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Arrêt
publié le 18 juillet 2012

Extrait de l'arrêt n° 49/2012 du 22 mars 2012 Numéro du rôle : 5214 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 50, § 7, du décret de la Communauté française du 6 juin 1994 fixant le statut des membres du personnel subsidi La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges L. La(...)

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Extrait de l'arrêt n° 49/2012 du 22 mars 2012 Numéro du rôle : 5214 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 50, § 7, du décret de la Communauté française du 6 juin 1994 fixant le statut des membres du personnel subsidié de l'enseignement officiel subventionné, tel qu'il était en vigueur à la date du 14 septembre 2006, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 215.307 du 23 septembre 2011 en cause de Myriam Gouy contre la commune de La Bruyère, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 28 septembre 2011, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 50, § 7, du décret du 6 juin 1994 fixant le statut des membres du personnel subsidié de l'enseignement officiel subventionné, tel qu'en vigueur à la date du 14 septembre 2006, qui prévoit qu'une désignation dans un emploi de promotion peut prendre fin par une décision du pouvoir organisateur ne crée-t-il pas une différence de traitement injustifiée entre les membres du personnel de l'enseignement officiel subventionné et ceux de l'enseignement libre subventionné qui, selon l'article 60, § 3, du décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidié de l'enseignement libre subventionné, tel qu'en vigueur à la date du 14 septembre 2006, doivent faire l'objet d'une procédure de licenciement dans le respect des règles de ce décret pour voir mettre fin à l'exercice de leur fonction de promotion à titre temporaire à durée indéterminée ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 50, § 7, du décret de la Communauté française du 6 juin 1994 fixant le statut des membres du personnel subsidié de l'enseignement officiel subventionné, tel qu'il était rédigé avant son remplacement par l'article 77 du décret fixant le statut des directeurs du 2 février 2007. L'article 50 disposait alors : « § 1er. Une fonction de promotion peut être confiée temporairement : 1° si le titulaire de la fonction est temporairement absent;2° dans l'hypothèse visée à l'article 47;3° dans l'attente d'une nomination définitive. Pendant cette période, le membre du personnel reste titulaire de l'emploi dans lequel il est nommé définitivement.

Dans l'hypothèse visée à l'alinéa 1er, 3°, et au plus tard au terme d'un délai de deux ans, le membre du personnel est nommé définitivement dans la fonction de promotion s'il répond à ce moment à toutes les conditions de l'article 49 et si le pouvoir organisateur ne l'en a pas déchargé. [...] § 7. Une désignation temporaire dans un emploi de promotion prend fin soit de commun accord, soit par décision du pouvoir organisateur ou par application de l'article 22, alinéa 1er. Toutefois, la fin de l'année scolaire est sans incidence sur la désignation temporaire dans un emploi de fonction de promotion ».

B.2. L'article 22 du même décret, tel qu'il était rédigé avant sa modification par l'article 66 du décret précité du 2 février 2007, disposait : «

Art. 22.Une désignation à titre temporaire dans une fonction de recrutement prend fin d'office pour l'ensemble ou pour une partie de la charge : 1° au moment du retour du titulaire de l'emploi ou du membre du personnel qui le remplace temporairement;2° au moment où l'emploi du membre du personnel temporaire est attribué totalement ou partiellement à un autre membre du personnel, soit : a) par application de la réglementation relative à la mise en disponibilité par défaut d'emploi et à la réaffectation;b) par application de l'article 29, § 1er;c) par application de l'article 29, § 2;d) par nomination définitive;e) par attribution de l'emploi devenu définitivement vacant à un temporaire prioritaire;3° à partir de la date de réception de la dépêche par laquelle la Communauté française qui octroie la subvention-traitement communique que la fonction exercée ne peut plus être subventionnée entièrement ou partiellement;4° au terme indiqué dans l'acte de désignation et, au plus tard, à la fin de l'année scolaire au cours de laquelle la désignation a été faite;5° à partir de la réception de l'avis de l'Office médico-social de l'Etat déclarant le membre du personnel temporaire définitivement inapte. Une désignation à titre temporaire dans une fonction de recrutement prend également fin pour l'ensemble ou pour une partie de la charge, soit moyennant préavis donné conformément aux articles 25, 26 et 27, soit de commun accord, soit en application de l'article 25, § 2 ».

B.3.1. L'article 60, § 3, du décret de la Communauté française du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné, tel qu'il était rédigé avant son remplacement par l'article 97 du décret précité du 2 février 2007, disposait : « Dans le cas où un membre du personnel est titulaire, à titre définitif depuis six ans au moins, d'une fonction de recrutement ou de sélection comportant au moins une demi-charge dans un centre psycho-médico-social subventionné, une fonction de promotion peut lui être confiée dans l'attente d'un engagement à titre définitif, pour autant qu'il remplisse les conditions fixées à l'article 59, alinéa 1er, 1° et 4°. Au plus tard à la fin de la période de deux ans courant à partir de la date à laquelle l'emploi est devenu vacant, le membre du personnel est engagé à titre définitif dans la fonction de promotion si le pouvoir organisateur ne l'a pas licencié de cette fonction de promotion selon les dispositions du Chapitre VIII ».

B.3.2. Parmi les dispositions du chapitre VIII auquel cette disposition fait référence figurent un article 71septies, § 1er, alinéa 1er, et un article 71nonies qui, dans la rédaction qui était la leur à l'époque des faits du litige et qui leur avait été donnée par l'article 46 du décret du 19 décembre 2002 modifiant certaines dispositions relatives au statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné, disposaient : «

Article 71septies.§ 1er. Sauf s'il est engagé par le pouvoir organisateur sur base de son classement dans le groupe 1 visé à l'article 34, § 1er, alinéa 2, 1°, au sein de ce pouvoir organisateur, le membre du personnel peut être licencié moyennant un préavis motivé de quinze jours. Le membre du personnel est préalablement invité à se faire entendre. La convocation à l'audition ainsi que les motifs en raison desquels le pouvoir organisateur envisage de licencier le membre du personnel doivent lui être notifiés cinq jours ouvrables au moins avant l'audition, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par la réception d'une lettre de la main à la main avec accusé de réception. Lors de son audition, le membre du personnel peut se faire assister ou représenter par un avocat, par un défenseur choisi parmi les membres du personnel en activité de service ou pensionnés de l'enseignement libre subventionné ou par un représentant d'une organisation syndicale représentative. La procédure se poursuit valablement lorsque le membre du personnel dûment convoqué ne se présente pas à audition ou n'y est pas représenté ». «

Article 71nonies.Les contrats conclus avec les membres du personnel engagés à titre temporaire dans une fonction de sélection ou de promotion prennent fin : - d'office conformément à l'article 71quater, à l'exception du 4°; - par consentement mutuel conformément à l'article 71quinquies; - par démission conformément à l'article 71sexies; - par licenciement moyennant préavis conformément à l'article 71septies, § 1er, alinéa 1er; - par licenciement sans préavis pour faute grave conformément à l'article 71octies ».

B.4.1. En prévoyant que le pouvoir organisateur de l'enseignement officiel subventionné peut décider de mettre fin à la désignation temporaire d'un enseignant dans un emploi de promotion, l'article 50, § 7, du décret du 6 juin 1994 précité crée une différence de traitement entre les membres du personnel de l'enseignement officiel subventionné et ceux de l'enseignement libre subventionné ayant fait l'objet d'une désignation analogue, en ce que le pouvoir organisateur peut décider de mettre fin à cette désignation en les licenciant, en vertu de l'article 60 du décret du 1er février 1993 précité, et en ce que ce licenciement est assorti des garanties prévues à l'article 71, § 1er, alinéa 1er, de ce décret.

B.4.2. Contrairement à ce que soutient la commune de La Bruyère, les deux catégories de personnes visées en B.4.1 se trouvent dans des situations qui sont suffisamment comparables puisqu'il s'agit dans les deux cas de mesures par lesquelles il est mis fin à une désignation temporaire dans un emploi de promotion.

B.5. La situation juridique du personnel de l'enseignement officiel subventionné, de même que celle du personnel de l'enseignement de la Communauté, est fondée sur une désignation unilatérale et est de nature statutaire.

En ce qui concerne la source de la relation juridique dans l'enseignement libre subventionné, le décret du 1er février 1993 utilise, par opposition à la situation juridique du personnel de l'enseignement officiel subventionné, les termes d'engagement à titre temporaire et d'engagement à titre définitif (articles 30 et 42). Les travaux préparatoires confirment que le personnel de l'enseignement libre subventionné est dans un lien contractuel : « La nature contractuelle du lien unissant l'enseignant au pouvoir organisateur, ainsi que la liberté, constitutionnellement protégée dont doit disposer celui-ci, notamment dans le choix du personnel chargé d'appliquer son projet pédagogique, ont pour conséquence que les modalités de recrutement et de licenciement, les obligations réciproques et les règles relatives à la stabilité de l'emploi doivent différer par rapport au statut des enseignants de la Communauté : [...] 3° en matière de stabilité de l'emploi, la liberté contractuelle implique la possibilité, moyennant le respect des dispositions légales, de licencier le travailleur » (Doc.parl., Conseil de la Communauté française, 1992, n° 61/1, pp. 2 et 3).

B.6. Mettant en cause une différence de traitement, le juge a quo se réfère aux articles 10 et 11 et à l'article 24, § 4, de la Constitution, qui précise le principe d'égalité en matière d'enseignement.

L'article 24, § 4, de la Constitution dispose : « Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret.

La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié ».

B.7. Bien que le traitement égal des membres du personnel soit le principe, l'article 24, § 4, de la Constitution permet un traitement différent, à condition qu'il soit fondé sur les caractéristiques propres aux pouvoirs organisateurs. Les travaux préparatoires des décrets des 1er février 1993 et 6 juin 1994 indiquent que le législateur décrétal ne l'ignorait pas (Doc. parl., Conseil de la Communauté française, 1992, n° 61/1, pp. 2 et 3; ibid., 1993-1994, n° 61/1, p. 2).

Une de ces caractéristiques est précisément la nature juridique des pouvoirs organisateurs, qui sont des personnes morales ou des établissements de droit privé dans l'enseignement libre subventionné, et des personnes morales ou des établissements de droit public dans l'enseignement officiel subventionné, ce qui peut déterminer la nature différente, dans les deux réseaux respectifs, de la relation juridique entre les membres du personnel et leur employeur.

Les travaux préparatoires de l'article 24, § 4, de la Constitution renvoient, à titre d'exemple de différence objective fondée sur les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, à la situation juridique du personnel avec lequel un pouvoir organisateur conclut un contrat de travail dans l'enseignement libre (Doc. parl., Sénat, S.E., 1988, n° 100-1°/1, p. 6).

B.8. La caractéristique d'un statut de droit public est d'être fixé unilatéralement, le cas échéant, après négociation ou concertation.

La caractéristique d'une relation de travail de droit privé est d'être fixée dans un contrat en vertu duquel un travailleur s'engage contre rémunération à fournir un travail sous l'autorité d'un employeur, sans préjudice des dispositions impératives fixées par le législateur compétent.

B.9. Le principe d'égalité en matière d'enseignement ne saurait être dissocié des autres garanties contenues à l'article 24 de la Constitution.

L'article 24, § 1er, de la Constitution l'affirme : l'enseignement est libre. Cette disposition implique, d'une part, que la dispensation d'un enseignement n'est pas une matière réservée aux pouvoirs publics et, d'autre part, qu'un pouvoir organisateur de l'enseignement libre subventionné, tant qu'il s'en tient aux dispositions concernant le subventionnement, le contrôle qualitatif et l'équivalence des diplômes et certificats - conditions qui ne sont pas en cause en l'espèce -, peut offrir un enseignement qui, contrairement à celui de l'enseignement officiel, est basé sur une conception philosophique, idéologique ou religieuse de son choix.

La liberté d'enseignement implique la liberté, pour le pouvoir organisateur, de choisir le personnel qui sera chargé de mener à bien la réalisation des objectifs pédagogiques propres. La liberté de choix a donc des répercussions sur les rapports de travail entre ce pouvoir organisateur et son personnel. Elle justifie que la désignation et la nomination du personnel de l'enseignement libre subventionné se fassent par contrat et qu'il puisse y être mis fin par voie de licenciement; c'est dans le souci d'utiliser une « terminologie plus appropriée » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2002-2003, n° 330/1, p. 11) que cette notion a été substituée à celle de décharge lorsque le décret du 1er février 1993 précité a été modifié par le décret du 19 décembre 2002.

B.10. En revanche, l'autorité publique qui organise un enseignement le fait en fonction de ce que requiert le service public et dispose pour ce faire des prérogatives de la puissance publique. Le législateur décrétal a dès lors pu prévoir qu'il pouvait être mis fin à une désignation temporaire dans un emploi de promotion par simple décision du pouvoir organisateur et non par licenciement assorti d'un délai de préavis, le membre du personnel désigné ne se trouvant pas dans les liens d'un contrat de travail. Contrairement à ce que soutient la partie requérante devant le Conseil d'Etat, dont l'argumentation est rapportée dans la motivation de l'arrêt a quo, il n'y a pas lieu d'assimiler cette décision à un licenciement.

La différence de traitement en cause trouve dès lors sa justification dans la situation juridique du personnel enseignant, à laquelle renvoient, comme il est indiqué en B.7, les travaux préparatoires de l'article 24, § 4, de la Constitution.

B.11. Cette différence de traitement n'a pas d'effet disproportionné dès lors que l'enseignant intéressé dispose des garanties résultant, selon le cas, de la loi du 29 juillet 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/07/1991 pub. 18/12/2007 numac 2007001008 source service public federal interieur Loi relative à la motivation formelle des actes administratifs. - Traduction allemande fermer « relative à la motivation formelle des actes administratifs » ou des principes généraux du droit administratif, dont le principe « audi alteram partem » en vertu duquel il doit pouvoir être préalablement invité à se faire entendre et se faire assister ou représenter, le cas échéant, par un tiers. A cet égard et contrairement à ce que soutient la partie requérante devant le Conseil d'Etat, la mesure dont elle a fait l'objet ne peut être tenue, sans préjudice de l'appréciation du cas d'espèce qui relève du juge a quo, pour une mesure qui ne serait pas grave et ne serait pas, dès lors, assortie des garanties qu'implique l'application de ces principes généraux.

B.12. Il résulte de ce qui précède que la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 50, § 7, du décret de la Communauté française du 6 juin 1994 fixant le statut des membres du personnel subsidié de l'enseignement officiel subventionné, tel qu'il était rédigé avant son remplacement par l'article 77 du décret du 2 février 2007 fixant le statut des directeurs, ne viole pas les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 22 mars 2012.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, R. Henneuse.

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