publié le 05 juillet 2016
Extrait de l'arrêt n° 50/2016 du 24 mars 2016 Numéros du rôle : 6186, 6188 et 6189 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 49/1, alinéa 4, de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, posées par La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges A. (...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 50/2016 du 24 mars 2016 Numéros du rôle : 6186, 6188 et 6189 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 49/1, alinéa 4, de la
loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
31/01/2009
pub.
09/02/2009
numac
2009009047
source
service public federal justice
Loi relative à la continuité des entreprises
fermer relative à la continuité des entreprises, posées par la Cour d'appel de Mons.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges A. Alen, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par trois arrêts du 7 avril 2015 en cause de l'Etat belge contre respectivement la SPRL « La Centrale », la SPRL « Genius Vision » et la SA « L'Etal », dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 21 avril 2015, la Cour d'appel de Mons a posé la question préjudicielle suivante : « Interprété en ce sens que la créance relative à du précompte professionnel, née de prestations antérieures à l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, ne pourrait subir aucune réduction ou abandon des créances dans le cadre d'un plan de réorganisation, l'article 49/1, alinéa 4, de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises, lu en combinaison avec l'article 49/1, alinéa 2, de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises et les articles 1er, 2, 3bis et 23 de la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer relative à la protection de la rémunération des travailleurs, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il réserve un sort distinct aux différents types de créances de l'administration fiscale, selon qu'elles font partie de la rémunération brute ou pas, et en ce qu'il réserverait un sort tout à fait privilégié à ce type de créance fiscale par rapport aux autres créanciers visés par le plan de redressement déposé par un débiteur en réorganisation judiciaire ? ».
Ces affaires, inscrites sous les numéros 6186, 6188 et 6189 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1. L'article 49/1 de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises (ci-après : LCE), tel qu'il a été inséré par l'article 27 de la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer « modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises » (ci-après : la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer), dispose : « Les propositions incluent pour tous les créanciers une proposition de paiement qui ne peut être inférieure à 15 pourcent du montant de la créance.
Si le plan prévoit un traitement différencié des créanciers, il ne peut accorder aux créanciers publics munis d'un privilège général un traitement moins favorable que celui qu'il accorde aux créanciers sursitaires ordinaires les plus favorisés. Un pourcentage inférieur peut être prévu conformément à l'alinéa 3 et moyennant motivation stricte.
Le plan peut proposer de façon motivée des pourcentages inférieurs en faveur des créanciers ou catégories de créanciers susmentionnés sur la base d'exigences impérieuses et motivées liées à la continuité de l'entreprise.
Le plan ne peut contenir de réduction ou d'abandon des créances nées de prestations de travail antérieures à l'ouverture de la procédure.
Le plan ne peut prévoir de réduction des dettes alimentaires ni des dettes qui résultent pour le débiteur de l'obligation de réparer le dommage causé par sa faute et lié au décès ou à l'atteinte à l'intégrité physique d'une personne.
Le plan de réorganisation ne peut prévoir de diminution ou suppression des amendes pénales ».
B.2. La question préjudicielle porte sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution de l'article 49/1, alinéa 4, de la LCE, « lu en combinaison avec l'article 49/1, alinéa 2, de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises et les articles 1er, 2, 3bis et 23 de la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer relative à la protection de la rémunération des travailleurs », si cette disposition est interprétée en ce sens que la créance du fisc relative au précompte professionnel, née de prestations antérieures à l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, ne pourrait subir aucune réduction ou abandon de créances dans le cadre d'un plan de réorganisation : cette disposition créerait ainsi une différence de traitement entre différents types de créances de l'administration fiscale, selon qu'elles font partie de la rémunération brute ou pas, et réserverait un sort tout à fait privilégié à la créance fiscale de précompte professionnel par rapport aux autres créanciers visés par le plan de redressement déposé par un débiteur en réorganisation judiciaire.
B.3. Les litiges pendants devant le juge a quo concernent des procédures de réorganisation judiciaire au cours desquelles l'administration fiscale a déposé une requête en intervention volontaire, en vue de bénéficier, pour la créance de précompte professionnel, de la protection de la rémunération accordée par la disposition en cause.
B.4. Il ressort de la formulation de la question préjudicielle que le juge a quo interroge la Cour sur l'article 49/1, alinéa 4, en cause, de la LCE dans l'interprétation selon laquelle la protection que la disposition accorde aux « créances nées de prestations de travail antérieures à l'ouverture de la procédure » vise non seulement la rémunération nette du travailleur, mais également la créance de précompte professionnel. Dans cette interprétation, la disposition en cause créerait une différence de traitement d'une part, entre les créances fiscales, d'autre part, entre la créance de précompte professionnel et les autres créances visées dans le plan de redressement.
La Cour répond à la question dans cette interprétation, en ce qu'elle vise le précompte professionnel.
Quant à la portée de la disposition en cause B.5. La procédure de réorganisation judiciaire prévue par la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de tout ou partie de l'entreprise en difficulté ou de ses activités.
Les travaux préparatoires indiquent à ce sujet : « ' Préserver la continuité de l'entreprise ' fait référence à l'entité elle-même, avec ses différentes composantes. ' Préserver les activités ' fait référence à l'activité économique partiellement détachée de son support. La formulation est, à dessein, très large pour éviter que des interprétations ne dénaturent la volonté du législateur : il s'agit bien d'assurer que, dans des conditions économiques adéquates, des problèmes de nature structurelle ou accidentelle puissent être résolus » (Doc. parl., Chambre, S.E. 2007, DOC 52-0160/001, p. 15).
B.6. Le législateur a entendu, par cette procédure, élargir la portée de la réglementation relative au concordat judiciaire qu'elle remplace (ibid., DOC 52-0160/002, pp. 39 et 82). Il a tenté de concilier l'objectif de préserver la continuité de l'entreprise avec celui de sauvegarder les droits des créanciers : « [La matière relative aux conséquences de la réorganisation judiciaire] est l'une des plus difficiles qui soient, parce qu'une législation sur l'insolvabilité doit tenir compte d'intérêts très divergents : les intérêts des créanciers qui souhaitent être payés le plus vite possible, et la nécessité de donner une chance à la réorganisation (y compris une réorganisation par transfert d'entreprise). La règle est que la continuité de l'entreprise et des contrats est conservée, mais il va de soi que le maintien des droits sera menacé pendant une période de difficultés financières importantes » (ibid., DOC 52-0160/005, p. 10).
B.7.1. La LCE prévoit la possibilité pour le débiteur d'obtenir de ses créanciers, au moyen d'une requête introduite auprès du tribunal de commerce et à certaines conditions, un sursis au paiement des créances en vue, soit de réaliser un accord amiable (article 43), soit d'obtenir l'accord des créanciers sur un plan de réorganisation (ci-après : un accord collectif) (articles 44 à 58), soit d'autoriser le transfert sous autorité de justice, à un ou plusieurs tiers, de tout ou partie de l'entreprise ou de ses activités (articles 59 à 70).
B.7.2. En l'espèce, il s'agit de réorganisations judiciaires au moyen d'un accord collectif dont la procédure prévoit, dans les grandes lignes, qu'après que le tribunal de commerce a déclaré la procédure de réorganisation judiciaire ouverte, le débiteur doit déposer au greffe un plan de réorganisation (article 44 de la LCE), dont le contenu est régi par les articles 47 à 52 de la LCE et sur lequel les créanciers sursitaires doivent voter. Tout intéressé peut, en outre, intervenir volontairement dans cette procédure, par une requête contenant, à peine de nullité, les moyens et les conclusions (article 5, alinéa 5, de la LCE, tel qu'il a été remplacé par l'article 5 de la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer).
Le plan de réorganisation est censé avoir été approuvé par les créanciers « lorsque le scrutin recueille le vote favorable de la majorité de ceux-ci, représentant par leurs créances non contestées ou provisoirement admises, conformément à l'article 46, § 3, la moitié de toutes les sommes dues en principal » (article 54, alinéa 2, de la LCE). Il s'agit donc de l'exigence d'une double majorité : le nombre des créanciers et le montant des créances (Doc. parl., Chambre, S.E. 2007, DOC 52-0160/001, p. 31). Les créanciers qui n'ont pas participé au vote et les créances qu'ils détiennent ne sont pas pris en compte pour le calcul des majorités (article 54, alinéa 3, de la LCE).
Lorsque le plan de réorganisation est approuvé par les créanciers, le tribunal de commerce doit se prononcer sur l'homologation de celui-ci (article 55 de la LCE). L'homologation rend le plan de réorganisation contraignant pour tous les créanciers sursitaires (article 57, alinéa 1er, de la LCE).
B.8.1. Il revient dès lors au débiteur d'élaborer un plan de réorganisation et de le déposer au greffe.
En vertu de l'article 47 de la LCE, le plan de réorganisation se compose d'une partie descriptive et d'une partie prescriptive. Dans la première partie, il y a notamment lieu de décrire l'état de l'entreprise, les difficultés qu'elle rencontre et les moyens mis en oeuvre pour y remédier. La seconde partie contient les mesures à prendre pour désintéresser les créanciers sursitaires. En vertu de l'article 48 de la LCE, le plan de réorganisation doit décrire les droits de toutes les personnes qui sont titulaires de créances sursitaires ou de créances à naître du fait du vote ou de l'homologation du plan de réorganisation.
B.8.2. En vertu de l'article 49 de la LCE, le plan de réorganisation indique les délais de paiement et les abattements de créances sursitaires en capital et intérêts proposés. Il peut, entre autres, prévoir la conversion de créances en actions et le règlement différencié de certaines catégories de créances, notamment en fonction de leur ampleur ou de leur nature.
La Cour a précisé, en B.15.5 de son arrêt n° 8/2012 du 18 janvier 2012, que la possibilité de prévoir un « règlement différencié de certaines catégories de créances » ne peut être interprétée, au regard du principe d'égalité et de non-discrimination, en ce sens qu'elle permette que le plan prévoie des différences de traitement qui ne seraient pas raisonnablement justifiées.
B.9.1. En ce qui concerne les créances sursitaires, les travaux préparatoires précisent : « Les créances sursitaires sont celles qui sont visées par la demande de sursis. Elles sont nécessairement antérieures au jour de l'ouverture de la déclaration d'ouverture du sursis, ou bien nées du fait même du jugement (par exemple une créance qui naît du fait de l'application d'une clause résolutoire en cas de réorganisation). Deux types de créances sont visés : les créances sursitaires ordinaires et les créances sursitaires extraordinaires.
Ces dernières, qui bénéficient d'un traitement particulier, sont les créances garanties par une sûreté réelle, c'est-à -dire un gage ou une hypothèque, ou bénéficient d'une garantie donnée par la rétention du droit de propriété ou par le biais d'un privilège spécial » (Doc. parl., Chambre, S.E. 2007, DOC 52-0160/001, p. 9).
B.9.2. Il ressort des définitions contenues dans l'article 2 de la LCE relatives aux « créances sursitaires extraordinaires » et aux « créances sursitaires ordinaires », ainsi que des travaux préparatoires (Doc. parl., Chambre, 2008-2009, DOC 52-0160/005, p. 133; Doc. parl., Sénat, 2008-2009, n° 4-995/3, p. 21), que l'administration fiscale doit être considérée comme un créancier sursitaire ordinaire.
Les travaux préparatoires ont éclairé ce point comme suit : « Les créances de l'administration des impôts, de la sécurité sociale et des créanciers privilégiés généraux en général, constituent des créances sursitaires ordinaires. La modification des droits du fisc par rapport à la loi relative au concordat judiciaire a pour objectif d'assurer, dans le cadre des procédures visant au redressement de l'entreprise, et bien entendu sans préjudice [des] sûretés et privilèges institués par la loi hypothécaire ou par des lois particulières, le traitement égal de tous les créanciers, qu'ils soient publics ou privés, et de faire en sorte que chacun de ces derniers apporte sa juste part au redressement de l'entreprise dans l'intérêt général » (Doc. parl., Chambre, 2007-2008, DOC 52-0160/002, p. 45). B.9.3. Le travailleur qui dispose d'une créance de rémunération née avant le jugement d'ouverture de la procédure en réorganisation judiciaire dispose également, en vertu des définitions données à l'article 2 de la loi en cause, d'une créance sursitaire; en l'absence de privilège spécial, cette créance est également une créance sursitaire ordinaire.
B.10.1. Conformément à l'article 49 de la LCE, le plan de réorganisation peut prévoir un abattement des créances sursitaires, visant, en principe, tant celles de l'administration fiscale que celles des travailleurs.
Cet article dispose : « Le plan indique les délais de paiement et les abattements de créances sursitaires en capital et intérêts proposés. Il peut prévoir la conversion de créances en actions et le règlement différencié de certaines catégories de créances, notamment en fonction de leur ampleur ou de leur nature. Le plan peut également prévoir une mesure de renonciation aux intérêts ou de rééchelonnement du paiement de ces intérêts, ainsi que l'imputation prioritaire des sommes réalisées sur le montant principal de la créance.
Le plan peut également contenir l'évaluation des conséquences que l'approbation du plan entraînerait pour les créanciers concernés.
Il peut encore prévoir que les créances sursitaires ne pourront être compensées avec des dettes du créancier titulaire postérieures à l'homologation. Une telle proposition ne peut viser des créances connexes.
Lorsque la continuité de l'entreprise requiert une réduction de la masse salariale, un volet social du plan de réorganisation est prévu, dans la mesure où un tel plan n'a pas encore été négocié. Le cas échéant, celui-ci peut prévoir des licenciements.
Lors de l'élaboration de ce plan, les représentants du personnel au sein du conseil d'entreprise ou, à défaut, du comité pour la prévention et la protection au travail, ou, à défaut, la délégation syndicale ou, à défaut, une délégation du personnel, seront entendus ».
B.10.2.1. La disposition en cause, insérée par la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer, encadre toutefois les possibilités pour le plan de prévoir ces abattements de créances sursitaires.
Cette disposition tend en effet à « régler, dans le plan de réorganisation, les modalités relatives aux propositions de remboursement des créanciers sursitaires » (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2692/003, p. 25).
B.10.2.2. L'un des objectifs de la loi du 27 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/05/2013 pub. 22/07/2013 numac 2013009257 source service public federal justice Loi modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises fermer était de « mettre fin aux abus, notamment aux demandes intempestives, et améliorer la protection des créanciers, y compris les travailleurs » (ibid., p. 6; voy. aussi Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2692/001, p. 3).
En ce qui concerne la disposition en cause, les travaux préparatoires exposent : « Il est d'usage que le débiteur propose des catégories dans l'élaboration du plan, comme la loi lui permet de faire. Ces catégories doivent se rattacher fonctionnellement aux objectifs du plan : sauver l'entreprise ou une partie de celle-ci.
Certaines propositions de catégories dans le plan ne sont pas autorisées ou sont autorisées avec restrictions, soit parce qu'elles s'écartent sans raison suffisante du droit commun [ou] du droit de la faillite, soit parce qu'elles vont à l'encontre de l'esprit des conventions internationales, soit parce qu'elles pourraient être un indice de manipulations de certains créanciers. [...] Pour les catégories suivantes déterminées ci-après aucune limitation des droits n'est possible.
Cet article vise à exécuter intégralement la convention n° 95 de l'OIT. Bien que cette convention ne soit sensu stricto pas applicable à la réorganisation, il apparaît néanmoins souhaitable d'offrir aux travailleurs une protection supplémentaire dans ce contexte. Cette disposition est une disposition impérative, ce qui signifie que le travailleur protégé par cette disposition a le droit d'y renoncer » (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2692/001, pp. 23-24).
Il a également été exposé qu'« à l'avenir, il sera impossible pour les travailleurs de voir leurs indemnités réduites, par exemple de moitié.
Cela concerne principalement les arriérés de salaires qui auraient [dû] être payés avant l'ouverture de la procédure » (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2692/003, pp. 11-12).
B.10.3. Il résulte de la combinaison de l'article 49 de la LCE avec la disposition en cause que sont immunisées de la possibilité de réduction ou d'abandon, prévue par l'article 49 de la LCE, les créances sursitaires nées de prestations de travail antérieures à l'ouverture de la procédure de réorganisation, et que l'objectif légitime poursuivi par cette mesure est d'offrir une protection supplémentaire aux travailleurs de l'entreprise en difficulté.
B.11. Il convient dès lors d'examiner si la disposition en cause, interprétée en ce sens qu'elle vise la créance de précompte professionnel, est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
Quant à la créance de précompte professionnel B.12.1. Le précompte professionnel est une avance sur l'impôt, retenue à la source, perçue durant l'année même au cours de laquelle les revenus sont recueillis et calculée sur des revenus qui présentent une certaine stabilité. Le versement du précompte professionnel est obligatoire et est à charge de l'employeur du contribuable.
B.12.2. L'article 270 du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992) énumère les catégories de personnes qui sont « redevables du précompte professionnel ».Conformément à cette disposition, sont notamment redevables du précompte professionnel les contribuables qui, à titre de débiteur, dépositaire, mandataire ou intermédiaire, paient ou attribuent en Belgique ou à l'étranger, des rémunérations de travailleurs ou de dirigeants d'entreprise.
Les articles 86 et suivants de l'arrêté royal du 27 août 1993 d'exécution du CIR 1992 détaillent le mode de perception de ce précompte professionnel, dû à la source sur les revenus professionnels visés à l'article 87 du même arrêté.
B.12.3. Mode de perception anticipée de l'impôt des personnes physiques qui sera enrôlé sur les revenus professionnels des travailleurs, le précompte professionnel constitue une créance fiscale dont le paiement doit être effectué par l'entreprise.
Le paiement tardif du précompte professionnel est ainsi susceptible de générer les intérêts de retard visés à l'article 414 du CIR 1992, ou de donner lieu à une amende administrative permise par l'article 445 du CIR 1992.
Le non-paiement répété du précompte professionnel est, en outre, susceptible d'engager la responsabilité solidaire des dirigeants, par une présomption réfragable de faute, visée à l'article 442quater, § 2, du CIR 1992, tel qu'il a été inséré par l'article 14 de la loi-programme du 20 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 20/07/2006 pub. 28/07/2006 numac 2006202312 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, sauf si le non-paiement résulte de difficultés financières qui ont donné lieu, notamment, à l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire.
Les travaux préparatoires de la loi-programme du 20 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 20/07/2006 pub. 28/07/2006 numac 2006202312 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer précitée exposent à cet égard que le précompte professionnel est « comptabilisé par l'entreprise pour le compte de tiers » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2517/012, p. 7), en l'espèce les travailleurs.
B.13.1. Le précompte professionnel est d'ailleurs protégé en tant qu'élément de la rémunération du travailleur, comme cela résulte de la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer concernant la protection de la rémunération des travailleurs, dont les articles 1er et 2 définissent le champ d'application de cette loi, ainsi que la notion de « rémunération ».
B.13.2. La loi sur la protection de la rémunération a pour but d'assurer au travailleur une disposition maximale de la rémunération qu'il a gagnée. « En faisant usage de l'expression ' protection de la rémunération ', le projet entend protéger le droit à rémunération, préalablement acquis en vertu soit d'un contrat de louage de travail ou d'un autre contrat ayant pour objet une prestation de travail, soit d'une loi ou d'un règlement. Ce but est atteint en édictant les mesures propres à assurer au bénéficiaire la disposition de son salaire dans la mesure qui lui permet d'assurer sa subsistance et celle de sa famille » (Doc. parl., Chambre, 1962-1963, n°471/1, p. 1).
B.13.3. L'article 3bis de la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer concernant la protection de la rémunération des travailleurs, tel qu'il a été inséré par l'article 81 de la loi du 26 juin 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2002 pub. 09/08/2002 numac 2002012847 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative aux fermetures d'entreprises fermer « relative aux fermetures d'entreprises », dispose : « Le travailleur a droit au paiement par l'employeur de la rémunération qui lui est due. Ce droit au paiement de la rémunération porte sur la rémunération, avant imputation des retenues visées à l'article 23 ».
L'article 23 de la même loi dispose : « Peuvent seuls être imputés sur la rémunération du travailleur : 1° les retenues effectuées en application de la législation fiscale, [...] [...] ».
B.13.4. Les travaux préparatoires de l'article 81 de la loi du 26 juin 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2002 pub. 09/08/2002 numac 2002012847 source ministere de l'emploi et du travail Loi relative aux fermetures d'entreprises fermer, qui a inséré l'article 3bis dans la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer, exposent : « L'objet de la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer concernant la protection de la rémunération des travailleurs n'est pas de définir ce qui est dû au travailleur, mais bien de protéger le paiement de ce qui lui est dû. A cette fin, l'article 81 prévoit expressément que le travailleur a droit au paiement de la rémunération (au sens de l'article 2 de [la] loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer) qui lui est due en vertu d'une des sources [du] droit prévues à l'article 51 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires.
Ce droit au paiement de la rémunération porte sur la rémunération brute du travailleur, c'est-à -dire avant que ne soient effectuées, entre autres, les retenues fiscales (le précompte professionnel) et sociales (cotisations personnelles du travailleur). De telles retenues ne pourraient être effectuées si le travailleur n'avait pas droit au paiement de sa rémunération brute » (Doc. parl., Chambre, 2001-2002, DOC 50-1687/001, p. 48).
B.13.5. Il résulte de ce qui précède que la créance de rémunération du travailleur comprend également le précompte professionnel en tant que retenue née de la prestation de travail du travailleur, à laquelle le travailleur a droit en vertu de son contrat de travail, et qui fait partie de la rémunération que l'employeur s'est engagé à payer, protégée à ce titre par la loi du 12 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/04/1965 pub. 08/03/2007 numac 2007000126 source service public federal interieur Loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs fermer.
B.13.6. La circonstance que le travailleur ne dispose pas d'un droit d'action contre l'employeur en vue d'obtenir directement le paiement de ce précompte, ne modifie pas la nature de ce précompte.
B.14. La créance de précompte professionnel, dont l'entreprise est le redevable au titre d'avance sur l'impôt que les travailleurs devront payer sur leurs revenus professionnels, peut dès lors être considérée comme une créance « née de prestations de travail » qui, pour autant qu'elle soit antérieure à l'ouverture de la procédure, est protégée par la disposition en cause.
Cette créance fiscale pour le compte des travailleurs, antérieure à l'ouverture de la procédure, diffère dès lors essentiellement des créances fiscales de l'entreprise, qui pourraient être le cas échéant réduites, conformément à l'article 49/1, alinéa 2, de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer.
La disposition en cause, interprétée comme visant la créance fiscale de précompte professionnel, ne peut davantage constituer une forme de privilège pour l'administration fiscale, puisque ce n'est pas cette dernière qui est protégée par la disposition en cause, mais les travailleurs et leur droit à la rémunération, afférente à leurs prestations de travail antérieures à l'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire.
B.15. Les questions préjudicielles appellent une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Interprété en ce sens qu'il vise la créance de précompte professionnel, l'article 49/1, alinéa 4, de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 24 mars 2016.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels