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Arrêt
publié le 29 août 2011

Extrait de l'arrêt n° 118/2011 du 30 juin 2011 Numéro du rôle : 5045 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 231 et 306 du Code civil, tels qu'ils étaient applicables avant leur abrogation par la loi du 27 avril 2007 réfor La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De(...)

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Extrait de l'arrêt n° 118/2011 du 30 juin 2011 Numéro du rôle : 5045 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 231 et 306 du Code civil, tels qu'ils étaient applicables avant leur abrogation par la loi du 27 avril 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/04/2007 pub. 07/06/2007 numac 2007009493 source service public federal justice Loi réformant le divorce fermer réformant le divorce, posée par la Cour d'appel de Mons.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, E. Derycke, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 18 octobre 2010 en cause de F.C. contre J.-P. V., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 21 octobre 2010, la Cour d'appel de Mons a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 232 et 306 anciens du Code civil, interprétés en ce sens que l'époux victime qui obtient un jugement de divorce prononcé sur la base de l'article 231 ancien du Code civil après deux ans de séparation, doit supporter la possibilité que l'époux coupable puisse renverser la présomption de faute prévue à l'article 306 ancien du Code civil, ne violent-ils pas les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'ils créent une distinction injustifiée entre : - un époux qui, obtenant un jugement de divorce sur base de l'article 231 ancien du Code civil dans les deux ans de la séparation, ne doit pas supporter la possibilité que l'époux coupable puisse renverser la présomption de faute prévue à l'article 306 ancien du Code civil - et l'époux qui, obtenant un jugement de divorce sur la base de l'article 231 ancien du Code civil après deux ans de séparation, doit supporter la possibilité que l'époux coupable puisse renverser la présomption de faute prévue à l'article 306 ancien du Code civil ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Avant leur abrogation ou leur remplacement par la loi du 27 avril 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/04/2007 pub. 07/06/2007 numac 2007009493 source service public federal justice Loi réformant le divorce fermer réformant le divorce, les articles 231, 232, 301 et 306 du Code civil disposaient : «

Art. 231.Les époux pourront réciproquement demander le divorce pour excès, sévices ou injures graves de l'un d'eux envers l'autre.

Art. 232.Chacun des époux peut demander le divorce pour cause de séparation de fait de plus de deux ans s'il ressort de cette situation que la désunion des époux est irrémédiable et que l'admission du divorce sur cette base n'aggrave pas de manière notable la situation matérielle des enfants mineurs, issus du mariage des époux ou adoptés par eux.

Le divorce peut également être demandé par l'un des époux si la séparation de fait de plus de deux ans est la conséquence de l'état de démence ou de l'état grave de déséquilibre mental dans lequel se trouve l'autre époux et s'il ressort de cette situation que la désunion des époux est irrémédiable et que l'admission du divorce sur cette base n'aggrave pas de manière notable la situation matérielle des enfants mineurs issus du mariage des époux ou adoptés par eux. Cet époux est représenté par son tuteur, son administrateur provisoire général ou spécial, ou, à défaut, par un administrateur ad hoc désigné préalablement par le président du tribunal à la requête de la partie demanderesse. [...]

Art. 301.§ 1. Le tribunal peut accorder à l'époux qui a obtenu le divorce, sur les biens et les revenus de l'autre époux, une pension pouvant permettre au bénéficiaire, compte tenu de ses revenus et possibilités, d'assurer son existence dans des conditions équivalentes à celles dont il bénéficiait durant la vie commune. § 2. Le tribunal qui accorde la pension constate que celle-ci est adaptée de plein droit aux fluctuations de l'indice des prix à la consommation.

Le montant de base de la pension correspond à l'indice des prix à la consommation du mois au cours duquel le jugement ou l'arrêt prononçant le divorce est coulé en force de chose jugée, à moins que le tribunal en décide autrement. Tous les douze mois, le montant de la pension est adapté en fonction de la hausse ou de la baisse de l'indice des prix à la consommation du mois correspondant.

Ces modifications sont appliquées à la pension dès l'échéance qui suit la publication au Moniteur belge de l'indice nouveau à prendre en considération.

Le tribunal peut, dans certains cas, appliquer un autre système d'adaptation de la pension au coût de la vie. § 3. Si, par suite de circonstances indépendantes de la volonté du bénéficiaire de la pension, celle-ci n'est plus suffisante et ce dans une mesure importante pour sauvegarder la situation prévue au § 1er, le tribunal peut augmenter la pension.

Si, par suite d'une modification sensible de la situation du bénéficiaire, le montant de la pension ne se justifie plus, le tribunal peut réduire ou supprimer la pension.

Ceci vaut également en cas de modification sensible de la situation du débiteur de la pension par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. § 4. En aucun cas, le montant de la pension ne peut excéder le tiers des revenus de l'époux débiteur de la pension. § 5. La pension peut à tout moment être remplacée par un capital, de l'accord des parties, homologué par le tribunal. A la demande de l'époux débiteur de la pension, le tribunal peut également accorder, à tout moment, la capitalisation. § 6. La pension n'est plus due au décès de l'époux débiteur, mais le créancier peut demander des aliments à charge de la succession, et ce aux conditions prévues à l'article 205bis, §§ 2, 3, 4 et 5 du Code civil. [...]

Art. 306.Pour l'application des articles 299, 300 et 301 l'époux qui obtient le divorce sur base du premier alinéa de l'article 232, est considéré comme l'époux contre qui le divorce est prononcé; le tribunal pourra en décider autrement si l'époux demandeur apporte la preuve que la séparation de fait est imputable aux fautes et manquements de l'autre époux ».

B.2. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution des articles 232 et 306 anciens du Code civil, interprétés en ce sens que l'époux qui obtient un jugement de divorce prononcé sur la base de l'article 231 ancien du Code civil après deux ans de séparation, doit supporter la possibilité que son époux puisse renverser la présomption de faute prévue à l'article 306 ancien du Code civil, alors que celui qui obtient un jugement semblable avant deux ans de séparation ne le doit pas.

B.3. L'interprétation donnée par le juge a quo aux dispositions en cause s'inscrit dans le prolongement d'un arrêt de la Cour de cassation du 22 décembre 2008 (Pas., 2008, n° 747). Dans cet arrêt, la Cour a jugé : « Le renversement de la présomption d'imputabilité de la séparation de fait organisé par l'article 306 précité, qui a pour seul effet de priver l'autre époux des droits visés aux articles 299, 300 et 301 du Code civil, n'est pas exclu lorsque l'autre époux a déjà obtenu le divorce pour cause d'adultère ou d'injure grave ».

B.4. Selon le juge a quo, les dispositions en cause créeraient une différence de traitement injustifiée entre les époux, selon qu'ils obtiennent un jugement de divorce sur la base de l'article 231 ancien du Code civil dans les deux ans de la séparation de fait ou après ces deux ans, les premiers ne devant pas supporter la possibilité que leur époux puisse renverser la présomption de faute, contrairement aux seconds.

B.5. Alors que le divorce pour cause déterminée visé aux articles 229 et 231 du Code civil est fondé sur la faute de l'un des époux, le divorce visé à l'article 232, alinéa 1er, du même Code est fondé, selon les développements de la proposition de loi ayant abouti à la loi du 1er juillet 1974 qui a inséré l'article 306 en cause dans le Code civil, sur la circonstance qu'après un certain nombre d'années de séparation de fait, « la chance d'une réconciliation entre les époux est devenue inexistante » (Doc. parl., Sénat, 1971-1972, n° 161, p. 1).

B.6. Le tribunal peut accorder à l'époux qui a obtenu le divorce, sur les biens et les revenus de l'autre époux, une pension pouvant lui permettre, compte tenu de ses revenus et possibilités, d'assurer son existence dans des conditions équivalentes à celles dont il bénéficiait durant la vie commune (article 301, § 1er, du Code civil).

Lorsqu'il s'agit d'un divorce pour cause de séparation de fait, l'époux qui a demandé et obtenu le divorce est considéré comme celui contre qui le divorce est prononcé. Le tribunal peut cependant lui accorder une pension s'il apporte la preuve que la séparation de fait est imputable aux fautes et manquements de l'autre époux (article 306 du Code civil).

B.7.1. Contrairement au divorce pour cause déterminée, le divorce pour cause de séparation de fait n'est pas fondé sur l'existence d'une « faute ». Dès lors, pour obtenir le divorce pour cause de séparation de fait, aucune preuve de faute ne doit être apportée.

Ce n'est que lorsqu'il s'agit de régler les effets du divorce, et en particulier de statuer sur une demande de pension alimentaire, que le législateur instaure une présomption de faute dans le chef de l'époux qui demande le divorce pour cause de séparation de fait et qui l'obtient.

B.7.2. C'est au législateur qu'il appartient d'apprécier dans quelle mesure il y a lieu de protéger un époux qui, par une initiative unilatérale de son conjoint, serait privé du secours que se doivent les époux, aux termes de l'article 213 du Code civil, et se trouverait dans le besoin. Il peut, à cet effet, prolonger, au-delà du mariage dissous par le divorce, certains effets de l'obligation de secours à charge d'un des époux, en obligeant cet époux à verser une pension alimentaire.

B.8.1. L'article 301 ancien du Code civil permet au tribunal d'accorder une pension alimentaire à l'époux qui a obtenu le divorce.

Pour obtenir le divorce, cet époux doit non seulement prouver la faute de son conjoint mais en outre prouver son absence de torts. Le débat sur le partage éventuel des torts peut se dérouler dans le cadre du divorce pour cause déterminée, lorsque l'un et l'autre époux introduisent une demande principale ou reconventionnelle sur cette base ou dans le cadre du divorce pour cause de séparation de fait, lorsque l'époux demandeur tente de renverser la présomption de faute établie par l'article 306 du Code civil. Seul peut obtenir une pension alimentaire, dans un cas comme dans l'autre, l'époux dont n'a été établi aucun tort ni exclusif, ni partagé.

B.8.2. La présomption instaurée par l'article 306 du Code civil peut donc être renversée. Le tribunal peut dans ce cas accorder une pension alimentaire à l'époux qui a demandé le divorce si celui-ci apporte la preuve que la séparation de fait est imputable aux fautes et manquements de l'autre époux.

B.8.3. Il ne se justifie pas de traiter différemment les époux dont le divorce est prononcé partim sur la base de l'article 231 ancien du Code civil et partim sur la base de l'article 232 ancien de ce Code.

Si les faits visés aux articles 229 et 231 anciens du Code civil sont in abstracto plus graves que les fautes et manquements visés à l'article 306 ancien, ils ne sont pas nécessairement exclusifs, dans toutes les hypothèses, de torts réciproques.

Il revient au juge saisi du litige d'opérer in concreto la balance des torts pour décider si le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un ou l'autre époux ou aux torts réciproques des deux époux.

B.9.1. Dans son arrêt n° 161/2006 du 8 novembre 2006, la Cour a jugé que la différence fondamentale entre le divorce pour cause déterminée et le divorce pour cause de séparation de fait justifie objectivement et raisonnablement que les fautes et manquements qui doivent le cas échéant être prouvés pour obtenir une pension alimentaire puissent présenter une gravité moindre que les faits visés aux articles 229 et 231 du Code civil.

B.9.2. Dans la présente affaire, elle doit vérifier si la différence entre les deux formes de divorce quant à la gravité des fautes et manquements qui doivent être prouvés pour obtenir une pension alimentaire oblige le législateur à exclure la possibilité, pour un époux reconnu coupable en application de l'article 231 ancien du Code civil, de renverser la présomption de faute établie par l'article 306 ancien du Code civil.

B.10. Dès lors que le débat sur les torts exclusifs ou réciproques des époux en vue de l'obtention d'une pension alimentaire a lieu tant dans les procédures en divorce pour cause déterminée que dans les procédures en divorce pour séparation de fait et les procédures mixtes, la différence de traitement entre époux, telle qu'elle est visée par la question préjudicielle, n'existe pas.

B.11. Par ailleurs, la circonstance qu'une procédure en divorce dure un temps qui permet à l'une ou l'autre des parties - qu'elle soit demanderesse au principal ou sur reconvention - de modifier la cause de sa demande pour se prévaloir de l'article 232 du Code civil n'est pas, en soi, une source de discrimination.

B.12. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 232 et 306 anciens du Code civil, tels qu'ils étaient applicables avant leur abrogation par la loi du 27 avril 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/04/2007 pub. 07/06/2007 numac 2007009493 source service public federal justice Loi réformant le divorce fermer réformant le divorce, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 30 juin 2011, par le juge J.-P. Snappe, en remplacement du président R. Henneuse, légitimement empêché d'assister au prononcé du présent arrêt.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président f.f., J.-P. Snappe.

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