publié le 10 juin 2009
Extrait de l'arrêt n° 52/2009 du 19 mars 2009 Numéro du rôle : 4443 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 37, § 2, du décret de la Région flamande du 17 juillet 2000 relatif à l'organisation du marché de l'élect La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Ma(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 52/2009 du 19 mars 2009 Numéro du rôle : 4443 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 37, § 2, du décret de la Région flamande du 17 juillet 2000 relatif à l'organisation du marché de l'électricité, tel qu'il a été remplacé par l'article 50 du décret du 5 juillet 2002 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 2002, posées par le Tribunal de première instance de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 6 mars 2008 en cause de la société de droit allemand « RWE Solutions Aktiengesellschaft » contre la « Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteits- en Gasmarkt » (Autorité de régulation flamande pour le marché de l'électricité et du gaz), la Région flamande et l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 13 mars 2008, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « L'article 37, § 2, du décret flamand du 17 juillet 2000 relatif à l'organisation du marché de l'électricité viole-t-il les règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat et des régions, et/ou l'article 170, § 2, de la Constitution ? »;2. « L'article 37, § 2, du décret flamand du 17 juillet 2000 relatif à l'organisation du marché de l'électricité viole-t-il l'article 170, § 1er, de la Constitution ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause B.1.1. La question préjudicielle porte sur l'article 37, § 2, du décret de la Région flamande du 17 juillet 2000 relatif à l'organisation du marché de l'électricité (ci-après : le décret sur l'électricité), qui dispose, dans la version remplacée par l'article 50 du décret du 5 juillet 2002 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 2002 : « Sans préjudice du § 2 [lire : 1er], le tarif de l'amende administrative pour une infraction à l'article 23, § 1er, est de 1,75 euro [lire : 75 euros] par certificat manquant le 31 mars 2003 et de 100 euros par certificat manquant le 31 mars 2004. A partir du 31 mars 2005, l'amende est portée à 125 euros par certificat manquant ».
B.1.2. L'article 23, § 1er, auquel se réfère la disposition en cause, énonce, dans la version remplacée par l'article 49 du décret précité du 5 juillet 2002 : « Chaque gestionnaire du réseau et chaque titulaire d'une autorisation de fourniture pour la fourniture d'électricité via le réseau de distribution aux clients finals, est tenu de soumettre à l'autorité de régulation chaque année avant le 31 mars le nombre de certificats d'électricité écologique déterminé en application du § 2. Les certificats d'électricité seront soumis pour la première fois en l'an 2003 ».
B.2. Dans l'affaire soumise au juge a quo, la partie demanderesse conteste l'« amende administrative » qu'a infligée la « Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteits- en Gasmarkt » (Autorité de régulation flamande pour le marché de l'électricité et du gaz, ci-après : VREG) par application de la disposition en cause à défaut de la remise de 2 393 certificats verts au 31 mars 2003.
Selon la même partie, il s'agit d'un impôt déguisé pour lequel le législateur décrétal n'est pas compétent et qui a été levé en méconnaissance du principe de légalité en matière fiscale.
Quant à la qualification de la disposition en cause B.3.1. Le juge a quo estime que l'« amende administrative » visée à l'article 37, § 2, du décret sur l'électricité n'est pas une sanction, mais une mesure à caractère régulateur et compensatoire, qui peut être considérée comme un impôt au sens de l'article 170 de la Constitution.
Il pose des questions préjudicielles concernant le respect, d'une part, des règles répartitrices de compétence, et, d'autre part, du principe de légalité en matière fiscale.
B.3.2. Le juge a quo peut interpréter la disposition en cause et préciser quelles règles répartitrices de compétence et quelles dispositions constitutionnelles sont, selon lui, les normes de référence. En l'espèce, est alléguée la violation de règles répartitrices de compétence et de l'article 170 de la Constitution.
Afin de déterminer les normes de référence au regard desquelles elle doit exercer son contrôle, la Cour doit qualifier la disposition en cause.
B.4.1. La qualification de la mesure prescrite par la disposition en cause, soit comme un impôt, soit comme une rétribution, soit comme une sanction administrative, requiert un examen du contexte dans lequel la disposition a été adoptée.
B.4.2. Le décret sur l'électricité a instauré un système de « certificats verts » destiné à encourager l'utilisation de sources d'énergie renouvelables. Un certificat vert est un bien immatériel cessible faisant apparaître qu'un producteur a produit, au cours d'une année déterminée, une quantité déterminée d'électricité en faisant usage de sources d'énergie renouvelables.
Le système des certificats verts comprend deux volets : - d'une part, les producteurs d'« électricité verte », c'est-à -dire l'électricité issue de sources d'énergie renouvelables, peuvent recevoir de la VREG, par 1 000 kW/heure d'électricité produite, un certificat vert qui est commercialisable sur un marché concurrentiel; - d'autre part, les fournisseurs d'électricité doivent, au 31 mars de chaque année, fournir à la VREG un nombre de certificats verts qui correspond à un pourcentage d'électricité verte proportionnel au total de l'électricité qu'ils ont fournie aux clients finaux au cours de l'année civile précédente. Ce pourcentage suit une progression pluriannuelle, afin d'atteindre les objectifs internationaux et européens applicables à la Belgique et à la Région flamande en matière d'énergie renouvelable. Les fournisseurs peuvent satisfaire à cette obligation en produisant eux-mêmes de l'électricité verte afin d'obtenir le nombre requis de certificats verts de la VREG ou en acquérant des certificats verts sur le marché.
B.4.3. L'obligation, prévue à l'article 23, § 1er, du décret sur l'électricité, de remettre des certificats verts est renforcée par la disposition en cause, qui fixe le montant qui doit être payé par certificat pour la non-remise, au 31 mars de chaque année, du nombre de certificats verts fixé par la VREG. Comme la Cour l'a déjà jugé dans son arrêt n° 150/2005 du 28 septembre 2005, le législateur décrétal a fixé ce montant, tant en fonction du surcoût escompté pour la production d'électricité verte en comparaison d'autres formes d'électricité qu'en fonction de la nécessité d'encourager en permanence les intéressés à acquérir suffisamment de certificats verts, plutôt que de se contenter de payer l'« amende » imposée par la VREG en vertu de la disposition en cause.
Dans l'arrêt précité, la Cour a également précisé que la mesure inscrite à l'article 37, § 2, du décret sur l'électricité a un caractère non seulement incitatif mais également compensatoire, en ce que ses recettes devaient être versées au « Fonds Hernieuwbare Energiebronnen » pour financer des projets et des mesures favorisant l'utilisation d'énergie renouvelable.
B.5.1. La circonstance que la disposition en cause a un caractère régulateur et compensatoire, comme le constate également le juge a quo, n'implique cependant pas nécessairement qu'il s'agit d'un impôt au sens de l'article 170 de la Constitution.
Un « impôt » au sens des articles 170 et 172 de la Constitution est un prélèvement unilatéral opéré par l'Etat fédéral, les communautés, les régions, les provinces ou les communes afin de couvrir une dépense d'utilité publique. La circonstance que le produit du prélèvement soit affecté à une dépense publique spécifique ou soit versé dans un fonds distinct - comme en l'espèce - ne priverait pas pareil prélèvement de son caractère d'impôt au sens des dispositions constitutionnelles précitées.
Toutefois, lorsqu'il s'agit - comme en l'espèce - de distinguer un impôt d'une amende administrative, une distinction supplémentaire s'impose, étant donné que toute sanction pécuniaire dont le « produit » profite finalement au Trésor serait également, selon la définition précitée, un impôt.
Cette distinction tient au caractère de sanction de l'amende administrative : un impôt est perçu sur le simple fait imposable qui, lorsqu'il se produit, ne doit pas en soi être répréhensible, tandis que la mesure prévue par la disposition en cause réprime un manquement à une obligation.
En outre, cette mesure ne vise pas en premier lieu à acquérir des moyens afin de couvrir une dépense d'intérêt général, même si son produit est destiné à des projets et mesures visant à promouvoir l'utilisation d'énergie renouvelable.
Il apparaît de la nature de la mesure en cause qu'il ne s'agit pas d'un impôt mais d'une amende administrative.
La mesure ne peut pas davantage être considérée comme une rétribution, dès lors qu'elle n'est pas la contrepartie d'un service offert par un organe public à un particulier qui utilise ce service.
B.5.2. La partie demanderesse devant le juge a quo fait toutefois valoir qu'elle était dans l'impossibilité de satisfaire à l'obligation de remettre des certificats verts.
La Cour se prononce sur des dispositions législatives et non sur leur exécution. Il découle du régime des certificats verts, tel qu'il est organisé par le décret sur l'électricité, qu'il appartenait aux intéressés, soit de produire eux-mêmes de l'électricité verte et d'obtenir ainsi un nombre correspondant de certificats verts de la VREG, soit d'acquérir des certificats verts sur le marché libre et d'en remettre un nombre suffisant à la VREG, proportionnellement à la quantité totale d'électricité qu'ils ont fournie l'année précédente au client final.
La disposition en cause est conçue comme une sanction pour le non-respect de cette obligation. Le juge compétent statue sur les faits de la cause qui lui est soumise en ce compris sur l'absence de force majeure.
Quant aux questions préjudicielles B.6. Il découle de ce qui précède que la mesure prévue à l'article 37, § 2, du décret sur l'électricité ne peut être qualifiée d'impôt au sens de l'article 170 de la Constitution, ni de rétribution, mais est une disposition qui habilite la VREG à imposer une amende administrative, disposition que le législateur décrétal a pu adopter en tant que mesure accessoire dans le cadre de ses compétences matérielles relatives à la politique de l'énergie, telles qu'elles ont été attribuées aux régions par l'article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
B.7. Les questions préjudicielles appellent une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 37, § 2, du décret du 17 juillet 2000 de la Région flamande relatif à l'organisation du marché de l'électricité, tel qu'il a été remplacé par l'article 50 du décret du 5 juillet 2002 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 2002, ne viole ni les règles répartitrices de compétence, ni l'article 170 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 19 mars 2009.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Bossuyt.