Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 20 février 2009

Extrait de l'arrêt n° 174/2008 du 3 décembre 2008 Numéro du rôle : 4411 En cause : la question préjudicielle concernant la législation sur les limitations des fermages La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Ma(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2009200289
pub.
20/02/2009
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 174/2008 du 3 décembre 2008 Numéro du rôle : 4411 En cause : la question préjudicielle concernant la législation sur les limitations des fermages (loi du 4 novembre 1969 limitant les fermages et arrêté royal du 11 septembre 1989 relatif aux commissions des fermages), posée par la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 24 décembre 2007 en cause de Peter Bartels et Rita Vermeulen contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 8 janvier 2008, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « La législation sur les limitations des fermages - contenue dans la loi modifiée du 4 novembre 1969 et l'arrêté royal du 11 septembre 1989 - appliquée à l'article 7, § 1er, 2°, b), du CIR 1992 viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution et le principe d'égalité en ce que les commissions des fermages sont habilitées, en vertu de la législation précitée, à fixer des coefficients pour les immeubles affectés à des fins agricoles ou horticoles en vue de calculer le fermage maximum, ce qui entraîne une différence injustifiée entre les contribuables selon la région géographique et/ou la province dans laquelle l'immeuble loué est situé ? ». (...) III. En droit (...) Quant à l'objet de la question préjudicielle B.1.1. La juridiction a quo demande si « la législation sur les limitations des fermages - contenue dans la loi modifiée du 4 novembre 1969 et l'arrêté royal du 11 septembre 1989 - appliquée à l'article 7, § 1er, 2°, b), du CIR 1992 » est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.1.2. Comme l'indique le Gouvernement flamand, la Cour, qui est compétente pour contrôler les normes ayant force de loi, ne peut se prononcer sur l'arrêté royal du 11 septembre 1989 relatif aux commissions des fermages qui est mentionné dans la question préjudicielle.

B.1.3. Pour le reste, il ressort de la décision de renvoi et des pièces du dossier que la question préjudicielle porte sur les articles 2 et 3 de la loi du 4 novembre 1969 limitant les fermages.

B.1.4. Le renvoi dans la question préjudicielle à l'article 7, § 1er, 2°, b), du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992) doit donc être compris comme invitant la Cour à prendre en considération, lors de son contrôle des dispositions en cause au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, le fait que lorsque le bailleur de biens immobiliers donnés en location respecte le fermage maximum prévu par les dispositions en cause, il ne doit déclarer que le revenu cadastral, tandis que dans le cas contraire, il doit déclarer le montant total du loyer et des avantages locatifs (article 7, § 1er, 2°, c), du CIR 1992).

Quant à la reformulation de la question préjudicielle B.2.1. Selon le Conseil des ministres, la différence de traitement qui serait visée ne se déduit pas de la question préjudicielle et il convient, le cas échéant, de reformuler celle-ci.

B.2.2. Il ressort à suffisance de la question préjudicielle que la juridiction a quo interroge la Cour sur la différence de traitement qui résulte du fait que, conformément aux articles 2 et 3 de la loi du 4 novembre 1969 limitant les fermages, les coefficients maxima, sur la base desquels le fermage maximum autorisé est fixé pour les immeubles qui sont affectés à des fins agricoles ou horticoles, diffèrent d'une province à l'autre ou d'une région agricole à l'autre.

Quant au fond B.3.1. L'article 2 de la loi du 4 novembre 1969 limitant les fermages, tel qu'il a été modifié par l'article 37 de la loi du 7 novembre 1988 « modifiant la législation sur le bail à ferme et la limitation des fermages », dispose : « § 1er. Pour les terres données en location, les fermages maxima autorisés correspondent à leur revenu cadastral affecté d'un coefficient.

Dans l'année de l'entrée en vigueur de la présente loi, les commissions provinciales fixent ce coefficient pour chacune des régions agricoles de leur province. § 2. Les coefficients maxima ainsi fixés valent pour les fermages venant à échéance au cours d'une période de trois ans prenant cours à la date de la publication visée au § 4.

Avant l'expiration de cette période de trois ans et avant l'expiration de chacune des périodes subséquentes de trois ans, les commissions provinciales sont tenues de fixer les coefficients maxima applicables au revenu cadastral des terres pour les fermages venant à échéance au cours de la période triennale suivante.

La loi du 26 juillet 1952Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1952 pub. 12/01/2012 numac 2011000858 source service public federal interieur Loi limitant les fermages Coordination officieuse en langue allemande fermer limitant les fermages telle qu'elle a été modifiée par la loi du 20 janvier 1961 reste d'application pour les fermages échus avant la date visée à l'alinéa 1er du présent paragraphe. § 3. Les commissions fixent les coefficients maxima visés au § 1er pour chaque période de trois ans sur base du rapport existant entre, d'une part, la rentabilité moyenne des exploitations dans chacune des régions agricoles au cours du triennat qui précède la dernière année de chaque période et, d'autre part, la rentabilité moyenne de ces exploitations au cours du même triennat de la période précédente.

Cette rentabilité est appréciée conformément à l'article 17 de la section III du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil. § 4. Les décisions des commissions provinciales des fermages sont publiées au Moniteur belge de la façon déterminée par le Roi ».

B.3.2. L'article 3 de la loi du 4 novembre 1969 limitant les fermages, tel qu'il a été modifié par l'article 48, § 2, de la loi du 19 juillet 1979 « modifiant le Code des impôts sur les revenus et le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, en matière de fiscalité immobilière », par l'article unique de la loi du 10 mars 1983 « modifiant la loi limitant les fermages » et par l'article 38 de la loi du 7 novembre 1988 « modifiant la législation sur le bail à ferme et la limitation des fermages », dispose : « Pour les bâtiments donnés en location, le fermage maximum correspond à leur revenu cadastral affecté d'un coefficient selon la procédure et de la même façon qu'à l'article 2.

Les augmentations du revenu cadastral résultant de la construction de bâtiments ou de l'exécution de travaux par le preneur sur le bien loué n'entrent pas en ligne de compte pour la fixation du fermage ».

B.4.1. Le texte adopté le 8 avril 1965 par le Sénat prévoyait l'abrogation de la loi du 26 juillet 1952Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1952 pub. 12/01/2012 numac 2011000858 source service public federal interieur Loi limitant les fermages Coordination officieuse en langue allemande fermer limitant les fermages (article II, B, premier tiret, du texte adopté le 8 avril 1965 par le Sénat, Doc. parl., Sénat, 1964-1965, n° 295, p. 73). Le fermage serait stipulé par écrit et serait revu, à l'expiration de chaque triennat, par le juge de paix à la demande du bailleur ou du locataire « sur base de la rentabilité du bien loué au cours du triennat écoulé » (article 17.1 de la section 3 du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil, introduit par l'article I du texte adopté le 8 avril 1965 par le Sénat, Doc. parl., Sénat, 1964-1965, n° 295, p. 59).

L'abrogation du système de limitation des fermages a été justifiée par le fait que, d'une part, la loi du 26 juillet 1952Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1952 pub. 12/01/2012 numac 2011000858 source service public federal interieur Loi limitant les fermages Coordination officieuse en langue allemande fermer n'était pas appliquée dans la pratique et que, d'autre part, « une normalisation » des fermages devait être réalisée (Doc. parl., Sénat, 1964-1965, n° 295, p. 27).

B.4.2. Toutefois, une opposition se fit jour à la Chambre contre l'abrogation de la loi du 26 juillet 1952Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1952 pub. 12/01/2012 numac 2011000858 source service public federal interieur Loi limitant les fermages Coordination officieuse en langue allemande fermer. On craignait la libération totale des fermages (Doc. parl., Chambre, 1965-1966, n° 95/6, p. 36).

Il a été proposé de conserver la loi du 26 juillet 1952Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1952 pub. 12/01/2012 numac 2011000858 source service public federal interieur Loi limitant les fermages Coordination officieuse en langue allemande fermer, mais de l'adapter (ibid. ).

L'article 1er de la loi limitant les fermages adopté par la Chambre était libellé ainsi : « Le fermage des terres louées ne peut être porté à plus de trois fois le fermage de 1939.

Lorsque le bien loué comprend des bâtiments d'exploitation ou d'habitation, le montant du fermage peut être porté à trois fois le montant de 1939 pour les terres louées et peut être augmenté du revenu cadastral desdits bâtiments » (Doc. parl., Chambre, 1965-1966, n° 95/6, p. 58).

B.4.3. La réglementation des prix adoptée par la Chambre a été considérée au Sénat comme « rigide et aveugle » (Doc. parl., Sénat, 1968-1969, n° 422, p. 15). Dès lors, le ministre de l'Agriculture a déposé un texte dans lequel les fermages étaient liés aux revenus cadastraux, affectés d'un coefficient (Doc. parl., Sénat, 1968-1969, n° 422, pp.2 et 17-18). Ce texte a été justifié comme suit : « Le Ministre estime cette référence plus précise que le renvoi aux fermages payés en 1939. La documentation relative à l'année 1939 ne saurait plus être vérifiée, mais de surcroît, l'agriculture belge a connu dans l'intervalle des mutations profondes.

Les estimations cadastrales sont plus récentes (1955 - mises en application plus tard), tiennent mieux compte des différences entre régions et entre terres, et permettent une vérification et une révision précises » (Doc. parl., Sénat, 1968-1969, n° 422, p. 15).

En réponse à la critique qui avait été formulée contre le recours au revenu cadastral comme point de référence pour la fixation des fermages maxima, le ministre a déclaré notamment ce qui suit : « Le régime est souple. Chacune des parties peut réclamer la péréquation cadastrale. Les Commissions agricoles peuvent adapter les coefficients par région (sans les dépasser) au cas où des déséquilibres seraient constatés » (Doc. parl., Sénat, 1968-1969, n° 422, p. 16).

B.5.1. Pour les terres données en location, l'article 2, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 4 novembre 1969 limitant les fermages prévoit que les fermages maxima autorisés correspondent à leur revenu cadastral, affecté d'un coefficient qui doit être fixé par les commissions provinciales.

B.5.2. Pour les bâtiments donnés en location, l'article 3, alinéa 1er, de la même loi prévoyait que le fermage maximum correspondait « à leur revenu cadastral augmenté de 1/3, que le loyer des bâtiments soit fixé séparément ou compris dans le fermage de l'exploitation ». Si le fermage fixé en application de la disposition précitée « dépassait le niveau des fermages moyens réels de 1967, payés dans la région », le juge pouvait ramener le fermage à ce niveau (article 3, alinéa 2, de la loi du 4 novembre 1969). L'article 48, § 2, a), de la loi du 19 juillet 1979 « modifiant le Code des impôts sur les revenus et le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, en matière de fiscalité immobilière » a élevé, pour les bâtiments, le fermage maximum ainsi fixé au niveau du revenu cadastral, augmenté de 2/3.

B.6.1. L'article 38 de la loi du 7 novembre 1988 « modifiant la législation sur le bail à ferme et la limitation des fermages » a aligné la réglementation applicable aux bâtiments donnés en location sur celle des terres données en location, en prévoyant à l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 4 novembre 1969 que, pour les bâtiments donnés en location, le fermage maximum correspond à leur revenu cadastral « affecté d'un coefficient selon la procédure et de la même façon qu'à l'article 2 ». Selon les travaux préparatoires de cette disposition, « il s'agit ici d'un coefficient spécifique pour les bâtiments, mais fixé comme pour les terres » (Doc. parl., Sénat, 1986-1987, n° 586/2, p. 95).

B.6.2. L'article 38 de la loi du 7 novembre 1988 s'inscrit dans le cadre d'une série de dispositions qui visent à « rendre plus attrayant l'affermage des biens ruraux » (Doc. parl., Sénat, 1986-1987, n° 586/2, p. 94) et qui cherchent à créer « un système plus souple d'adaptation des fermages permettant des évolutions plus régulières de ceux-ci » (Doc. parl., Sénat, 1986-1987, n° 586/2, p. 95).

En ce qui concerne la disposition qui est devenue l'article 38 de la loi du 7 novembre 1988, on peut lire dans les travaux préparatoires : « Un membre fait observer qu'en vertu du texte proposé le fermage des bâtiments évoluera lui aussi différemment d'une région agricole à l'autre. Le représentant du Secrétaire d'Etat lui répond que cela se pourra, mais que tel ne sera pas nécessairement le cas. En effet, comme pour les terrains, on peut obtenir différents coefficients pour les bâtiments, puisque ceux-ci ont également une influence sur la rentabilité » (Doc. parl., Sénat, 1986-1987, n° 586/2, p. 99).

Concernant le lien entre les bâtiments et la rentabilité, il a également été déclaré que la rentabilité « joue surtout un rôle en ce qui concerne les bâtiments dans lesquels est logé du bétail » (Doc. parl., Sénat, 1986-1987, n° 586/2, p. 99).

En réponse à la question de savoir s'il pourrait y avoir un coefficient différent au sein de chaque région agricole pour les terres et les bâtiments, le représentant du secrétaire d'Etat à l'Agriculture a déclaré qu'« on ne fixe qu'un seul coefficient par région agricole pour les terrains et un coefficient pour les bâtiments » (Doc. parl., Sénat, 1986-1987, n° 586/2, p. 99).

B.7.1. Il ressort de ce qui précède que le législateur souhaitait, d'une part, conserver un système de limitation des fermages et, d'autre part, tenir compte de la rentabilité des exploitations agricoles lors de la fixation des fermages maxima.

B.7.2. Selon l'article 2, § 3, de la loi du 4 novembre 1969 limitant les fermages, tel qu'il a été remplacé par l'article 37 de la loi du 7 novembre 1988, les commissions provinciales déterminent les coefficients d'après lesquels le fermage maximum est établi « sur base du rapport existant entre, d'une part, la rentabilité moyenne des exploitations dans chacune des régions agricoles au cours du triennat qui précède la dernière année de chaque période et, d'autre part, la rentabilité moyenne de ces exploitations au cours du même triennat de la période précédente ». La rentabilité est appréciée « conformément à l'article 17 de la section III du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil ».

L'article 17.2 de la section 3 du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil, auquel cette disposition renvoie, dispose : « La rentabilité s'entend du rendement qu'une exploitation normale pouvait procurer au preneur, compte tenu notamment de la qualité des terres, du cours des produits, des charges afférentes à l'exploitation ».

Dans les travaux préparatoires, il a été ajouté que les éléments suivants influençaient le rendement d'une entreprise agricole : « la qualité des terres, [le] cours des produits, [...] l'incidence des conditions atmosphériques sur le volume et la qualité des récoltes, ainsi que [les] charges afférentes à l'exploitation » (Doc. parl., Sénat, 1964-1965, n° 295, p. 28).

Il a toutefois été souligné quant à l'énumération précitée que « sans doute tous les éléments n'ont-ils pas été énumérés » et que « ce n'était qu'une liste exemplative » (ibid. ).

B.8. Dès lors que le législateur visait à tenir compte de la rentabilité du bien loué lors de la fixation des fermages maxima et eu égard aux éléments mentionnés en B.7.2 qui influencent cette rentabilité, il n'est pas manifestement déraisonnable que les commissions des fermages établissent, pour chaque région agricole de leur province, le coefficient maximum sur la base duquel le fermage maximum est fixé. En effet, il peut ainsi être tenu suffisamment compte des éléments qui diffèrent selon les régions et qui influencent la rentabilité d'un bien agricole.

B.9.1. Les appelants devant la juridiction a quo font valoir que ce qui précède ne résiste pas à l'examen lorsque le bien affermé est un bâtiment, dès lors que la rentabilité d'un bâtiment serait identique, quelle que soit la province dans laquelle il est situé.

B.9.2. Les éléments cités à l'article 17.2 de la section 3 du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil qui doivent être pris en compte lors de la détermination de la rentabilité d'une exploitation agricole n'excluent toutefois pas que la rentabilité d'un bâtiment donné en location puisse varier en fonction de la région.

En premier lieu, l'affermage de bâtiments agricoles peut intervenir dans le cadre d'une entreprise agricole dépendante de l'exploitation du sol.

En outre, en vertu de l'article 17.2 précité, la rentabilité d'un bien ne dépend pas uniquement de « la qualité des terres », mais également d'autres éléments tels que « [le] cours des produits [et les] charges afférentes à l'exploitation ». Par ailleurs, il ressort du texte de cette disposition et des travaux préparatoires cités en B.7.2 que cette énumération n'est pas exhaustive.

Enfin, le rendement des cultures qui s'effectuent dans des bâtiments, telles que, par exemple, certaines cultures en serre, diffère selon le produit cultivé. Puisque les entreprises qui produisent une culture à rendement élevé sont souvent concentrées dans des régions agricoles déterminées, le rendement des entreprises agricoles peut différer d'une région à l'autre, en fonction des produits agricoles cultivés dans ces bâtiments.

B.9.3. Par conséquent, il n'est pas non plus manifestement déraisonnable qu'en ce qui concerne les immeubles affermés, les commissions des fermages fixent, pour chaque région agricole relevant de leur province, le coefficient maximum sur la base duquel se détermine le fermage maximum pour ces immeubles.

B.10. Il convient d'examiner encore si ce qui précède est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, eu égard au fait que lorsque le bailleur de biens immeubles donnés en location ne respecte pas le fermage maximum fixé conformément aux dispositions en cause, il doit déclarer le montant total du loyer et des avantages locatifs (article 7, § 1er, 2°, c), du CIR 1992), tandis que lorsqu'il respecte le fermage maximum, il ne doit déclarer que le revenu cadastral (article 7, § 1er, 2°, b), du CIR 1992).

B.11. Selon l'article 7, § 1er, 2°, b), du CIR 1992, pour les biens immobiliers donnés en location, les revenus de biens immobiliers sont « le revenu cadastral quand il s'agit de biens sis en Belgique, donnés en location conformément à la législation sur le bail à ferme et affectés par le locataire à des fins agricoles ou horticoles ».

B.12.1. Ce régime destiné aux biens immobiliers donnés en location conformément à la législation sur le bail à ferme a été instauré par l'article 1er de la loi du 7 novembre 1988 « modifiant la taxation des revenus des terrains donnés en location à des agriculteurs ». Cette disposition vise à confirmer une circulaire du 24 mai 1985 selon laquelle la base imposable des revenus des immeubles donnés en location à des agriculteurs restait limitée au revenu cadastral (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 280/2, p. 2; Doc. parl., Chambre, S.E. 1988, n° 481/2, p. 2). Cette circulaire souhaitait mettre fin à une pratique administrative selon laquelle l'imposition des revenus tirés des terres agricoles n'était pas limitée au seul revenu cadastral (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 280/1). Selon les travaux préparatoires de la loi du 7 novembre 1988 « modifiant la taxation des revenus des terrains donnés en location à des agriculteurs », cette pratique administrative présentait les effets négatifs suivants : « 1° diminution du revenu agricole.

L'amélioration des revenus agricoles dont le niveau paritaire se situe entre 50 et 60 p.c. des autres revenus comparables, impose nécessairement les charges d'une modernisation importante et continue : il est donc indispensable que les ressources agricoles soient concentrées sur les investissements mobiliers; 2° cette mesure réduit, sur le marché financier, l'attrait du placement foncier, lequel peut être considéré comme une participation au financement stable d'un secteur économique;3° l'obligation d'accéder à la propriété de façon désordonnée va modifier le rapport satisfaisant entre le faire-valoir direct (1/3) et indirect (2/3), alors que cette situation foncière belge est une des meilleurs du marché commun et doit être à tout prix sauvegardée; 4° cette obligation d'investissements immobiliers des exploitants imposera un recours obligé et accru en investissements-crédits subsidiés auprès du Fonds d'investissements agricoles, dont une partie du crédit sollicité est passée de 815 millions en 1974 à 1 175 millions de francs en 1979, plaçant ainsi l'Etat qui intervient à concurrence de 3 p.c. pendant neuf ans, devant des charges qu'il ne pourra assumer; 5° les incitations fiscales tendant à encourager la concession de baux à long terme proposées dans le cadre de la modification de la loi du 4 novembre 1969 sur le bail à ferme sur le modèle encourageant de l'expérience française octroyant au bailleur un droit de majoration des fermages au prorata de la longueur du bail, seront, en matière agricole, dépourvues d'effet par la taxation du revenu réel » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 280/1, p. 2).

B.12.2. En outre, il a été souligné au cours des travaux préparatoires précités que si les mesures adoptées dans le cadre des propositions de loi en question ne produisaient pas leurs effets simultanément, cela « impliquerait une rupture de l'équilibre entre les intérêts du preneur et du bailleur, équilibre recherché d'une manière constante au cours des travaux ayant conduit au vote par la Chambre de la loi sur le bail à ferme » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 280/1, p. 3).

B.12.3. Le texte de ce qui est devenu en définitive l'article 1er de la loi du 7 novembre 1988 « modifiant la taxation des revenus des terrains donnés en location à des agriculteurs » est le résultat d'un amendement introduit par le Gouvernement qui a été justifié comme suit : « Pour éviter tout abus, le Gouvernement souhaite limiter cette mesure aux loyers fixés conformément à la législation sur le bail à ferme » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 280/2, p. 6).

En réponse à une question d'un parlementaire, il a été confirmé, entre autres par le ministre des Finances, « que les dispositions de la législation sur le bail à ferme (loi du 4 novembre 1969) doivent également être respectées en ce qui concerne la limitation des fermages, pour que l'on puisse bénéficier d'une dérogation au régime général » (ibid. ).

Toutefois, ce système ne vaut que pour autant que la loi du 4 novembre 1969 limitant les fermages soit applicable au bail à ferme en question, ce qui n'est pas le cas pour tous les baux à ferme (Cass., 27 septembre 1974, Arr. Cass., 1975, 128, et Pas., 1975, I, 116;

Cass., 27 janvier 1984, Arr. Cass., 1983-1984, 632, et Pas., 1984, I, 589).

B.13.1. Il ressort de ce qui précède que l'article 7, § 1er, 2°, b), du CIR 1992 tend à garantir la rentabilité des biens agricoles dans le chef des propriétaires, afin d'éviter que ces derniers se séparent de ces biens ou qu'ils les destinent à d'autres activités. Cette disposition sert également à compenser le caractère « insatisfaisant » des revenus que ces biens immobiliers auraient pour le bailleur (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 280/2, p. 4).

B.13.2. Dès lors que les revenus limités des biens agricoles donnés en location sont notamment imputables aux fermages maxima fixés conformément à la loi du 4 novembre 1969 limitant les fermages, le législateur pouvait raisonnablement limiter l'avantage de l'article 7, § 1er, 2°, b), du CIR 1992 aux biens immobiliers qui sont loués conformément à la loi. En effet, un propriétaire qui ne respecte pas les fermages maxima bénéficie de revenus plus élevés et ne doit, en conséquence, pas recevoir une compensation pour les revenus limités générés par son bien immobilier.

B.14. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 2 et 3 de la loi du 4 novembre 1969 « limitant les fermages », lus en combinaison avec l'article 7, § 1er, 2°, b), du Code des impôts sur les revenus 1992, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 3 décembre 2008.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux. M. Bossuyt.

^