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Arrêt
publié le 25 août 2016

Extrait de l'arrêt n|SD 74}/2016 du 25 mai 2016 Numéro du rôle : 6168 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 1 er , 3°, de l'article 3 et 47 de l'article 4 (« Dispositions abrogat(...) La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n|SD 74}/2016 du 25 mai 2016 Numéro du rôle : 6168 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 1er, 3°, de l'article 3 (« Dispositions transitoires ») et 47 de l'article 4 (« Dispositions abrogatoires et modificatives ») de la loi du 14 juillet 1976 relative aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux, posée par le Tribunal de première instance du Hainaut, division Tournai.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 26 février 2015 en cause de D.O. contre A.R., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 9 mars 2015, le Tribunal de première instance du Hainaut, division Tournai, a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 1er, 3°, de l'article 3 (' Dispositions transitoires ') et 47 de l'article 4 (' Dispositions abrogatoires et modificatives ') de la loi du 14 juillet 1976 relative aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'ils impliquent que l'article 1471 ancien du Code civil est applicable aux catégories d'époux qu'ils visent, en particulier les époux qui avaient adopté, avant l'entrée en vigueur de la loi précitée, le régime conventionnel de la séparation de biens comportant une société d'acquêts, avec pour conséquence que, pour le partage de la communauté, la femme divorcée bénéficie d'une préférence pour exercer ses prélèvements avant ceux du mari alors que l'homme divorcé ne jouit pas du même privilège ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur l'article 1er, 3°, de l'article 3 (« Dispositions transitoires ») ainsi que sur l'article 47 de l'article 4 (« Dispositions abrogatoires et modificatives ») de la loi du 14 juillet 1976 relative aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux.

B.1.2. L'article 1er de l'article 3 précité dispose : « Les dispositions de la présente loi sont applicables, suivant les règles ci-après, aux époux mariés avant la date de son entrée en vigueur sans avoir établi de conventions matrimoniales ou après avoir adopté un régime en communauté ou après avoir choisi le régime de la séparation de biens ou celui des biens dotaux comportant une société d'acquêts régie par les articles 1498 et 1499 du Code civil : 1° Pendant un délai d'un an prenant cours à l'entrée en vigueur de la présente loi, les époux peuvent déclarer devant notaire qu'ils entendent maintenir sans changement, leur régime matrimonial légal ou conventionnel.2° A défaut de pareille déclaration, les époux qui n'avaient pas établi de conventions matrimoniales ou avaient adopté le régime de la communauté légale, seront dès l'expiration du délai, soumis aux dispositions des articles 1398 à 1450 concernant le régime légal, sans préjudice des clauses de leur contrat de mariage comportant des avantages aux deux époux ou à l'un d'eux. Ils peuvent toutefois, sans attendre l'expiration de ce délai, déclarer devant notaire, qu'ils entendent se soumettre immédiatement aux dispositions régissant le régime légal. 3° A défaut de la déclaration visée au 1°, les époux qui avaient adopté la communauté réduite aux acquêts ou la communauté universelle seront, dès l'expiration du délai, soumis aux dispositions des articles 1415 à 1426 pour tout ce qui concerne la gestion de la communauté et de leurs biens propres, ainsi qu'à celles des articles 1408 à 1414 définissant les dettes communes et réglant les droits des créanciers. Il en sera de même pour les époux ayant choisi le régime de la séparation de biens ou le régime dotal, tout en ayant stipulé une société d'acquêts régie par les articles 1498 et 1499 du Code civil mais en ce qui concerne cette société seulement. [...] ».

L'article 47 de l'article 4 précité dispose : « § 1er. Sont toutefois maintenus en vigueur à titre transitoire pour les époux mariés antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi, soit qu'ils aient adopté un régime autre qu'en communauté, soit qu'étant soumis légalement ou conventionnellement aux règles du régime en communauté, ils aient convenu de maintenir sans changement le régime préexistant, et ce jusqu'à la liquidation de leur régime matrimonial, les articles 226bis à 226septies, 300, 307, 776, alinéa 1er, 818, 905, 940, alinéa 1er, 1399 à 1535, 1540 à 1581, 2255 et 2256 du Code civil, 64 à 72 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, 1562 du Code judiciaire, 553 à 560 du Code de commerce et 6 du Code des droits de succession. § 2. Sont également maintenus transitoirement en vigueur dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi les articles 124, 295, alinéa 3, 942, 1304, alinéa 2, 1990 et 2254 du Code civil, 47 et 90bis de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, 567, alinéa 1er, 853, 1148, 1167, 1180, 1185, 1283 et 1319 du Code judiciaire. § 3. Lorsque des époux mariés après avoir adopté un régime en communauté, sont soumis par l'effet des dispositions transitoires de la présente loi, aux dispositions de cette loi uniquement en ce qui concerne la gestion de la communauté et de leurs biens propres, la définition des dettes communes et les droits des créanciers, les articles énumérés aux §§ 1er et 2 leur resteront applicables dans la mesure où ils sont nécessaires au fonctionnement et à la liquidation de leur régime matrimonial ».

B.2. La Cour est interrogée sur la compatibilité de ces dispositions avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elles impliquent que l'article 1471 ancien du Code civil est applicable aux époux qui avaient adopté, avant l'entrée en vigueur de la loi du 14 juillet 1976, le régime conventionnel de la séparation de biens comportant une société d'acquêts, « avec pour conséquence que, pour le partage de la communauté, la femme divorcée bénéficie d'une préférence pour exercer ses prélèvements avant ceux du mari alors que l'homme divorcé ne jouit pas du même privilège ».

B.3. L'article 1471 ancien du Code civil disposait : « Les prélèvements de la femme s'exercent avant ceux du mari.

Ils s'exercent pour les biens qui n'existent plus en nature, d'abord sur l'argent comptant, ensuite sur le mobilier, et subsidiairement sur les immeubles de la Communauté; dans ce dernier cas, le choix des immeubles est déféré à la femme et à ses héritiers ».

B.4.1. La loi du 14 juillet 1976 a pour objectif principal de concrétiser, dans la législation relative aux régimes matrimoniaux, l'émancipation juridique de la femme mariée consacrée par la loi du 30 avril 1958 relative aux droits et devoirs respectifs des époux : « Dès l'instant où l'on reconnaît à la femme mariée une pleine capacité juridique, [...] cette indépendance doit trouver sa contrepartie normale dans le domaine des régimes matrimoniaux. L'une des réformes ne va pas sans l'autre. Consacrer la capacité civile de la femme mariée, sans modifier ou aménager les régimes matrimoniaux, serait faire oeuvre théorique et pratiquement illusoire » (Doc. parl., Sénat, 1964-1965, n° 138, p. 1; Doc. parl., Sénat, 1976-1977, n° 683/2, p. 1).

Le but du législateur a été de faire en sorte que l'adaptation de la législation sur les régimes matrimoniaux à la capacité juridique de la femme mariée puisse se concilier avec le respect de l'autonomie de la volonté des parties.

B.4.2. Les dispositions transitoires ont été précisées comme suit : « [Le projet du gouvernement] introduit une distinction importante selon que les époux sont liés par des conventions matrimoniales, quelles qu'elles soient, ou qu'à défaut d'avoir fait recevoir par notaire leur contrat de mariage, ils se trouvent soumis de plein droit au régime de la communauté légale.

Partant de l'idée qu'un contrat de mariage constitue une convention entre époux, qui fait la loi des parties contractantes, il n'en modifie le contenu qu'en introduisant dans le régime choisi par eux les nouvelles règles de gestion de la communauté ou des biens propres.

Le choix d'un autre régime leur est toutefois possible à charge de respecter les règles des articles 8 à 10 (devenus 1394 à 1396).

Par contre, il prévoit pour les époux mariés sans contrat de mariage la faculté, soit de maintenir le régime de communauté, soit de faire choix d'un autre régime; cette faculté s'exerce par acte notarié établi dans les trente-six mois de l'entrée en vigueur de la loi; le choix d'un autre régime autorise, sans en faire une obligation, la liquidation du régime précédent. Aussi longtemps que les époux n'ont pas adopté un autre régime ou s'ils déclarent maintenir le régime de communauté légale, leurs pouvoirs de gestion sont, dès l'entrée en vigueur de la loi, réglés par les dispositions de celle-ci » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1974, n° 683/2, p. 92).

B.5. L'application de l'article 1471 ancien du Code civil aux époux qui se sont mariés avant le 28 septembre 1976 sous le régime conventionnel de la séparation de biens comportant une société d'acquêts, est pertinente au regard de l'objectif poursuivi par la loi du 14 juillet 1976 en général et les dispositions transitoires relatives à la liquidation et au partage en particulier.

B.6. La confirmation de la capacité civile de la femme mariée ne s'imposait en effet qu'en ce qui concerne la gestion de la communauté et des biens propres (articles 1415 à 1426 du Code civil) et en ce qui concerne la question, qui y est indissolublement liée, du règlement des dettes communes et des droits des créanciers (articles 1408 à 1414 du Code civil), et elle n'exigeait dès lors pas nécessairement l'application des règles régissant la liquidation et le partage du régime matrimonial. Le législateur pouvait donc considérer, en se basant sur le principe de la prévisibilité pour les époux concernés et compte tenu de la diversité des modalités pouvant caractériser un régime matrimonial conventionnel, que cette problématique demeurerait régie par les dispositions qui étaient applicables au moment de l'adoption de ce régime.

La disposition de l'article 47, § 3, de l'article IV de la loi du 14 juillet 1976, qui contient des dispositions abrogatoires et modificatives et déclare les articles énumérés aux paragraphes 1er et 2 applicables dans la mesure où ils sont nécessaires à la liquidation du régime matrimonial, ne fait que confirmer l'exclusion de l'application des nouvelles dispositions régissant la liquidation et le partage à cette catégorie d'époux ayant adopté, avant l'entrée en vigueur de cette loi, un régime matrimonial conventionnel.

Rien n'empêchait du reste cette catégorie d'époux de modifier leur régime conventionnel, pour y inclure celles des mesures que le législateur n'a pas prévues pour eux.

Le but du législateur a été de faire en sorte que l'adaptation impérative de la législation sur les régimes matrimoniaux à la capacité juridique de la femme mariée puisse se concilier avec le respect de l'autonomie de la volonté des parties.

Il n'est pas porté atteinte de manière disproportionnée au droit de l'époux dès lors que, comme cela ressort des éléments du dossier, l'article 1471 ancien du Code civil, tel qu'il est appliqué en l'espèce par le juge a quo, constitue tout au plus une règle de priorité dans l'attribution d'un bien lors de la liquidation de la société d'acquêts.

B.7. Les dispositions en cause ne sont dès lors pas sans justification raisonnable et la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, La Cour dit pour droit : L'article 1er, 3°, de l'article 3 (« Dispositions transitoires ») et l'article 47 de l'article 4 (« Dispositions abrogatoires et modificatives ») de la loi du 14 juillet 1976 relative aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 25 mai 2016.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux J. Spreutels

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