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Arrêt
publié le 22 mai 2018

Extrait de l'arrêt n° 34/2018 du 22 mars 2018 Numéros du rôle : 6564, 6567, 6576, 6577, 6579 et 6584 En cause : les recours en annulation des articles 29 à 34 de la loi-programme du 1 er juillet 2016 La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges L. Lavryse(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 34/2018 du 22 mars 2018 Numéros du rôle : 6564, 6567, 6576, 6577, 6579 et 6584 En cause : les recours en annulation des articles 29 à 34 de la loi-programme du 1er juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 01/07/2016 pub. 04/07/2016 numac 2016021055 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer (abrogation de l'exemption de la TVA sur les jeux de hasard ou d'argent en ligne autres que les loteries), introduits par la SA « Casinos Austria International Belgium » et autres, par le Gouvernement wallon, par la société de droit maltais « Reel Europe Limited » et la SA « Pac-Man », par la SA « Sagevas », par la SPRL « Star Matic » et la société de droit maltais « Unibet (Belgium) Limited » et par la SA « Rocoluc ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, F. Daoût et T. Giet, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite E. De Groot, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 décembre 2016 et parvenue au greffe le 23 décembre 2016, un recours en annulation des articles 29 à 34 de la loi-programme du 1er juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 01/07/2016 pub. 04/07/2016 numac 2016021055 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer (abrogation de l'exemption de la TVA sur les jeux de hasard ou d'argent en ligne, autres que les loteries), publiée au Moniteur belge du 4 juillet 2016, deuxième édition, a été introduit par la SA « Casinos Austria International Belgium », la SA « Blancas », la SA « Middelkerke Casino Kursaal », la SA « Casino Kursaal Oostende » et la SA « Grand Casino de Dinant », assistées et représentées par Me M. Maus, avocat au barreau de Gand. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 23 décembre 2016 et parvenue au greffe le 26 décembre 2016, un recours en annulation des mêmes dispositions légales a été introduit par le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me J.Bourtembourg, Me C. Molitor et Me N. Fortemps, avocats au barreau de Bruxelles. c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 30 décembre 2016 et parvenue au greffe le 2 janvier 2017, un recours en annulation des mêmes dispositions légales a été introduit par la société de droit maltais « Reel Europe Limited » et la SA « Pac-Man », assistées et représentées par Me J.-L. Wuidard, avocat au barreau de Liège, et Me M. Nihoul, avocat au barreau du Brabant wallon. d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 décembre 2016 et parvenue au greffe le 2 janvier 2017, un recours en annulation des mêmes dispositions légales a été introduit par la SA « Sagevas », assistée et représentée par Me F.Judo et Me E. Traversa, avocats au barreau de Bruxelles. e. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 janvier 2017 et parvenue au greffe le 4 janvier 2017, un recours en annulation des mêmes dispositions légales a été introduit par la SPRL « Star Matic » et la société de droit maltais « Unibet (Belgium) Limited », assistées et représentées par Me A.Visschers et Me F. Smet, avocats au barreau de Bruxelles. f. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 janvier 2017 et parvenue au greffe le 5 janvier 2017, un recours en annulation des mêmes dispositions légales a été introduit par la SA « Rocoluc », assistée et représentée par Me F.Tulkens et Me M. Vanderstraeten, avocats au barreau de Bruxelles.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 6564, 6567, 6576, 6577, 6579 et 6584 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 29 à 34 de la loi-programme du 1er juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 01/07/2016 pub. 04/07/2016 numac 2016021055 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, qui limitent, à partir du 1er juillet 2016, l'exemption de la TVA sur les jeux de hasard ou d'argent.

B.2.1. L'article 29 complète l'article 1er du Code de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après : Code de la TVA) par le paragraphe suivant : « § 14. Pour l'application du présent Code, on entend par : 1° ' jeux de hasard ou d'argent ' : a) les jeux, sous quelque dénomination que ce soit, qui procurent la chance de gagner des prix ou des primes en argent ou en nature, et à l'occasion desquels les joueurs ne peuvent intervenir ni au début, ni au cours, ni à la fin du jeu, et les gagnants sont uniquement désignés par le sort ou par toute autre circonstance due au hasard;b) les jeux, sous quelque dénomination que ce soit, qui procurent aux participants à un concours de quelque nature qu'il soit, la chance de gagner des prix ou des primes en argent ou en nature, à moins que le concours ne débouche sur la conclusion d'un contrat entre les gagnants et l'organisateur de ce concours;2° ' loteries ' : chaque circonstance permettant par l'achat de billets de loterie, de concourir pour des prix ou des primes en argent ou en nature, où les gagnants sont désignés par le sort ou par toute autre circonstance due au hasard sur lesquels ils ne peuvent exercer aucune influence ». B.2.2. L'article 30 remplace, dans le texte néerlandais de l'article 18, § 1er, alinéa 2, 16°, du même Code, les mots « kans- of gokspelen » par les mots « kans- en geldspelen ».

En vertu de l'alinéa 1er de l'article 18, § 1er, précité, du Code de la TVA, toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien au sens dudit Code est considérée comme une prestation de services.

Est notamment considérée comme une prestation de services l'exécution d'un contrat qui a pour objet : « 16° les services fournis par voie électronique. Sont notamment considérés comme tels, les services fournis par voie électronique ayant pour objet la fourniture et l'hébergement de sites informatiques, la maintenance à distance de programmes et d'équipement, la fourniture de logiciels et la mise à jour de ceux-ci, la fourniture d'images, de textes et d'informations et la mise à disposition de bases de données, la fourniture de musique, de films et de jeux, y compris les jeux de hasard ou d'argent, d'émissions ou de manifestations politiques, culturelles, artistiques, sportives, scientifiques ou de divertissement et la fourniture de services d'enseignement à distance. Lorsque le prestataire de services et le preneur communiquent par courrier électronique, cela ne signifie pas en soi que ce service est un service fourni par voie électronique ».

B.2.3. L'article 31 remplace l'article 44, § 3, 13°, du Code de la TVA, qui exonère certaines prestations de services de la taxe, par ce qui suit : « 13° a) les loteries; b) les autres jeux de hasard ou d'argent, à l'exception de ceux fournis par voie électronique tels que visés à l'article 18, § 1er, alinéa 2, 16°;».

Avant l'entrée en vigueur de l'article 31, l'exemption concernait : « 13° les paris, loteries et autres jeux de hasard ou d'argent, sous réserve des conditions et limites déterminées par le Roi ».

B.2.4. L'article 32 insère, dans l'article 51bis du Code de la TVA, le paragraphe suivant : « § 1erbis. Le cocontractant de la personne non établie en Belgique qui est redevable de la taxe en vertu de l'article 51, § 1er, 1°, est solidairement tenu avec elle au paiement de la taxe due envers l'Etat sur les jeux de hasard ou d'argent fournis au cocontractant par voie électronique visés à l'article 18, § 1er, alinéa 2, 16°, lorsque le redevable ne dispose pas d'un numéro d'identification à la T.V.A. en Belgique, le cas échéant en application de l'un des régimes spéciaux visés aux articles 58ter et 58quater, ni d'un numéro d'identification à la T.V.A. attribué par un autre Etat membre en application de l'un des régimes spéciaux visés aux articles 358bis à 369duodecies de la directive 2006/112/CE ».

En vertu de l'article 51, § 1er, 1°, du même Code, la taxe est due par l'assujetti qui effectue en Belgique une livraison de biens imposable ou une prestation de services imposable.

B.2.5. L'article 33 abroge l'arrêté royal n° 45 du 14 avril 1993 relatif à l'exemption pour les jeux de hasard ou d'argent sur le plan de la taxe sur la valeur ajoutée. Cet arrêté royal précisait ce qu'il y avait lieu d'entendre par « jeux de hasard et d'argent » pour l'application de l'article 44, § 3, 13°, du Code de la TVA. B.2.6. L'article 34 dispose que le chapitre dont font partie les dispositions attaquées entre en vigueur le 1er juillet 2016.

B.3.1. Par conséquent, les jeux de hasard et d'argent proposés par voie électronique (jeux de hasard et d'argent en ligne) ne sont plus exonérés de la TVA, à partir du 1er juillet 2016. Par contre, les jeux de hasard et d'argent ainsi que les loteries classiques restent exonérés de la TVA. B.3.2. Au départ, les jeux de hasard et d'argent n'étaient pas soumis au régime de la TVA, lequel n'était applicable qu'aux prestations de services énumérées de manière limitative.

A partir du 1er janvier 1993, toutes les prestations de services sont en principe soumises à la TVA, mais le législateur a prévu une exonération, motivée par des considérations d'ordre pratique, en ce qui concerne les paris, loteries et autres jeux de hasard et d'argent : « Ces activités se prêtent mal à une perception de la TVA, de sorte qu'il est plus efficace de les soumettre à des taxes spéciales » (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 684/1, p. 49).

B.3.3. En vertu de l'article 135, paragraphe 1, i), de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après : la directive TVA), les Etats membres exonèrent de la TVA « les paris, loteries et autres jeux de hasard ou d'argent, sous réserve des conditions et limites déterminées par chaque Etat membre ».

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cette exonération est motivée par les mêmes considérations d'ordre pratique : « S'agissant plus particulièrement des paris, loteries et autres jeux de hasard, il convient de rappeler que l'exonération dont ils bénéficient est motivée par des considérations d'ordre pratique, les opérations de jeux de hasard se prêtant mal à l'application de la TVA et non pas, comme tel est le cas pour certaines prestations de services d'intérêt général accomplies dans le secteur social, par la volonté d'assurer, à ces activités, un traitement plus favorable en matière de TVA » (CJUE, 10 juin 2010, C-58/09, Leo-Libera GmbH, point 24).

B.3.4. La « taxe spéciale » à laquelle sont soumis les jeux de hasard et d'argent est la taxe sur les jeux et paris, instaurée par la loi du 28 août 1921 portant création de nouvelles ressources fiscales. Cette taxe a ensuite été reprise dans le Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus (articles 43 et suivants de ce Code) et est devenue une taxe régionale, depuis l'entrée en vigueur de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions (article 3, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale de financement).

Quant à la recevabilité B.4.1. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité du recours dans l'affaire n° 6576 en ce que les parties requérantes n'ont pas joint à la requête la copie des décisions d'agir prises par les sociétés concernées conformément à leurs statuts.

L'article 7, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle prévoit que la preuve de la décision d'agir en justice de l'organe compétent de la personne morale doit être produite « à la première demande ». Cette formulation permet à la Cour, comme elle l'a jugé par son arrêt n° 120/2014 du 17 septembre 2014, de renoncer à une telle demande, notamment lorsque la personne morale est représentée par un avocat, comme c'est le cas en l'espèce.

Cette interprétation n'empêche pas qu'une partie ait le droit de soulever que la décision d'agir en justice n'a pas été prise par l'organe compétent de la personne morale, mais elle doit faire admettre son objection, ce qu'elle peut faire par toutes voies de droit. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

B.4.2. Le Conseil des ministres conteste également l'intérêt de la première partie requérante dans l'affaire n° 6564 ainsi que celui de la première partie requérante dans l'affaire n° 6576.

Dès lors que les autres parties requérantes dans les affaires mentionnées justifient de l'intérêt requis à l'annulation des dispositions attaquées, la Cour ne doit pas examiner l'exception.

B.4.3. Comme le Conseil des ministres l'indique, les moyens invoqués sont en réalité dirigés contre les articles 31 à 34 de la loi-programme du 1er juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 01/07/2016 pub. 04/07/2016 numac 2016021055 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer. Ils ne contiennent aucun grief à l'encontre des articles 29 et 30 de la même loi-programme, qui ne font que définir ou modifier les notions utilisées dans le Code de la TVA. Ces dernières dispositions sont toutefois indissociablement liées aux articles effectivement attaqués.

B.4.4. Les recours sont dès lors recevables.

B.5. Les parties intervenantes demandent à la Cour de rejeter les recours en annulation. Elles justifient de l'intérêt requis, en ce qu'une annulation des dispositions attaquées pourrait amener le législateur à soumettre tous les jeux de hasard et d'argent et toutes les loteries à la taxe sur la valeur ajoutée.

Quant aux règles répartitrices de compétence B.6. La plupart des moyens sont pris de la violation des règles répartitrices de compétence.

B.7.1. L'article 177 de la Constitution dispose : « Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, fixe le système de financement des régions.

Les Parlements de région déterminent, chacun pour ce qui le concerne, l'affectation de leurs recettes par les règles visées à l'article 134 ».

B.7.2. L'article 3, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale de financement, remplacé par la loi spéciale du 13 juillet 2001, dispose : « Les impôts suivants sont des impôts régionaux : 1° la taxe sur les jeux et paris;».

B.7.3. L'article 4, § 1er, de la loi spéciale de financement, remplacé par la loi spéciale du 13 juillet 2001, dispose : « Les régions sont compétentes pour modifier le taux d'imposition, la base d'imposition et les exonérations des impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 1° à 4° et 6° à 9° ».

B.8.1. Le fait que la directive précitée sur la TVA autorise l'abrogation partielle de l'exonération de TVA en ce qui concerne les jeux de hasard et d'argent (article 135, paragraphe 1) et ne fasse pas obstacle à ce que les mêmes jeux de hasard et d'argent soient encore soumis à une autre taxe, pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une taxe sur le chiffre d'affaires (article 401) ne dispense pas le législateur qui transpose les dispositions de la directive de l'obligation de respecter les règles répartitrices de compétence.

B.8.2. Les articles 3, 4 et 5 de la loi spéciale de financement accordent une compétence générale aux régions en ce qui concerne les impôts visés par ces articles. Il faut considérer que le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en ont pas disposé autrement, ont attribué aux régions toute la compétence d'édicter les règles relatives au taux d'imposition, à la base d'imposition et aux exonérations des impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 1° à 4° et 6° à 9°, parmi lesquels la taxe sur les jeux et paris.

B.8.3. Il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale de financement que celle-ci tend « uniquement à garantir aux Régions pour les impôts concernés que l'autorité nationale n'agira plus à l'avenir dans ces domaines pour lesquels les Régions sont compétentes en vertu du présent projet. Sans ces dispositions explicites, l'autorité nationale peut en vertu de l'article 110 [actuellement l'article 170], § 2, alinéa 2, de la Constitution par la loi ordinaire ' déterminer les exceptions dont la nécessité est démontrée ' » (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 635/1, pp. 7-8).

B.8.4. Les régions ne sont pas compétentes pour modifier la matière imposable de la taxe sur les jeux et paris. Il appartient au législateur fédéral de définir la matière imposable, par une loi adoptée à la majorité spéciale.

Le législateur spécial a en quelque sorte figé la matière imposable des impôts et perceptions énumérés à l'article 3 de la loi spéciale de financement, tant à l'égard du législateur fédéral « statuant à la majorité ordinaire » qu'à l'égard des législateurs régionaux (voir l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat du 16 septembre 1992 sur une proposition de loi spéciale modifiant la loi spéciale du 16 janvier 1989 (Doc. parl., Chambre, SE 1991-1992, n° 604/2, pp. 5-6)).

B.9. La matière imposable est l'élément générateur de l'impôt, la situation ou le fait qui donne lieu à taxation. La matière imposable se distingue de la base imposable (« base d'imposition »), qui est l'assiette sur laquelle l'impôt est calculé.

B.10. Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale du 13 juillet 2001, la matière imposable de la taxe sur les jeux et paris est « l'organisation de jeux et paris qui se pratiquent dans les cercles publics ou privés ». La base d'imposition de cette même taxe est le « montant brut des sommes engagées » (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC 50-1183/007, p. 157) ou la « marge brute réelle », à savoir le montant des mises engagées par les joueurs, diminué du montant des gains effectivement reversés aux joueurs (cf. article 43bis du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus).

B.11. En vertu de l'article 26, alinéa 1er, du Code de la TVA, la taxe sur la valeur ajoutée est calculée sur tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le prestataire du service de la part de celui à qui le service est fourni.

Lorsque l'organisateur des jeux de hasard ou d'argent « a une obligation juridique, de quelque nature que ce soit, de restituer une partie des mises des joueurs en tant que gains, la base d'imposition est calculée grâce à la marge brute réelle, laquelle est un montant TVA comprise » (circulaire AGFisc N° 32/2016 du 30 novembre 2016, n° 27). Il s'agit, en d'autres termes, du montant brut des sommes ou des mises engagées, diminué des gains effectivement reversés (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1875/001, p. 20).

La base d'imposition ne comprend pas la TVA elle-même (article 28, 6°, du Code de la TVA). La TVA étant comprise dans la marge brute réelle, il y a lieu de l'extraire de celle-ci pour déterminer la base d'imposition (circulaire précitée, n° 28).

La TVA due doit toutefois être calculée sans tenir compte de la taxe régionale sur les jeux et paris (circulaire précitée, n° 47).

B.12. Du fait des dispositions attaquées, la marge brute réelle de l'organisation de jeux de hasard et d'argent en ligne est soumise à la fois à la TVA (21 %) et à la taxe régionale sur les jeux et paris (taux de base de 11 ou 15 % selon la région).

B.13. En soumettant les jeux de hasard et d'argent en ligne à la TVA, le législateur n'a certes pas formellement modifié la matière imposable de la taxe régionale sur les jeux et paris, mais il a effectivement pris une mesure qui diminue la matière imposable en rendant plus chère et donc moins attrayante l'offre des jeux et paris concernés. C'est au législateur régional qui, en vertu de l'article 3, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale de financement, est compétent pour fixer le taux d'imposition et prévoir les exonérations à la taxe sur les jeux et paris, qu'il appartient en premier lieu de se prononcer sur le caractère souhaitable de l'effet de la mesure.

Le législateur fédéral n'aurait pu effectuer une telle modification de la matière imposable - qui réduit la possibilité pour les régions d'exercer leurs compétences - que moyennant la majorité spéciale prévue à l'article 4, dernier alinéa, de la Constitution. Cette condition de majorité spéciale fait partie intégrante du système de détermination des compétences. Sur la base de l'article 1er, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour peut connaître d'une violation des conditions de majorité spéciale exigées par la Constitution.

B.14. Les moyens sont fondés en ce qu'ils sont pris de la violation de l'article 177 de la Constitution, combiné avec l'article 3, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale de financement.

B.15. Partant, il y a lieu d'annuler les articles 29 à 34 de la loi-programme du 1er juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 01/07/2016 pub. 04/07/2016 numac 2016021055 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer.

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens, dès lors qu'ils ne pourraient mener à une annulation plus étendue.

B.16. Les articles annulés étaient applicables aux revenus perçus à partir du 1er juillet 2016.

Eu égard aux difficultés budgétaires et administratives qu'occasionnerait le remboursement des taxes déjà payées, il y a lieu de maintenir définitivement les effets des dispositions annulées, en application de l'article 8 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.

Par ces motifs, la Cour - annule les articles 29 à 34 de la loi-programme du 1er juillet 2016Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 01/07/2016 pub. 04/07/2016 numac 2016021055 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer; - maintient les effets des dispositions annulées.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 22 mars 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, E. De Groot

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