publié le 31 mai 2017
Extrait de l'arrêt n° 42/2017 du 30 mars 2017 Numéro du rôle : 6374 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil et l'article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soin La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. (...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 42/2017 du 30 mars 2017 Numéro du rôle : 6374 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil et l'article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, posées par la Cour d'appel de Gand.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 18 février 2016 en cause de Dirk Baekelant contre l'ASBL « Maria Middelares », Alexis Vercruyssen, Jacobus Van Tichelen et l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 4 mars 2016, la Cour d'appel de Gand a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. Les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, qui contiennent une interdiction de discrimination, s'ils sont interprétés en ce sens que la victime d'un sinistre entraînant un dommage, consistant en une incapacité de travail et une perte de revenus, qui est qualifié de perte d'une chance peut obtenir une indemnité plus élevée que la victime d'un sinistre entraînant le même dommage, de la même ampleur, consistant en une incapacité de travail et une perte de revenus, lorsque ce dommage est qualifié de dommage matériel effectif ? 2. Les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil, combinés avec l'article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, qui contiennent une interdiction de discrimination, s'ils sont interprétés en ce sens qu'un organisme d'assurance maladie qui paie des prestations (allocations journalières) à un assuré victime d'un sinistre dont un tiers est responsable ne peut pas réclamer le remboursement de ses prestations au tiers responsable lorsque le dommage subi par l'assuré est défini comme une perte d'une chance, alors qu'un organisme d'assurance maladie qui paie des prestations (allocations journalières) à un assuré victime d'un sinistre dont un tiers est responsable peut réclamer le remboursement de ses prestations au tiers responsable lorsque le dommage de l'assuré est défini comme un dommage matériel effectif consistant en une perte de revenus, alors que, dans les deux cas, l'état de santé de l'assuré est le même, que, dans les deux cas, il y a un tiers responsable, que, dans les deux cas, les mêmes prestations sont payées et que, dans les deux cas, l'assuré lui-même peut au moins prétendre à un paiement intégral des prestations, indépendamment de ce qu'il récupérera encore auprès du tiers responsable ? 3.Les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil, combinés avec l'article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, qui contiennent une interdiction de discrimination, s'ils sont interprétés en ce sens qu'un organisme d'assurance maladie qui paie des prestations (allocations journalières) à un assuré, victime d'un sinistre dont un tiers est responsable, ne peut pas réclamer ses prestations au tiers responsable lorsque le dommage subi par l'assuré est défini comme une perte d'une chance, alors que l'assuré lui-même, qui a reçu des prestations de la part de l'organisme d'assurance maladie par suite de son incapacité de travail, ce qui implique que l'organisme d'assurance maladie est légalement subrogé dans les droits de l'assuré à concurrence du montant des prestations, peut recevoir une indemnité, définie comme une indemnité pour la perte d'une chance, lorsque tant les prestations versées par l'organisme d'assurance maladie que l'indemnité qui doit être octroyée à l'assuré sont calculées sur la base de la perte réelle de revenus de la victime ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Les questions préjudicielles concernent les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil (première question), combinés avec l'article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 (ci-après : loi AMI) (deuxième et troisième questions).
B.2.1. L'article 1382 du Code civil dispose : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
B.2.2. L'article 1383 du Code civil dispose : « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
B.2.3. L'article 1384 du Code civil dispose : « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Le père et la mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère, instituteurs et artisans, ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ».
B.2.4. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que le dommage réellement subi doit être distingué du dommage qui consiste en la perte d'une chance. La circonstance que le dommage réellement subi ne puisse pas donner lieu à une indemnisation, parce qu'il n'y a pas de lien de causalité certain entre la faute et le dommage réel, n'exclut pas qu'une indemnité soit accordée pour la perte d'une chance, s'il existe un lien de causalité certain entre la faute et la chance perdue. Cette chance a donc une valeur économique propre. Elle diffère d'autres composantes du préjudice indemnisable par le fait qu'elle porte sur un bénéfice futur, qui n'est que probable.
La personne préjudiciée peut ainsi obtenir réparation pour la perte d'une chance, même s'il n'est pas certain que, sans la faute, le résultat espéré aurait été obtenu. Il suffit pour ce faire qu'un lien nécessaire existe entre la faute et la perte de la chance et qu'il s'agisse de la perte d'une chance réelle. L'indemnisation ne consiste pas dans le montant total du préjudice finalement subi ou de l'avantage perdu mais correspond à la valeur économique de la chance perdue (Cass., 15 mai 2015, Pas., 2015, n° 311; Cass., 21 avril 2016, C.15.0286.N).
L'indemnité que reçoit la personne préjudiciée pour la perte d'une chance ne constitue dès lors pas une indemnisation partielle du préjudice réellement subi mais l'indemnisation intégrale de la chance perdue. La valeur économique de cette chance est le plus souvent déterminée en multipliant l'avantage que la personne préjudiciée pouvait espérer si la chance s'était réalisée par le degré de probabilité de réalisation de cette chance.
B.3.1. L'article 136, § 2, de la loi AMI dispose : « Les prestations prévues par la présente loi coordonnée sont refusées lorsque le dommage découlant d'une maladie, de lésions, de troubles fonctionnels ou du décès est effectivement réparé en vertu d'une autre législation belge, d'une législation étrangère ou du droit commun.
Toutefois, lorsque les sommes accordées en vertu de cette législation ou du droit commun sont inférieures aux prestations de l'assurance, le bénéficiaire a droit à la différence à charge de l'assurance.
Pour l'application du présent paragraphe, le montant des prestations accordé par l'autre législation est le montant brut diminué du montant des cotisations de sécurité sociale prélevées sur ces prestations.
Les prestations sont octroyées, dans les conditions déterminées par le Roi, en attendant que le dommage soit effectivement réparé en vertu d'une autre législation belge, d'une législation étrangère ou du droit commun.
L'organisme assureur est subrogé de plein droit au bénéficiaire; cette subrogation vaut, à concurrence du montant des prestations octroyées, pour la totalité des sommes qui sont dues en vertu d'une législation belge, d'une législation étrangère ou du droit commun et qui réparent partiellement ou totalement le dommage visé à l'alinéa 1er.
La convention intervenue entre le débiteur de la réparation et le bénéficiaire n'est pas opposable à l'organisme assureur sans l'accord de ce dernier.
Le débiteur de la réparation avertit l'organisme assureur de son intention d'indemniser le bénéficiaire; il transmet à l'organisme assureur, si celui-ci n'y est partie, une copie des accords ou décisions de justice intervenus. Les compagnies d'assurances-responsabilités civile sont assimilées au débiteur de la réparation.
Si le débiteur de la réparation omet d'informer l'organisme assureur conformément à l'alinéa précédent, il ne peut opposer à celui-ci les paiements effectués en faveur du bénéficiaire, en cas de double paiement, ces paiements resteront définitivement acquis au bénéficiaire.
L'organisme assureur possède un droit propre de poursuite en remboursement des prestations accordées contre le Fonds commun de garantie visé à l'article 49 de la loi du 9 juillet 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 09/07/1975 pub. 24/12/2014 numac 2014000890 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 09/07/1975 pub. 23/10/2015 numac 2015000557 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative au contrôle des entreprises d'assurances, dans les cas visés à l'article 50 de cette même loi ».
B.3.2. Les prestations visées par la disposition en cause sont en l'espèce les indemnités destinées à compenser la perte de capacité économique du travailleur en incapacité de travail.
L'article 100, § 1er, de la loi AMI fixe trois conditions pour bénéficier de pareille indemnité. Il faut que le travailleur ait cessé toute activité, que cette cessation soit la conséquence directe du début ou de l'aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels et que ces derniers entraînent une réduction de capacité de gain d'au moins deux tiers.
La réduction de la capacité de gain ne peut être assimilée à la perte concrète de salaire que subit l'intéressé à la suite de la cessation de son activité. En effet, cette réduction doit être établie en examinant la situation de l'intéressé au regard d'un métier de référence, compte tenu notamment de sa « condition » et de sa « formation » ainsi que de sa profession ou des différentes professions qu'il aurait pu exercer en fonction de sa formation professionnelle.
B.3.3. En vertu de l'article 136, § 2, alinéa 4, de la loi AMI, l'organisme assureur est subrogé à l'assuré, à concurrence du montant des prestations octroyées, dans le cadre de la demande en indemnisation de droit commun dirigée contre les personnes responsables de l'incapacité de travail.
Par son arrêt du 23 septembre 2013 (Cass., 23 septembre 2013, Pas., 2013, n° 472), la Cour de cassation a jugé : « 4. Le dommage pour cause d'incapacité de travail visé à l'article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités consiste en la perte ou la réduction de la capacité d'acquérir grâce à son travail les revenus permettant de subvenir à ses besoins. Ce dommage est le même dommage que le dommage qui fait l'objet de l'indemnité pour incapacité de travail prévue en droit commun. 5. Quiconque réclame réparation est tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre la faute et le dommage, tel qu'il s'est produit.Ce lien implique que, sans la faute, le dommage ne se serait pas produit, tel qu'il s'est produit.
Le juge peut allouer une indemnité pour la perte d'une chance d'obtenir un avantage ou d'éviter un désavantage pour autant que la perte de cette chance résulte d'une faute.
Seule la valeur économique de la chance perdue est réparable. Cette valeur ne saurait constituer le montant total du préjudice finalement subi ou de l'avantage finalement perdu. 6. Il s'ensuit que la perte de la chance de récupérer la capacité de travailler ne constitue pas un dommage au sens de l'article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités.7. Les juges d'appel ont décidé que : - aux termes de l'arrêt interlocutoire rendu le 18 septembre 2006, le dommage du demandeur consiste en la perte d'une chance de rétablissement fonctionnel; - le taux de la perte de cette chance doit être fixé à 43 p.c. en ce que la perte résulte des négligences du Dr. D'Haese et du troisième défendeur et à 33 p.c. en ce qu'elle résulte des négligences du deuxième défendeur; - la perte de revenus réellement subie par le demandeur s'élève à la somme de 44.612,33 euros pour la période d'incapacité temporaire de travail et à la somme de 449.250,74 euros pour la période d'incapacité permanente de travail, soit à une somme totale de 498.863,06 [lire : 493.863,06] euros; - l'indemnité pour la perte de revenus subie par le demandeur en raison de la perte d'une chance doit être fixée à la somme de 493.863,06 euros x 43 p.c., soit 212.361,11 euros; - l'Alliance nationale des mutualités chrétiennes a payé au demandeur des indemnités s'élevant à la somme de 250.075,28 euros. 8. Les juges d'appel qui ont décidé dans ces circonstances qu'il y a lieu d'allouer l'indemnité pour la perte de revenus dans son intégralité à la mutuelle au motif qu'il s'agit d'un seul et même dommage et que le fait que le seul dommage réparable consiste en la perte d'une chance est sans incidence, ne justifient pas légalement leur décision ». B.3.4. Il résulte de cet arrêt que la valeur économique de la chance perdue constitue un autre dommage que le dommage résultant de l'incapacité de travail, lequel a été indemnisé par l'organisme assureur, de sorte que cet organisme assureur ne peut pas être subrogé à l'assuré afin de récupérer auprès des personnes responsables du dommage subi par l'assuré les prestations allouées à ce dernier par l'organisme assureur.
B.4. Le juge a quo demande à la Cour si les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil, considérés séparément (première question préjudicielle) ou combinés avec l'article 136, § 2, de la loi AMI (deuxième et troisième questions préjudicielles), violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que, selon l'interprétation précitée de la Cour de cassation, ils donnent lieu à une différence de traitement tant à l'égard des victimes d'un sinistre qu'à l'égard des organismes assureurs qui ont octroyé des indemnités à la victime assurée.
Lorsque le dommage consistant en une incapacité de travail et une perte de revenus peut être qualifié de perte d'une chance, les victimes pourraient recevoir, selon le juge a quo, une indemnisation plus élevée que lorsque ce même préjudice est qualifié de dommage réellement subi (première question préjudicielle).
Les organismes assureurs qui ont octroyé des indemnités à la victime d'un sinistre dont un tiers est responsable ne peuvent pas réclamer le remboursement de ces indemnités au tiers responsable si le dommage subi par l'assuré est qualifié de perte d'une chance, tandis qu'ils peuvent réclamer le remboursement de ces indemnités si le dommage de l'assuré est qualifié de dommage réellement subi (deuxième question préjudicielle) et ce, alors que l'assuré lui-même, qui a déjà reçu les indemnités de l'organisme assureur, peut aussi être indemnisé pour la perte d'une chance (troisième question préjudicielle).
B.5. En vertu de l'article 136, § 2, de la loi AMI, la subrogation dont jouit l'organisme assureur concerne l'indemnité octroyée en raison du « dommage découlant d'une maladie, de lésions, de troubles fonctionnels ou du décès [qui] est effectivement réparé en vertu d'une autre législation belge, d'une législation étrangère ou du droit commun ». Elle ne vaut pas pour la réparation du dommage résultant de la perte d'une chance.
Les différences de traitement mentionnées dans les questions préjudicielles résultent toutes de cette distinction. Eu égard à leur connexité, les questions préjudicielles doivent être examinées conjointement.
B.6. La distinction entre les indemnités accordées en réparation du dommage réellement subi, qui peuvent être récupérées par l'organisme assureur, et l'indemnisation du dommage résultant de la perte d'une chance, qui ne peut pas être récupérée par l'organisme assureur, repose sur un critère objectif qui n'est toutefois pas en rapport avec le but poursuivi.
En effet, dans le régime de l'assurance maladie et invalidité, la victime n'a droit à des prestations que dans la mesure où son préjudice n'a pas été réparé d'une autre manière. Ce principe vise en effet à éviter, d'une part, que la communauté supporte des coûts qui ont été occasionnés par un tiers responsable et, d'autre part, que les ayants droit cumulent de manière injustifiée des indemnités allouées pour cause d'incapacité de travail avec une indemnisation de droit commun.
L'organisme assureur est subrogé à l'ayant droit pour réclamer l'indemnisation de droit commun. Aucune circonstance ne saurait justifier que l'indemnisation de droit commun octroyée du fait de la perte d'une chance ne puisse pas être réclamée par l'organisme assureur, ni que la victime reçoive l'indemnisation de droit commun pour la perte d'une chance sans que l'organisme assureur puisse lui réclamer le remboursement des indemnités qu'il lui a octroyées, à concurrence de l'indemnisation de droit commun accordée.
Le fait de ne pas permettre aux organismes d'assurance maladie d'être subrogés en ce qui concerne l'indemnisation du dommage résultant de la perte d'une chance ou de ne pas leur offrir la possibilité de réclamer les indemnités octroyées à l'assuré à concurrence de l'indemnisation de droit commun représente une charge excessive pour les organismes concernés ainsi que pour les finances de l'assurance maladie et entraîne, en outre, une différence de traitement injustifiée entre les assurés.
B.7. L'article 136, § 2, de la loi AMI, combiné avec les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil, viole les articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où il ne subroge pas les organismes assureurs à l'assuré en ce qui concerne l'indemnisation du dommage résultant de la perte d'une chance ou dans la mesure où il ne leur confère pas le droit de réclamer le remboursement des prestations octroyées à l'assuré à concurrence de l'indemnisation de droit commun accordée à ce dernier pour la perte d'une chance.
B.8. Les dispositions en cause ne sauraient être interprétées de manière conforme à la Constitution sans qu'il soit porté atteinte à la définition autonome du dommage que constitue la perte d'une chance. Il appartient au législateur de prendre en considération cette composante du préjudice indemnisable, en permettant la subrogation des organismes assureurs en ce qui concerne l'indemnisation d'une chance perdue ou en prévoyant un droit au remboursement des indemnités qu'ils ont octroyées, à concurrence de l'indemnisation de droit commun accordée à l'assuré du fait de la chance définitivement perdue. Dans l'attente de l'intervention du législateur, il appartient au juge d'autoriser, selon les circonstances, la subrogation précitée ou le droit au remboursement précité.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 136, § 2, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, viole les articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où il écarte la prise en considération de l'indemnisation du dommage résultant de la perte d'une chance, telle qu'elle est visée dans les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 30 mars 2017.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, E. De Groot