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Arrêt
publié le 10 mai 2017

Extrait de l'arrêt n° 30/2017 du 23 février 2017 Numéro du rôle : 6354 En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 3 juillet 2015 « introduisant le prélèvement kilométrique et annulant le prélèvement de l'Eurovignet La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 30/2017 du 23 février 2017 Numéro du rôle : 6354 En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 3 juillet 2015 « introduisant le prélèvement kilométrique et annulant le prélèvement de l'Eurovignette et modifiant le Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013 en la matière », introduit par l'ASBL « Sigma ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 février 2016 et parvenue au greffe le 12 février 2016, l'ASBL « Sigma », assistée et représentée par Me D. Blommaert, Me J. Ghysels et Me Y. Sacreas, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation du décret de la Région flamande du 3 juillet 2015 « introduisant le prélèvement kilométrique et annulant le prélèvement de l'Eurovignette et modifiant le Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013 en la matière » (publié au Moniteur belge du 10 août 2015). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à l'étendue du recours B.1.1. Le décret attaqué instaure à partir du 1er avril 2016 un prélèvement kilométrique sur le territoire de la Région flamande. Le prélèvement kilométrique est une taxe sur l'utilisation faite par un véhicule de certaines routes. La taxe est calculée sur le nombre de kilomètres que parcourt ce véhicule sur ces routes. Les kilomètres parcourus sont enregistrés électroniquement. La taxe est due par le détenteur du véhicule.

Le prélèvement kilométrique instauré par le décret attaqué s'applique uniquement aux poids lourds dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes.

B.1.2. Le décret vise tout d'abord à transposer la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures. Cette directive harmonise les conditions auxquelles les autorités nationales peuvent percevoir des taxes, péages et droits d'usage sur le transport par route de marchandises.

Le décret vise également à la transposition partielle de la directive 2004/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant l'interopérabilité des systèmes de télépéage routier dans la Communauté. Cette directive prévoit la création d'un service européen de télépéage complémentaire par rapport aux services nationaux de télépéage des Etats membres.

B.1.3. La directive 1999/62/CE a notamment été modifiée par la directive 2011/76/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2011. Selon cette directive, la promotion de transports durables est un élément clé de la politique commune des transports. A cette fin, la contribution du secteur du transport au changement climatique et ses incidences négatives devraient être réduites, notamment la congestion, qui gêne la mobilité, et la pollution atmosphérique et sonore, qui a des conséquences néfastes sur la santé et l'environnement (considérant 1).

Afin de progresser dans le sens d'un système de transport durable, les prix des transports devraient mieux refléter les coûts liés à la pollution atmosphérique et sonore due au trafic, au changement climatique et à la congestion qui résultent de l'utilisation réelle de tous les modes de transport, comme moyen d'optimiser l'utilisation des infrastructures, de réduire la pollution au niveau local, de gérer la congestion et de lutter contre le changement climatique à un coût moindre pour l'économie. Pour ce faire, il est nécessaire d'adopter, dans tous les modes de transport, une approche par étapes qui tienne compte de leurs particularités (considérant 5).

Dans le secteur des transports routiers, les péages, calculés comme des redevances d'utilisation des infrastructures fondées sur la distance, constituent un instrument économique équitable et efficace pour réaliser une politique des transports durable, puisqu'ils sont directement liés à l'utilisation de l'infrastructure, aux performances environnementales des véhicules et à l'endroit et au moment où ces véhicules sont utilisés, et que leur montant peut donc être déterminé de manière à prendre en compte le coût de la pollution et de la congestion causées par l'utilisation réelle des véhicules (considérant 7).

Les coûts de la pollution atmosphérique et sonore due au trafic, tels que les frais de santé, y compris le coût des soins médicaux, les pertes de récoltes et autres pertes de production, et les coûts en termes de bien-être, sont supportés sur le territoire de l'Etat membre dans lequel se déroule l'opération de transport. Le principe du pollueur-payeur est mis en oeuvre par la tarification des coûts externes, ce qui contribue à la réduction desdits coûts (considérant 10).

B.1.4. L'exposé des motifs du décret attaqué précise la portée du prélèvement kilométrique : « Selon l'article 2, b) de la directive 1999/62/CE, après sa dernière modification, un péage comprend soit une redevance d'infrastructure, soit une redevance pour coûts externes, soit les deux éléments. Nous avons choisi d'instaurer le prélèvement kilométrique, dès lors qu'il est introduit sous la forme d'une taxe, en y incluant deux composantes, à savoir une redevance d'infrastructure et une redevance pour coûts externes. En l'espèce, la redevance d'infrastructure et la redevance pour coûts externes ne constituent pas, en tant que telles, des taxes distinctes. Leur intégration en tant que deux composantes d'un seul et même prélèvement kilométrique, introduit sous la forme d'une taxe, implique que les coûts externes ou les coûts d'infrastructure sont de simples paramètres d'une seule et même taxe » (Doc. parl., Parlement flamand, 2014-2015, n° 370/1, pp. 7-8).

Une redevance d'infrastructure est une redevance perçue aux fins de recouvrer les coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de développement des infrastructures supportés dans un Etat membre (article 2, b bis), de la directive 1999/62/CE).

Une redevance pour coûts externes est une redevance perçue aux fins de recouvrer les coûts supportés dans un Etat membre en raison de la pollution atmosphérique due au trafic et/ou de la pollution sonore due au trafic (article 2, b ter), de la directive 1999/62/CE).

B.1.5. L'adoption du décret attaqué a été précédée par la conclusion d'un accord de coopération entre les trois régions : l'accord de coopération du 31 janvier 2014 entre la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale « relatif à l'introduction du système de prélèvement kilométrique sur le territoire des trois Régions et à la construction d'un Partenariat interrégional de droit public ViaPass sous forme d'une institution commune telle que visée à l'article 92bis, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ».

Selon son article 2, cet accord vise à régir la coopération entre la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale dans l'exercice de leurs compétences respectives en matière de gestion des routes et de leurs dépendances et en matière de fixation du régime juridique de la voirie terrestre, au sens de l'article 6, § 1er, X, alinéa 1er, 1° et 2°bis, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

Dans cet accord de coopération, modifié par l' accord de coopération du 24 avril 2015Documents pertinents retrouvés type accord de coopération prom. 24/04/2015 pub. 16/06/2015 numac 2015202744 source service public de wallonie Accord de coopération modifiant l'accord de coopération du 31 janvier 2014 entre la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale relatif à l'introduction du système de prélèvement kilométrique sur le territoire des trois Régions et à la constitution d'un Partenariat interrégional de droit public Viapass sous forme d'une institution commune telle que visée à l'article 92bis, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles fermer, les régions se sont accordées sur les modalités d'instauration du prélèvement kilométrique et sur la constitution d'un partenariat interrégional de droit public appelé ViaPass, qui prend en charge la gestion journalière du système de prélèvement kilométrique.

Tout en respectant les spécificités de chaque région et les objectifs à poursuivre par chacune d'entre elles, l'accord de coopération vise à régler conjointement ces matières ou à définir les règles requises afin d'introduire, d'organiser et de contrôler, de manière efficace et rentable, le prélèvement kilométrique dans les trois régions (article 2, alinéa 2).

B.1.6. La Région flamande a approuvé l'accord de coopération du 31 janvier 2014 par décret du 4 avril 2014. La Région flamande a approuvé l'accord de coopération modificatif du 24 avril 2015 par décret du 3 juillet 2015.

Le décret attaqué a mis en oeuvre dans la Région flamande les accords conclus dans l'accord de coopération. Ce décret constitue dès lors le fondement du prélèvement kilométrique instauré. Cela ne peut pas être remis en cause par le constat que certaines dispositions du décret figuraient déjà, en tout ou en partie, dans l'accord de coopération du 31 janvier 2014. Contrairement à ce que prétend le Gouvernement flamand, le recours n'a pas été introduit tardivement. La partie requérante ne pouvait d'ailleurs introduire de recours en annulation contre l'accord de coopération lui-même, celui-ci ne faisant pas partie des normes que la Cour est habilitée à contrôler.

B.1.7. Le recours vise à l'annulation totale du décret attaqué. La Cour limite toutefois son examen aux dispositions contre lesquelles des griefs ont réellement été invoqués.

Les griefs invoqués par l'ASBL « Union Générale Belge du Nettoyage » ne peuvent être pris en considération que dans la mesure où ils correspondent aux moyens formulés dans la requête. En effet, l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle ne permet pas, contrairement à l'article 85, que de nouveaux moyens soient formulés dans un mémoire en intervention.

Quant au premier moyen B.2. Le premier moyen est pris de la violation des articles 5, 39 et 134 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2 et 19, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, et avec les articles 2, § 1er, et 7 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.

En cas d'infraction à la réglementation flamande relative au prélèvement kilométrique, une amende administrative de 50 à 1 250 euros peut être imposée, tout comme pour les autres taxes prévues par le Code flamand de la fiscalité, sur la base de l'article 3.18.0.0.1, § 1er, de ce Code (Doc. parl., Parlement flamand, 2014-2015, n° 370/1, p. 25). La partie requérante fait valoir que l'autorisation donnée par l'article 10, § 1er, du décret attaqué aux membres du personnel de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Région wallonne de recouvrer des amendes administratives en dehors du territoire de la Région flamande, viole le principe de territorialité. L'article 10, § 2, du décret attaqué dépasserait également les limites du territoire de la Région flamande.

B.3. L'article 10 du décret attaqué dispose : « § 1er. Les membres du personnel compétents de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Région wallonne sont autorisés à recouvrer l'amende administrative imposée conformément aux dispositions du titre 2, chapitre 4 du Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013 à l'occasion d'un contrôle routier sur le territoire de leur région, au nom de et pour le compte de la Région flamande. § 2. Lorsqu'il s'avère au cours du contrôle routier qu'il existe des amendes administratives impayées dans le chef du détenteur du véhicule concerné dans une ou plusieurs des autres régions, le membre du personnel compétent recouvre également toutes ces amendes administratives impayées. Le montant des amendes administratives afférentes à des infractions perpétrées dans une autre région, est versé à la région concernée sans délai et dans son intégralité ».

B.4. Les articles 5, 39 et 134 de la Constitution, combinés avec les articles 2 et 19, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et avec les articles 2, § 1er, et 7 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, ont déterminé une répartition exclusive des compétences territoriales.

Un tel système suppose que l'objet de toute norme adoptée par un législateur régional puisse être localisé dans le territoire de sa compétence, de sorte que toute relation ou situation concrète soit réglée par un seul législateur.

B.5.1. La disposition attaquée ne prévoit pas de sanctionner administrativement les infractions commises en dehors du territoire de la Région flamande.

B.5.2. Le paragraphe 1er de la disposition attaquée porte sur le recouvrement d'amendes administratives imposées par la Région flamande. L'autorisation accordée aux membres du personnel compétents de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Région wallonne de recouvrer ces amendes administratives, au nom de et pour le compte de la Région flamande, à l'occasion d'un contrôle routier sur leur propre territoire, ne situe pas la mesure attaquée en dehors du territoire de la Région flamande. La délégation en vue de recouvrer de manière effective, sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Région wallonne, les amendes administratives impayées doit être donnée par ces régions elles-mêmes. L'autorisation « prévoit seulement de permettre à une autre région qui le souhaiterait de percevoir aussi d'emblée, à l'occasion d'un contrôle routier, les montants qui reviennent à la Région flamande, au nom et pour le compte de cette dernière, si cela s'inscrit dans le cadre d'un contrôle routier effectué par l'autre région et concernant son propre prélèvement kilométrique. Ceci ne constitue nullement une obligation imposée à l'autre région de procéder aussi, de manière effective, à ce recouvrement » (Doc. parl., Parlement flamand, 2014-2015, n° 370/1, p. 12).

B.5.3. Le paragraphe 2 de la disposition attaquée porte sur le recouvrement d'amendes administratives sur le territoire de la Région flamande. Il mandate les agents contrôleurs en vue de recouvrer également, pour ce qui concerne la Région flamande, les amendes administratives impayées imposées par la Région de Bruxelles-Capitale et par la Région wallonne, pour le compte de ces régions. Le constat que ces amendes administratives ont été imposées par une autre région ne situe pas la mesure attaquée en dehors du territoire de la Région flamande. Comme la Région flamande, la Région de Bruxelles-Capitale et la Région wallonne ont autorisé les membres du personnel concernés à recouvrer l'amende administrative imposée, à l'occasion d'un contrôle routier effectué sur le territoire de leur région. Le montant des amendes administratives qui ont trait à des infractions commises dans une autre région est immédiatement et intégralement transféré à la région en question.

B.5.4. Les deux paragraphes de l'article 10 précité règlent les modalités, pour la Région flamande, de la coopération en matière de contrôle et de mise en oeuvre qui a été convenue de commun accord entre les régions dans l'accord de coopération mentionné au B.1.5.

L'article 11, § 2, de cet accord de coopération dispose : « Les parties se prêtent mutuellement spontanément assistance pour la perception des amendes administratives.

Lorsque, lors d'un contrôle sur la route d'un véhicule, il apparaît qu'il existe des amendes administratives impayées dans le chef du détenteur du véhicule contrôlé envers une ou plusieurs Régions, l'autorité de contrôle compétente peut percevoir toutes ces amendes administratives impayées. Le montant des amendes administratives qui ont trait à des infractions commises dans une autre Région, est immédiatement et intégralement transféré à cette Région ».

Selon les travaux préparatoires de la disposition attaquée, cet accord commun permet de créer « un système efficace d'assistance interrégionale en matière de recouvrement qui respecte le principe de territorialité et l'autonomie de mise en oeuvre de chaque région » (Doc. parl., Parlement flamand, 2014-2015, n° 370/1, p. 12).

B.5.5. Le critère de rattachement du lieu où s'effectue le contrôle routier d'un véhicule, pour ce qui concerne le recouvrement de l'amende (article 10, §§ 1er et 2, du décret attaqué), et le critère de rattachement du lieu où a lieu l'infraction, pour ce qui concerne le bénéficiaire de l'amende (article 10, § 2, du décret attaqué), trouvent leur origine dans l'article 11, § 2, de l'accord de coopération précité et visent à localiser les mesures à l'intérieur du territoire pour lequel chaque région est compétente, afin que chaque situation concrète ne soit réglée que par un seul législateur, comme le prévoit l'accord commun.

B.6.1. L'autonomie dont disposent l'autorité fédérale et les communautés ou les régions dans le cadre de leur propre sphère de compétence fait en principe obstacle à ce qu'une autorité contraigne un service relevant d'une autre autorité publique, sans l'accord de cette dernière, à prêter son concours à l'exécution de la politique de la première autorité publique.

B.6.2. Comme en attestent le B.3 et le B.5.2, la disposition attaquée n'oblige nullement, mais autorise seulement les membres du personnel compétents à collaborer au recouvrement des amendes administratives imposées par une autre région. Pour que les membres du personnel de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Région wallonne puissent effectivement recouvrer les amendes administratives, ils doivent être, conformément à l'accord de coopération précité, mandatés en ce sens par la région concernée, ce qu'ils ont été effectivement par, respectivement, l'article 27 du décret de la Région wallonne du 16 juillet 2015 « instaurant un prélèvement kilométrique à charge des poids lourds pour l'utilisation des routes » et l'article 28, alinéa 2, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 29 juillet 2015 « introduisant un prélèvement kilométrique en Région de Bruxelles-Capitale sur les poids lourds prévus ou utilisés pour le transport par route de marchandises, en remplacement de l'Eurovignette ».

B.7. Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au deuxième moyen B.8. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 170 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution et avec le principe de la sécurité juridique.

La partie requérante fait valoir que l'article 19 du décret attaqué introduit une disposition qui autorise le Gouvernement flamand à adapter la liste des routes figurant à l'annexe 2 du décret attaqué, et donc à modifier des éléments essentiels de la taxe.

B.9. L'article 19 du décret attaqué a remplacé l'article 2.4.4.0.2 du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013 par la disposition suivante : « Art. 2.4.4.0.2. La hauteur du tarif Tz, visé à l'article 2.4.4.0.1, 1°, exprimé en centimes d'euros, est déterminée selon la formule suivante : Tz = F x (Bt + a X A + b X G + c X En + d X Et + e X Ep + f X Ex), où : 1° F = un facteur égal à 1 pour les routes ou segments de route, visés au point 3°, énumérés de façon limitative à l'annexe 2 et à l'annexe 0 [lire :, et égal à 0] pour toutes les autres routes ou segments de route;2° Bt = tarif de base du prélèvement, à valeur de 11,3 centimes d'euro;3° A = variation en fonction du type de route W à taux d'imposition supérieur à zéro centime, ventilé selon le tableau suivant :

type de route (W)

A

autoroutes et rings autoroutiers

0

autres routes régionales à taux d'imposition supérieur à zéro centime

0

routes communales à taux d'imposition supérieur à zéro centime

0


Les routes ou segments de route qui sont repris sous un des types de route, visés au tableau susmentionné, sont énumérés de façon limitative à l'annexe 2; 4° G = variation en fonction de la catégorie de poids du véhicule, différenciée selon les catégories suivantes :

masse maximale autorisée

G

masse maximale autorisée supérieure à 3,5 tonnes et inférieure à 12 tonnes

- 5,0

masse maximale autorisée supérieure ou égale à 12 tonnes et non pas supérieure à 32 tonnes ou égale à 32 tonnes

0

masse maximale autorisée supérieure à 32 tonnes

0,4


5° En = variation en fonction de la classe d'émission EURO, visée à l'article 1.1.0.0.2, alinéa cinq, 1; 6° Et = variation en fonction du moment;7° Ep = variation en fonction du lieu; 8° Ex = supplément dû en fonction des coûts externes, engendrés par le véhicule, en fonction de la hauteur de la classe d'émission EURO, différenciée selon le tableau suivant :

Classe d'émission EURO

Ex

EURO 5 ou EEV ou supérieure

1,1

EURO 4

3.2

EURO 3

6,3

autres classes d'émission EURO

8,3


Le tableau suivant est appliqué à partir du 1er janvier 2018 :

Classe d'émission EURO

Ex

EURO 6 ou supérieure

1,1

EURO 5 ou EEV

2,1

EURO 4

3.2

EURO 3

6,3

autres classes d'émission EURO

8,3


9° a, b, c, d, e et f = les facteurs qui influent sur le poids de A, G, En, Et, Ep et Ex, où a = 1, b = 1, c = 0, d = 0, e = 0, en f = 1. Le Gouvernement flamand est autorisé à ajuster la liste des routes de l'annexe 2, visée à l'alinéa premier, 1° : 1° aux changements de nom des routes y reprises;2° aux changements de catégorie des routes y reprises. Les montants, repris à l'alinéa premier, sont indexés à partir du 1er juillet 2017 au 1er juillet de chaque année au moyen du coefficient obtenu en divisant l'indice général des prix à la consommation du Royaume pour le mois de mai de l'année en cours par l'indice général des prix à la consommation du Royaume pour le mois de mai de l'année 2016. Dans ce contexte, les arrondissements suivants sont appliqués : 1° le coefficient est arrondi au dix millième supérieur ou inférieur selon que le chiffre des cent millièmes atteint ou non cinq;2° après l'application du coefficient, le montant obtenu est arrondi au centime d'euro supérieur ou inférieur selon que le chiffre des millièmes atteint ou non cinq. Dans le cas où le facteur F, visé à l'alinéa premier, 1°, vaut 1, le tarif ne peut jamais être inférieur à zéro centime d'euros ».

B.10. Il ressort de cette disposition que le prélèvement kilométrique en Région flamande n'est dû que pour les kilomètres parcourus sur certaines routes. Elles sont énumérées de façon limitative à l'annexe 2 du Code précité, jointe au décret attaqué : « Annexe 2 - Les types de route, visés à l'article 2.4.4.0.2, 3° Les routes ressortissant à un type de route, tel que visé à l'article 2.4.4.0.2, 3°, sont les suivantes, à condition qu'elles se situent sur le territoire de la Région flamande : 1) Autoroutes, y compris les bretelles d'autoroutes, les rings autoroutiers et les entrées et sorties d'autoroutes : Autoroutes :

A1

E19

Bruxelles - Malines - Anvers - frontière PB (Breda)

A2

E314

Louvain - Lummen - frontière PB (Heerlen)

A3

E40

Bruxelles - Louvain - frontière Wallonie (Liège)

A4

E411

Bruxelles - frontière Wallonie (Namur)

A7

E19

Bruxelles (R0) - frontière Wallonie (Mons)

A8

E429

Hal (Ring autour de Hal incl.N203a) - frontière Wallonie (Tournai)

A10

E40

Bruxelles - Gand - Bruges - Ostende

A11

E34

Anvers - Zelzate, jusqu'à l'intersection avec le R4-Ouest

A12

Bruxelles - Boom - Anvers - frontière PB (Bergen-op-Zoom)

A13

E313

Anvers - Hasselt - frontière Wallonie (Liège)

A14

E17

Anvers - Gand - frontière FR (Lille)

A17

E403

Bruges - Courtrai - frontière Wallonie (Tournai)

A18

E40

Jabbeke - Furnes - frontière FR (Dunkerque)

A19

Courtrai - Ypres

A21

E34

Anvers (Ranst) - frontière PB (Eindhoven)

A25

E25

Liège (Wallonie) - Maastricht (PB) à hauteur de Fourons (échangeur N602)

A112

(N186)

Anvers/Jan de Voslei

A201

Bruxelles - Zaventem


Rings autoroutiers

R0

Ring autour de Bruxelles

R1

Ring autour d'Anvers

R4

Ring autour de Gand, à l'exclusion du R4-Est entre l'intersection avec l'E34 et l'intersection avec la N70

R8

Ring autour de Courtrai


2) Autres routes régionales à taux d'imposition supérieur à zéro centime d'euro :

N1

Bruxelles - Anvers - frontière PB (Breda)

N2

Bruxelles - Hasselt - frontière PB (Maastricht)

N3

Bruxelles - frontière Wallonie (Liège)

N4

Bruxelles - frontière Wallonie (Namur)

N5

Bruxelles - frontière Wallonie (Charleroi)

N6

Bruxelles - frontière Wallonie (Mons)

N7

Hal - frontière Wallonie (Tournai)

N8

Bruxelles - Ninove - Audenarde - Courtrai - Ypres - Coxyde

N9

Bruxelles - Gand - Bruges - Ostende

N10

Mortsel - Diest

N20

Hasselt - frontière Wallonie (Liège)

N31

(E403)

Bruges - Zeebruges, excl.N31 Zeebruges jusqu'à et y compris l'intersection avec la N348

N49

(E34)

Anvers - Zelzate - Maldegem - Knokke (Knokke-Heist), excl. N49 de Westkapelle jusqu'à l'intersection avec le R4-Ouest

N50

Bruges - Ingelmunster - Courtrai - frontière Wallonie (Mons)

N60

Gand - Audenarde - Renaix - frontière Wallonie (Leuze)

N70

Gand - Anvers

N80

Hasselt - frontière Wallonie (Namur)

N186

Anvers (Jan de Voslei)


».

B.11. Il se déduit de l'article 170, § 2, et de l'article 172, alinéa 2, de la Constitution qu'aucun impôt ne peut être levé et qu'aucune exemption d'impôt ne peut être accordée sans qu'ait été recueilli le consentement des contribuables, exprimé par leurs représentants. Il s'ensuit que la matière fiscale est une compétence que la Constitution réserve en l'espèce au décret et que toute délégation qui porte sur la détermination d'un des éléments essentiels de l'impôt est, en principe, inconstitutionnelle.

Les dispositions constitutionnelles précitées ne vont toutefois pas jusqu'à obliger le législateur décrétal à régler lui-même chacun des aspects d'un impôt ou d'une exemption. Une délégation conférée à une autre autorité n'est pas contraire au principe de légalité, pour autant qu'elle soit définie de manière suffisamment précise et qu'elle porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels ont été fixés préalablement par le législateur décrétal.

Font partie des éléments essentiels de l'impôt, la désignation des contribuables, la matière imposable, la base d'imposition, le taux d'imposition et les éventuelles exonérations d'impôt.

B.12. La disposition attaquée autorise le Gouvernement flamand à ajuster la liste des routes de l'annexe 2, d'une part, aux changements de nom des routes qui y sont reprises et, d'autre part, aux changements de catégorie des routes qui y sont reprises.

Il ressort des termes de cette disposition que la double autorisation d'ajuster la liste des routes porte uniquement sur « les routes y reprises ». Le Gouvernement flamand n'a pas la possibilité d'ajouter de nouvelles routes à la liste ou d'en supprimer, de sorte qu'il ne peut pas étendre ou limiter la base d'imposition. Il peut seulement reclasser les routes figurant déjà dans la liste, en cas de modification de leur statut de droit administratif, parmi les trois types de route prévus par l'article 19 du décret attaqué : (1) autoroutes et rings autoroutiers, (2) autres routes régionales à taux d'imposition supérieur à zéro centime, (3) routes communales à taux d'imposition supérieur à zéro centime.

La disposition attaquée offre dès lors une garantie suffisante que le prélèvement kilométrique ne peut pas être perçu sans l'accord du législateur décrétal et qu'une exonération du prélèvement kilométrique ne peut pas non plus être accordée sans l'assentiment du législateur décrétal.

B.13. Lorsqu'un changement de la catégorisation administrative d'une route déjà présente dans la liste conduit le Gouvernement flamand à reclasser cette route dans l'annexe 2 sous un autre type de route, ce qui pourrait avoir un impact sur le montant du prélèvement kilométrique, ce reclassement se fonde sur une autorisation définie avec une précision suffisante, qui vise à adapter le régime du prélèvement kilométrique à la catégorisation administrative des routes et à garantir ainsi la cohérence et la prévisibilité de la réglementation applicable.

Il peut en effet être raisonnablement admis que le classement administratif des routes soit modifié pour des motifs de mobilité et de gestion des routes, et non pour des raisons fiscales. Il appartient au juge compétent d'y veiller.

B.14. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

Quant au troisième moyen B.15. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la sécurité juridique et le principe d'égalité en tant que principe général du droit de l'Union européenne.

La partie requérante fait valoir que le décret n'établit pas de distinction entre, d'une part, des véhicules dont la masse maximale autorisée est supérieure à 3,5 tonnes et qui sont réellement utilisés pour le transport de marchandises et, d'autre part, des véhicules dont la masse maximale autorisée est supérieure à 3,5 tonnes et qui sont certes destinés au transport de marchandises, mais ne sont pas réellement utilisés à cette fin, ou selon le type de marchandises qu'ils transportent.

B.16. L'article 11, 5°, du décret attaqué a remplacé l'alinéa 5 de l'article 1.1.0.0.2 du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013 par la disposition suivante : « Au titre 2, chapitre 4, on entend par : [...] 6° véhicule : un véhicule à moteur ou un ensemble de véhicules articulés prévu ou utilisé, soit partiellement, soit exclusivement, pour le transport par route de marchandises, et dont la masse maximale autorisée est de plus de 3,5 tonnes; [...] ».

B.17. Il ressort du texte de cette disposition, et plus particulièrement des termes « prévu ou utilisé », que tous les véhicules destinés au transport par route de marchandises, qu'ils soient ou non réellement utilisés pour transporter des marchandises, sont par principe soumis au prélèvement kilométrique, pour autant que leur masse maximale autorisée soit supérieure à 3,5 tonnes.

Cette interprétation est confirmée dans les travaux préparatoires du décret attaqué par la référence à l'article 1er, § 1er, de l'arrêté royal du 15 mars 1968 « portant règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles, leurs remorques, leurs éléments, ainsi que les accessoires de sécurité », et plus précisément aux véhicules des catégories N2 et N3 prévues par cette disposition. Ces véhicules y sont respectivement définis comme étant des « véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises ayant un poids maximal supérieur à 3,5 tonnes, mais ne dépassant pas 12 tonnes » et des « véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises ayant un poids maximal supérieur à 12 tonnes ».

Les travaux préparatoires font en outre apparaître que le transport de marchandises doit être interprété au sens large : « Ainsi, des outils sont également assimilés à des ' marchandises ' » (Doc. parl., Parlement flamand, 2014-2015, n° 370/1, p. 13).

B.18. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée, ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.19. Il appartient au législateur d'établir la base de l'impôt. Il dispose en la matière d'une large marge d'appréciation. En effet, les mesures fiscales constituent un élément essentiel de la politique socioéconomique. Elles assurent non seulement une part substantielle des recettes qui doivent permettre la réalisation de cette politique, mais elles permettent également au législateur d'orienter certains comportements et d'adopter des mesures correctrices afin de donner corps à la politique sociale et économique.

Les choix sociaux qui doivent être réalisés lors de la collecte et de l'affectation des ressources relèvent par conséquent du pouvoir d'appréciation du législateur. La Cour ne peut sanctionner un tel choix politique et les motifs qui le fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou s'ils sont clairement déraisonnables.

B.20. Compte tenu de cette grande marge d'appréciation et de l'objectif du prélèvement kilométrique, qui est de couvrir les frais engendrés par le transport par route dans le domaine de la mobilité (congestion du trafic et infrastructures routières), de l'environnement (pollution atmosphérique et sonore) et de la sécurité routière (usure du revêtement routier et réduction du nombre d'accidents), il n'est pas sans justification raisonnable que le législateur décrétal n'établisse aucune distinction entre les poids lourds selon qu'ils transportent ou non des marchandises ou selon le type de marchandises - outils ou autres marchandises - qu'ils transportent.

Il est raisonnable de considérer que les véhicules destinés au transport par route de marchandises transportent réellement des marchandises pendant une grande partie du temps où ils empruntent la voie publique. Quant aux véhicules qui transportent des outils, il est raisonnable de considérer qu'ils induisent similairement aux véhicules qui transportent d'autres marchandises les coûts précités en matière de mobilité, d'environnement et de sécurité routière.

B.21. Lorsqu'il instaure un impôt, le législateur décrétal doit nécessairement tenir compte des difficultés liées à la perception de l'impôt, particulièrement en ce qui concerne les frais administratifs et d'infrastructure qui en découlent pour l'administration chargée du recouvrement.

Comme le fait valoir le Gouvernement flamand, si l'on traitait différemment les poids lourds selon qu'ils transportent réellement des marchandises ou selon le type de marchandises qu'ils transportent, il faudrait non seulement enregistrer le nombre de kilomètres qu'ils parcourent, mais aussi constater et évaluer leur cargaison avant de pouvoir fixer le taux du prélèvement kilométrique. Un tel constat et une telle évaluation engendreraient des charges administratives excessives.

B.22. Le principe de la sécurité juridique implique que le législateur ne peut pas apporter une atteinte disproportionnée au principe selon lequel tout contribuable doit pouvoir déterminer, avec un degré minimal de prévisibilité, le régime fiscal qui lui sera appliqué.

Il ressort de la disposition attaquée que le véhicule doit être « prévu ou utilisé » pour le transport par route de marchandises. Cette disposition ayant été formulée de manière suffisamment claire et précise, elle ne porte pas une atteinte discriminatoire au principe de la sécurité juridique.

B.23. Le troisième moyen n'est pas fondé.

B.24. Dans la mesure où la définition du terme « véhicule » donnée par la disposition attaquée serait une simple transposition de celle figurant dans la directive 1999/62/CE, la partie requérante demande enfin que la Cour pose une question préjudicielle à la Cour de justice sur la compatibilité de la disposition concernée de la directive avec le principe d'égalité du droit de l'Union.

Dès lors qu'il ressort de l'examen du troisième moyen que le grief invoqué est manifestement non fondé, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice à titre préjudiciel.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 février 2017.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, E. De Groot

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