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Arrêt
publié le 15 décembre 2017

Extrait de l'arrêt n° 105/2017 du 28 septembre 2017 Numéro du rôle : 6363 En cause : la question préjudicielle relative à l'article XI.29, § 1 er , b), du Code de droit économique, posée par le Tribunal de commerce de Gand, divi La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 105/2017 du 28 septembre 2017 Numéro du rôle : 6363 En cause : la question préjudicielle relative à l'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique, posée par le Tribunal de commerce de Gand, division Gand.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 4 février 2016 en cause de la SA « Europlasma » contre la société de droit du Royaume-Uni « P2i Ltd », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 22 février 2016, le Tribunal de commerce de Gand, division Gand, a posé la question préjudicielle suivante : « L'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique du 28 février 2014 [lire : 2013] viole-t-il le principe d'égalité et de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la Constitution belge et le droit de propriété inscrit à l'article 16 de la Constitution belge et à l'article 1er du Premier Protocole du 20 mars 1952 à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinés ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution belge, en ce que l'interprétation de l'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique exige, pour son application, qu'outre l'existence d'une offre en Belgique pour l'utilisation du procédé, cette offre soit faite en vue d'une utilisation ultérieure du procédé sur le territoire belge ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la recevabilité du mémoire du Conseil des ministres B.1.1. La société de droit du Royaume-Uni « P2i Ltd », partie dans l'instance au fond, demande dans son mémoire en réponse que la Cour constate la nullité du mémoire du Conseil des ministres parce que celui-ci contient des passages en anglais, en français et en allemand.

B.1.2. Le fait que le mémoire du Conseil des ministres, qui a été rédigé en néerlandais, conformément à l'article 62, alinéa 2, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, contienne en plusieurs endroits des citations dans d'autres langues de sources juridiques de droit international sur la réglementation en matière de brevets, dont une traduction (libre) est à chaque fois ajoutée en note de bas de page, ne constitue pas un motif suffisant pour écarter le mémoire des débats.

Quant à la recevabilité du mémoire de la société de droit du Royaume-Uni « P2i Ltd » B.2.1. La SA « Europlasma », également partie dans l'instance au fond, déclare, dans un courrier de son avocat daté du 20 juillet 2016, qu'elle n'a pas déposé de mémoire en réponse parce qu'elle n'a pas jugé nécessaire de répondre à l'argumentation peu étayée, selon elle, du mémoire de treize pages introduit par la société de droit du Royaume-Uni « P2i Ltd ». Elle dénonce le fait que cette société a utilisé son mémoire en réponse pour « développer sa thèse en quadruplant pratiquement la longueur de l'argumentation » et demande que ce mémoire en réponse soit écarté des débats ou qu'il lui soit permis d'encore y répondre.

B.2.2. Les articles 81 et suivants de la loi spéciale du 6 janvier 1989 ne formulent aucune exigence concernant le contenu du mémoire.

Une partie est libre de développer l'argumentation de son mémoire dans un mémoire en réponse. Conformément à l'article 90 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, toutes les parties peuvent demander qu'une audience soit tenue, afin de pouvoir encore répliquer verbalement.

Quant à la disposition en cause et à son contexte B.3. L'article XI.29 du Code de droit économique fait partie du livre XI ( Propriété intellectuelle »), titre 1er (« Brevets d'invention »), chapitre 2 (« Du brevet d'invention »), section 4 (« Des droits et obligations attachés au brevet d'invention et à la demande de brevet d'invention »), du Code de droit économique.

L'article XI.3, alinéa 1er, de ce Code, dispose : « Sous les conditions et dans les limites fixées par le présent titre, il est accordé sous le nom de ' brevet d'invention ', appelé ci-après ' brevet ', un droit exclusif et temporaire d'interdire aux tiers l'exploitation de toute invention, dans tous les domaines technologiques, qui est nouvelle, implique une activité inventive et est susceptible d'application industrielle ».

B.4. L'article XI.29 du Code de droit économique dispose : « § 1er. Le brevet confère le droit d'interdire à tout tiers, en l'absence du consentement du titulaire du brevet : a) la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet;b) l'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du titulaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire belge;c) l'offre, la mise dans le commerce ou l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet. § 2. Le brevet confère également le droit d'interdire à tout tiers, en l'absence du consentement du titulaire du brevet, la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire belge, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l'invention brevetée, des moyens de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque les moyens de mise en oeuvre sont des produits qui se trouvent couramment dans le commerce, sauf si le tiers incite la personne à qui il livre à commettre des actes interdits par le paragraphe 1er.

Ne sont pas considérées comme personnes habilitées à exploiter l'invention au sens de l'alinéa 1er du présent paragraphe celles qui accomplissent les actes visés à l'article XI.34, § 1er, sous a) à c) ».

B.5.1. L'article XI.29, § 1er, a), de ce Code se rapporte à un « produit objet du brevet » qui donne au titulaire du brevet d'un « produit » le droit d'interdire à tout tiers, en l'absence du consentement du titulaire du brevet, la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées de ce produit.

L'article XI.29, § 1er, b), en cause, de ce Code a trait quant à lui à un brevet portant sur un procédé, qui donne à son titulaire le droit d'interdire à tout tiers qui n'a pas reçu son consentement en ce sens, soit l'utilisation de ce procédé, soit, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du titulaire du brevet, « l'offre de son utilisation sur le territoire belge ».

B.5.2. L'article XI.29, § 1er, c), de ce Code a trait à l'hypothèse d'un procédé breveté menant directement à un produit non breveté : dans ce cas également, le titulaire du procédé breveté peut interdire l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation ou la détention du produit.

Par ailleurs, l'article XI.28, alinéa 3, de ce Code, dispose : « Si l'objet du brevet porte sur un procédé, les droits conférés par ce brevet s'étendent aux produits obtenus directement par ce procédé ».

En outre, l'article XI.60, § 1er, alinéa 2, première phrase, de ce Code, dispose : « Si l'objet du brevet est un procédé permettant d'obtenir un produit nouveau, tout produit identique fabriqué par une personne autre que le titulaire du brevet est, jusqu'à preuve contraire, considéré comme obtenu par ce procédé ».

B.5.3. L'article XI.29, § 2, du Code de droit économique confère au titulaire d'un brevet le droit d'interdire également la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire belge, des « moyens de mise en oeuvre de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci ». Une telle interdiction n'est cependant possible que s'il peut être admis que le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre.

Ce dernier élément, qui se rapporte à la connaissance que le tiers impliqué a ou doit avoir, est également un élément constitutif de la contrefaçon visée à l'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique.

Conformément à l'article XI.29, § 2, du Code de droit économique, le titulaire du brevet peut seulement interdire la livraison ou l'offre de livraison « sur le territoire belge » des moyens « de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention » se rapportant à un élément essentiel de celle-ci.

D'autre part, l'article XI.60, § 1er, alinéa premier, du Code de droit économique, dispose : « Constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur, toute atteinte portée aux droits du titulaire visés à l'article XI.29 ».

B.5.4. S'agissant des droits que le titulaire d'un brevet tire d'un brevet, une distinction est établie entre les contrefaçons de brevets qualifiées de directes et celles qualifiées d'indirectes.

Dans le cas d'une contrefaçon directe, un tiers auquel la contrefaçon est imputée exploite personnellement, soit le produit, en le contrefaisant par exemple lui-même ou en offrant de le livrer, soit le procédé, en l'utilisant lui-même. Le titulaire d'un brevet portant sur un produit peut imposer à un tiers une interdiction d'exploiter lui-même le produit (la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées). Le titulaire d'un brevet portant sur un procédé peut imposer au tiers une interdiction d'exploiter le procédé en l'utilisant lui-même.

Dans le cas d'une contrefaçon indirecte, le tiers auquel la contrefaçon est imputée n'utilise pas personnellement l'objet du brevet mais permet à d'autres de l'utiliser en leur livrant ou en offrant de leur livrer l'invention.

Toutefois, une interdiction de contrefaçon indirecte n'est possible que lorsque sont réunies les conditions supplémentaires que la livraison ou l'offre de livraison s'effectue en vue de son utilisation sur le territoire belge et que le tiers sache ou que les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre.

Ces conditions supplémentaires s'appliquent également à une interdiction en application de l'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique, du moins dans l'interprétation que lui donne le juge a quo, bien que cette disposition soit intégrée dans les possibilités de faire interdire une contrefaçon directe d'un brevet.

B.6.1. L'article XI.29 du Code de droit économique est calqué presque intégralement sur l'article 27 de la loi du 28 mars 1984 sur les brevets d'invention, qui disposait avant son abrogation par l'article 32, § 2, alinéa 1er, premier tiret, de la loi du 19 avril 2014 portant insertion du Livre XI « Propriété intellectuelle » dans le Code de droit économique, et portant insertion des dispositions propres au Livre XI dans les Livres I, XV et XVII du même Code : « § 1er. Le brevet confère le droit d'interdire à tout tiers, en l'absence du consentement du titulaire du brevet : a) la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet;b) l'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du titulaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire belge;c) l'offre, la mise dans le commerce ou l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet. § 2. Le brevet confère également le droit d'interdire à tout tiers, en l'absence du consentement du titulaire du brevet, la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire belge, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l'invention brevetée, des moyens de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque les moyens de mise en oeuvre sont des produits qui se trouvent couramment dans le commerce, sauf si le tiers incite la personne à qui il livre à commettre des actes interdits par le § 1er.

Ne sont pas considérées comme personnes habilitées à exploiter l'invention au sens de l'alinéa 1er du présent paragraphe celles qui accomplissent les actes visés à l'article 28, sous a) à c) ».

B.6.2. L'exposé des motifs de cette loi indique à ce sujet : « Le droit de la propriété industrielle et, en particulier, celui relatif aux brevets d'invention, a connu ces dernières années une évolution très importante sur le plan international. Le nombre sans cesse croissant des inventions techniques, résultat d'une industrialisation toujours plus poussée, la nécessité d'assurer aux inventeurs une meilleure protection et de simplifier les formalités d'octroi des brevets, l'extension considérable des échanges internationaux de produits et de moyens incorporant des acquis techniques ont conduit les Etats à rechercher une harmonisation, voire dans certains cas une unification, des dispositions régissant la matière des brevets d'invention. [...] Le degré d'uniformisation qu'a permis d'atteindre la Convention de Munich de 1973 demeure cependant insuffisant pour satisfaire aux besoins du marché commun. Aussi, les Etats membres des Communautés européennes ont-ils conclu à Luxembourg, en 1975, la Convention relative au brevet européen pour le marché commun. Cette convention prévoit que l'inventeur ne peut, en principe, bénéficier de la protection conférée par un brevet européen que pour l'ensemble des territoires des Etats membres de la Communauté. Les neuf brevets issus de la procédure européenne de délivrance sont donc rassemblés en un brevet unitaire : le brevet communautaire, lequel produit les mêmes effets dans tous les Etats membres.

Les différentes conventions précitées, à l'élaboration desquelles la Belgique a pris une part active, ne suppriment toutefois pas les lois nationales en matière de brevets. D'autre part, ces lois ne tomberont pas en désuétude par l'effet de l'entrée en vigueur des conventions européennes. On peut penser que, ne serait-ce que pour des considérations financières, un nombre non négligeable d'inventeurs entendra se limiter dans bien des cas à une protection nationale. Le maintien des lois nationales est donc indispensable. Il va de soi cependant que ces dernières doivent être harmonisées avec les dispositions en vigueur sur le plan international afin d'éviter que ne soient applicables sur un même territoire des systèmes par trop différents de protection des inventions. Cette indispensable concordance des systèmes a conduit les pays européens à entreprendre la révision de leur loi sur les brevets.

Le projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à vos délibérations va toutefois au-delà de la simple harmonisation de notre législation nationale avec les dispositions contenues dans les récentes conventions internationales. La loi actuelle sur les brevets date en effet du 24 mai 1854 et elle n'a pas été substantiellement modifiée depuis lors. Il importe dès lors de mettre à jour notre législation non seulement en y introduisant les éléments du droit européen des brevets, mais encore en l'adaptant aux exigences nouvelles, généralement admises dans les pays industrialisés, concernant la valorisation des innovations techniques. Dans cette tâche de modernisation de notre législation, le Gouvernement s'est entouré des avis des milieux intéressés et tout particulièrement de ceux émis par la Commission des brevets d'invention du Conseil supérieur de la propriété industrielle.

Les principales caractéristiques de la nouvelle loi proposée - qui seront exposées plus en détail dans la partie consacrée à l'analyse des articles du projet - sont les suivantes : - adoption des critères européens concernant la brevetabilité des inventions; [...] - protection accordée à la demande de brevet inspirée du droit européen; - adoption des principes du droit européen relatifs à l'étendue de la protection conférée par le brevet ainsi qu'aux droits découlant de la possession de ce titre et à leurs limites; [...] Le paragraphe 1er de l'article 27 reproduit l'article 29 de la Convention de Luxembourg, lequel porte interdiction de l'exploitation directe de l'invention brevetée.

Il définit le droit conféré par le brevet comme étant le droit du titulaire du brevet d'interdire à tout tiers, dans les conditions énumérées par ce paragraphe, d'exploiter l'invention sans son consentement. Il convient ici de mettre en garde contre un malentendu que la formulation ' Le brevet confère le droit d'interdire à tout tiers... ', commune au commencement des deux paragraphes de l'article, pourrait provoquer quant à son interprétation. Cette formulation pourrait en effet laisser croire que le droit d'interdire l'exploitation directe ou indirecte de l'invention objet du brevet ne correspondrait pas à un droit absolu lié à la simple existence du titre de protection, mais à un droit dont la naissance serait subordonnée, dans chaque cas concret, à une manifestation de volonté du titulaire du brevet. Tel n'est pas le cas et il doit bien être entendu qu'est absolue la nature du droit d'exclusivité attaché au brevet de telle sorte que toute exploitation de l'invention, au sens des deux paragraphes, en l'absence du consentement du titulaire du brevet, constitue une contrefaçon susceptible d'être constatée. Le breveté peut bien entendu exploiter librement l'invention, à moins que cette exploitation ne soit interdite par des dispositions légales ou réglementaires.

L'énumération des actes interdits est limitative. Ne sont donc pas défendus des actes tels que des préparatifs d'une exploitation.

La disposition sous a), qui concerne la protection du produit objet du brevet, prévoit la possibilité d'interdire quatre types d'exploitation : la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce et l'utilisation.

L'offre ne désigne pas seulement l'offre en vue de la vente, mais également l'offre en général, par exemple l'offre en vue de la location, de la concession de licences, de prêt ou de don. Les conditions dans lesquelles s'effectue cette offre importent peu, que ce soit par écrit, oralement, par téléphone, par voie d'exposition, de présentation ou de toute autre manière.

La mise dans le commerce désigne toute activité par laquelle l'objet de l'invention est, de fait, mis à la disposition d'un tiers, sans le consentement du titulaire du brevet, par exemple à la suite d'une fourniture consécutive à une vente, d'une location ou d'un prêt. Le consentement donné expressément par le breveté ne suffit pas pour justifier la mise dans le commerce par un tiers.

L'importation ou la détention d'un produit couvert par un brevet sont interdites lorsque ces activités peuvent permettre de poursuivre des actes d'exploitation interdits.

La disposition sous b) a trait à la protection d'un procédé : l'utilisation d'un procédé objet d'un brevet peut être interdite; l'offre de son utilisation peut l'être également, mais sous deux conditions, à savoir que le tiers connaisse l'interdiction d'exploitation, ou que les circonstances rendent cette interdiction évidente, et que l'offre d'utilisation du procédé ait lieu sur le territoire belge.

La disposition sous c) précise que les produits obtenus directement par un procédé protégé par un brevet bénéficient de la même protection que les produits visés sous a) qui sont directement l'objet du brevet.

Le paragraphe 2 reproduit l'article 30 de la Convention de Luxembourg relatif à l'interdiction de l'exploitation indirecte de l'invention brevetée.

La contrefaçon indirecte n'est pas considérée comme une forme dérivée de contrefaçon, mais comme une forme de contrefaçon existant en tant que telle et ne supposant pas qu'il y ait contrefaçon directe de l'invention brevetée par une tierce personne.

La disposition du paragraphe 2 interdit aux personnes non habilitées d'offrir ou de fournir les moyens d'exploiter l'invention brevetée. La livraison ou l'offre de livraison de tels moyens doivent avoir lieu sur le territoire belge; elles doivent en outre concerner l'exploitation de l'invention sur ce territoire » (Doc. parl., Chambre, 1980-1981, n° 919/1, pp. 1-14).

Au Sénat, le ministre compétent a notamment déclaré : « La protection offerte par le brevet est toujours limitée au territoire national; l'objet du brevet ne peut donc être exploité sous le couvert de cette protection qu'en Belgique. Pour empêcher l'exploitation de l'invention à l'étranger il faut y obtenir la délivrance de brevets correspondants » (Doc. parl., Sénat, 1983-1984, n° 585/2, p.2).

B.7.1. Il résulte du texte et des travaux préparatoires de la loi du 28 mars 1984 sur les brevets d'invention que les paragraphes 1er et 2 de l'article 27 de cette loi reproduisent respectivement les articles 29 et 30 de la Convention relative au brevet européen pour le marché commun, faite à Luxembourg le 15 décembre 1975 (ci-après : Convention de Luxembourg).

Les articles 29 et 30 de la Convention de Luxembourg disposent : « CHAPITRE II EFFETS DU BREVET COMMUNAUTAIRE ET DE LA DEMANDE DE BREVET EUROPEEN Article 29 Interdiction de l'exploitation directe de l'invention Le brevet communautaire confère le droit d'interdire à tout tiers, en l'absence du consentement du titulaire du brevet : a) la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet;b) l'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du titulaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire des Etats contractants;c) l'offre, la mise dans le commerce ou l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet. Article 30 Interdiction de l'exploitation indirecte de l'invention 1. Le brevet communautaire confère également le droit d'interdire à tout tiers, en l'absence du consentement du titulaire du brevet, la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire des Etats contractants, à une personne autre que celle habilitée à exploiter l'invention brevetée, des moyens de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre.2. Les dispositions du paragraphe 1 ne sont pas applicables lorsque les moyens de mise en oeuvre sont des produits qui se trouvent couramment dans le commerce, sauf si le tiers incite la personne à qui il livre à commettre des actes interdits par l'article 29.3. Ne sont pas considérées comme personnes habilitées à exploiter l'invention au sens du paragraphe 1 celles qui accomplissent les actes visés à l'article 31 sous a) à c) ». La disposition en cause est donc la reprise de l'article 29, b), de la Convention de Luxembourg, étant entendu que le champ d'application géographique (« l'offre de son utilisation sur le territoire des Etats contractants ») a été adapté en conséquence (« l'offre de son utilisation sur le territoire belge »).

La même conclusion peut être tirée, par analogie, pour l'article XI.29, § 2, alinéa 1er, du Code de droit économique (interdire [...] la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire belge [...] des moyens de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention »), si on le compare à l'article 30, paragraphe 1, de la Convention de Luxembourg (« interdire [...] la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire des Etats contractants, [...] des moyens de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention »).

B.7.2. Le législateur a porté assentiment à la Convention de Luxembourg par la loi du 8 juillet 1977 « portant approbation des actes internationaux suivants : 1. Convention sur l'unification de certains éléments du droit des brevets d'invention, faite à Strasbourg le 27 novembre 1963; 2. Traité de coopération en matière de brevets, et Règlement d'exécution, faits à Washington le 19 juin 1970; 3.

Convention sur la délivrance de brevets européens (Convention sur le brevet européen), Règlement d'exécution et quatre Protocoles, faits à Munich le 5 octobre 1973; 4. Convention relative au brevet européen pour le Marché commun (Convention sur le brevet communautaire), et Règlement d'exécution, faits à Luxembourg le 15 décembre 1975 ».

Dans les travaux préparatoires l'article 29 de la Convention de Luxembourg a été commenté comme suit : « Les dispositions de cet article, ainsi que des articles suivants doivent permettre au brevet communautaire de couvrir tous les effets d'un brevet national dans les Etats signataires, de manière que le brevet communautaire confère en principe dans chaque Etat signataire une protection qui ne soit pas en retrait par rapport à celle conférée par un brevet national. [...] La disposition sous b) a trait à la protection d'un procédé. Il est évident que l'utilisation d'un procédé objet d'un brevet peut être interdite. Cependant, l'offre d'un tel procédé peut elle-même déjà entrer dans le cadre de l'interdiction; cela n'est cependant possible qu'à deux conditions, à savoir, que le tiers connaisse l'interdiction d'exploitation, ou que les circonstances rendent cette interdiction évidente et que l'offre d'utilisation du procédé ait lieu sur le territoire des Etats contractants, ce qui signifie que le procédé ne peut être exploité hors du territoire des Etats des Communautés européennes. Cette disposition trouve son pendant à l'article 30 relatif à l'exploitation directe de l'invention et elle est destinée à éviter que les ressortissants des Etats contractants ne soient défavorisés par rapport aux ressortissants d'Etats tiers en cas d'exploitation d'un procédé dans un pays étranger où la protection du brevet n'existe pas » (Doc. parl., Sénat, 1976-1977, n° 1012/1, exposé des motifs communs concernant la Convention de Luxembourg de 1975, pp. 132-133).

B.7.3. La Convention de Luxembourg n'est pas entrée en vigueur parce qu'elle n'a pas été ratifiée par tous les Etats membres concernés de la Communauté européenne de l'époque. L'Accord en matière de brevets communautaires, fait à Luxembourg le 15 décembre 1989, en conséquence duquel les articles 29 et 30 de la Convention de Luxembourg ont été repris en tant qu'articles 25 et 26 de la version plus récente de cette Convention, n'est pas non plus entré en vigueur, faute de ratifications suffisantes.

Le 4° de l'article 1er de la loi du 8 juillet 1977 a été abrogé par l'article 25 de la loi du 19 avril 2014 portant insertion du Livre XI « Propriété intellectuelle » dans le Code de droit économique, et portant insertion des dispositions propres au Livre XI dans les Livres I, XV et XVII du même Code.

B.8.1. Les « Actes de la conférence de Luxembourg sur le brevet communautaire 1975 » sont nécessaires à une bonne compréhension de la genèse de la disposition en cause.

B.8.2. Dans le projet de « Convention relative au brevet européen pour le marché commun », les articles 29 et 30 sont rédigés comme suit : « Article 29 Interdiction de l'exploitation directe de l'invention Le brevet communautaire comporte l'interdiction à tout tiers, en l'absence du consentement du titulaire du brevet : a) de fabriquer, d'offrir en vente, de mettre dans le commerce, d'utiliser, ou bien d'importer ou de détenir aux fins précitées le produit objet du brevet;b) d'offrir en vente ou de mettre dans le commerce le procédé objet du brevet ou son utilisation, ou bien d'utiliser ce procédé;c) d'offrir en vente, de mettre dans le commerce ou d'utiliser, ou bien d'importer ou de détenir aux fins précitées, le produit obtenu directement par le procédé objet du brevet, pour autant qu'il ne s'agisse pas de variétés végétales ou de races animales exclues de la protection en vertu de l'article 53 de la Convention sur le brevet européen. Article 30 Interdiction de l'exploitation indirecte de l'invention 1. Le brevet communautaire comporte l'interdiction à tout tiers, en l'absence du consentement du titulaire du brevet, d'offrir de livrer ou de livrer, sur le territoire des Etats contractants, à une personne autre que celle habilitée à exploiter l'invention, des moyens de mise en oeuvre de l'invention précitée se rapportant à un élément essentiel de l'invention, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre.2. Les dispositions du paragraphe 1 ne sont pas applicables lorsque les moyens de mise en oeuvre sont des produits qui se trouvent couramment dans le commerce, sauf si le tiers incite la personne à qui il livre à commettre des actes interdits par l'article 29.3. Ne sont pas considérées comme personnes habilitées à exploiter l'invention au sens du paragraphe 1 celles qui accomplissent les actes visés à l'article 31, lettres a) à c) » (Actes de la conférence de Luxembourg sur le brevet communautaire 1975, p.68).

B.8.3. Dans le rapport des travaux de la commission plénière, il est dit à propos des articles 29 et 30 du projet : « Article 29 Interdiction de l'exploitation directe de l'invention 40. La commission plénière a estimé que l'expression utilisée aux lettres a), b) et c) de la version française ' offrir en vente ' était trop restrictive et qu'il y avait lieu de la modifier de manière à couvrir des offres faites à d'autres fins telles que la location.41. La commission plénière a examiné la proposition des délégations du Royaume-Uni et des Pays-Bas (voir documents préparatoires n° 11, point 2, et n° 19, point 5) qui suggéraient qu'à la lettre b) l'interdiction ne porte que sur l'utilisation d'un procédé breveté.La délégation danoise a appuyé cette proposition, mais les délégations allemande, belge et française s'y sont opposées, estimant que de même qu'il est interdit d'offrir un produit breveté sans le consentement du titulaire du brevet, il devrait être interdit, faut de ce consentement, d'offrir un procédé breveté.

La plupart des délégations ayant le statut d'observateur entendues (FICPI, IFIA, CCI, Union) se sont également prononcées en faveur de l'interdiction de l'offre d'un procédé; la CPCCI s'est prononcée contre une telle disposition. L'EIRMA a déclaré être partagée du point de vue juridique : interdire l'offre lui paraissait justifié, mais, d'un autre côté, une telle disposition pourrait poser des problèmes lors de la négociation de contrats de savoir-faire. Le CIFE et l'UNICE ont alors proposé d'interdire les offres émanant de tiers de mauvaise foi (voir doc. LUX/15). Plusieurs autres délégations ayant le statut d'observateur se sont montrées disposées à appuyer cette proposition.

Les délégations française et néerlandaise ainsi que la délégation du Royaume-Uni ont été en mesure d'approuver cette proposition conjointe, l'approbation des deux dernières délégations étant toutefois subordonnée à la condition que l'offre soit destinée à permettre l'utilisation de l'invention brevetée sur le territoire des Etats contractants. A cette réserve près, la commission plénière a adopté la proposition par huit voix pour et une abstention. 42. La commission plénière a adopté la proposition faite par les délégations du Royaume-Uni et de la France (voir documents préparatoires n° 11, point 3, et n° 17, point 8) et appuyée par plusieurs délégations ayant le statut d'observateur qui suggérait la suppression de la dernière phrase de la lettre c) pour tenir compte de l'article 64, paragraphe 2, de la Convention sur le brevet européen. Article 30 Interdiction de l'exploitation indirecte de l'invention 43. Sur une suggestion de l'AIPPI, la commission plénière a décidé de préciser le texte du paragraphe 1 de manière à inclure l'interdiction d'offrir ou de livrer les moyens indiqués d'utiliser l'invention sur le territoire des Etats contractants.44. La commission plénière a transmis au comité général de rédaction pour examen une demande de la FICPI (voir document préparatoire n° 33).45. La demande de l'Union tendant à ce que l'on supprime le paragraphe 2 n'a pas trouvé l'appui des délégations membres, pas plus que sa demande que ce paragraphe soit complété (voir document préparatoire n° 45, point 3).46. A la demande de la délégation de la République fédérale d'Allemagne, la commission plénière a pris bonne note de ce que les termes ' produits qui se trouvent couramment dans le commerce ' devaient être interprétés de manière à n'englober en aucun cas des produits spécialement prévus pour l'exploitation de l'invention brevetée » (Actes de la conférence de Luxembourg sur le brevet communautaire 1975, pp.243-244).

B.8.4. Les documents préparatoires auxquels il est fait référence au numéro 41 précité (documents n° 11, point 2, et n° 19, point 5) indiquent ce qui suit : « Document préparatoire n° 11 Royaume-Uni Février 1974 [...] Article 29 2. L'interdiction, telle qu'elle se trouve définie à la lettre b), paraît trop étendue, car elle couvre le cas où le titulaire du brevet, au cours de négociations portant sur une licence ou sur une cession, se limite à offrir l'un des brevets de procédés qu'il détient et dont l'exploitation porterait nécessairement atteinte aux droits attachés à un autre brevet.Par conséquent, nous croyons qu'il conviendrait, à la lettre b), de restreindre la portée de l'interdiction en employant les termes ' à utiliser le procédé objet de l'invention ' ». (Actes de la conférence de Luxembourg sur le brevet communautaire 1975, pp. 35-36). « Document préparatoire n° 19 Pays-Bas Mars 1974 [...] Article 29 [...] En ce qui concerne les stipulations figurant à la lettre b), il conviendrait d'examiner à nouveau ce qu'on entend par ' offrir en vente ou mettre dans le commerce un procédé ou son utilisation '.

L'expression ' offrir en vente un procédé ou son utilisation ' semble se rapporter à une offre de communication des connaissances nécessaires pour utiliser le procédé; l'expression ' mettre dans le commerce un procédé ou l'utilisation du procédé ' devrait signifier la communication de ces connaissances à un tiers.

Il convient de remarquer que tout brevet communautaire doit exposer l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme de métier puisse l'exécuter (article 57, paragraphe 1, lettre b)).

Cela implique que les connaissances qui sont nécessaires pour utiliser un procédé sont déjà proposées et mises dans le commerce par le fascicule du brevet lui-même.

Dans la pratique, il arrive qu'un tiers développe un know how particulier qui n'a pas été divulgué par le brevet et qui est important pour l'utilisation de l'invention. Ce know how particulier, qui a une valeur commerciale et auquel d'autres personnes peuvent s'intéresser tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du marché commun, ne bénéficie pas de la protection du brevet communautaire. La vente de ce know how spécial est libre et doit le rester, en particulier lorsque son propriétaire désire offrir en vente et vendre ces connaissances spéciales en dehors du marché commun (exportation de know how). Il est à craindre que cette liberté d'action ne se trouve indûment limitée par le libellé actuel de l'article 29, lettre b). Pour éviter cela, la délégation néerlandaise propose de rédiger l'article 29, lettre b), comme suit : ' b) d'utiliser le procédé sur lequel porte le brevet; '.

Il convient de remarquer, enfin, que la proposition ci-dessus ne porte pas atteinte à l'application de l'article 30 » (Actes de la conférence de Luxembourg sur le brevet communautaire 1975, pp. 47-48).

B.8.5. Il ressort de ce qui précède que lors des négociations du projet de Convention relative au brevet européen pour le marché commun, des divergences sont apparues sur la portée de la protection du titulaire d'un brevet portant sur un procédé contre les contrefaçons directes.

L'article 29, b), du projet prévoyait, le droit, pour le titulaire d'un brevet portant sur un procédé, de faire interdire que des tiers utilisent le procédé ou l'offrent en vente ou le mettent dans le commerce sans son consentement (« d'offrir en vente ou de mettre dans le commerce le procédé objet du brevet ou son utilisation, ou bien d'utiliser ce procédé »).

Pour plusieurs délégations, notamment celles du Royaume-Uni et des Pays-Bas, seule l'utilisation du procédé breveté pouvait être interdite et il n'y avait pas lieu d'interdire que le procédé fasse l'objet d'une offre ou d'une mise dans le commerce. Dans le document préparatoire déposé par la délégation néerlandaise, celle-ci a souligné que les connaissances nécessaires pour utiliser un procédé sont, dans un certain sens, déjà mises dans le commerce, étant donné que le procédé doit avoir été exposé de façon suffisamment claire et complète pour être brevetable. Selon cette délégation, il devait demeurer possible de valoriser un know how particulier qui n'a pas été divulgué par le brevet, et plus spécifiquement de l'exporter à l'extérieur du marché commun (Actes de la conférence de Luxembourg sur le brevet communautaire 1975, p. 48, précités).

D'autres délégations, dont la délégation belge, estimaient en revanche qu'il fallait pouvoir interdire non seulement qu'un procédé breveté soit utilisé, mais aussi qu'il fasse l'objet d'une offre sans le consentement du titulaire du brevet.

Après que plusieurs délégations ont proposé de permettre une interdiction des offres à condition qu'elles émanent de tiers de mauvaise foi, et que les délégations du Royaume-Uni et des Pays-Bas ont été en mesure d'approuver cette proposition à condition qu'il soit en outre prévu comme condition que l'offre ait été faite pour permettre l'utilisation de l'invention brevetée sur le territoire des Etats membres (« à la condition que l'offre soit destinée à permettre l'utilisation de l'invention brevetée sur le territoire des Etats contractants »), la proposition a été adoptée par huit voix pour et une abstention (Actes de la conférence de Luxembourg sur le brevet communautaire 1975, p. 244, précités).

B.9.1. L'article 2 de la loi du 27 mai 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2014 pub. 09/09/2014 numac 2014015211 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à l'Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, fait à Bruxelles le 19 février 2013 (2) fermer portant assentiment à l'Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, fait à Bruxelles le 19 février 2013, dispose : « L'Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, fait à Bruxelles le 19 février 2013, sortira son plein et entier effet ».

B.9.2. Les articles 25 et 26 de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, cités ci-dessous, présentent de fortes similitudes avec les articles 29 et 30 précités de la Convention de Luxembourg : « Article 25 Droit d'empêcher l'exploitation directe de l'invention Un brevet confère à son titulaire le droit d'empêcher, en l'absence de son consentement, tout tiers : a) de fabriquer, d'offrir, de mettre sur le marché ou d'utiliser un produit qui fait l'objet du brevet, ou bien d'importer ou de détenir ce produit à ces fins;b) d'utiliser le procédé qui fait l'objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou aurait dû savoir que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du titulaire du brevet, d'en offrir l'utilisation sur le territoire des Etats membres contractants dans lesquels le brevet produit ses effets;c) d'offrir, de mettre sur le marché, d'utiliser ou bien d'importer ou de détenir à ces fins un produit obtenu directement par un procédé qui fait l'objet du brevet. Article 26 Droit d'empêcher l'exploitation indirecte de l'invention 1. Un brevet confère à son titulaire le droit d'empêcher, en l'absence de son consentement, tout tiers, de fournir ou d'offrir de fournir, sur le territoire des Etats membres contractants dans lesquels le brevet produit ses effets, à une personne autre que celle habilitée à exploiter l'invention brevetée, des moyens de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait, ou aurait dû savoir, que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre.2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque les moyens sont des produits de consommation courants, sauf si le tiers incite la personne à qui ils sont fournis à commettre tout acte interdit par l'article 25.3. Ne sont pas considérées comme des personnes habilitées à exploiter l'invention au sens du paragraphe 1 celles qui accomplissent les actes visés à l'article 27, points a) à e) ». B.9.3. Selon son article 89, l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet entrera en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant celui du treizième dépôt, à condition que parmi les Etats membres contractants qui auront déposé leur instrument de ratification ou d'adhésion figurent les trois Etats dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens étaient en vigueur au cours de l'année précédant celle au cours de laquelle intervient la signature de l'accord, ou le premier jour du quatrième mois après la date d'entrée en vigueur des modifications du règlement (UE) n° 1215/2012 portant sur le lien entre ce dernier et le présent accord.

Conformément à l'article 83 de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, pendant une période transitoire de sept ans - éventuellement renouvelable - à partir de l'entrée en vigueur de l'accord, des actions en contrefaçon pourront encore être engagées devant les juridictions nationales ou d'autres autorités nationales compétentes.

Quant à la question préjudicielle et à l'interprétation de la disposition en cause B.10. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de l'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique avec le principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, ainsi qu'avec le droit de propriété garanti par l'article 16 de la Constitution et par l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle, pour son application (par le titulaire d'un brevet portant sur un procédé qui veut faire interdire l'exploitation par un tiers sous la forme d'une offre d'utilisation de ce procédé sans son consentement), il est requis - qu'outre l'existence d'une offre en Belgique pour l'utilisation de ce procédé - cette offre soit faite en vue de l'utilisation de ce procédé sur le territoire belge.

Il n'apparaît pas que l'interprétation que donne le juge a quo à la disposition en cause parte d'une lecture manifestement erronée.

B.11. Compte tenu des circonstances factuelles de l'affaire portée devant le juge a quo, la Cour limite son examen à l'hypothèse du volet belge d'un brevet européen portant sur un procédé offert au moins partiellement pour une utilisation en dehors de la Belgique et qui conduit à un résultat non breveté en tant que « produit ».

La Cour ne se prononce pas sur la condition prescrite par l'article XI.29, § 2, alinéa premier, du Code de droit économique, à savoir « lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre ».

Quant au principe d'égalité et de non-discrimination B.12. Dans l'interprétation que le juge a quo donne à l'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique, la disposition en cause fait naître une différence de traitement entre les titulaires d'un brevet portant sur un produit et les titulaires d'un brevet portant sur un procédé, en ce qui concerne la portée géographique de la protection de leur brevet.

Conformément à l'article XI.29, § 1er, a), du Code de droit économique, le titulaire d'un brevet portant sur un produit peut s'opposer à une contrefaçon dès que son produit est offert en Belgique - et donc indépendamment de l'endroit où l'exploitation du produit pourrait se faire -, alors que, conformément à l'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique, le titulaire d'un brevet portant sur un procédé est seulement protégé d'une contrefaçon lorsque le procédé est soit utilisé en Belgique, soit offert en Belgique « pour une utilisation sur le territoire belge ».

B.13. Contrairement à ce que font valoir la SA « Europlasma » et le Conseil des ministres, les titulaires de brevets portant sur un produit et les titulaires de brevets portant sur un procédé sont comparables en ce qui concerne le droit d'interdire à des tiers l'exploitation de leur invention.

B.14. Un brevet confère à son titulaire un droit exclusif et temporaire d'exploiter lui-même une invention ou de la faire exploiter seulement par les personnes ayant obtenu son consentement à cette fin.

Ce droit exclusif, octroyé pour vingt ans, constitue la contrepartie à la divulgation d'une invention susceptible d'une application industrielle par la description détaillée qui en est faite lors de la demande de brevet, qui est accessible au public lorsque le brevet est accordé, afin que l'invention puisse à son tour être source de progrès techniques.

B.15.1. Sauf en cas de coopération internationale, la protection d'un brevet est limitée au territoire du pays ou de chacun des pays pour lesquels le brevet a été demandé séparément.

Comme cela a été mentionné plus haut, l'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique trouve son origine dans la volonté de la Belgique et d'autres Etats membres de la Communauté économique européenne de l'époque de protéger de manière uniforme ce qui aurait dû devenir le « brevet communautaire européen », conformément à la Convention de Luxembourg.

Le législateur a délibérément voulu reprendre « les principes du droit européen relatifs à l'étendue de la protection conférée par le brevet ainsi qu'aux droits découlant de la possession de ce titre et à leurs limites » (Doc. parl., Chambre, 1980-1981, n° 919/1, p. 3).

L'origine de la disposition en cause est le résultat d'un compromis trouvé entre les délégations, lors des négociations de cette Convention. Certaines délégations, dont la délégation belge, estimaient qu'il fallait pouvoir interdire non seulement d'utiliser, mais aussi d'offrir un procédé breveté, tout comme il est interdit d'offrir un produit breveté. Certaines délégations étaient d'avis qu'il fallait seulement pouvoir interdire l'utilisation d'un procédé breveté, mais elles se sont montrées disposées à accepter l'insertion dans les textes de la Convention d'une interdiction d'offrir un procédé breveté à la condition que l'offre de ce procédé doive se faire en vue de son utilisation sur le territoire des Etats contractants.

En approuvant la Convention de Luxembourg par la loi de 1977 et en reprenant, par analogie, les articles 29 et 30 de la Convention de Luxembourg dans la loi du 28 mars 1984 sur les brevets d'invention et, plus tard, dans le Code de droit économique, le législateur, en raison de la protection uniforme des brevets qu'il escomptait, a accepté qu'il existât une différence entre les brevets portant sur un produit et les brevets portant sur un procédé en ce qui concerne la portée géographique de l'interdiction de l'offre de l'invention.

B.15.2. La différence de traitement repose sur un critère objectif, selon qu'il s'agit d'un brevet portant sur un produit ou d'un brevet portant sur un procédé, et est pertinente compte tenu de l'objectif visé.

Le fait que ni la Convention de Luxembourg de 1975 ni sa version révisée introduite par l'Accord en matière de brevets communautaires, fait à Luxembourg le 15 décembre 1989, ne sont entrés en vigueur faute de ratification par plusieurs pays, n'y change rien.

B.15.3. La différence de traitement ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du titulaire d'un brevet portant sur un procédé, qui peut en tout cas faire interdire l'utilisation de ce procédé sur le territoire belge ainsi que l'offre en Belgique du procédé pour son utilisation sur le territoire belge.

Conformément au droit de chacun des Etats où il a demandé la reconnaissance de son brevet, le titulaire d'un brevet portant sur un procédé peut demander la protection de son procédé breveté contre des utilisations abusives.

La circonstance que les titulaires d'un brevet de procédé ne puissent pas bénéficier de la protection territoriale plus étendue prévue par les articles 29 et 30 de la Convention de Luxembourg précitée ou par les articles 25 et 26 de l'Accord de Luxembourg précité, à savoir « sur le territoire des Etats contractants », ne saurait être reprochée au législateur mais résulte du fait que ces traités, et par conséquent le brevet communautaire sur lequel ils portaient, ne sont jamais entrés en vigueur. A partir de l'entrée en vigueur de l'Accord de Bruxelles du 19 février 2013 relatif à une juridiction unifiée du brevet, il sera du reste possible d'obtenir pour les brevets de procédé européens visés par cet Accord une protection « sur le territoire des Etats membres contractants dans lesquels le brevet produit ses effets » (articles 25 et 26).

B.16. L'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique, dans l'interprétation selon laquelle son application requiert, outre l'existence d'une offre en Belgique pour l'utilisation du procédé, que cette offre soit faite en vue d'une utilisation ultérieure du procédé sur le territoire belge, est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, compte tenu de ce qui est dit en B.15.3.

Quant au droit de propriété B.17. Le juge a quo demande également si l'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique est compatible avec le droit de propriété garanti par l'article 16 de la Constitution et par l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.18.1. L'article 16 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

L'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

Cette disposition de droit international ayant une portée analogue à celle de l'article 16 de la Constitution, les garanties qu'elle contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle de la disposition en cause.

B.18.2. L'article 1 du Protocole précité offre une protection non seulement contre l'expropriation ou la privation de propriété (alinéa 1er, seconde phrase) mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (alinéa 1er, première phrase) et contre toute réglementation de l'usage des biens (alinéa 2).

Visant un cas particulier d'atteinte au droit de propriété, la deuxième phrase de cette disposition s'interprète à la lumière du principe du respect de la propriété énoncé par la première phrase de cette disposition (CEDH, grande chambre, 11 janvier 2007, Anheuser-Busch Inc. c. Portugal, § 62; 25 octobre 2012, Vistins et Perepjolkins c. Lettonie, § 93).

Le concept de « bien » utilisé par cette première phrase recouvre notamment des « droits patrimoniaux » autres que des biens corporels (CEDH, grande chambre, 11 janvier 2007, Anheuser-Busch Inc. c.

Portugal, § 63). Cette disposition est applicable à la propriété intellectuelle en tant que telle (ibid., § 72).

La limitation géographique que l'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique, dans l'interprétation que lui donne le juge a quo, impose au droit du titulaire d'un brevet portant sur un procédé, par le fait qu'il ne peut pas faire interdire l'offre du procédé lorsqu'elle est faite pour une utilisation du procédé en dehors du territoire belge, peut être considérée comme une limitation du droit de propriété du titulaire d'un brevet portant sur un procédé.

B.18.3. Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il faut qu'existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.

B.19. Le brevet confère à son titulaire un droit exclusif et temporaire d'exploiter une invention, en contrepartie de la divulgation de cette invention qui est susceptible d'une application industrielle, par sa description détaillée lors de la demande de brevet, qui est accessible au public lorsque le brevet est accordé, afin que l'invention puisse à son tour être source de progrès techniques.

B.20. Il est apparu du contrôle de la disposition en cause au regard du principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution que la limitation géographique du droit à la protection d'un brevet portant sur un procédé est dictée par la volonté du législateur de contribuer à ce que les brevets bénéficient d'une protection de droit international plus uniforme.

Cet objectif d'intérêt général peut raisonnablement justifier que le législateur ait accordé au titulaire d'un brevet portant sur un procédé le droit de faire interdire l'offre du procédé breveté pour son utilisation sur le territoire belge, sans avoir été jusqu'à prévoir que le titulaire de ce brevet portant sur un procédé peut également faire interdire l'offre en vue de son utilisation en dehors du territoire belge.

Le titulaire d'un brevet portant sur un procédé peut en tout cas exploiter lui-même son invention et faire interdire l'utilisation par des tiers, sans son consentement, de ce procédé sur le territoire belge, ainsi que l'offre en Belgique du procédé pour son utilisation sur le territoire belge.

Il peut par ailleurs demander dans chacun des Etats où il a introduit la reconnaissance de son brevet, la protection, sur la base du droit de ces Etats, de son procédé breveté contre des utilisations abusives.

La mesure ne porte donc pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété du titulaire d'un brevet portant sur un procédé.

B.21. L'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique, dans l'interprétation selon laquelle, pour son application, il est requis, outre l'existence d'une offre en Belgique pour l'utilisation du procédé, que cette offre soit faite en vue d'une utilisation ultérieure du procédé sur le territoire belge, est compatible avec l'article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.22. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article XI.29, § 1er, b), du Code de droit économique ne viole ni les articles 10 et 11 de la Constitution, ni l'article 16 de celle-ci, lu en combinaison avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle, pour son application, il est requis, outre l'existence d'une offre en Belgique pour l'utilisation du procédé, que cette offre soit faite en vue d'une utilisation ultérieure du procédé sur le territoire belge.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 28 septembre 2017.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, E. De Groot

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