publié le 23 mars 2018
Extrait de l'arrêt n° 129/2017 du 9 novembre 2017 Numéros du rôle : 6510, 6511 et 6512 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 4, 6, 34, 43/4 et 43/8 de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établi La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 129/2017 du 9 novembre 2017 Numéros du rôle : 6510, 6511 et 6512 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 4, 6, 34, 43/4 et 43/8 de la
loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
07/05/1999
pub.
30/12/1999
numac
1999010222
source
ministere de la justice
Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs
fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, posées par le Conseil d'Etat.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêts nos 235.744, 235.746 et 235.745 du 13 septembre 2016 en cause de la SA « Rocoluc » contre la Commission des jeux de hasard, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 21 septembre 2016, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « La loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, notamment ses articles 4, 6, 34, 43/4 et 43/8, viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution interprétée en ce sens qu'elle permettrait à un ou plusieurs titulaires de cumuler plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes (A+, B+ et F1+) pour l'exploitation de jeux de hasard via un seul et même nom de domaine (et les URL associées), alors qu'un tel cumul n'est pas autorisé dans le chef des titulaires de licences A, B ou F1, lesquels ne peuvent pas exploiter des établissements de jeux de hasard de classes distinctes en un seul et même lieu physique ? ».
Ces affaires, inscrites sous les numéros 6510, 6511 et 6512 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur les articles 4, 6, 34, 43/4 et 43/8 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs. La Cour est invitée à examiner ces dispositions en ce qu'elles permettraient à un ou plusieurs titulaires de cumuler plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes pour l'exploitation de jeux de hasard via un seul et même nom de domaine (et les URL associées) alors qu'elles ne permettraient pas de cumuler plusieurs licences de classes distinctes pour l'exploitation de jeux de hasard dans le monde réel en un seul et même lieu physique.
B.1.2. L'article 4 de la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer interdit l'exploitation de jeux de hasard sans licence préalablement octroyée par la Commission des jeux de hasard. Cette disposition établit donc le principe selon lequel l'exploitation de jeux de hasard est a priori interdite, des exceptions pouvant toutefois être prévues par un système de licences (Doc. parl., Chambre, 2008-2009, DOC 52-1992/001, p. 4).
B.1.3. L'article 6 de la même loi répartit les établissements de jeux de hasard en quatre classes : - la classe I groupe les casinos, - la classe II groupe les salles de jeux automatiques, - la classe III groupe les débits de boissons, - la classe IV groupe les endroits destinés à l'engagement de paris.
Cette disposition prévoit la limitation du nombre d'établissements relevant des classes I, II et IV. L'article 34 de la même loi fixe le nombre maximal d'établissements de classe II ainsi que les conditions de leur exploitation.
L'article 43/4 de la même loi définit les établissements relevant de la classe IV et fixe les conditions de leur exploitation.
B.1.4. En vertu de l'article 25 de la même loi, une licence A est nécessaire pour l'exploitation d'un établissement de classe I, une licence B est nécessaire pour l'exploitation d'un établissement de classe II et une licence F1 est nécessaire pour l'exploitation de l'organisation de paris.
B.1.5. L'article 43/8 de la même loi dispose : « § 1er. La commission peut octroyer à un titulaire d'une licence de classe A, B ou F1, au maximum une licence supplémentaire, respectivement A+, B+ et F1+, pour l'exploitation de jeux de hasard via des instruments de la société de l'information. La licence supplémentaire ne peut porter que sur l'exploitation des jeux de même nature que ceux offerts dans le monde réel. [...] ».
B.2.1. La juridiction a quo interprète la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer comme ne permettant pas de cumuler plusieurs licences de classes distinctes pour l'exploitation de jeux de hasard et de paris dans le monde réel.
B.2.2. Il résulte de l'article 43/8 précité que les licences supplémentaires A+, B+ et F1+, nécessaires pour exploiter des jeux de hasard en ligne sur internet, ne peuvent être octroyées qu'à des personnes qui sont déjà titulaires d'une licence de classe A, B ou F1, que ces personnes ne peuvent obtenir qu'une seule licence supplémentaire et que celle-ci ne peut porter que sur l'exploitation de jeux de même nature que ceux qu'elles offrent déjà dans le monde réel.
B.2.3. Il faut en déduire que, s'il n'est pas autorisé de cumuler plusieurs licences de classes distinctes pour l'exploitation de jeux de hasard dans le monde réel, il n'est pas non plus possible de cumuler, dans le chef du même titulaire, plusieurs licences de classes distinctes pour l'exploitation de jeux de hasard en ligne.
B.2.4. Dans la mesure où elle interroge la Cour au sujet des dispositions précitées en ce qu'elles permettraient « à un titulaire » de cumuler plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes A+, B+ ou F1+, la question préjudicielle n'appelle pas de réponse.
B.3. Il ressort toutefois des mémoires des parties intervenantes que plusieurs titulaires différents de licences A+, B+ et F1+ ont conclu des accords pour proposer, sur le même site internet (un seul nom de domaine et une même URL associée), des jeux et paris relevant de différentes classes. La question préjudicielle doit donc être comprise comme visant la situation de plusieurs titulaires distincts cumulant, ensemble, plusieurs licences supplémentaires de classes différentes et exploitant le même nom de domaine et la même URL associée pour proposer des jeux et paris relevant de classes différentes en ligne sur un site internet commun.
B.4.1. La Cour est invitée à examiner la compatibilité des dispositions précitées avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que le cumul de l'exploitation de plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes A+, B+ ou F1+ sur le même nom de domaine, donc sur le même site internet, serait autorisé alors que le cumul de l'exploitation de plusieurs licences de classes distinctes A, B ou F1 dans le même lieu physique est interdit.
B.4.2. La Cour répond à la question préjudicielle dans l'interprétation des dispositions en cause retenue par le juge a quo selon laquelle les interdictions régissant l'exploitation des jeux de hasard et de paris dans le monde réel ne sont pas applicables à leur exploitation par les instruments de la société de l'information.
B.5. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la circonstance que les titulaires de licences de classes A+, B+ ou F1+ sont nécessairement également titulaires d'une licence de classe A, B ou F1 n'empêche pas la Cour de comparer la situation des exploitants de jeux et paris lorsqu'ils ne sont actifs que dans le monde réel et celle des exploitants de jeux et paris lorsqu'ils développent leurs activités dans le monde réel et via les instruments de la société de l'information.
B.6.1. Les objectifs poursuivis par le législateur lorsqu'il a entrepris de réglementer les jeux et paris sont ainsi commentés dans l'exposé des motifs du projet de loi du 10 janvier 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/01/2010 pub. 01/02/2010 numac 2010009070 source service public federal justice Loi portant modification de la législation relative aux jeux de hasard fermer « portant modification de la législation relative aux jeux de hasard » : « La régulation des jeux de hasard est basée sur l'' idée de canalisation '. Pour satisfaire le besoin manifeste du jeu chez les personnes, l'offre illégale est combattue par l'autorisation d'une offre de jeux légale ' limitée '.
La régulation des jeux de hasard illégaux contribue à réfréner la participation aux jeux de hasard et est un moyen adapté et proportionné pour atteindre les objectifs qui constituent la base de la politique en matière de jeux de hasard. En limitant l'offre légale, on répond à l'un des piliers de cette politique, à savoir la protection du joueur contre l'addiction au jeu. [...] Comme la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer, le projet de loi part du principe que l'exploitation de jeux de hasard est a priori interdite. Des exceptions peuvent toutefois être prévues par un système de licences.
L'interdiction d'exploitation de principe est maintenue comme point de départ, avec la conséquence que l'octroi de licences n'est permis que dans une mesure réduite compte tenu des limites prévues par la loi. » (Doc. parl., Chambre, 2008-2009, DOC 52-1992/001, p. 4).
B.6.2. Au sujet de la régulation des jeux de hasard et paris exploités via les instruments de la société de l'information, il est précisé : « Une telle politique de contrôle efficace n'est possible que si l'on réserve les jeux en ligne à ceux qui exploitent les jeux de hasard dans le monde réel également, ce qui évite la création d'une offre supplémentaire de jeux en ligne.
Seules les entités qui disposent d'une licence A, B ou F1 dans le monde réel peuvent offrir ce type d'activité dans le monde virtuel.
Les jeux qu'ils offrent via Internet doivent être de même nature que ceux qui sont offerts dans le monde réel. Ainsi, un exploitant de casino qui dispose d'une licence supplémentaire ne pourra offrir que des jeux de casino via Internet et non des paris, par exemple.
Seuls les détenteurs d'une licence F1 qui organisent des paris peuvent disposer au maximum d'une licence complémentaire. Cette licence complémentaire ne peut porter que sur l'organisation de paris en ligne de même nature que ceux qu'ils offrent dans le monde réel.
La politique proposée vise à lutter contre l'expansion des jeux de hasard en ligne » (ibid., p. 10).
B.7. La différence de traitement en cause repose sur le caractère réel ou virtuel de l'offre de jeux de hasard et de paris. Alors que dans le monde réel, des jeux et des paris de nature différente ne peuvent être offerts dans le même lieu physique, ce qui oblige les joueurs qui veulent jouer à des jeux différents et placer des paris à se déplacer en plusieurs endroits, ces mêmes jeux et paris peuvent être offerts sur le même site internet (même nom de domaine et même URL), ce qui permet au joueur de jouer à des jeux relevant de classes différentes et de placer des paris sans devoir se connecter à des sites différents.
B.8.1. Un tel critère est objectif. La Cour doit encore examiner s'il est pertinent par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur.
B.8.2. La régulation de jeux de hasard et la limitation de l'offre visent à protéger les joueurs, notamment contre les risques d'assuétude inhérents à ce type d'activité. L'interdiction d'offrir divers types de jeux et paris dans le même endroit physique contribue à la protection des joueurs, dès lors qu'elle les oblige à se déplacer pour accéder à d'autres jeux ou paris. Elle a également pour effet d'éviter que les joueurs ne soient tentés de jouer à d'autres jeux que ceux auxquels ils avaient l'intention de jouer ou de placer des paris alors qu'ils n'en avaient pas l'intention, puisqu'ils ne sont pas directement confrontés avec une offre qu'ils n'avaient pas recherchée.
B.8.3. Ces objectifs sont également ceux qui étaient poursuivis par le législateur lorsqu'il a entrepris de réguler les jeux et paris en ligne. Il n'est dès lors pas pertinent d'autoriser le cumul de l'offre de plusieurs types de jeux et de paris sur un même site internet, utilisant un nom de domaine unique et une URL unique associée, alors qu'un tel cumul est interdit dans le monde réel. Il est vrai, ainsi que le relèvent les parties intervenantes, qu'il est très aisé de se déplacer dans le monde virtuel d'un site à l'autre et qu'il est facile d'ouvrir simultanément plusieurs pages internet sur un même ordinateur, de sorte que l'interdiction de cumul dans le monde virtuel n'a pas la même portée ou le même effet que l'interdiction de cumul dans le monde réel. Il n'en demeure pas moins que l'obligation de devoir ouvrir plusieurs sites et de devoir à chaque fois s'identifier à nouveau peut constituer un frein pour le joueur. Par ailleurs, l'interdiction de proposer des jeux et paris relevant de classes différentes sur le même site internet permet de diminuer le risque que le joueur soit confronté à une offre qu'il n'a pas recherchée.
B.9. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative. En ce qu'elle n'interdit pas le cumul de plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes (A+, B+ et F1+) pour l'exploitation de jeux de hasard et de paris via un seul et même nom de domaine et les URL associées, la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.10.1. Une des parties intervenantes demande à la Cour, à titre tout à fait subsidiaire, de maintenir les effets des dispositions dont elle constaterait l'inconstitutionnalité.
B.10.2. Le maintien des effets doit être considéré comme une exception à la nature déclaratoire de l'arrêt rendu au contentieux préjudiciel.
Avant de décider de maintenir les effets des dispositions en cause, la Cour doit constater que l'avantage découlant du constat d'inconstitutionnalité non modulé est disproportionné par rapport à la perturbation que celui-ci impliquerait pour l'ordre juridique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : En ce qu'elle n'interdit pas le cumul de plusieurs licences supplémentaires de classes distinctes (A+, B+ et F1+) pour l'exploitation de jeux de hasard et de paris via un seul et même nom de domaine et les URL associées, la loi du 7 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/05/1999 pub. 30/12/1999 numac 1999010222 source ministere de la justice Loi sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs fermer sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 novembre 2017.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels