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Arrêt
publié le 07 mai 2015

Extrait de l'arrêt n° 29/2015 du 12 mars 2015 Numéro du rôle : 5758 En cause : la question préjudicielle relative au décret de la Communauté germanophone du 9 mai 1994 sur les établissements d'hébergement et les établissements hôteliers, posé La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De G(...)

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Extrait de l'arrêt n° 29/2015 du 12 mars 2015 Numéro du rôle : 5758 En cause : la question préjudicielle relative au décret de la Communauté germanophone du 9 mai 1994 sur les établissements d'hébergement et les établissements hôteliers, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 225.533 du 20 novembre 2013 en cause de la SPRL « Seraffetin Hotels » contre la Communauté germanophone, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 novembre 2013, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « Le décret de la Communauté germanophone du 9 mai 1994 sur les établissements d'hébergement et les établissements hôteliers viole-t-il l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (' compétences régionales pour les conditions d'accès à la profession en matière de tourisme '), en ce qu'il protège certaines appellations courantes dont celle d'' hôtel ' et limite ainsi la liberté d'exploiter un établissement hôtelier ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Le décret de la Communauté germanophone du 9 mai 1994 sur les établissements d'hébergement et les établissements hôteliers dispose : « CHAPITRE Ier. - Dispositions générales

Article 1er.Le présent décret est applicable aux établissements d'hébergement et aux établissements hôteliers.

Par établissements d'hébergement, on entend les établissements commerciaux ou touristiques qui : 1° offrent régulièrement ou occasionnellement le logement, avec ou sans repas;2° disposent d'au moins quatre chambres ou d'installations permettant le logement d'au moins dix personnes;3° disposent d'une attestation de sécurité. Par établissements hôteliers, on entend les établissements commerciaux ou touristiques qui : 1° offrent régulièrement ou occasionnellement le logement, avec ou sans repas;2° disposent d'au moins quatre chambres servant uniquement au logement d'hôtes;3° offrent le logement pour au moins une nuit;4° disposent d'une attestation de sécurité et d'une autorisation hôtelière. Toutefois, le présent décret ne s'applique pas aux terrains de camping, aux maisons de vacances, aux établissements de tourisme social ni aux établissements du secteur socio-médical. CHAPITRE II. - Dispositions relatives aux établissements d'hébergement et aux établissements hôteliers Section 1re. - Disposition générales

Art. 2.Nul ne peut exploiter un établissement d'hébergement ou un établissement hôtelier s'il ne dispose pas d'une attestation par laquelle il est établi qu'il satisfait aux normes de sécurité en matière de protection contre l'incendie spécifiques aux établissements d'hébergement et aux établissements hôteliers.

Art. 3.Le Gouvernement détermine : 1° les normes de sécurité en matière de protection contre l'incendie spécifiques aux établissements d'hébergement et aux établissements hôteliers;2° le modèle de l'attestation de sécurité. Section 2. - L'attestation de sécurité

Art. 4.L'attestation de sécurité est délivrée lorsque les normes de sécurité sont remplies et qu'il est satisfait aux dispositions du Règlement général pour la protection du travail.

Art. 5.La durée de validité de l'attestation de sécurité est de cinq ans. [...] Section 3. - Procédure

Art. 6.La demande d'obtention d'une attestation de sécurité est adressée par recommandé au bourgmestre de la commune concernée.

Art. 7.Le bourgmestre statue sur cette demande dans les septante-cinq jours de sa réception en se basant sur l'avis en matière de sécurité incendie établi par le service d'incendie compétent.

Art. 8.La décision d'octroi, de refus ou d'octroi conditionnel de l'attestation est signifiée par recommandé au requérant.

La décision doit être motivée. En cas de refus, une copie de l'avis en matière de sécurité incendie doit être jointe à la décision.

Si la décision n'est pas notifiée au requérant dans le délai prévu à l'article 7, l'attestation est censée être refusée.

Art. 9.Le requérant peut dans les trente jours de la signification du refus ou dans les cent vingt jours à compter du dernier jour du délai prévu à l'article 7, introduire par recommandé un recours motivé auprès du Gouvernement.

Le recours est suspensif.

Art. 10.§ 1er. Une dérogation aux normes spécifiques de sécurité peut être demandée à l'occasion de l'introduction d'un recours contre une décision relative à l'attestation de sécurité.

Un accusé de réception est signifié dans les dix jours de la réception du recours.

Le Gouvernement statue dans les nonante jours de la réception du recours après avoir demandé l'avis de la Commission de sécurité contre l'incendie pour établissements d'hébergement et établissements hôteliers.

La décision du Gouvernement est motivée et est signifiée au requérant par recommandé. § 2. Si la décision n'est pas signifiée dans le délai prévu au § 1er, le recours est censé être rejeté, sauf si le Gouvernement a signifié au requérant, dans le même délai, une décision motivée de prolonger exceptionnellement le délai. La prolongation ne peut dépasser trente jours. § 3. Si une dérogation est accordée, elle doit préciser les prescriptions spécifiques auxquelles on peut déroger et, le cas échéant, la période pour laquelle la dérogation est accordée. Section 4. - La Commission de sécurité contre l'incendie pour

établissements d'hébergement et établissements hôteliers

Art. 11.Il est créé une Commission de sécurité contre l'incendie pour établissements d'hébergement et établissements hôteliers, qui rend un avis lors de chaque recours introduit en application de l'article 9. [...] CHAPITRE III. - Dispositions particulières relatives aux établissements hôteliers

Art. 19.Nul ne peut exploiter un établissement hôtelier sans autorisation préalable, appelée autorisation hôtelière.

Art. 20.L'autorisation hôtelière n'est délivrée que lorsque le requérant ou la personne chargée de la gestion journalière de l'établissement hôtelier n'a pas été condamné(e) en Belgique ou à l'étranger, par une décision coulée en force de chose jugée, pour une ou plusieurs des infractions prévues au Livre II, Titre VII, Chapitres V, VI et VII, Titre VIII, Chapitres I, IV et VI et Titres IX, Chapitres I et II du Code pénal, sauf si la condamnation était conditionnelle et si l'intéressé n'a pas perdu le bénéfice du sursis.

Art. 21.§ 1er. Les établissements hôteliers doivent disposer d'au moins quatre chambres servant au logement d'hôtes et leur étant exclusivement réservées.

Toutes les installations doivent être bien entretenues et le personnel doit être vêtu de façon correcte. § 2. Les bâtiments annexes, c.-à-d. les bâtiments destinés à l'hébergement d'hôtes qui ne peuvent être atteints qu'en quittant le bâtiment principal doivent, à l'exception du nombre minimal de chambres, satisfaire également à toutes les normes applicables aux établissements hôteliers. Tout document, toute correspondance et toute publicité relatifs aux bâtiments annexes doivent reprendre le terme ' Nebengebäude ' (' bâtiments annexes ').

Art. 22.Seuls des établissements hôteliers peuvent être exploités sous la dénomination ' Hotel, Hostellerie, Aparthotel, Motel, Gasthof, Pension ou Relais ' (' hôtel ', ' hostellerie ', ' hôtel à appartements ', ' motel ', ' auberge ', ' pension ' ou ' relais '). Le Gouvernement peut compléter cette liste. [...]

Art. 23.Tout établissement hôtelier qui reçoit une autorisation hôtelière est classé dans une des cinq catégories selon les conditions fixées par le Gouvernement. A chacune des catégories correspond un nombre d'étoiles déterminé.

Tout établissement hôtelier doit au moins répondre aux conditions prévues pour la catégorie la moins élevée.

Le Gouvernement peut, dans des cas dûment justifiés, accorder des dérogations aux conditions reprises à l'article 21, § 1, alinéa 1 et à l'article 22, alinéa 2, et aux conditions fixées conformément à l'alinéa 1 de cet article; toute dérogation accordée doit être décrite précisément et communiquée par écrit au requérant.

Art. 24.La demande d'octroi d'une autorisation hôtelière est adressée au Ministère sur le formulaire prévu à cet effet.

Dans les dix jours de la réception de la demande, un accusé de réception est transmis au requérant, ou il est informé que sa demande est incomplète.

Art. 25.L'autorisation hôtelière peut être suspendue ou retirée : 1° lorsque les conditions auxquelles son octroi a été subordonné ne sont plus remplies;2° lorsque le titulaire de l'autorisation hôtelière ne remplit pas les obligations auxquelles il est assujetti par le Gouvernement;3° lorsque l'inspection prévue à l'article 32 est refusée ou entravée;4° lorsque le titulaire de l'autorisation hôtelière ou la personne chargée de la gestion journalière de l'établissement hôtelier a été condamné(e) en Belgique ou à l'étranger, par une décision coulée en force de chose jugée, pour une ou plusieurs des infractions prévues au Livre II, Titre VII, Chapitres VI, VI et VII, Titre VIII, Chapitres I, IV et VI et Titre IX, Chapitres I et II du Code pénal, sauf si la condamnation était conditionnelle et si l'intéressé n'a pas perdu le bénéfice du sursis.

Art. 26.La suspension d'une autorisation hôtelière doit être limitée dans le temps et doit donner au titulaire du permis l'occasion de régulariser la situation. Sinon, le retrait est prononcé au terme du délai imparti.

Art. 27.En cas de retrait de l'autorisation hôtelière ou de fermeture de l'hôtel, le titulaire de l'autorisation doit, dans un délai de dix jours, renvoyer par recommandé au Ministère l'autorisation, toutes les copies certifiées conformes de l'autorisation, ainsi que l'écusson.

Lorsqu'un établissement hôtelier est classé dans une catégorie inférieure, le titulaire de l'autorisation hôtelière doit renvoyer dans les dix jours au Ministère l'écusson qu'il détenait jusqu'alors.

Art. 28.En cas de reprise de l'établissement hôtelier, une nouvelle autorisation doit être demandée dans les trois mois. En cas de décès du titulaire de l'autorisation hôtelière, ce délai est porté à six mois.

Entre-temps, et jusqu'à ce que la décision relative à la demande soit communiquée, l'exploitation de l'établissement hôtelier peut être poursuivie.

Art. 29.Le Gouvernement détermine la procédure relative à l'octroi, au refus, à la suspension ou au retrait de l'autorisation hôtelière.

L'autorisation hôtelière a une durée indéterminée, sans préjudice de sa suspension ou de son retrait. [...] ».

B.2.1. Le Conseil d'Etat demande à la Cour si le décret du 9 mai 1994 précité est compatible avec l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, « en ce qu'il protège certaines appellations courantes dont celle d'' hôtel ' et limite ainsi la liberté d'exploiter un établissement hôtelier », de sorte que les dispositions en cause régleraient les « conditions d'accès à la profession en matière de tourisme », qui relèvent de la compétence régionale.

B.2.2. Il ressort de la formulation de cette question que seul est en cause le chapitre III du décret du 9 mai 1994, qui prévoit que ne peuvent être exploités, sous la dénomination d'« hôtel », entre autres, que les établissements hôteliers agréés. La Cour ne doit donc pas se prononcer sur le chapitre II du décret précité, qui prévoit que nul ne peut exploiter un établissement d'hébergement ou un établissement hôtelier s'il ne dispose pas d'une attestation de sécurité.

B.3. La Cour contrôle les dispositions en cause au regard des règles répartitrices de compétence telles qu'elles étaient applicables au moment où elles ont été adoptées.

B.4.1. L'article 4, § 1er, de la loi du 31 décembre 1983Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/12/1983 pub. 11/12/2007 numac 2007000934 source service public federal interieur Loi de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone. - Coordination officieuse en langue allemande fermer de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone dispose : « Les matières culturelles visées à l'article 130, § 1er, 1°, de la Constitution sont les matières énoncées à l'article 4 de la loi spéciale [du 8 août 1980 de réformes institutionnelles] ».

B.4.2. L'article 4, précité, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel qu'il était applicable au moment de l'adoption des dispositions en cause, disposait : « Les matières culturelles visées à l'article 59bis, § 2, 1° [actuellement l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 1°], de la Constitution sont : [...] 10° Les loisirs et le tourisme; [...] ».

B.4.3. L'article 6 de cette même loi spéciale du 8 août 1980, tel qu'il était applicable au moment de l'adoption des dispositions en cause, disposait : « § 1er. Les matières visées à l'article 107quater [actuellement l'article 39] de la Constitution sont : [...] VI. En ce qui concerne l'économie : [...] L'autorité fédérale est, en outre, seule compétente pour : [...] 6° les conditions d'accès à la profession, à l'exception des compétences régionales pour les conditions d'accès à la profession en matière de tourisme; [...] ».

B.5. La Communauté germanophone estime qu'elle pouvait prendre le décret en cause sur la base de sa compétence en matière de « tourisme ».

B.6.1. Selon l'exposé des motifs du projet de décret qui a abouti au décret du 9 mai 1994, celui-ci vise à promouvoir le tourisme en Communauté germanophone. Dans l'exposé des motifs, il est précisé qu'il importe de moderniser la législation de base, en particulier celle relative aux établissements hôteliers (Doc. parl., Conseil de la Communauté germanophone, 1992-1993, n° 93/1, p. 1).

B.6.2. Le projet de décret originaire disposait, en son article 1er, alinéa 3 : « Sont considérés comme des établissements hôteliers, les établissements offrant le logement pour au moins une nuit, sous la dénomination ' Hôtel ', ' Hostellerie ', ' Hôtel à appartements ', ' Motel ', ' Auberge ', ' Pension ' ou ' Relais ' ou sous une dénomination similaire; le [Gouvernement] peut compléter cette liste » (ibid., p. 10).

En vertu de l'article 19 de ce projet, nul ne pouvait exploiter un établissement hôtelier sans attestation hôtelière préalable.

B.6.3. Lors du débat au sein de la commission compétente, un membre avait demandé si les dénominations contenues dans l'article 1er étaient protégées. Le ministre l'a confirmé, déclarant à cet égard que : « Si n'importe qui pouvait dénommer son établissement ' Hôtel ' ou ' Pension ', le consommateur ne serait pas prémuni contre d'éventuels abus et ne pourrait porter réclamation nulle part » (Doc. parl., Conseil de la Communauté germanophone, 1992-1993, n° 93/5, p. 2).

Un autre membre a demandé ce qu'il fallait entendre par « une dénomination similaire » et si le segment de phrase selon lequel le Gouvernement peut compléter cette liste ne contenait pas une redondance. Le ministre lui a répondu ce qui suit : « Si quelqu'un utilisait une nouvelle dénomination similaire à une autre sans viser en fait toutefois un établissement hôtelier, celle-ci ne pourrait être utilisée. [...] L'absence d'énumération pourrait être source de litiges. L'intéressé pourrait par exemple prétendre qu'une dénomination n'est pas similaire à une autre alors que le ministère est d'un autre avis. Le Gouvernement doit être libre de protéger ou non la nouvelle dénomination employée » (ibid., pp. 2-3).

Un membre s'est montré critique quant à la liste des établissements hôteliers. Il a demandé si : « il n'y [avait] pas lieu de définir plus précisément les critères permettant de considérer un établissement d'hébergement comme un établissement hôtelier ou de renoncer à l'énumération » (ibid., p. 3).

Ce à quoi le ministre a répondu : « La liste sert à énumérer ce qui est comparable à un hôtel. Il s'agit de protéger différentes dénominations, cette énumération n'étant pas limitative. Tant les dénominations précitées que des dénominations comparables auxquelles personne n'a encore pensé sont protégées. Si quelqu'un invente une nouvelle dénomination admissible, un arrêté du Gouvernement suffit pour faire figurer celle-ci dans la liste. Toutes ces mesures visent à protéger l'utilisateur » (ibid.).

B.6.4. Par voie d'amendement, la liste des établissements hôteliers, contenue dans l'article 1er, a dès lors été retirée et insérée dans ce qui est devenu l'article 22, en cause (Doc. parl., Conseil de la Communauté germanophone, 1992-1993, n° 93/4, p. 2). Cet amendement reprenait un ancien amendement, qui avait été justifié comme suit : « Il est préférable d'insérer l'énumération des dénominations sous lesquelles un établissement hôtelier doit être exploité dans les dispositions qui concernent les établissements hôteliers en particulier plutôt que dans les dispositions préliminaires générales » (Doc. parl., Conseil de la Communauté germanophone, 1992-1993, n° 93/2, p. 3).

B.7. La Cour doit examiner si les dispositions en cause violent la compétence régionale relative aux « conditions d'accès à la profession en matière de tourisme ».

B.8.1. La compétence relative aux « conditions d'accès à la profession en matière de tourisme » a été attribuée aux régions par l'article 2, § 5, de la loi spéciale du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat.

Ce transfert de compétence a été justifié comme suit dans les travaux préparatoires : « Cette compétence est régionalisée parce qu'elle s'inscrit dans les compétences économiques régionales [...] [...] Les conditions d'accès à la profession sont [...] restées une compétence fédérale, même après la modification de la loi spéciale en 1988.

Davantage que pour d'autres secteurs, ceci représentait toutefois un obstacle à l'exercice d'une politique économique en matière de tourisme » (Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 558-1, pp. 25-26).

La compétence relative à l'accès à la profession en matière de tourisme figure donc à l'article 6, § 1er, VI, de la loi spéciale précitée du 8 août 1980, qui fixe les compétences régionales « en ce qui concerne l'économie ».

B.8.2. La matière des conditions d'accès à la profession visée à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 6°, comprend notamment le pouvoir de fixer des règles en matière d'accès à certaines professions, de fixer des règles générales ou des conditions d'aptitude propres à l'exercice de certaines professions et de protéger des titres professionnels.

B.9.1. Contrairement au projet de décret originaire, l'article 22, en cause, ne mentionne pas que l'exploitation, sans autorisation, sous une dénomination similaire à celle d'« hôtel », est aussi interdite.

Il découle toutefois de la possibilité, pour le Gouvernement, d'ajouter des notions supplémentaires à l'énumération dans cette disposition et des travaux préparatoires mentionnés en B.6.3 que le législateur décrétal tend à soumettre à une autorisation hôtelière toute exploitation d'un établissement hôtelier sous la dénomination « Hôtel », « Hostellerie », « Hôtel à appartements », « Motel », « Auberge », « Pension » ou « Relais » ou sous une dénomination similaire.

B.9.2. L'autorisation hôtelière ne peut être obtenue que si tant le demandeur ou la personne chargée de la gestion journalière de l'établissement hôtelier que l'établissement hôtelier lui-même satisfont à des conditions déterminées (articles 20 et 21 du décret du 9 mai 1994). Elle peut être suspendue, refusée ou retirée lorsque les conditions ne sont plus observées, lorsque le titulaire de l'autorisation hôtelière ne remplit pas les obligations auxquelles il est assujetti par le Gouvernement, lorsque l'inspection est refusée ou entravée et dans le cas de certaines condamnations (article 25 du décret du 9 mai 1994).

B.9.3. Le législateur décrétal visait dès lors à instaurer un système d'autorisation sans lequel il est impossible d'exploiter un établissement hôtelier et d'exercer, par conséquent, la profession d'exploitant hôtelier.

B.9.4. Par conséquent, le chapitre III du décret en cause réglait les « conditions d'accès à la profession en matière de tourisme », qui relèvent de la compétence régionale.

B.10. Le Gouvernement de la Communauté germanophone fait valoir que, à supposer que la Cour considère que les dispositions en cause régleraient une matière régionale, celles-ci seraient justifiées, sur la base de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.11. Aux termes de l'article 10, précité, de la loi spéciale du 8 août 1980, les décrets peuvent porter des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles les législateurs décrétaux ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires à l'exercice de leur compétence. Il est requis à cette fin que la réglementation adoptée puisse être considérée comme nécessaire à l'exercice des compétences du législateur décrétal, que la matière se prête à un régime différencié et que l'incidence des dispositions en cause sur la matière en l'espèce régionale ne soit que marginale.

B.12. En l'espèce, il suffit de constater que l'incidence des dispositions en cause sur la compétence des régions n'est pas marginale étant donné qu'elles visent à régler de manière exhaustive les conditions d'accès à la profession pour tous les établissements hôteliers de la Communauté germanophone et que le législateur décrétal se substitue donc à l'autorité régionale compétente. Bien que, comme le fait apparaître l'article 1er du décret du 9 mai 1994, outre les établissements hôteliers, il existe d'autres établissements proposant des logements, et que les conditions d'accès à la profession en matière de tourisme ne se limitent pas aux établissements hôteliers, les dispositions en cause règlent les conditions applicables aux établissements dont il convient d'admettre qu'ils sont majoritaires, qu'ils attirent la majorité des utilisateurs et qu'ils ont l'impact le plus important sur l'économie.

B.13. Il n'est dès lors pas satisfait à l'une des conditions permettant l'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.14. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

B.15.1. Le maintien des effets doit être considéré comme une exception à la nature déclaratoire de l'arrêt rendu au contentieux préjudiciel.

Avant de décider de maintenir les effets des dispositions en cause, la Cour doit constater que l'avantage tiré de l'effet du constat d'inconstitutionnalité non modulé est disproportionné par rapport à la perturbation qu'il impliquerait pour l'ordre juridique.

B.15.2. Bien que la Région wallonne détienne, depuis la modification de la loi spéciale du 8 août 1980 par celle du 16 juillet 1993, la compétence pour les conditions d'accès à la profession en matière de tourisme, le décret de la Région wallonne du 18 décembre 2003 relatif aux établissements d'hébergement touristique, pris en vertu de l'article 138 de la Constitution, décret qui prévoit une autorisation préalable, ne s'applique pas aux établissements d'hébergement touristique situés sur le territoire de la région de langue allemande.

Sans le chapitre III, en cause, du décret du 9 mai 1994, les établissements hôteliers sont uniquement soumis à l'attestation de sécurité visée au chapitre II du même décret.

B.15.3. Les articles 3 et 17 de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l'Etat ont transféré la compétence en matière de tourisme des communautés vers les régions, avec effet au 1er juillet 2014.

Toutefois, en application de l'article 139 de la Constitution, la Communauté germanophone exerce, sur le territoire de la région de langue allemande, avec effet au 1er juillet 2014, toutes les compétences de la Région wallonne en matière de tourisme, visées à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 1er, 6° et 9°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (article 1er du décret de la Région wallonne du 27 mars 2014 relatif à l'exercice, par la Communauté germanophone, des compétences de la Région wallonne en matière de tourisme et article 1er du décret de la Communauté germanophone du 31 mars 2014 relatif à l'exercice, par la Communauté germanophone, des compétences de la Région wallonne en matière de tourisme).

Par conséquent, depuis cette date, la Communauté germanophone est compétente pour régler également les conditions d'accès à la profession en matière de tourisme.

B.15.4. La suppression soudaine du système des autorisations hôtelières prévu par les dispositions en cause peut perturber les activités économiques des établissements hôteliers et déstabiliser le secteur touristique sur le territoire de la région de langue allemande. Ainsi, les établissements hôteliers agréés sont répartis en cinq catégories fixées par le Gouvernement de la Communauté germanophone (article 23, alinéa 1er, du décret du 9 mai 1994), sur lesquelles les touristes se basent pour déterminer le type et la qualité de l'établissement qu'ils fréquentent.

B.16. Il découle de ce qui précède que les effets des dispositions du chapitre III du décret en cause doivent être maintenus afin de permettre leur application notamment en ce qui concerne, d'une part, les autorisations hôtelières déjà octroyées en vertu desdites dispositions et, d'autre part, celles qui le seraient dans l'attente de l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions décrétales et au plus tard, compte tenu de ce que le législateur décrétal doit pouvoir disposer d'un délai suffisant pour adopter celles-ci, le 31 décembre 2015.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Le chapitre III du décret de la Communauté germanophone du 9 mai 1994 sur les établissements d'hébergement et les établissements hôteliers viole l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. - Les effets de ces dispositions sont maintenus jusqu'à ce que le législateur décrétal adopte de nouvelles dispositions et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2015.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 12 mars 2015.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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