17.2, le législateur fédéral, agissant à la majorité simple, n'est toutefois, en l'espèce, compétent que pour établir une rétribution et non un impôt. Pour cette raison, le premier moyen dans les deux affaires est fondé dans cette mesure et la disposition attaquée doit être annulée.
B.23. Par suite de cette annulation, la réaffectation, visée en B.6, d'un montant de 15 618 000,00 euros est annihilée ab initio et ce montant est reversé au fonds de la Commission des jeux de hasard (programme 12-62-5). La contribution visée à l'article 19 de la loi sur les jeux de hasard conserverait de ce fait le caractère d'une rétribution, à condition que le produit de la contribution soit affecté exclusivement au fonctionnement de la Commission des jeux de hasard, remboursé proportionnellement aux redevables ou pris en compte dans le calcul de leurs futures contributions.
B.24. Les autres moyens ne pouvant aboutir à une annulation plus ample, il n'y a pas lieu de les examiner.
Par ces motifs, la Cour annule l'article 2.12.3 de la loi du 12 juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/2016 pub. 14/09/2016 numac 2016003280 source service public federal budget et controle de la gestion Loi contenant le premier ajustement du budget général des dépenses pour l'année budgétaire 2016 fermer contenant le premier ajustement du budget général des dépenses pour l'année budgétaire 2016.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 mars 2018.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, E. De Groot