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Arrêt
publié le 05 août 2011

Extrait de l'arrêt n° 68/2011 du 5 mai 2011 Numéro du rôle : 4967 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 3, alinéa 1 er , 3°, du décret de la Région wallonne du 27 mai 2004 instaurant une taxe sur les sites d'acti La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges J.-P.(...)

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05/08/2011
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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 68/2011 du 5 mai 2011 Numéro du rôle : 4967 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 3, alinéa 1er, 3°, du décret de la Région wallonne du 27 mai 2004 instaurant une taxe sur les sites d'activité économique désaffectés, posée par le Tribunal de première instance de Namur.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 25 mars 2010 en cause de la SA « Moteurs Moës » contre la Région wallonne, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 18 juin 2010, le Tribunal de première instance de Namur a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 3, 3°, du décret wallon du 27 mai 2004 (M.B. 30 juillet 2004) viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il limite les causes d'exonération de la taxe sur les sites d'activité économique désaffectés aux seuls sites d'activité économique désaffectés pour lesquels le Gouvernement wallon se charge des travaux de réhabilitation et en exclut implicitement les opérateurs privés qui se chargeraient de tels travaux de réhabilitation ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La Cour est interrogée au sujet de l'article 3, alinéa 1er, 3°, du décret de la Région wallonne du 27 mai 2004 instaurant une taxe sur les sites d'activité économique désaffectés, qui dispose : « Sont exonérées de la taxe les superficies relatives à : [...] 3° des sites d'activités économiques désaffectés pour lesquels le Gouvernement wallon, par l'intermédiaire d'un opérateur, se charge des travaux de réhabilitation; [...] ».

B.1.2. Le décret du 27 mai 2004 remplace le décret du 19 novembre 1998 ayant le même objet et le même intitulé. Comme le décret du 19 novembre 1998, le décret du 27 mai 2004 en cause « vise à lutter efficacement contre des sites constituant une pollution d'ordre visuel ». Il a pour but « de contribuer à éradiquer les friches industrielles ou autres, laissées à l'abandon, qui rebutent l'investisseur et réduisent l'attractivité de la Wallonie » (Doc. parl., Parlement wallon, 2003-2004, n° 699/1, p. 2).

B.1.3. Le décret crée une taxe dont le fait générateur est le maintien en l'état d'un site économique désaffecté qui répond à la définition donnée par son article 2. L'article 3 du décret exonère certaines superficies de la taxe. Son article 9 prévoit un mécanisme de suspension de l'exigibilité de la taxe pour les sites à réaménager au sens de l'article 169, § 1er, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, du patrimoine et de l'énergie. Ce mécanisme vise les sites « pour lesquels une réhabilitation est entreprise à l'initiative du propriétaire, de l'emphytéote, du superficiaire ou de l'usufruitier ». Son but « est d'éviter de pénaliser l'action positive » (ibid., p. 3).

B.2.1. Le Gouvernement wallon estime que la question n'appelle pas de réponse parce que, d'après son analyse des faits du litige pendant devant le Tribunal de première instance de Namur, la demanderesse devant cette juridiction n'a en tout état de cause pas la possibilité de revendiquer la cause d'exonération prévue par la disposition qui fait l'objet de la question préjudicielle puisqu'elle n'a pas entamé de travaux de réhabilitation au cours de la période concernée par la taxe.

B.2.2. C'est en règle au juge qui pose la question préjudicielle qu'il appartient de déterminer si elle est pertinente pour trancher le litige dont il est saisi. Ce n'est que si tel n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

B.2.3. En l'espèce, il ressort des termes du jugement qui interroge la Cour que le juge a quo a estimé que l'absence d'exonération de la taxe lorsque c'est un opérateur privé qui se charge des travaux de réhabilitation pourrait être discriminatoire. La réponse à la question préjudicielle n'est pas manifestement dépourvue de pertinence pour trancher le litige pendant devant la juridiction a quo, puisque ce litige concerne une taxe établie pour un site pour lequel existait un projet de réhabilitation par un opérateur privé.

B.3. La question préjudicielle invite la Cour à comparer la situation des propriétaires ou titulaires d'un droit réel de jouissance sur un site d'activité économique désaffecté pour lequel un opérateur privé se charge des travaux de réhabilitation et celle du propriétaire ou titulaire d'un droit réel de jouissance sur un site d'activité économique désaffecté pour lequel le Gouvernement wallon se charge des travaux de réhabilitation. Dans le second cas, le site est exonéré de la taxe en cause, alors que dans le premier cas, l'existence d'un projet de réhabilitation ne constitue pas une cause d'exonération, la taxe étant exigible jusqu'au début des travaux de réhabilitation.

B.4. Le commentaire des articles du projet de décret précise, au sujet de l'exonération en cause : « Le 3° exonère les sites d'activité économique désaffectés pour lesquels le Gouvernement wallon, par l'intermédiaire d'un opérateur, prend en charge la réhabilitation.

Le terme ' opérateur ' vise tout opérateur, privé ou public, qui a pour mission légale la réhabilitation. Ne sont pas visés les opérateurs publics qui travaillent pour leur propre compte. Cependant, ces derniers peuvent éventuellement bénéficier du mécanisme de suspension de la taxe dans les conditions de l'article 9 » (Doc. parl., Parlement wallon, 2003-2004, n° 699/1, p. 2).

Il en résulte que cette disposition n'établit pas de distinction sur la base du statut public ou privé de l'opérateur qui exécute les travaux de réhabilitation. En revanche, une distinction est établie, quant au bénéfice de l'exonération en cause, sur la base du statut de la personne qui prend les travaux en charge.

B.5. Le critère de distinction entre les sites exonérés de la taxe par la disposition en cause et ceux qui ne le sont pas repose donc sur le statut de la personne qui supporte la charge financière des travaux de réhabilitation du site désaffecté. Lorsqu'il prend en charge les frais occasionnés par la réhabilitation d'un site, le Gouvernement wallon a préalablement acquis un droit de propriété sur ce site. Ayant à la fois la qualité d'autorité taxatrice et de propriétaire du site dont le maintien en l'état de désaffectation forme le fait générateur de la taxe, le Gouvernement wallon se trouve, par rapport à la taxe en cause, dans une situation différente de celle des autres propriétaires publics ou privés de sites désaffectés ou titulaires d'un droit réel sur un site désaffecté. Il en résulte que la différence de traitement créée par la disposition en cause repose sur un critère pertinent et n'est pas dépourvue de justification raisonnable.

B.6. Par ailleurs, l'absence de possibilité d'exonération de la taxe pour les superficies pour lesquelles la personne qui prend les travaux de réhabilitation en charge n'est pas le Gouvernement wallon n'a pas d'effets disproportionnés dans la mesure où le législateur décrétal a prévu, à l'article 9 du décret en cause, un mécanisme de suspension de l'exigibilité de la taxe pour les sites qui font l'objet d'un arrêté du Gouvernement décidant qu'ils doivent être réaménagés, cet arrêté pouvant être pris sur la proposition, notamment, du propriétaire ou d'un titulaire d'un droit réel.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 3, alinéa 1er, 3°, du décret de la Région wallonne du 27 mai 2004 instaurant une taxe sur les sites d'activité économique désaffectés ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 5 mai 2011.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, R. Henneuse.

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