publié le 20 novembre 2012
Extrait de l'arrêt n° 133/2012 du 30 octobre 2012 Numéro du rôle : 5258 En cause : le recours en annulation des articles 2 et 4 du décret de la Région flamande du 6 mai 2011 « modifiant le décret relatif à l'Energie du 8 mai 2009 », introdui La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De(...)
Extrait de l'arrêt n° 133/2012 du 30 octobre 2012 Numéro du rôle : 5258 En cause : le recours en annulation des articles 2 et 4 du décret de la Région flamande du 6 mai 2011 « modifiant le décret relatif à l'Energie du 8 mai 2009 », introduit par la SA « E.ON Generation Belgium ».
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 25 novembre 2011 et parvenue au greffe le 28 novembre 2011, la SA « E.ON generation Belgium », dont le siège social est établi à 1800 Vilvorde, Jan Frans Willemsstraat 200, a introduit un recours en annulation des articles 2 et 4 (partim) du décret de la Région flamande du 6 mai 2011 « modifiant le décret relatif à l'Energie du 8 mai 2009 » (publié au Moniteur belge du 16 juin 2011). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. La partie requérante demande l'annulation de l'article 2 du décret de la Région flamande du 6 mai 2011 « modifiant le décret sur l'énergie du 8 mai 2009 » et de l'article 4 de ce décret du 6 mai 2011 en ce qu'il ajoute des alinéas 4, 5 et 6 à l'article 7.1.5, § 4, du décret de la Région flamande du 8 mai 2009 « portant les dispositions générales en matière de la politique de l'énergie » (ci-après : le décret sur l'énergie).
Les dispositions attaquées énoncent : «
Art. 2.Dans l'article 1.1.3 du décret relatif à l'Energie du 8 mai 2009, il est inséré un 75°/1, rédigé comme suit : ' 75°/1 centrale au charbon : unité de production d'électricité où des produits portant les codes NC 2701, 2702, 2703 et 2704, tels que visés au Règlement (CE) n° 2031/2001 de la Commission européenne du 6 août 2001 modifiant l'annexe Ire du Règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, sont ou ont été utilisés comme combustibles. ' ». «
Art. 4.A l'article 7.1.5, § 4, du même décret sont ajoutés [des alinéas] quatre, cinq et six rédigés comme suit : ' [...] Le nombre de certificats d'électricité écologique acceptables dans le cadre de l'obligation de certificat est diminué de 50 % pour une combustion supplémentaire jusqu'à 60 % de sources d'énergie renouvelables dans une centrale au charbon d'une puissance nominale électrique de plus de 50 MW. Le nombre de certificats d'électricité écologique acceptables dans le cadre de l'obligation de certificat est diminué de 50 % pour les premiers 60 % de production d'électricité écologique dans une centrale au charbon ayant une puissance électrique nominale de plus de 50 MW n'utilisant que des sources d'énergie renouvelables.
En dérogation à l'alinéa quatre, le nombre de certificats d'électricité écologique acceptables dans le cadre de l'obligation de certificat est diminué de 11 % pour l'utilisation de sources d'énergie renouvelables dans des centrales au charbon ayant une puissance électrique nominale de plus de 50 MW qui sont actives au 1er janvier 2011 et dans lesquelles après cette date les produits portant les codes NC 2701, 2702, 2703 et 2704, tels que visés au Règlement (CE) n° 2031/2001 de la Commission européenne du 6 août 2001 modifiant l'annexe Ire du Règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, ne sont plus utilisés. Ce pourcentage ne peut pas être augmenté jusqu'au 30 avril 2021 compris. Si le pourcentage serait tout de même augmenté, l'Autorité flamande indemnisera les propriétaires des installations concernées pour les dommages subis.
Le VREG fixe le calcul de la quote-part des sources d'énergie renouvelables dans la production d'électricité. [...]' ».
B.1.2. Le décret sur l'énergie s'inscrit dans le prolongement du décret du 17 juillet 2000 portant organisation du marché de l'électricité et remplace notamment ce décret, dans lequel il a été opté, en Région flamande, pour un système de certificats verts destiné à promouvoir la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables.
Un certificat vert est un bien immatériel cessible attestant qu'un producteur a produit, au cours d'une année déterminée, une quantité déterminée d'électricité en faisant usage de sources d'énergie renouvelables.
Le système des certificats verts comprend deux volets : - d'une part, les producteurs d'« électricité verte », c'est-à -dire d'électricité issue de sources d'énergie renouvelables, peuvent recevoir du « Vlaamse Regulator van de Elektriciteits- en Gasmarkt » (Régulateur flamand du marché de l'électricité et du gaz; ci-après : VREG), par 1 000 kW/heure d'électricité produite, un certificat vert qui est commercialisable sur un marché concurrentiel; - d'autre part, les fournisseurs d'électricité doivent, le 31 mars de chaque année, fournir au VREG un nombre de certificats verts qui correspond à un pourcentage d'électricité verte proportionnel au total de l'électricité qu'ils ont fournie aux clients finaux au cours de l'année civile précédente (il s'agit de l' « obligation de certificats » ou « obligation de quota »).
B.1.3.1. Les dispositions attaquées ont aussi pour conséquence que les certificats verts obtenus pour la production d'énergie renouvelable par combustion de biomasse dans des centrales au charbon ne sont valorisables que jusqu'à un certain point par le fournisseur d'énergie.
B.1.3.2. En vertu de l'article 7.1.5, § 4, alinéa 4, première phrase, du décret sur l'énergie, tel qu'il a été complété par l'article 4, attaqué, du décret du 6 mai 2011, seule la moitié des certificats verts obtenus par la co-combustion jusqu'à 60 % de sources d'énergie renouvelables dans une centrale au charbon d'une puissance électrique nominale de plus de 50 MW sont admissibles.
La deuxième phrase de la disposition précitée prévoit que, dans une centrale au charbon entièrement convertie en centrale à biomasse (où seules des sources d'énergie renouvelables sont utilisées), la moitié seulement des certificats verts sont admissibles pour la première part de 60 % de production d'électricité verte. Pour ce type de centrales, le nombre de certificats verts admissibles est par conséquent ramenée à 70 %.
Cette mesure apparaissait déjà , en des termes comparables, à l'article 15, § 1er, de l'arrêté du Gouvernement flamand du 5 mars 2004 favorisant la production d'électricité à partir des sources d'énergie renouvelables, inséré par l'article 4 de l'arrêté du 5 juin 2009. Ce régime était applicable pour la production d'électricité verte dans les centrales au charbon à partir du 1er janvier 2010. Cet arrêté a été abrogé par l'article 12.2.1, § 1er, 9°, de l'arrêté du Gouvernement flamand du 19 novembre 2010 « portant des dispositions générales en matière de la politique de l'énergie », qui est entré en vigueur le 1er janvier 2011.
B.1.3.3. L'article 2, attaqué, du décret du 6 mai 2011 insère dans l'article 1.1.3 du décret sur l'énergie une définition de la « centrale au charbon ». Sont visées, les centrales électriques qui utilisent la houille et d'autres produits solides obtenus à partir de la houille (code-NC 2701), le lignite (code-NC 2702), la tourbe (code-NC 2703) ainsi que le coke et les produits similaires (code-NC 2704).
Cette définition de centrale au charbon diffère de celle qui figurait déjà à l'article 15, § 1er, précité, de l'arrêté du 5 mars 2004, en ce sens que sont visées les centrales dans lesquelles les produits houillers précités « sont ou ont été utilisés », alors qu'étaient visées auparavant les centrales où de tels produits « sont et ont été » utilisés.
La nouvelle définition a pour conséquence que les centrales au charbon entièrement converties en centrales à biomasse - que cette conversion soit achevée ou doive encore avoir lieu - tombent en principe aussi sous la réglementation limitative.
B.1.3.4. L'article 7.1.5, § 4, alinéa 5, du décret sur l'énergie, tel qu'il a été complété par l'article 4, attaqué, du décret du 6 mai 2011, instaure un régime dérogatoire pour les centrales au charbon (ayant une puissance électrique nominale de plus de 50 MW) qui sont actives au 1er janvier 2011 et sont entièrement converties en centrales à biomasse à cette date. Pour ce type de centrales, le nombre de certificats verts admissibles est réduit à 89 %.
Ce pourcentage ne peut être abaissé avant le 1er mai 2021. S'il l'était néanmoins, la Région flamande devrait indemniser les propriétaires des installations en question pour le dommage subi.
Sur la recevabilité B.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée; il s'ensuit que l'action populaire n'est pas admissible.
B.3. A l'appui de son intérêt au recours, la SA « E.ON Generation Belgium » invoque sa qualité de propriétaire et d'exploitante d'une centrale électrique fonctionnant au charbon, avec co-combustion de biomasse. La partie requérante affirme qu'elle envisage de transformer la centrale en centrale brûlant uniquement de la biomasse.
B.4. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante précise que ses griefs ne concernent que l'admissibilité réduite des certificats verts obtenus pour la production d'énergie renouvelable dans une centrale au charbon entièrement convertie en une centrale à biomasse.
Par conséquent, son recours n'est pas dirigé contre l'article 7.1.5, § 4, alinéa 4, première phrase, du décret sur l'énergie, complété par l'article 4, attaqué, du décret du 6 mai 2011, qui concerne la combustion combinée de biomasse dans une centrale au charbon, ni contre l'alinéa 6 de cette même disposition, qui concerne également la combustion combinée.
B.5. Le conseil de la partie requérante a communiqué, à l'audience, que la procédure d'obtention d'un rapport d'incidence sur l'environnement en vue de la conversion de la centrale au charbon en une centrale fonctionnant exclusivement à la biomasse avait été entamée mais que cette conversion n'était pas encore achevée.
B.6. Dans l'intervalle de la procédure devant la Cour, a été adopté le décret de la Région flamande du 13 juillet 2012 « modifiant le décret sur l'énergie du 8 mai 2009, en ce qui concerne la production écologique d'énergie », dont l'article 7 dispose : « Dans l'article 7.1.5 du même décret, modifié par les décrets des 6 mai 2011 et 8 juillet 2011, les modifications suivantes sont apportées : [...] 6° au paragraphe 4, un huitième alinéa est ajouté et s'énonce comme suit : ' par dérogation aux quatrième à septième alinéas inclus, seuls les certificats d'électricité écologique et les certificats de cogénération mentionnés à l'article 7.1.1, § 2 et § 3, et à l'article 7.1.2, § 2 et § 3, sont acceptables pour l'obligation de certificats mentionnée à l'article 7.1.10 et à l'article 7.1.11 en ce qui concerne les installations de production avec une date de mise en service à partir du 1er janvier 2013. Pour ce qui est des installations de production pour l'énergie solaire, celles-ci satisfont également aux conditions spécifiées dans les deuxième et troisième alinéas. ' ».
Le décret précité du 13 juillet 2012 est entré en vigueur le dixième jour suivant sa publication au Moniteur belge du 20 juillet 2012.
B.7. Le Gouvernement flamand soutient que l'intérêt de la partie requérante est hypothétique.
La SA « Max Green », partie intervenante, a fait valoir à l'audience que les dispositions attaquées, compte tenu de la réglementation modifiée à la suite du décret du 13 juillet 2012, ne seront pas appliquées et ne sont pas appliquées dans l'intervalle à la partie requérante.
Le conseil de la partie requérante a déclaré à l'audience qu'on peut s'attendre à ce que la conversion de la centrale au charbon appartenant à la partie requérante en une centrale fonctionnant entièrement à la biomasse ne s'effectuera pas avant le 1er janvier 2013.
B.8. Même s'il était admis que la partie requérante dispose d'un intérêt en raison de son intention d'exploiter une centrale au charbon entièrement convertie en une centrale fonctionnant à la biomasse, il s'avère que cette intention ne se réalisera, en tout état de cause, pas avant le 1er janvier 2013.
Il s'ensuit que les dispositions actuellement attaquées ne lui ont pas été et ne lui seront pas appliquées, dès lors que les installations de production dont la date de mise en service est postérieure au 1er janvier 2013 seront soumises, en vertu du huitième alinéa ajouté à l'article 7.1.5, § 4, du décret sur l'énergie par le décret précité du 13 juillet 2012, à un régime qui déroge aux dispositions attaquées.
Actuellement, la partie requérante ne justifie donc pas de l'intérêt requis en droit pour poursuivre l'annulation des dispositions attaquées.
B.9. Etant donné qu'un recours en annulation de l'article 7 du décret précité de la Région flamande du 13 juillet 2012 pourrait être introduit dans les six mois à compter de la publication de ce décret au Moniteur belge du 20 juillet 2012, il n'est pas exclu que la partie requérante puisse encore avoir un intérêt à son recours actuel, dans l'hypothèse où l'alinéa 8 de l'article 7.1.5, § 4, du décret sur l'énergie serait annulé à la suite d'un nouveau recours.
B.10. L'examen du recours actuel devrait uniquement être poursuivi si la partie requérante justifie encore de son intérêt, en cas d'annulation de l'alinéa 8 de l'article 7.1.5, § 4, du décret sur l'énergie.
En revanche, l'affaire devra être rayée du rôle si aucun recours en annulation n'est introduit contre cette disposition dans le délai légal ou si un tel recours, ayant été introduit, est rejeté par la Cour.
Par ces motifs, la Cour - décide que l'examen de l'affaire n° 5258 relative au recours en annulation des articles 2 et 4 du décret de la Région flamande du 6 mai 2011 « modifiant le décret relatif à l'Energie du 8 mai 2009 », sera poursuivi si un recours en annulation de l'article 7 du décret de la Région flamande du 13 juillet 2012 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne la production écologique d'énergie » entraîne l'annulation dudit article 7, dans la mesure où ce dernier ajoute un huitième alinéa à l'article 7.1.5, § 4, du décret de la Région flamande du 8 mai 2009 « portant les dispositions générales en matière de la politique de l'énergie »; - décide, en revanche, que l'affaire n° 5258 sera rayée du rôle de la Cour si aucun recours en annulation de l'article 7 précité n'est introduit dans le délai légal ou si un tel recours, ayant été introduit, est rejeté par la Cour.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 30 octobre 2012.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, M. Bossuyt