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Arrêt
publié le 09 février 2009

Extrait de l'arrêt n° 173/2008 du 3 décembre 2008 Numéros du rôle : 4395 et 4429 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 32, § 1 er , de la loi du 30 décembre 1970 sur l'expansion économique, posées par l La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Ma(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 173/2008 du 3 décembre 2008 Numéros du rôle : 4395 et 4429 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 32, § 1er, de la loi du 30 décembre 1970 sur l'expansion économique, posées par la Cour d'appel de Gand et la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par arrêt du 6 décembre 2007 en cause de la SA « Linopan » contre la SCRL « West-Vlaamse Intercommunale », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 18 décembre 2007, la Cour d'appel de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 32, § 1er, de la loi du 30 décembre 1970 sur l'expansion économique viole-t-il le principe d'égalité et, dès lors, les articles 10 et 11 de la Constitution ainsi que l'article 16 de la Constitution, interprété en ce sens que le droit de rachat par les organismes de droit public visés dans cette disposition pourrait être exercé sans aucune limitation dans le temps à un prix n'impliquant pas une indemnité juste et intégrale, alors que, selon le droit commun fixé à l'article 1660 du Code civil, la faculté de rachat ne peut être stipulée pour un terme excédant cinq années pour tous les autres vendeurs ? ».b. Par arrêt du 28 janvier 2008 en cause de la SA « Imver » contre la « Intercommunale Ontwikkelingsmaatschappij voor de Kempen », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 12 février 2008, la Cour d'appel d'Anvers a posé les questions préjudicielles suivantes : 1.« L'article 32 de la loi du 30 décembre 1970 sur l'expansion économique viole-t-il l'article 16 de la Constitution, combiné ou non avec les articles 10 et 11 de la Constitution ainsi qu'avec le Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, relatif à la protection de la propriété, en tant que l'application de la clause de rachat s'étend au-delà du délai prévu par l'article 1660 du Code civil ? »; 2. « L'article 32 de la loi du 30 décembre 1970 sur l'expansion économique viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il permet à l'autorité publique ou aux sociétés intercommunales créées par celle-ci d'exercer sans limitation la clause de rachat, alors que le délai est limité à cinq ans pour les justiciables privés ? »;3. « L'article 32 de la loi du 30 décembre 1970 sur l'expansion économique viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution ainsi que le Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, relatif à la protection de la propriété, en tant qu'il permet à l'autorité publique de reprendre un bien immobilier à un prix imposé unilatéralement par elle, prix qui n'est d'aucune manière lié aux prix du marché au moment de la reprise ? ». Ces affaires, inscrites sous les numéros 4395 et 4429 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1. Les questions préjudicielles portent sur l'article 32, § 1er, de la loi du 30 décembre 1970 sur l'expansion économique (ci-après : loi sur l'expansion économique), avant sa modification implicite, en ce qui concerne la Région flamande, par les articles 74 à 76 du décret du 19 décembre 2003 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 2004 (Moniteur belge , 30 décembre 2003), entré en vigueur le 1er janvier 2004.

L'article 32, § 1er, de la loi sur l'expansion économique disposait : « Lorsqu'une personne de droit public a bénéficié de l'aide de l'Etat pour l'acquisition, l'aménagement ou l'équipement des terrains à usage de l'industrie, de l'artisanat ou des services, ces terrains sont mis à la disposition des utilisateurs par location ou par vente.

En cas de vente, l'acte authentique doit contenir des clauses précisant : 1. l'activité économique qui devra être exercée sur le terrain ainsi que les autres conditions de son utilisation;2. que la personne de droit public ou l'Etat représenté par les Ministres ayant les Affaires économiques ou l'Economie régionale et les Travaux publics dans leurs attributions, pourra racheter le terrain au cas où l'utilisateur cesse l'activité économique visée au 1°, ou au cas où il ne respecte pas les autres conditions d'utilisation. Toutefois, moyennant l'accord de la personne de droit public, l'utilisateur pourra revendre le bien, l'acte de revente devant contenir les clauses ci-dessus mentionnées.

Le rachat, objet de la clause mentionnée au deuxième alinéa, sub 2, s'effectuera au prix de la vente initiale par le pouvoir public, adapté en fonction des variations de l'indice des prix à la consommation que publie le gouvernement. L'infrastructure et les bâtiments - à l'exclusion du matériel et de l'outillage - appartenant à l'utilisateur et situés sur le terrain sont rachetés à la valeur vénale. Toutefois, si la valeur vénale dépasse le prix de revient, tel que comptabilisé, diminué des amortissements admis en matière d'impôts sur les revenus, c'est à ce dernier prix que s'opère le rachat. La valeur vénale et le prix de revient tel que défini sont déterminés par les services compétents de l'Etat ».

B.2. Dans un arrêt du 18 mars 2004, la Cour de cassation a précisé la nature et la durée de la faculté de rachat visée à l'article 32, § 1er, de la loi sur l'expansion économique et les a distinguées de celles de la faculté de rachat visée aux articles 1659 et suivants du Code civil : « Attendu que ladite disposition légale fait partie d'une législation qui, suivant l'article 1er de cette même loi, vise à stimuler l'expansion économique et sa diffusion équitable entre les régions et tend aussi à donner aux terrains visés une destination économique permanente;

Qu'à cette fin, les pouvoirs publics fournissent d'importants efforts, dans l'intérêt public, en vue de l'acquisition, de l'aménagement et de l'équipement notamment de terrains industriels;

Que, dans le contexte, le législateur, en vertu de l'article 32, § 1er, précité, subordonne l'utilisation ou l'acquisition des terrains à la permanence de l'activité économique qui y est exercée et prévoit ainsi une règle obligatoire propre de rachat qui n'équivaut nullement aux dispositions de droit privé figurant dans le Code civil concernant la faculté de rachat;

Que cette règle ressort de la loi elle-même, même si l'article 32, § 2 [lire : § 1er, alinéa 2], impose de prévoir la faculté de rachat sous la forme d'une clause dans l'acte authentique d'acquisition des terrains;

Attendu qu'il ressort de ce qui précède que le délai de cinq ans, auquel l'article 1660 du Code civil limite la faculté de rachat visée à l'article 1659 du Code civil, ne s'applique pas en l'espèce » (Cass., 18 mars 2004, Pas., 2004, n° 154).

B.3. Les juridictions a quo demandent à la Cour si la disposition en cause est compatible avec les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme en ce que la faculté de rachat qu'elle prévoit pourrait être exercée, d'une part, sans la moindre limitation dans le temps, contrairement à la faculté de rachat prévue par l'article 1660 du Code civil et, d'autre part, à un prix n'impliquant pas une indemnité juste et intégrale.

B.4. La disposition en cause, telle qu'elle est interprétée par les juridictions a quo à la suite de l'arrêt précité de la Cour de cassation du 18 mars 2004, crée, en ce qui concerne le délai dans lequel le vendeur peut réclamer le droit de propriété du bien vendu, une différence de traitement entre les acheteurs d'un terrain à usage de l'industrie, de l'artisanat ou des services (ci-après : terrain industriel) pour l'acquisition, l'aménagement ou l'équipement duquel le vendeur a reçu une aide, et les acheteurs d'autres biens auxquels les dispositions de droit commun des articles 1659 et suivants du Code civil sont applicables. En effet, pour la première catégorie d'acheteurs, il n'est prévu aucune limitation légale du délai dans lequel la faculté de rachat peut être exercée, alors que, pour la seconde catégorie d'acheteurs, ce délai est expressément limité à cinq ans.

B.5. La dérogation au régime de droit commun prévue par la disposition en cause repose sur un critère objectif, à savoir la nature du bien vendu, et en particulier la circonstance que le vendeur, une personne de droit public, a reçu, pour l'acquisition, l'aménagement ou l'équipement de ce bien, une aide de l'Etat ou, par suite des lois de réformes institutionnelles, de la Région concernée.

La mesure s'inscrivait dans la volonté de l'autorité de mettre à disposition les moyens adéquats pour promouvoir l'expansion économique, en particulier par la création d'une infrastructure régionale destinée à accueillir les entreprises industrielles, artisanales ou proposant des services. A cette fin, des mesures à caractère financier ont été prises et des aides ont été octroyées aux pouvoirs locaux et à d'autres personnes de droit public en vue de l'acquisition, de l'aménagement ou de l'équipement de terrains industriels. Selon l'exposé des motifs du projet de loi qui est devenu la loi sur l'expansion économique, l'important effort financier consenti par l'Etat justifiait « qu'un certain nombre de dispositions règlent la mise à disposition des terrains et des immeubles pour lesquels une aide a été accordée » (Doc. parl., Sénat, 1969-1970, n° 354, p. 11) : « [L'article 32, § 1er,] impose certaines conditions en ce qui concerne la destination à donner au terrain par l'acheteur et les modalités de son utilisation; il règle la revente du terrain à un autre utilisateur ou son rachat par la personne de droit public initialement propriétaire ou par l'Etat, au cas où l'acheteur ne satisfait pas à ses engagements ou n'est plus en mesure de le faire.

Ces dispositions se justifient d'une manière d'autant plus évidente qu'un effort important aura été consenti par l'Etat en vue de l'acquisition, de l'aménagement et/ou de l'équipement de ces terrains » (ibid., p. 25).

L'intervention financière de l'autorité dans l'acquisition, l'aménagement et l'équipement de terrains industriels justifie que le législateur ait institué une faculté de rachat qui ne pouvait être limitée au délai de droit commun de cinq ans, prévu par l'article 1660 du Code civil. En effet, un délai limité à cinq ans, dans lequel la faculté de rachat pourrait être exercée, n'offrirait pas de possibilités suffisantes pour garantir une destination économique permanente de ces terrains.

Etant donné que la faculté de rachat devait également figurer dans l'acte de vente authentique, les parties contractantes pouvaient, par convention, limiter le délai dans lequel cette faculté pouvait être exercée. La circonstance que cela n'a pas été fait dans certains actes de vente authentiques, ce qui a pour effet que la faculté de rachat n'est pas limitée dans le temps et peut dès lors être exercée sans restriction lorsque l'acheteur cesse ses activités ou n'a pas respecté d'autres conditions d'utilisation, ne prive pas la mesure de sa justification, en ce qui concerne la durée de l'exercice de la faculté de rachat. Toute autre appréciation porterait en outre atteinte à l'autonomie de la volonté des parties à l'acte de vente authentique.

B.6. En ce qu'elles invitent la Cour à contrôler la disposition en cause au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, en comparaison de la faculté de rachat inscrite aux articles 1659 et suivants du Code civil, les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

B.7. La Cour doit également contrôler la disposition en cause au regard des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

L'article 16 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

B.8. La faculté pour une personne de droit public qui vend un terrain industriel par application de la disposition en cause de racheter ce terrain à l'acheteur est subordonnée à l'inscription de la clause de rachat dans l'acte de vente authentique et par conséquent à l'accord de l'acheteur sur cette clause. La circonstance que le législateur impose cette obligation d'inscription à la personne de droit public venderesse ne porte pas atteinte au fait que la force juridique de la faculté de rachat était, concrètement, subordonnée à la confirmation conventionnelle de son existence par l'acheteur. L'exercice de la faculté de rachat par la personne de droit public venderesse - et le transfert de propriété qui s'ensuit - dépend en outre exclusivement du comportement de l'acheteur, qui peut en effet y échapper en poursuivant l'activité économique qui devait être exercée sur le terrain acheté et en respectant les autres conditions d'utilisation qui avaient été conclues dans l'acte de vente authentique par les deux parties.

La faculté de rachat prévue par la disposition en cause et à laquelle l'acheteur devait consentir s'il souhaitait acquérir le terrain industriel ne peut dès lors être considérée comme une expropriation au sens de l'article 16 de la Constitution ou comme une privation de propriété au sens de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.9. La faculté de rachat a cependant pour conséquence de restreindre l'exercice du droit de propriété de l'acheteur.

Conformément à l'article 16 de la Constitution, combiné avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, toute ingérence dans le droit de propriété - ou limitation de celui-ci - doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.

B.10. La notion d'« intérêt général » est une notion large qui, lorsque l'autorité publique l'invoque pour justifier une ingérence dans le droit de propriété, requiert un examen approfondi des facteurs politiques, économiques et sociaux. Etant donné qu'il faut considérer que le législateur dispose d'une grande marge d'appréciation pour mener une politique économique et sociale, la Cour doit respecter la manière dont il conçoit les impératifs de l'utilité publique ou de l'intérêt général, sauf si son jugement se révèle manifestement dépourvu de base raisonnable (voy. notamment CEDH, 21 février 1986, James et autres c. Royaume Uni, § § 45-46; 19 décembre 1989, Mellacher et autres c. Autriche, § 48; 23 novembre 2000, Ex-Roi de Grèce et autres c. Grèce, § 87; 20 juillet 2004, Bäck c. Finlande, § 53; 22 février 2005, Hutten-Czapska c. Pologne, § 166; 30 août 2007, J.A. Pye (Oxford) Ltd et J.A. Pye (Oxford) Land Ltd c. Royaume Uni, § 71; 19 juin 2008, Gauchin c. France, § 60).

B.11. La mesure en cause poursuit incontestablement un objectif d'intérêt général. En effet, elle garantit que les deniers publics qui ont été utilisés pour l'acquisition, l'aménagement et l'équipement de terrains industriels soient également utilisés efficacement, lors de la vente et de la revente ultérieure de ces terrains, en vue du développement régional d'une activité économique et de l'emploi qui y est lié. Dans cette perspective, il n'est d'ailleurs pas pertinent de savoir si l'achat du terrain industriel par l'acheteur originaire s'est fait ou non selon la valeur du marché, puisque la justification réside dans la destination des deniers publics utilisés pour l'acquisition, l'aménagement et l'équipement de ces terrains.

B.12. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme exige en particulier qu'existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure qui prive une personne de sa propriété ou, comme en l'espèce, réglemente l'usage de celle-ci. Afin de déterminer si la mesure en cause respecte le juste équilibre voulu et, notamment, si elle ne fait pas peser sur le propriétaire concerné une charge disproportionnée, il y a lieu de prendre en considération les modalités d'indemnisation prévues par la disposition en cause (voy. notamment CEDH, 23 novembre 2000, Ex-Roi de Grèce et autres c. Grèce, § 89; 20 juillet 2004, Bäck c. Finlande, § 55).

B.13. La disposition en cause ne prive pas l'acheteur d'un terrain industriel du droit de propriété mais ne fait que l'obliger à revendre le terrain industriel au vendeur originaire dans les cas prévus par la loi.

En outre, l'acheteur n'est pas privé de la possibilité de vendre le terrain industriel avec les bâtiments et l'infrastructure. En effet, l'article 32, § 1er, alinéa 3, de la loi sur l'expansion économique prévoyait expressément que l'utilisateur - l'acheteur originaire du terrain industriel - pouvait revendre le bien, auquel cas l'acte de revente devait comprendre les clauses mentionnées à l'alinéa 2. Cette condition est dictée par le souci de continuer à garantir l'objectif économique de la vente originaire, raison pour laquelle l'accord du vendeur originaire est également requis. L'autorisation ou le refus de la vente par la personne de droit public, qui doit se faire dans le respect de l'objectif précité de la mesure, est un acte juridique soumis au contrôle juridictionnel de légalité.

Par ailleurs, la faculté de rachat qui peut être exercée par le vendeur originaire est expressément limitée aux cas où l'acheteur ne respecte pas les conditions de la vente, à savoir en cas de cessation des activités économiques contractuelles ou en cas de non-respect des autres conditions d'utilisation figurant dans l'acte de vente originaire. Cette possibilité dépend dès lors exclusivement du comportement de l'acheteur originaire, qui connaissait ou à tout le moins devait connaître tant la clause de rachat fixée par la loi et stipulée dans le contrat que les modalités de la faculté de rachat.

B.14. L'exercice de la faculté de rachat par le vendeur originaire ne s'opère pas non plus sans indemnisation de l'acheteur pour la propriété à vendre. Compte tenu de l'objectif de la mesure en cause, il ne saurait être exigé que la vente ait lieu à la valeur vénale. Le législateur a élaboré en la matière un régime d'indemnisation différencié.

Ce régime prévoit tout d'abord le rachat du terrain industriel au prix de la vente initiale par l'autorité publique, adapté en fonction des variations de l'indice des prix à la consommation publié par le Gouvernement. Un tel régime doit exclure tout but spéculatif de la part de l'acheteur originaire pour l'achat initial des terrains.

L'infrastructure et les bâtiments - à l'exclusion du matériel et de l'outillage - qui appartiennent à l'acheteur originaire et sont situés sur le terrain industriel sont en principe rachetés à la valeur vénale. Toutefois, si la valeur vénale est supérieure au prix de revient, tel qu'il est comptabilisé, diminué des amortissements admis en matière d'impôts sur les revenus, le rachat s'opèrera à ce dernier prix. En ce qui concerne l'infrastructure et les bâtiments, le législateur s'est donc fondé sur leur valeur vénale. Si un prix inférieur à cette valeur vénale devait néanmoins être payé, à savoir le prix de revient, tel qu'il est comptabilisé, diminué des amortissements admis en matière d'impôts sur les revenus, cette circonstance découlerait d'un choix économique et fiscal opéré par l'acheteur originaire lui-même et qui lui était ou devait lui être suffisamment connu, puisque le régime d'indemnisation différencié figurait au préalable dans la disposition en cause et a été repris dans le contrat.

Par conséquent, le régime d'indemnisation différencié prévu par la disposition en cause répond à un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et le droit des propriétaires concernés au respect de leur droit de propriété.

B.15. En B.4 à B.6, il a été constaté que la mesure en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que la faculté de rachat n'est pas limitée au délai de cinq ans prévu par l'article 1660 du Code civil pour l'exercice de la faculté de rachat.

La Cour doit cependant encore examiner si l'absence d'une limitation légale dans le temps de la possibilité d'exercer la faculté de rachat est compatible avec les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.16. Il est exact qu'à défaut d'une limitation dans le temps de la possibilité d'exercer la faculté de rachat, tant dans l'article 32, § 1er, de la loi sur l'expansion économique que dans l'acte de vente authentique individuel, ce droit pourrait être exercé sans limite de temps.

Cette conséquence ne découle toutefois pas directement de la disposition en cause, qui, en tant que telle, ne prévoit pas expressément une validité illimitée de la faculté de rachat, mais de l'absence d'une limitation quelconque dans le temps dans l'acte de vente authentique, limitation qui n'était pas légalement exclue.

En ne prévoyant pas de limitation du délai dans lequel la faculté de rachat peut être exercée, sans interdire qu'un tel délai puisse être fixé contractuellement, la mesure ne constitue pas une ingérence déraisonnable dans l'exercice du droit de propriété.

B.17. En ce qu'elles invitent la Cour à contrôler la disposition en cause au regard des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 32, § 1er, de la loi du 30 décembre 1970 sur l'expansion économique ne viole pas les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 3 décembre 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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