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Arrêt
publié le 20 décembre 2011

Extrait de l'arrêt n° 157/2011 du 13 octobre 2011 Numéro du rôle : 5104 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 94 du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, posée par la Cour d'appel d'Anvers. La Cour cons composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke, (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 157/2011 du 13 octobre 2011 Numéro du rôle : 5104 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 94 du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, posée par la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 8 février 2011 en cause de la SA « Escape » contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 16 février 2011, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 94 du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus (ci-après : CTA) viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que la taxe de mise en circulation n'est pas due par les commerçants en voitures, voitures mixtes, minibus, motocyclettes et remorques, visés à l'article 94, 1°, du CTA, lorsqu'ils munissent le véhicule d'une marque d'immatriculation ' essai ', ' marchand ' ou temporaire autre qu'une marque d'immatriculation internationale, alors que pour les commerçants en yachts et en bateaux de plaisance d'une longueur supérieure à 7,5 mètres, visés à l'article 94, 3°, du CTA, la possibilité de faire usage d'une lettre de pavillon, comparable à une marque d'immatriculation ' essai ', ' marchand ' ou temporaire autre qu'une marque d'immatriculation internationale, et donc d'être exonérés pour ce motif de la taxe de mise en circulation n'est pas prévue ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 94 du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus (ci-après : CTA) dispose : « Il est établi au profit de l'Etat une taxe assimilée aux impôts sur les revenus frappant : 1° les voitures, voitures mixtes, minibus et motocyclettes, tels que ces véhicules sont définis dans la réglementation de l'immatriculation des véhicules à moteur et des remorques tels qu'ils sont compris dans le sens de l'article 4, § 3, en tant que ces véhicules sont ou doivent être munis d'une marque d'immatriculation autre que ' essai ', ' marchand ' ou temporaire autre qu'une marque d'immatriculation internationale, délivrée dans le cadre de cette réglementation;2° les avions, hydravions, hélicoptères, planeurs, ballons sphériques ou dirigeables et autres aéronefs, qu'ils soient plus lourds ou plus légers que l'air, avec ou sans moteur, dès qu'ils sont ou doivent être immatriculés;3° les yachts et bateaux de plaisance d'une longueur supérieure à 7,50 mètres, dès qu'une lettre de pavillon est ou doit être délivrée pour ceux-ci, lorsque ces véhicules routiers, aéronefs ou bateaux sont mis en usage sur la voie publique ou utilisés en Belgique ». B.2. La Cour est interrogée sur la compatibilité de cette disposition avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle instaure une différence de traitement entre deux catégories de redevables : d'une part, les commerçants en voitures, voitures mixtes, minibus et motocyclettes, dans la mesure où ces véhicules sont ou doivent être munis d'une marque d'immatriculation autre qu'une marque d'immatriculation « essai », « marchand » ou temporaire autre qu'une marque d'immatriculation internationale (article 94, 1°, du CTA) et, d'autre part, les commerçants en yachts et en bateaux de plaisance d'une longueur supérieure à 7,5 mètres, dès qu'une lettre de pavillon est ou doit être délivrée pour ceux-ci (article 94, 3°, du CTA). Pour la première catégorie de redevables, il est prévu une exception en matière de taxe de mise en circulation pour les véhicules munis d'une marque d'immatriculation « essai », « marchand » ou temporaire, alors qu'une telle exception n'est pas prévue pour la seconde catégorie.

B.3.1. Le Gouvernement flamand estime que les deux catégories de redevables ne seraient pas comparables en l'espèce.

B.3.2. Les véhicules et les bateaux sont des moyens de transport distincts et ils sont soumis à une réglementation différente en matière d'immatriculation : la marque d'immatriculation pour les véhicules et la lettre de pavillon pour certains bateaux de plaisance.

En outre, une marque d'immatriculation « essai » ou « marchand » n'est prévue que pour les véhicules. Il ne s'ensuit toutefois pas que les redevables qui mettent en circulation l'un des deux types de moyens de transport ne soient pas comparables en ce qui concerne la taxe de mise en circulation. Par ailleurs, la disposition en cause, qui concerne tant les véhicules (article 94, 1°) que les bateaux de plaisance d'une longueur supérieure à 7,5 mètres pour lesquels une lettre de pavillon est ou doit être délivrée (article 94, 3°), figure au chapitre Ier intitulé « Véhicules imposables » du titre V (« Taxe de mise en circulation ») du CTA. L'exception est rejetée.

B.4. Il appartient au législateur compétent de déterminer les exemptions aux taxes qu'il prévoit. Il dispose en la matière d'une marge d'appréciation étendue.

Lorsque le législateur établit des exemptions ou des mesures similaires telles que celles prévues par la disposition en cause, il doit pouvoir faire usage de catégories qui, nécessairement, n'appréhendent la diversité des situations qu'avec un certain degré d'approximation. Le recours à ce procédé n'est pas déraisonnable en soi; il convient néanmoins d'examiner s'il en va de même pour la manière dont le procédé a été utilisé.

B.5. Les choix sociaux qui doivent être réalisés lors de la collecte et de l'affectation des ressources relèvent de la liberté d'appréciation du législateur. La Cour ne peut sanctionner de tels choix politiques et les motifs qui les fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou s'ils sont manifestement déraisonnables.

B.6. La taxe de mise en circulation a été insérée dans le Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus par la loi du 1er juin 1992. Selon les travaux préparatoires, cette taxe a été instaurée en 1992 en vue de compenser partiellement la perte de recettes fiscales résultant de l'abaissement du taux de TVA et de la suppression de la taxe de luxe, dans le cadre de l'harmonisation européenne (Doc.parl., Sénat, S.E. 1991-1992, n° 329-2, p. 2).

B.7. Il peut être admis que les redevables qui font commerce de yachts et de bateaux de plaisance d'une longueur supérieure à 7,5 mètres ont généralement une clientèle plus fortunée que les commerçants en véhicules, de sorte que les commerçants mentionnés en premier lieu peuvent, le cas échéant, prendre en compte le montant de la taxe de mise en circulation lors de la fixation du prix de vente d'un tel yacht ou bateau de plaisance.

La différence de traitement en cause n'est pas dépourvue de justification raisonnable.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 94 du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 13 octobre 2011.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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