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Arrêt
publié le 07 février 2012

Extrait de l'arrêt n° 182/2011 du 1 er décembre 2011 Numéro du rôle : 5133 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 3, § 5, alinéa 3, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 182/2011 du 1er décembre 2011 Numéro du rôle : 5133 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 3, § 5, alinéa 3, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil (« Des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur »), inséré par l'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006, posées par le Juge de paix du canton de Furnes-Nieuport.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 5 avril 2011 en cause de Dirk Vannecke et Petra Vanhulle contre Dirk Hermans, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 7 avril 2011, le Juge de paix du canton de Furnes-Nieuport a posé les questions préjudicielles suivantes : - « L'article 3, § 5, alinéa 3, de la loi relative aux baux à loyer, inséré par l'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 (M.B., 28 décembre 2006 (troisième édition)), en vigueur à partir du 1er juillet 2007, viole-t-il les articles 10, 11 et/ou 23 de la Constitution à l'égard des preneurs qui, après le 15 juin 2007, louent une habitation comme résidence principale et qui ont conclu à cet effet un contrat de bail oral, si cet article est interprété en ce sens qu'en cas de conclusion de contrat de bail oral de neuf ans après le 15 juin 2007, le régime de l'article 3, § 5, alinéa 3, de la loi relative aux baux à loyer ne serait pas applicable, tandis que l'article 3, § 5, alinéa 3, de la loi relative aux baux à loyer est applicable aux preneurs qui, après le 15 juin 2007, louent une habitation comme résidence principale et qui ont conclu à cet effet un contrat de bail écrit de neuf ans non enregistré ? »; - « L'article 3, § 5, alinéa 3, de la loi relative aux baux à loyer, inséré par l'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 (M.B., 28 décembre 2006 (troisième édition)), en vigueur à partir du 1er juillet 2007, viole-t-il les articles 10, 11 et/ou 23 de la Constitution à l'égard des preneurs qui, avant le 15 juin 2007, louent une habitation comme résidence principale et qui ont conclu à cet effet un contrat de bail oral, si cet article est interprété en ce sens qu'en cas de conclusion de contrat de bail oral de neuf ans avant le 15 juin 2007, le régime de l'article 3, § 5, alinéa 3, de la loi relative aux baux à loyer ne serait pas applicable, tandis que l'article 3, § 5, alinéa 3, de la loi relative aux baux à loyer est applicable aux preneurs qui, avant le 15 juin 2007, louent une habitation comme résidence principale et qui ont conclu à cet effet un contrat de bail écrit de neuf ans non enregistré ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 3, § 5, alinéas 1er à 3, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil (ci-après : la loi relative aux baux à loyer) est libellé comme suit depuis sa modification par l'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 : « Il peut être mis fin au bail par le preneur à tout moment, moyennant un congé de trois mois.

Toutefois, si le preneur met fin au bail au cours du premier triennat, le bailleur a droit à une indemnité. Cette indemnité est égale à trois mois, deux mois ou un mois de loyer selon que le bail prend fin au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième année.

Après la période de deux mois visée à l'article 32, 5°, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe et aussi longtemps que le contrat de bail n'est pas enregistré, tant le délai du congé visé à l'alinéa 1er que l'indemnité visée à l'alinéa 2 ne sont pas d'application ».

B.1.2. Le troisième alinéa de l'article 3, § 5, de la loi relative aux baux à loyer est la disposition en cause. La ratio legis de cette disposition est d'offrir une meilleure protection au preneur en cas de vente du bien loué (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2773/001, pp. 53 et 56). En effet, par l'enregistrement, le bail obtient date certaine au sens de l'article 9, alinéa 1er, de la loi relative aux baux à loyer, de sorte que l'acquéreur à titre gratuit ou à titre onéreux est subrogé dans les droits et obligations du bailleur à la date de la passation de l'acte authentique, même si le bail réserve la faculté d'expulsion en cas d'aliénation.

B.1.3. En vertu de l'article 5bis de la loi relative aux baux à loyer, l'obligation d'enregistrement du bail repose sur le bailleur.

Conformément à cette disposition, les frais liés à un enregistrement éventuellement tardif sont entièrement à sa charge.

Quant à la première question préjudicielle B.2. Dans l'interprétation du juge a quo, la disposition en cause s'applique aux seuls baux écrits non enregistrés et non aux baux oraux, qui ne sont pas enregistrés.

Cette interprétation a pour effet qu'en cas de bail oral, le preneur doit toujours respecter le délai de congé de trois mois et qu'il est tenu, le cas échéant, au paiement de l'indemnité de congé, alors que dans le cas d'un bail écrit, le preneur est dispensé de respecter un délai de congé et de payer une indemnité de congé si le bailleur n'a pas fait enregistrer le bail. En outre, dans cette interprétation, le preneur, en cas de bail oral, n'est pas non plus protégé en cas de vente du bien loué, bien que telle ait été l'intention du législateur.

Dans cette interprétation, il existe donc une différence de traitement entre le preneur qui a conclu un bail écrit mais non enregistré par le bailleur et le preneur qui a conclu un bail oral.

B.3. La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir le caractère écrit ou non du bail d'habitation.

La différence de traitement n'est toutefois pas pertinente au regard de l'objectif poursuivi par le législateur. En effet, le preneur qui est lié par un bail d'habitation oral a tout autant intérêt à bénéficier de la protection prévue par la disposition en cause.

Dans cette interprétation, l'article 3, § 5, alinéa 3, de la loi relative aux baux à loyer est incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.4. La disposition en cause est toutefois susceptible d'une autre interprétation. Le texte de l'article 3, § 5, alinéa 3, de la loi relative aux baux à loyer n'exclut pas que cette disposition soit appliquée aux baux d'habitation oraux. Il résulte en outre de la lecture combinée de cette disposition avec les articles 1bis, 5bis et 12 de la loi relative aux baux à loyer que le bailleur est obligé de faire établir le bail oral dans un écrit et de présenter cet écrit à l'enregistrement.

En vertu de l'article 1bis de la loi relative aux baux à loyer, tout bail affectant la résidence principale du preneur doit être établi dans un écrit. La partie contractante la plus diligente peut, faute d'exécution dans les huit jours d'une mise en demeure signifiée par lettre recommandée à la poste ou par exploit d'huissier, contraindre l'autre partie, par voie procédurale s'il échet, à dresser, compléter ou signer une convention écrite. Au besoin, elle peut, en vertu de la même disposition, requérir que le jugement vaille bail écrit.

Dès lors qu'en vertu de l'article 5bis de la loi relative aux baux à loyer, l'obligation d'enregistrement incombe au bailleur, celui-ci doit, même en cas de refus du preneur, appliquer l'article 1bis. En vertu de l'article 12 de la loi relative aux baux à loyer, toutes les dispositions de cette loi sont en effet impératives.

Si le bailleur néglige de le faire, la sanction prévue par la disposition en cause doit, eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur, également lui être appliquée, même s'il n'existe pas de convention écrite ni, a fortiori, enregistrée.

Dans cette interprétation, la différence de traitement visée dans la question préjudicielle est inexistante, la disposition en cause contribue à garantir le droit à un logement décent visé à l'article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution et partant, l'article 3, § 5, alinéa 3, de la loi relative aux baux à loyer est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Quant à la seconde question préjudicielle B.5.1. Par la seconde question préjudicielle, le juge a quo souhaite savoir si la différence de traitement qui existe, par suite de l'article 3, § 5, alinéa 3, de la loi relative aux baux à loyer, entre des baux qui ont été conclus avant l'entrée en vigueur de cette disposition, selon qu'il s'agit d'un bail oral ou d'un bail écrit, est ou non compatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination.

B.5.2. La disposition en cause a été insérée par l'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006. Conformément à l'article 75 de cette même loi, elle est entrée en vigueur le 1er juillet 2007.

L'article 1bis de la loi relative aux baux à loyer a été inséré par l'article 2 de la loi du 26 avril 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/04/2007 pub. 05/06/2007 numac 2007009538 source service public federal justice Loi portant des dispositions en matière de baux à loyer fermer portant des dispositions en matière de baux à loyer et est entré en vigueur le 15 juin 2007.

B.5.3. Il ressort des données du dossier que le bail oral est intervenu le 1er décembre 2007.

Une réponse à la seconde question préjudicielle n'est donc pas indispensable à la solution du litige devant le juge a quo.

La seconde question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. - Dans l'interprétation selon laquelle il ne s'applique pas aux baux oraux, l'article 3, § 5, alinéa 3, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil (« Des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur ») viole les articles 10 et 11 de la Constitution. - Dans l'interprétation selon laquelle elle s'applique bien aux baux oraux, la même disposition ne viole pas les articles 10, 11 et 23 de la Constitution. 2. La seconde question préjudicielle n'appelle pas de réponse. Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 1er décembre 2011.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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