publié le 17 mars 2009
Extrait de l'arrêt n° 16/2009 du 5 février 2009 Numéro du rôle : 4444 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 466bis du Code des impôts sur les revenus 1992, inséré par la loi du 13 décembre 2002, posée par le Tribunal de La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Ma(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 16/2009 du 5 février 2009 Numéro du rôle : 4444 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 466bis du Code des impôts sur les revenus 1992, inséré par la
loi du 13 décembre 2002Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
13/12/2002
pub.
28/12/2002
numac
2002003543
source
ministere des finances
Loi insérant l'article 466bis dans le Code des impôts sur les revenus 1992 et réglant l'application de l'article 244bis du même code aux résidents des Pays-Bas
fermer, posée par le Tribunal de première instance d'Anvers.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen et J.-P. Snappe, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 12 mars 2008 en cause de Guy Hellinx et Ann Hintjens contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 18 mars 2008, le Tribunal de première instance d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 466bis du CIR 1992, tel qu'il était applicable pour l'exercice d'imposition 2004, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou combinés avec l'article 172 de la Constitution et avec l'article 39 du Traité CE, en ce qu'il limite le champ d'application de cette disposition aux revenus professionnels reçus de l'étranger qui sont exonérés de l'impôt des personnes physiques en Belgique en vertu d'une convention internationale préventive de la double imposition, pour autant que la convention internationale le permette ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 466bis du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992), tel qu'il a été introduit par l'article 2 de la loi du 13 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/12/2002 pub. 28/12/2002 numac 2002003543 source ministere des finances Loi insérant l'article 466bis dans le Code des impôts sur les revenus 1992 et réglant l'application de l'article 244bis du même code aux résidents des Pays-Bas fermer, dispose : « Lorsqu'un habitant du Royaume reçoit de l'étranger des revenus professionnels qui sont exonérés de l'impôt des personnes physiques en Belgique en vertu d'une convention internationale préventive de la double imposition, la taxe communale additionnelle et la taxe d'agglomération additionnelle visées à l'article 466 sont néanmoins calculées, pour autant que la convention internationale le permette, sur l'impôt des personnes physiques qui serait dû en Belgique si les revenus professionnels en question étaient tirés de sources situées en Belgique ».
B.2. Le juge a quo demande à la Cour si le champ d'application limité de cette disposition viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 172 de la Constitution et avec l'article 39 du Traité CE. Il constate que l'article 466bis du CIR 1992 n'est pas applicable à : - un habitant du Royaume qui perçoit d'autres revenus exonérés que des revenus professionnels provenant de pays pour lesquels la convention internationale autorise la perception de la taxe communale additionnelle sur les revenus professionnels; - un habitant du Royaume qui perçoit des revenus professionnels exonérés ou d'autres revenus exonérés provenant de pays pour lesquels la convention internationale n'autorise pas la perception de la taxe communale additionnelle sur les revenus professionnels; - un habitant du Royaume qui travaille dans un pays avec lequel la Belgique n'a pas conclu de convention préventive de la double imposition et qui, partant, bénéficie de la réduction d'impôt prévue à l'article 156 du CIR 1992 sur ses revenus acquis à l'étranger, ce qui a pour conséquence qu'il ne doit que partiellement payer la taxe communale additionnelle sur ses revenus étrangers.
B.3. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 172 de la Constitution constitue une application particulière de ce principe en matière fiscale. L'article 39 du Traité CE garantit la libre circulation des travailleurs.
La Cour doit rechercher si le législateur a violé les dispositions précitées en établissant une distinction fondée sur l'existence d'une convention internationale préventive de la double imposition, sur le contenu de cette convention internationale (autorisation ou non de percevoir la taxe communale additionnelle ou la taxe d'agglomération additionnelle) et sur la nature des revenus (revenus professionnels ou autres revenus) qui entrent en ligne de compte pour le calcul de ces impôts locaux additionnels.
B.4. La disposition en cause a été introduite dans le CIR 1992 à la suite de la convention conclue entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas « tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune », des protocoles Ier et II et de l'échange de lettres, faits à Luxembourg le 5 juin 2001. La loi d'assentiment du 11 décembre 2002, la convention, les protocoles et les lettres ont été publiés au Moniteur belge du 20 décembre 2002.
L'article 23, § 1er, a), de cette convention dispose : « Lorsqu'un résident de la Belgique reçoit des revenus, autres que des dividendes, des intérêts ou des redevances visées à l'article 12, paragraphe 5, ou possède des éléments de fortune qui sont imposés aux Pays-Bas conformément aux dispositions de la présente Convention, la Belgique exempte de l'impôt ces revenus ou ces éléments de fortune, mais elle peut, pour calculer le montant de ses impôts sur le reste du revenu ou de la fortune de ce résident, appliquer le même taux que si les revenus ou les éléments de fortune en question n'avaient pas été exemptés ».
Quant à cette disposition, le protocole Ier mentionne (point 24, a)) : « Pour la détermination des taxes additionnelles établies par les communes et agglomérations belges, la Belgique tient compte, nonobstant les dispositions de l'article 23, paragraphe 1er, a, et toute autre disposition de la Convention, des revenus professionnels exemptés en vertu de l'article 23, paragraphe 1er, a. Ces taxes additionnelles sont calculées sur l'impôt qui serait dû en Belgique si les revenus en question étaient tirés de sources belges ».
B.5. L'insertion de la disposition en cause a été jugée nécessaire parce que l'article 466bis du CIR 1992 « ne permet pas actuellement la perception de taxes additionnelles communales et d'agglomération sur des revenus exonérés par convention » (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, n° 2062/001, p.5). Elle a été formulée en termes généraux pour être également applicable aux cas où une autre convention préventive des doubles impositions comporterait une disposition analogue à celle du protocole Ier annexé à la convention belgo-néerlandaise (ibid., pp. 5 et 10).
B.6. La disposition en cause a pour conséquence que les impôts locaux additionnels sont perçus sur les revenus professionnels exonérés de l'impôt des personnes physiques acquis par des personnes qui habitent sur le territoire d'une commune belge, mais qui travaillent à l'étranger, du moins pour autant que la convention internationale le permette. Ainsi, ces personnes contribuent au financement de la commune où elles habitent et dans laquelle elles sont raisonnablement présumées faire usage, de même que, le cas échéant, les membres de leur famille, des infrastructures et des services communaux.
B.7. Il appartient au législateur de déterminer les contribuables soumis à la taxe communale additionnelle et à la taxe d'agglomération additionnelle. Il dispose en la matière d'une marge d'appréciation étendue.
Lorsque le législateur souhaite assujettir aux impôts locaux additionnels une des catégories d'habitants qui échappent à ces impôts, il doit nécessairement tenir compte des difficultés qui sont liées à la perception de l'impôt, particulièrement en ce qui concerne les frais administratifs et d'infrastructure qui en découlent pour l'administration chargée du recouvrement.
B.8. La mesure litigieuse repose sur un critère de distinction objectif : seuls les habitants du Royaume qui perçoivent des revenus professionnels de l'étranger, lesquels sont exonérés de l'impôt des personnes physiques en Belgique en vertu d'une convention internationale préventive de la double imposition, sont soumis à la taxe communale additionnelle et à la taxe d'agglomération additionnelle, pour autant que la convention internationale le permette.
B.9. La mesure contestée est pertinente pour atteindre l'objectif poursuivi par le législateur : la catégorie des habitants d'une commune qui perçoivent des revenus de l'étranger qui sont exonérés en Belgique de l'impôt des personnes physiques en vertu d'une convention internationale préventive de la double imposition échapperait dans le cas contraire aux taxes locales additionnelles. La différence de traitement fondée sur l'existence d'une convention internationale préventive de la double imposition est, par conséquent, raisonnablement justifiée.
B.10. En ce qui concerne la différence de traitement fondée sur le contenu de la convention internationale préventive de la double imposition (autorisation ou absence d'autorisation de percevoir la taxe communale additionnelle ou la taxe d'agglomération additionnelle), la Cour doit prendre en considération le fait que le législateur ne peut pas agir de manière unilatérale dans des matières transfrontalières.
Au demeurant, le principe d'égalité n'exige pas que, dans chacune des conventions qu'elle conclut avec d'autres pays pour éviter les doubles impositions, la Belgique se préoccupe d'assurer cas par cas aux contribuables le régime qui leur serait à tout moment le plus favorable, ni que l'Etat belge ne puisse conclure des conventions avec d'autres parties contractantes qu'à la condition que ces conventions règlent les mêmes matières de manière analogue. Le mode d'organisation différent du système fiscal dans les divers pays et les taux d'imposition distincts qui y sont applicables peuvent avoir pour conséquence que d'autres solutions soient choisies pour des situations qui, du point de vue de l'ordre juridique belge, sont analogues.
Par conséquent, il n'est pas manifestement déraisonnable qu'un habitant du Royaume ayant des revenus professionnels provenant de l'étranger qui sont exonérés en Belgique de l'impôt des personnes physiques en vertu d'une convention internationale préventive de la double imposition ne soit soumis aux impôts locaux additionnels que pour autant que la convention internationale le permette.
B.11. Les habitants du Royaume ayant des revenus professionnels provenant de l'étranger qui sont exonérés de l'impôt des personnes physiques en Belgique en vertu d'une convention internationale préventive de la double imposition sont, il est vrai, soumis aux impôts locaux additionnels, pour autant que la convention internationale le permette, mais la base imposable n'est pas entièrement la même que celle des personnes qui travaillent en Belgique. Pour ces dernières, les impôts locaux additionnels sont calculés sur tous leurs revenus, tandis que pour les personnes qui travaillent à l'étranger, les impôts locaux additionnels ne sont calculés que sur leurs revenus professionnels.
Eu égard à la marge d'appréciation étendue dont dispose le législateur en matière fiscale, ainsi qu'il a été exposé en B.7, la différence de traitement fondée sur la nature des revenus ne peut pas être considérée comme manifestement disproportionnée.
B.12. La libre circulation des personnes vise « à faciliter, pour les ressortissants communautaires, l'exercice d'activités professionnelles de toute nature sur l'ensemble du territoire de la Communauté » (CJCE, 7 juillet 1988, 143/87, Stanton, § 13). L'article 39 du Traité CE interdit notamment « de défavoriser [les] ressortissants [communautaires] lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre » et s'oppose « à toute mesure nationale qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice, par les ressortissants communautaires, des libertés fondamentales garanties par le Traité » (CJCE, 1er avril 2008, C-212/06, Gouvernement de la Communauté française et Gouvernement wallon, §§ 44 et 45).
Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes, en l'absence de mesures d'unification ou d'harmonisation communautaire, les Etats membres sont compétents pour déterminer les critères d'imposition des revenus et de la fortune en vue d'éliminer, le cas échéant par la conclusion de conventions fiscales bilatérales, les doubles impositions. Dans ce contexte, les Etats membres sont libres, dans le cadre des conventions bilatérales, de fixer les facteurs de rattachement qui répartissent la compétence fiscale.
Toutefois, en ce qui concerne l'exercice du pouvoir d'imposition ainsi réparti, les Etats membres sont tenus de se conformer aux règles communautaires et, plus particulièrement, de respecter le principe du traitement égal des ressortissants des autres Etats membres et de leurs propres ressortissants qui ont fait usage des libertés garanties par le Traité (CJCE, 12 mai 1998, n° C-336/96, Gilly, §§ 24 et 30; 12 décembre 2002, n° C-385/00, de Groot, §§ 93 et 94; 16 octobre 2008, C-527/06, Renneberg, §§ 48 et 51).
Sans qu'il soit nécessaire d'examiner si l'assujettissement aux impôts locaux additionnels constitue une mesure restrictive de la liberté de circulation, il suffit de constater dans ce cas que la mesure en cause est applicable indépendamment de la nationalité de l'habitant du Royaume, qu'elle tend à faire contribuer les habitants d'une commune au financement de celle-ci et, partant, qu'elle poursuit un objectif qui peut être considéré comme d'intérêt général, qu'elle est de nature, pour les raisons mentionnées en B.7 à B.11, à en garantir la réalisation et qu'elle n'est pas manifestement disproportionnée à cet objectif.
B.13. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 466bis du Code des impôts sur les revenus 1992 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 172 de la Constitution et avec l'article 39 du Traité CE. Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 5 février 2009.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Bossuyt.