Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 14 octobre 2013

Extrait de l'arrêt n° 97/2013 du 9 juillet 2013 Numéro du rôle : 5452 et 5453 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 29bis et 29quater de la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité, p La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et J. Spreutels, des juges A. Alen(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2013204858
pub.
14/10/2013
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

Extrait de l'arrêt n° 97/2013 du 9 juillet 2013 Numéro du rôle : 5452 et 5453 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 29bis et 29quater de la loi du 29 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011160 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché de l'électricité fermer relative à l'organisation du marché de l'électricité, posées par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et J. Spreutels, des juges A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke et P. Nihoul, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite R. Henneuse, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêts du 26 juin 2012 en cause respectivement de Geert Asman et Bianca Booms contre la Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz, avec comme parties intervenantes l'association chargée de mission pour la distribution d'énergie « Inter-energa » et l'association chargée de mission « Intercommunale voor Energie », et de Tom De Meester et autres contre la Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz, avec comme parties intervenantes les associations chargées de mission « Imewo », « Intergem », « Iveka » et « Iverlek », la SCRL « Gaselwest », la SCRL « Sibelgaz » et l'association chargée de mission « Imea », dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 10 juillet 2012, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 29bis et 29quater de la loi du 29 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011160 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché de l'électricité fermer relative à l'organisation du marché de l'électricité violent-ils le principe d'égalité inscrit aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce que ces dispositions ne confèrent pas - ou tout au moins si elles doivent être interprétées en ce sens qu'elles ne confèrent pas - à la Cour d'appel de Bruxelles le pouvoir de maintenir temporairement les effets d'une décision administrative de la CREG qu'elle annule, ce qui prive de la sorte les parties au procès de la possibilité d'en appeler à un tel pouvoir, alors que dans le cas où un recours contre cette décision aurait dû être porté devant le Conseil d'Etat, les parties auraient pu arguer de ce pouvoir et cette juridiction aurait pu indiquer quel effet aurait temporairement dû être maintenu ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 5452 et 5453 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1.1. Les questions préjudicielles, qui sont identiques dans les deux affaires, concernent les articles 29bis et 29quater de la loi du 29 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011160 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché de l'électricité fermer relative à l'organisation du marché de l'électricité (ci-après : la loi sur l'électricité), dans la rédaction applicable aux affaires ayant donné lieu aux questions préjudicielles, avant donc leur modification par la loi du 8 janvier 2012.

L'article 29bis constitue l'unique article de la section 1re - « Litiges relevant de la compétence de la cour d'appel de Bruxelles » du chapitre VIbis - « Recours contre les décisions prises par la Commission » de cette loi. L'article 29quater figure dans la section 2 - « Litiges relevant de la compétence du Conseil de la concurrence » de ce même chapitre VIbis.

B.1.2. Les articles en cause disposent : «

Art. 29bis.§ 1er. Un recours auprès de la cour d'appel de Bruxelles siégeant comme en référé est ouvert à toute personne justifiant d'un intérêt contre les décisions de la Commission [de Régulation de l'Electricité et du Gaz] énumérées ci-après : 1° les décisions prises en application de l'article 23, § 2, alinéa 2, 8°, relatif au contrôle du respect par le gestionnaire du réseau des dispositions de l'article 9 et ses arrêtés d'exécution;2° les décisions prises en application de l'article 23, § 2, alinéa 2, 9°, relatif au contrôle de l'application du règlement technique visé à l'article 11 et ses arrêtés d'exécution, à l'exception des décisions visées à l'article 29ter;3° les décisions prises en application de l'article 23, § 2, alinéa 2, 10°, relatif au contrôle de l'exécution par le gestionnaire du réseau du plan de développement visé à l'article 13 et ses arrêtés d'exécution;4° les décisions prises en application de l'article 23, § 2, alinéa 2, 11°, relatif au contrôle et à l'évaluation de l'exécution des obligations de service public visées à l'article 21, premier alinéa, 1° et ses arrêtés d'exécution, et, le cas échéant, à l'application des dérogations accordées en vertu de l'article 21, premier alinéa, 2°, et ses arrêtés d'application;5° les décisions prises en application de l'article 23, § 2, alinéa 2, 13°, relatif à l'adoption de la méthode de calcul et à la vérification des calculs des coûts et pertes visés à l'article 21, premier alinéa, 3°, a) et ses arrêtés d'exécution;6° les décisions prises en application de l'article 23, § 2, alinéa 2, 14°, relatif à l'approbation des tarifs visés aux articles 12 à 12novies et de leurs arrêtés d'exécution;7° les décisions prises en application de la mission qu'elle exerce en vertu de l'article 23, § 2, alinéa 2, 14°bis, relatif au contrôle sur le fait que les tarifications pour la fourniture d'électricité sont orientées dans le sens de l'intérêt général et s'intègrent dans la politique énergétique globale et, le cas échéant, au contrôle des prix maximaux applicables à des clients finals et aux distributeurs approvisionnant des clients finals qui n'ont pas la qualité de client éligible;8° les décisions prises en application de l'article 23, § 2, alinéa 2, 15°, relatif au contrôle des comptes des entreprises du secteur de l'électricité visés à l'article 22 et ses arrêtés d'exécution;9° les décisions prises en application de l'article 31 d'infliger une amende administrative. § 2. La cour d'appel de Bruxelles est saisie du fond du litige et dispose d'une compétence de pleine juridiction ». «

Art. 29quater.§ 1er. Le recours visé à l'article 29bis n'a pas d'effet suspensif, sauf lorsqu'il est dirigé contre une décision de la commission imposant une amende administrative. Toutefois, la cour d'appel de Bruxelles, saisie d'un tel recours, peut, avant dire droit, ordonner la suspension de l'exécution de la décision faisant l'objet du recours, lorsque le demandeur invoque des moyens sérieux susceptibles de justifier l'annulation ou la réformation de la décision et que l'exécution immédiate de celle-ci risque de lui causer un préjudice grave difficilement réparable. La Cour statue toute affaire cessante sur la demande de suspension. § 2. Le recours est formé, sous peine d'irrecevabilité, qui est prononcée d'office, par requête signée et déposée au greffe de la cour d'appel de Bruxelles dans un délai de trente jours à partir de la notification de la décision ou, pour les personnes intéressées à qui la décision n'a pas été notifiée, dans un délai de trente jours à partir de la publication de la décision ou, à défaut de publication, dans un délai de trente jours à partir de la prise de connaissance de celle-ci. La requête est déposée au greffe en autant d'exemplaires que de parties à la cause. § 3. Dans les trois jours ouvrables qui suivent le dépôt de la requête, la requête est notifiée par pli judiciaire par le greffe de la cour d'appel à toutes les parties appelées à la cause par le demandeur. En outre, dans ce même délai, le greffe de la cour d'appel demande au comité de direction de la commission, l'envoi du dossier administratif relatif à l'acte attaqué. La transmission est effectuée dans les cinq jours ouvrables de la réception de la demande. Le dossier administratif peut être consulté par les parties auprès du greffe de la cour d'appel dès son dépôt et jusqu'à la clôture des débats. § 4. A tout moment, la cour d'appel de Bruxelles peut d'office appeler à la cause toutes autres personnes dont la situation risque d'être affectée par la décision faisant l'objet du recours, à intervenir dans l'instance. § 5. La Quatrième Partie, Livre II, Titre III, Chapitre VIII du Code judiciaire est applicable à la procédure devant la cour d'appel de Bruxelles. § 6. La cour d'appel de Bruxelles fixe les délais dans lesquels les parties se communiquent leurs observations écrites et en déposent copie au greffe. La cour fixe également la date des débats.

La cour d'appel de Bruxelles statue dans un délai de soixante jours à compter du dépôt de la requête, visée au § 2 ».

B.2. L'article 29bis en cause a été inséré dans la loi sur l'électricité par la loi du 27 juillet 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/07/2005 pub. 29/07/2005 numac 2005011324 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi organisant les voies de recours contre les décisions prises par la Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz fermer « organisant les voies de recours contre les décisions prises par la Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz », vu la nécessité de statuer efficacement et rapidement, inhérente au secteur de l'énergie (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1895/001, p. 3).

Les travaux préparatoires ont justifié de la manière suivante la nécessité d'instaurer un mécanisme de recours devant la Cour d'appel de Bruxelles contre les décisions de la Commission de Régulation de l'Electricité et du Gaz (ci-après : la CREG) : « 1. l'émergence d'autorités administratives indépendantes dotées d'un pouvoir de sanction propre pose problème dans de nombreux Etats européens, y compris en Belgique, et ce en raison de l'absence de démarcation entre l'instruction judiciaire et le prononcé des jugements; 2. l'évolution des marchés énergétiques a conduit le législateur à doter la CREG de pouvoirs et prérogatives significatifs.Il est dès lors normal que ces pouvoirs accrus entraînent une augmentation de la nécessité, pour les personnes touchées par ces décisions, de pouvoir introduire des recours contre les décisions de la CREG; 3. le Conseil d'Etat n'est pas, en l'état actuel des textes, l'instance la mieux équipée pour connaître des recours contre les décisions de la CREG, compte tenu de la spécificité de la matière visée et des délais propres à la procédure devant la haute instance administrative;et 4. le contentieux des droits subjectifs est resté par nature soumis aux tribunaux de l'ordre judiciaire.En matière de marchés énergétiques, la ligne de démarcation entre les questions relevant de l'exercice discrétionnaire, mais justifié, par la CREG de ses prérogatives ou compétences (discrétionnaires) et les questions de la violation des droits subjectifs des personnes soumises au contrôle de la CREG, n'est pas facile à tracer. Ainsi, les litiges relatifs aux décisions de la CREG peuvent, en l'état actuel des textes, déboucher sur d'éventuels chevauchements de compétences entre les juridictions de l'ordre judiciaire et le Conseil d'Etat et sur des conflits négatifs - aucun organe ne se déclare compétent - et positifs de compétence, lorsque plusieurs organes se déclarent compétents » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1895/001, p. 8).

Le choix en faveur de la Cour d'appel de Bruxelles est justifié de la manière suivante dans les travaux préparatoires : « Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, plusieurs arguments justifient le choix de centraliser le contentieux relatif aux missions de contrôle dévolues à la CREG au sein d'une seule juridiction, à savoir la cour d'appel de Bruxelles. Ces matières relèvent à la fois du contentieux objectif et du contentieux des droits subjectifs, ceci pouvant avoir pour conséquence d'affiner la nature des compétences appelées à être dévolues à la juridiction concernée.

Autant de raisons pour lesquelles la cour d'appel de Bruxelles est appelée à recevoir une nouvelle compétence pour les contentieux relatifs à une grande partie des décisions de la CREG concernant le marché du gaz et de l'électricité.

Cette concentration de compétences auprès de la Cour d'Appel de Bruxelles présente les intérêts suivants : 1. spécialisation de la cour d'appel dans ce domaine;2. unification de la jurisprudence applicable au secteur de l'énergie;3. simplification des voies de recours en la matière;4. rapidité de la procédure;5. renforcement de la sécurité juridique;6. garantie de protection des droits et libertés individuelles sous tous leurs aspects, dans le cadre d'un contrôle de pleine juridiction. La notion de ' pouvoir de pleine juridiction ' fait référence au pouvoir de connaître de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit et de statuer sur le fond.

En Belgique, on relèvera le recours existant déjà devant la cour d'appel de Bruxelles, à l'égard de certaines décisions rendues par le Conseil de la Concurrence. De même, dans le domaine des télécommunications, les décisions de l'IBPT peuvent faire l'objet de recours auprès de la cour d'appel de Bruxelles statuant comme en référé, et dans le domaine financier, certaines décisions de la CBF peuvent également faire l'objet d'un recours auprès de cette même juridiction » (ibid., pp. 8-9).

B.3. La Cour est interrogée sur la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elles ne confèrent pas à la Cour d'appel de Bruxelles le pouvoir de maintenir temporairement les effets d'une décision administrative de la CREG qu'elle annule. Le juge a quo estime que les parties au procès sont ainsi privées de la possibilité d'en appeler à ce pouvoir, alors que dans le cas où un recours contre cette décision aurait dû être introduit devant le Conseil d'Etat, les parties auraient pu exciper de ce pouvoir et cette juridiction pourrait indiquer quels effets doivent temporairement être maintenus.

B.4.1. Si les dispositions en cause étaient interprétées en ce sens que la Cour d'appel de Bruxelles n'est pas compétente pour maintenir temporairement les effets d'une décision de la CREG qu'elle annule, les gestionnaires de réseau de distribution Inter-Energa et Iveg estiment que ces dispositions entraîneraient une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 32, paragraphe 1, et 37, paragraphe 6, de la Troisième directive sur l'électricité, avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative à l'obligation de respecter l'égalité de traitement dans les procédures et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.4.2. Il n'appartient pas aux parties devant la Cour d'étendre la question préjudicielle à un contrôle au regard d'autres dispositions que celles qui sont mentionnées dans la question.

Par conséquent, la saisine de la Cour est limitée à un contrôle des dispositions en cause au regard des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.5.1. Les « décisions », énumérées à l'article 29bis en cause, que prend la CREG ne constituent pas des actes administratifs réglementaires. Ces décisions comprennent des actes administratifs individuels.

B.5.2. Une telle décision de la CREG peut faire l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Bruxelles (article 29bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 29 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011160 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché de l'électricité fermer), qui dispose d'une compétence de pleine juridiction (article 29bis, § 2).

Contrairement aux lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, ni les dispositions en cause, ni aucune autre disposition législative ne donnent expressément à la Cour d'appel de Bruxelles le pouvoir de maintenir provisoirement, et pour un délai qu'elle détermine, certains effets de la décision qu'elle aurait préalablement décidé d'annuler, sans préjudice de la possibilité pour cette Cour d'ordonner, le cas échéant, en application de l'article 29quater, § 1er, la suspension de l'exécution de la décision faisant l'objet du recours.

B.6. L'article 14 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, dispose : « § 1er. La section [du contentieux administratif du Conseil d'Etat] statue par voie d'arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre les actes et règlements : 1° des diverses autorités administratives;2° des assemblées législatives ou de leurs organes, en ce compris les médiateurs institués auprès de ces assemblées, de la Cour des comptes et de la Cour constitutionnelle, du Conseil d'Etat et des juridictions administratives ainsi que des organes du pouvoir judiciaire et du Conseil supérieur de la Justice relatifs aux marchés publics et aux membres de leur personnel. L'article 159 de la Constitution s'applique également aux actes et règlements visés au 2°. [...] § 3. Lorsqu'une autorité administrative est tenue de statuer et qu'à l'expiration d'un délai de quatre mois prenant cours à la mise en demeure de statuer qui lui est notifiée par un intéressé, il n'est pas intervenu de décision, le silence de l'autorité est réputé constituer une décision de rejet susceptible de recours. Cette disposition ne préjudicie pas aux dispositions spéciales qui établissent un délai différent ou qui attachent des effets différents au silence de l'autorité administrative ».

L'article 14ter des mêmes lois coordonnées dispose : « Si la section du contentieux administratif l'estime nécessaire, elle indique, par voie de disposition générale, ceux des effets des dispositions d'actes réglementaires annulées qui doivent être considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu'elle détermine ».

Lorsqu'elle est saisie d'un recours visé à l'article 14 des lois coordonnées le 12 janvier 1973, la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat ne peut décider de maintenir provisoirement certains effets de l'acte annulé que lorsque ce dernier est un acte administratif réglementaire.

B.7.1. Il ressort ce qui précède que la Cour est invitée à statuer sur la constitutionnalité d'une différence de traitement entre, d'une part, des personnes concernées par l'annulation d'un acte administratif à portée réglementaire et, d'autre part, des personnes concernées par l'annulation d'un acte administratif à portée individuelle.

B.7.2. Il convient, au préalable, de noter que cette affaire ne concerne pas une violation du droit de l'Union européenne et qu'il ne doit dès lors pas être tenu compte des limitations qui peuvent découler de ce droit quant au maintien des effets des normes nationales qui doivent être annulées ou dont l'application doit être écartée parce qu'elles sont contraires à ce droit (cf. à cet égard : CJUE, grande chambre, 8 septembre 2010, C-409/06, Winner Wetten GmbH c. Bürgermeisterin der Stadt Bergheim, points 53-69;grande chambre, 28 février 2012, C-41/11, Inter-Environnement Wallonie ASBL et Terre wallonne ASBL c. Région wallonne, points 56-63).

B.7.3. La Cour répond aux questions préjudicielles dans l'interprétation que celles-ci mentionnent, selon laquelle les dispositions en cause n'autorisent pas la Cour d'appel à « maintenir temporairement les effets d'une décision administrative de la CREG qu'elle annule », sans se prononcer sur la question de savoir si la Cour d'appel peut puiser une telle compétence dans le principe de la sécurité juridique et dans le principe de confiance (comparer avec l'arrêt n° 125/2011 du 7 juillet 2011, B.5.4).

B.8. La règle inscrite à l'article 14ter des lois coordonnées le 12 janvier 1973 permet de « limiter éventuellement dans le temps la rétroactivité d'un arrêt d'annulation » du Conseil d'Etat, rétroactivité qui « peut avoir des effets importants dans les faits dans la mesure où [elle] peut mettre à mal des situations juridiques acquises » (Doc. parl., Sénat, 1995-1996, n° 1-321/2, p. 7).

Le problème des effets de la rétroactivité « se pose [...] avec moins d'acuité » dans le cas de l'annulation d'un acte administratif à portée individuelle, de sorte que, lors de l'adoption de l'article 14ter des lois coordonnées le 12 janvier 1973, il a paru « opportun de familiariser d'abord le Conseil d'Etat avec cette nouvelle faculté en cas d'annulation de dispositions réglementaires, et d'étendre éventuellement par la suite, après évaluation, le système à l'annulation de décisions administratives à caractère individuel » (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 644/4, p. 4).

B.9. Jusqu'à présent, le Conseil d'Etat a rarement fait usage du pouvoir conféré par l'article 14ter des lois coordonnées le 12 janvier 1973 et considère que ce pouvoir doit être utilisé avec sagesse et circonspection, lorsqu'il est établi que l'annulation pure et simple de l'acte attaqué aurait des conséquences très graves pour la sécurité juridique (CE, 21 novembre 2001, n° 100.963, Etat belge; 30 octobre 2006, n° 164.258, Somja et al.; 8 novembre 2006, n° 164.522, Union professionnelle belge des médecins spécialistes en médecine nucléaire et al.).

De cette manière, le Conseil d'Etat satisfait à l'intention du législateur, qui a tenté de trouver un équilibre entre le principe de la légalité des actes administratifs réglementaires, consacré par l'article 159 de la Constitution, et le principe de la sécurité juridique. Ainsi que la Cour l'a indiqué dans son arrêt n° 18/2012 du 9 février 2012, le législateur a en effet confié à une juridiction le soin de déterminer si des motifs exceptionnels justifient le maintien des effets d'un acte réglementaire illégal.

B.10. Il appartient au législateur d'instaurer, dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution, un juste équilibre entre l'importance de remédier à chaque situation contraire au droit et le souci de ne plus mettre en péril, après un certain temps, des situations existantes et des attentes suscitées.

B.11. La nécessité d'éviter - dans des cas exceptionnels - que l'effet rétroactif d'une annulation mette à mal des « situations juridiques acquises » (Doc. parl., Sénat, 1995-1996, n° 1-321/2, p. 7) peut, certes, se faire sentir tant à l'égard de décisions individuelles qu'à l'égard de dispositions réglementaires.

Néanmoins, en réalisant le juste équilibre mentionné en B.10, le législateur a pu tenir compte du fait que le risque d'effets disproportionnés d'une annulation est supérieur lorsqu'il s'agit d'une disposition réglementaire qui, par définition, a pour destinataires un nombre indéterminé de personnes.

B.12. Sans se prononcer sur la constitutionnalité d'une autre option, telle que celle que le législateur a envisagée au cours des travaux préparatoires cités en B.8 ou telle qu'elle peut découler du principe de la sécurité juridique et du principe de confiance, la Cour observe que la différence de traitement entre les deux catégories de personnes décrites en B.3 n'est pas dépourvue de justification raisonnable.

B.13. Les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 29bis et 29quater de la loi du 29 avril 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/04/1999 pub. 11/05/1999 numac 1999011160 source ministere des affaires economiques Loi relative à l'organisation du marché de l'électricité fermer relative à l'organisation du marché de l'électricité ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 9 juillet 2013.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, M. Bossuyt

^