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Arrêt
publié le 17 août 2010

Extrait de l'arrêt n° 65/2010 du 27 mai 2010 Numéro du rôle : 4792 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 4, § 2, et 6, § 2, de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, posé La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges R. He(...)

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17/08/2010
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Extrait de l'arrêt n° 65/2010 du 27 mai 2010 Numéro du rôle : 4792 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 4, § 2, et 6, § 2, de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, posée par la Cour de cassation.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Moerman, E. Derycke et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 8 octobre 2009 en cause de Catherine Bruneel contre la SA « Centea » et en présence de Roberto Palmeri, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 2 novembre 2009, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 4, § 2, et 6, § 2, de la loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils font courir le délai pour se pourvoir en cassation en matière civile à partir du moment du prononcé, même en l'absence des parties, alors que dans les procédures civiles, le délai du pourvoi en cassation prend cours, en règle générale, à partir de sa signification ou de sa notification ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur les articles 4, § 2, et 6, § 2, de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, qui disposent : «

Art. 4.[...] § 2. La demande prévue à l'alinéa précédent est faite oralement par le défendeur comparaissant en personne; elle est introduite par écrit lorsque le défendeur comparaît par mandataire.

L'écrit doit être tracé et signé par le défendeur lui-même; il reste annexé au jugement.

Le juge statue sur-le-champ. Il peut refuser de faire droit à la demande si les éléments de la cause établissent que le défendeur a une connaissance suffisante de la langue employée pour la rédaction de l'acte introductif d'instance. La décision du juge doit être motivée; elle n'est susceptible ni d'opposition ni d'appel. Elle est exécutoire sur minute et avant enregistrement, sans autres procédures ni formalités; le prononcé de la décision, même en l'absence des parties, vaut signification ». «

Art. 6.[...] § 2. Lorsque, dans une même affaire, il y a plusieurs défendeurs et que, en vertu de l'article 4, le choix de la langue de la procédure appartient au défendeur, il est fait usage de la langue demandée par la majorité. Toutefois, le juge peut refuser de faire droit à cette demande si les éléments de la cause établissent que la majorité des défendeurs ont une connaissance suffisante de la langue employée par la rédaction de l'acte introductif d'instance. En cas de parité, le juge désigne lui-même la langue dans laquelle la procédure sera poursuivie, en tenant compte des besoins de la cause.

Le juge statue sur-le-champ. Sa décision doit être motivée; elle n'est susceptible ni d'opposition, ni d'appel. Elle est exécutoire sur minute et avant enregistrement, sans autres procédures ni formalités; le prononcé de la décision, même en l'absence des parties, vaut signification ».

Quant à la recevabilité B.2.1. Selon le Conseil des ministres, la réponse de la Cour à la question préjudicielle serait manifestement sans utilité pour trancher le litige soumis au juge a quo, de sorte que la question n'appellerait pas de réponse. Le jugement attaqué a été rendu le 28 avril 2008 et le pourvoi en cassation a été formé le 24 juillet 2008, donc dans le délai de trois mois prévu par l'article 1073 du Code judiciaire. Il n'apparaît pas de la décision de renvoi que le pourvoi n'aurait pas été intenté dans les délais.

B.2.2. La demanderesse devant le juge a quo réplique dans son mémoire en réponse que le pourvoi en cassation a été intenté par une requête déposée le 12 août 2008 au greffe de la Cour de cassation, requête qui a été signifiée le 31 juillet 2008 aux parties contre lesquelles le pourvoi est dirigé. Par conséquent, le pourvoi en cassation a été formé plus de trois mois après le prononcé de la décision attaquée. Le ministère public a soulevé une exception d'irrecevabilité au motif que le pourvoi en cassation était tardif. Selon la demanderesse devant le juge a quo, la réponse à la question préjudicielle serait dès lors effectivement utile.

B.2.3. Il ressort des éléments avancés dans son mémoire en réponse par la demanderesse devant le juge a quo concernant la date d'introduction du pourvoi en cassation et celle de la signification aux parties contre lesquelles le pourvoi est dirigé que la réponse à la question préjudicielle peut être utile à la solution du litige pendant devant le juge a quo, étant donné que le pourvoi en cassation a été formé plus de trois mois après le prononcé du jugement attaqué.

L'exception est rejetée.

Quant au fond B.3. La Cour est interrogée au sujet de la compatibilité avec le principe d'égalité et de non-discrimination des articles 4, § 2, et 6, § 2, de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, en ce qu'ils font courir le délai pour se pourvoir en cassation en matière civile à partir du prononcé, même en l'absence des parties, alors que dans les procédures civiles, le délai du pourvoi en cassation prend cours, en règle, à partir de la signification ou notification de la décision.

B.4. Il appartient au législateur de déterminer de quelle manière est réglée la communication des actes de procédure.

En ce qui concerne les décisions de justice relatives aux demandes introduites sur la base des dispositions en cause, le choix de donner au prononcé de ces décisions valeur de signification se justifie notamment par le souci de réduire les frais de la procédure et d'accélérer le traitement des affaires, d'autant qu'il s'agit de décisions qui sont uniquement relatives à un incident - à savoir un incident de changement de langue - et qui ne concernent pas le fond du litige.

B.5.1. Il reste à examiner si la différence de traitement, en ce qui concerne le commencement du délai pour se pourvoir en cassation, est compatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination.

B.5.2. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.5.3. La circonstance que le délai pour se pourvoir en cassation commence à courir dans un premier cas à partir du prononcé et dans l'autre cas à partir de la signification ou de la notification de la décision n'est pas de nature à limiter de manière disproportionnée les droits des personnes concernées.

En effet, conformément à l'article 4, § 2, en cause, la demande de changement de langue est faite oralement par le défendeur qui comparaît en personne et elle est introduite par écrit lorsque le défendeur comparaît par mandataire. En outre, les parties qui introduisent une telle demande ont connaissance de la décision du juge, qui statue sur l'incident « sur-le-champ » à l'audience, étant donné que ces parties doivent comparaître en personne ou être représentées.

Enfin, les dispositions en cause n'ont pas pour effet de modifier le délai pour former un pourvoi en cassation en matière civile, étant donné que le délai de trois mois prévu par l'article 1073 du Code judiciaire reste pleinement applicable.

B.6. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 4, § 2, et 6, § 2, de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant l'emploi des langues en matière judiciaire ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 27 mai 2010.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux. M. Bossuyt.

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