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Arrêt
publié le 23 novembre 2009

Extrait de l'arrêt n° 165/2009 du 20 octobre 2009 Numéros du rôle : 4573 et 4574 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 21sexiesdecies et 21quinquiesdecies de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'e La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et P. Martens, et des juges M. Mel(...)

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Extrait de l'arrêt n° 165/2009 du 20 octobre 2009 Numéros du rôle : 4573 et 4574 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 21sexiesdecies et 21quinquiesdecies de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, insérés par la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 01/09/2001 numac 2001022579 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi portant des mesures en matière de soins de santé fermer portant des mesures en matière de soins de santé, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et P. Martens, et des juges M. Melchior, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par arrêt n° 188.467 du 4 décembre 2008 en cause de la Communauté flamande contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 11 décembre 2008, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 21sexiesdecies de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé viole-t-il les règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, et en particulier l'article 128, § 1er, de la Constitution et l'article 5, § 1er, I et II, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, dans la mesure où cette disposition instaure la fonction d'aide-soignant en définissant celui-ci comme étant une personne spécifiquement formée pour assister l'infirmier ou l'infirmière, sous leur contrôle, en matière de soins, d'éducation et de logistique, dans le cadre des activités coordonnées par l'infirmier ou l'infirmière dans une équipe structurée, et confère au Roi le pouvoir de déterminer les activités mentionnées à l'article 21quinquies du § 1er, a) et b), de l'arrêté royal n° 78, précité, que l'aide-soignant peut exercer et de fixer les modalités d'exécution de ces activités afférentes à la fonction d'aide-soignant ? ». b. Par arrêt n° 188.468 du 4 décembre 2008 en cause de la Communauté flamande contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 11 décembre 2008, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 21quinquiesdecies de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé viole-t-il les règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, et en particulier l'article 128, § 1er, de la Constitution et l'article 5, § 1er, I et II, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, dans la mesure où nul ne peut exercer la profession d'aide soignant sans être enregistré ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 4573 et 4574 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est saisie de deux questions préjudicielles, concernant respectivement les articles 21sexiesdecies (affaire n° 4573) et 21quinquiesdecies (affaire n° 4574) de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, insérés par les articles 43 et 42 de la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 01/09/2001 numac 2001022579 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi portant des mesures en matière de soins de santé fermer portant des mesures en matière de soins de santé (Moniteur belge , 1er septembre 2001). L'article cité en premier lieu a été modifié dans l'intervalle par l'article 73 de la loi du 19 décembre 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2008 pub. 31/12/2008 numac 2008022703 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en matière de santé fermer portant des dispositions diverses en matière de santé (Moniteur belge , 31 décembre 2008, troisième édition), mais cette modification est sans effet sur la question préjudicielle posée dans l'affaire n° 4573.

Les articles en cause disposent : «

Article 21quinquiesdecies.Nul ne peut exercer la profession d'aide soignant sans avoir été enregistré au sein des services du gouvernement, conformément aux modalités fixées par le Roi.

Article 21sexiesdecies.§ 1er. On entend par aide soignant, une personne spécifiquement formée pour assister l'infirmier ou l'infirmière, sous leur contrôle, en matière de soins, d'éducation et de logistique, dans le cadre des activités coordonnées par l'infirmier ou l'infirmière dans une équipe structurée. § 2. Le Roi détermine, après avis du Conseil fédéral de l'art infirmier et la Commission technique de l'art infirmier, les activités mentionnées à l'article 21quinquies § 1er, a) et b), que l'aide soignant peut réaliser, et fixe les modalités d'exécution de ces activités afférentes à la fonction d'aide soignant, conformément au § 1er ».

L'article 21quinquies, auquel se réfère l'article 21sexiesdecies, dispose : « § 1er. On entend par exercice de l'art infirmier, l'accomplissement des activités suivantes : a) - observer, identifier et établir l'état de santé sur les plans psychique, physique et social; - définir les problèmes en matière de soins infirmiers; - collaborer à l'établissement du diagnostic médical par le médecin et à l'exécution du traitement prescrit; - informer et conseiller le patient et sa famille; - assurer une assistance continue, accomplir des actes ou aider à leur accomplissement en vue du maintien, de l'amélioration et du rétablissement de la santé de personnes et de groupes qu'ils soient sains ou malades; - assurer l'accompagnement des mourants et l'accompagnement lors du processus de deuil; b) les prestations techniques de l'art infirmier qui ne requièrent pas de prescription médicale ainsi que celles pour lesquelles elle est nécessaire. Ces prestations peuvent être liées à l'établissement du diagnostic par le médecin, à l'exécution d'un traitement prescrit par le médecin ou à des mesures relevant de la médecine préventive. c) les actes pouvant être confiés par un médecin conformément à l'article 5, § 1er, alinéas 2 et 3. § 2. Les prestations de soins infirmiers, tels que visées aux § 1er, a), b) et c), sont consignées dans un dossier infirmier. § 3. Le Roi peut, conformément aux dispositions de l'article 46bis, fixer la liste des prestations visées au § 1er, ainsi que leurs modalités d'exécution et les conditions de qualification requises ».

B.2. La juridiction a quo demande à la Cour si les dispositions précitées sont compatibles avec les règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions et en particulier avec l'article 128, § 1er, de la Constitution et avec l'article 5, § 1er, I et II, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tout d'abord en ce que l'article 21sexiesdecies instaure la fonction d'aide-soignant en définissant celui-ci comme étant une personne spécifiquement formée pour assister l'infirmier ou l'infirmière, sous leur contrôle, en matière de soins, d'éducation sanitaire et de logistique, dans le cadre des activités coordonnées par l'infirmier ou l'infirmière dans une équipe structurée, et confère au Roi le pouvoir de déterminer les activités mentionnées à l'article 21quinquies, § 1er, a) et b), de l'arrêté royal n° 78 précité que peut exercer l'aide-soignant et de fixer les modalités d'exécution de ces activités afférentes à la fonction d'aide-soignant (affaire n° 4573) et ensuite en ce que, en vertu de l'article 21quinquiesdecies, nul ne peut exercer la profession d'aide-soignant sans être enregistré (affaire n° 4574).

B.3. La création de la fonction d'aide-soignant - par un enregistrement et dès lors pas par un titre professionnel supplémentaire - s'inscrit plus largement dans le cadre de la volonté du législateur fédéral d'adapter le concept d'art infirmier et les missions de l'infirmier à l'évolution sociale et professionnelle, en les définissant d'une manière plus actuelle, et de répondre, en particulier, à l'augmentation de la charge de travail des infirmiers : « L'augmentation de la charge en soins infirmiers due, notamment à l'évolution et la complexité des soins, à la réduction de la durée du séjour à l'hôpital et au vieillissement de la population, justifie la création d'une fonction ' d'aide soignant '. L'accès à la profession d'aide soignant sera réglé par le biais des critères d'enregistrement comme aide soignant, qui seront fixés par le Roi.

Pour garantir la sécurité du patient et la qualité des soins dispensés, le niveau de formation et le contenu de cette fonction ' aide soignant ' doivent être définis dans des limites bien précises » (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC 50-1322/001, p. 76; dans le même sens, ibid., pp. 7, 8 et 12).

B.4. En vertu des articles 38 et 128, § 1er, de la Constitution et, en particulier, de l'article 5, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, les communautés sont compétentes en matière de politique de santé, pour la politique de dispensation de soins dans et au-dehors des institutions de soins (I, 1°), l'éducation sanitaire ainsi que les activités et services de médecine préventive (I, 2°), et en matière d'aide aux personnes (II).

Les communautés ont la plénitude de compétence pour régler ces matières, sauf les exceptions explicitement mentionnées. La compétence que l'article 5, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 confère aux communautés implique que les communautés puissent prendre toutes les mesures propres à leur permettre d'exercer leur compétence.

Les compétences attribuées aux communautés, en particulier celles qui concernent l'éducation sanitaire et les activités et services de médecine préventive, n'impliquent toutefois pas la possibilité de régler l'exercice de l'art médical. En effet, il ressort clairement des travaux préparatoires de l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale de réformes institutionnelles que la réglementation de l'exercice de l'art de guérir et des professions paramédicales ne relève pas des matières concernant la politique de santé qui ont été transférées aux communautés en tant que matières personnalisables (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, n° 434/1, p. 7).

B.5. La notion d' « exercice de l'art médical » n'est définie ni dans les travaux préparatoires précités ni dans l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé.

Dans ses arrêts n° 69/92 du 12 novembre 1992 (B.5) et n° 83/98 du 15 juillet 1998 (B.5.11), la Cour a déduit de l'article 2, § 1er, alinéa 2, et § 2, alinéa 3, de l'arrêté royal n° 78 précité qu'un acte relève de l'exercice de l'art médical « lorsqu'il a notamment pour objet ou lorsqu'il est présenté comme ayant pour objet, à l'égard d'un être humain, l'examen de l'état de santé, le dépistage de maladies et de déficiences, l'établissement du diagnostic ou l'instauration ou l'exécution du traitement d'un état pathologique, physique ou psychique, réel ou supposé ».

La compétence fédérale en matière d'« exercice de l'art médical » est dès lors limitée à la désignation des actes qui répondent à cette définition et à la fixation des conditions - notamment les exigences de qualité - auxquelles des personnes peuvent poser ces actes ou exercer les professions appropriées. Par conséquent, la compétence du législateur fédéral ne peut s'étendre à tous les aspects de la relation entre les patients, qui peuvent également être définis comme des personnes nécessitant des soins, et les titulaires de professions de soins de santé et elle ne peut par ailleurs être interprétée si largement que la compétence de principe des communautés en matière de politique de santé et d'aide aux personnes serait vidée de son contenu. Il ne suffirait pas de faire figurer dans l'arrêté royal n° 78 ou dans ses arrêtés d'exécution un acte qui ne répond pas aux critères de la définition précitée d' « exercice de l'art médical » pour pouvoir conclure que la matière ainsi réglée relève de la compétence fédérale en matière d'exercice de l'art de guérir.

B.6. L'article 21sexiesdecies, en cause, de l'arrêté royal n° 78, en son paragraphe 1er, définit de manière générale la mission de l'aide-soignant et, en son paragraphe 2, habilite le Roi à fixer, d'une part, les activités - limitées à celles mentionnées à l'article 21quinquies, § 1er, a) et b), de l'arrêté royal n° 78 - que l'aide-soignant peut exercer et, d'autre part, les conditions auxquelles l'aide-soignant peut exercer ces activités afférentes à la fonction d'aide-soignant.

Il appartient à la juridiction a quo elle-même d'apprécier la manière dont le Roi a fait usage de Sa compétence et d'examiner si, ce faisant, Il a respecté les règles répartitrices de compétence.

La Cour limite par conséquent son examen au paragraphe 1er de l'article 21sexiesdecies.

B.7. Aux termes de l'article 21sexiesdecies, § 1er, de l'arrêté royal n° 78, l'aide-soignant est une personne spécifiquement formée pour donner une assistance en matière de soins, d'éducation sanitaire et de logistique.Il fournit cette assistance à un infirmier ou une infirmière, sous leur contrôle, dans le cadre des activités coordonnées par l'infirmier ou l'infirmière dans une équipe structurée.

Seule la nature de l'assistance fournie permet de déterminer si le législateur fédéral est resté dans les limites de sa compétence.

B.8. Chacun des éléments pertinents de la description du contenu de la fonction d'aide-soignant, à savoir prêter une assistance en matière de prestation de soins, en matière d'éducation sanitaire et de logistique, pourrait être lié concrètement - quoique de manière distincte et dans une mesure décroissante selon l'ordre dans lequel ils sont repris dans la disposition en cause - à une activité spécifique qui est effectivement en rapport avec l'exercice de l'art médical, tel que décrit en B.5 et pour lequel l'autorité fédérale est compétente. La référence, au paragraphe 2 de la disposition en cause, à l'article 21quinquies, § 1er, a) et b), de l'arrêté royal n° 78 semble confirmer à cet égard que le Roi, dans l'exercice de la mission qui Lui a été confiée, doit Se borner à désigner des activités qui, comme l'a également considéré la section de législation du Conseil d'Etat dans son avis (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC 50-1322/010, p. 6), visent exclusivement l'exercice d'activités médicales. L'article 21quinquies, § 1er, de l'arrêté royal n° 78 définit, en son littera a), ce qui caractérise la profession d'infirmier, ce qui constitue la base de l'activité infirmière, et complète ceci, au littera b), par des prestations infirmières techniques. En vertu de cette définition, les infirmiers peuvent observer, identifier et établir l'état de santé non seulement sur le plan physique et psychique, mais également sur le plan social, de sorte que cette définition correspond mieux à la définition donnée par l'Organisation mondiale de la santé (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC 50-1322/001, p. 79).Cette définition de la profession d'infirmier, en particulier au littera a), répond à la définition de la notion d' « exercice de l'art médical » en B.5, parce qu'elle se réfère expressément au fait d'« observer, d'identifier et d'établir l'état de santé ». Si cette définition devait, pour ce qui est de son application, poser des problèmes d'interprétation, elle doit être interprétée de manière restrictive, dans les limites de ce qui est dit en B.5.

B.9. Sous réserve de ce qui est précisé en B.8, notamment par référence au B.5, l'article 21sexiesdecies ne viole ni l'article 128, § 1er, de la Constitution ni l'article 5, § 1er, I et II, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, ni le principe de proportionnalité.

Sous cette réserve, la question préjudicielle dans l'affaire n° 4573 appelle une réponse négative.

B.10. Aux termes de l'article 21quinquiesdecies, nul ne peut exercer la profession d'aide-soignant sans avoir été enregistré au sein des services du Gouvernement, conformément aux modalités fixées par le Roi.

Etant donné que le législateur fédéral est compétent pour créer la fonction d'aide-soignant et pour en déterminer les missions, dans les limites indiquées en B.5 et B.8, il peut rendre l'enregistrement des aides-soignants obligatoire, habiliter le Roi à fixer les modalités de cet enregistrement et y attacher les conséquences qu'il estime nécessaires.

B.11. Sous réserve de ce qui est dit en B.10, lequel se réfère aux B.5 et B.8, l'article 21quinquiesdecies ne viole ni l'article 128, § 1er, de la Constitution ni l'article 5, § 1er, I et II, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ni le principe de proportionnalité.

Sous cette réserve, la question préjudicielle dans l'affaire n° 4574 appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Sous réserve de ce qui est dit en B.5, en B.8 et en B.10, les articles 21quinquiesdecies et 21sexiesdecies de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, insérés par la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 01/09/2001 numac 2001022579 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi portant des mesures en matière de soins de santé fermer portant des mesures en matière de soins de santé, ne violent pas les règles répartitrices de compétence.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 20 octobre 2009.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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