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Arrêt
publié le 28 janvier 2009

Extrait de l'arrêt n° 156/2008 du 6 novembre 2008 Numéro du rôle : 4417 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par la Cour d'appel de Bruxelles. La Cour constitut composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groo(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 156/2008 du 6 novembre 2008 Numéro du rôle : 4417 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 16 janvier 2008 en cause de la commune de Hoeilaart contre Annie Leclercq, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 22 janvier 2008, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle les communes ne seraient pas autorisées à lever des taxes sur les secondes résidences à charge des propriétaires de secondes résidences qui n'utilisent pas eux-mêmes ces résidences mais les donnent en location à des tiers ou les mettent à disposition de ceux-ci et en retirent ainsi des revenus effectifs, imposables à l'impôt sur les revenus, alors que les communes seraient autorisées, par contre, à lever des taxes sur les secondes résidences à charge des propriétaires de secondes résidences qui occupent eux-mêmes celles-ci et n'en retirent donc pas de revenus effectifs ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992), qui dispose : « Les provinces, les agglomérations et les communes ne sont pas autorisées à établir : 1° des centimes additionnels à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés, à l'impôt des personnes morales et à l'impôt des non-résidents ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier; ».

B.2. Le juge a quo demande si la disposition en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle les communes ne seraient pas autorisées à lever des taxes à charge des propriétaires de secondes résidences qui n'utilisent pas eux-mêmes ces résidences mais les donnent en location à des tiers ou les mettent à disposition de ceux-ci et en retirent ainsi des revenus effectifs, imposables à l'impôt sur les revenus, alors que les communes seraient autorisées, par contre, à lever des taxes à charge des propriétaires de secondes résidences qui occupent eux-mêmes celles-ci et n'en retirent donc pas de revenus effectifs.

B.3. La question préjudicielle doit être interprétée en ce sens qu'il est demandé à la Cour si la disposition en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans la mesure où elle ferait naître une différence de traitement entre les propriétaires de secondes résidences selon que celles-ci sont ou non mises en location ou à la disposition de tiers : dans le premier cas, ces propriétaires ne pourraient être soumis à une taxe communale, dans le second, ils le pourraient.

B.4. La disposition en cause interdit aux communes d'établir des centimes additionnels aux impôts sur les revenus ou des taxes similaires sur la base ou sur le montant de ces impôts, sauf toutefois en ce qui concerne le précompte immobilier.

B.5.1. L'article 170, § 4, de la Constitution dispose : « Aucune charge, aucune imposition ne peut être établie par l'agglomération, par la fédération de communes et par la commune que par une décision de leur conseil.

La loi détermine, relativement aux impositions visées à l'alinéa 1er, les exceptions dont la nécessité est démontrée ».

B.5.2. L'on peut déduire des travaux préparatoires de l'article 170 de la Constitution que le Constituant entendait, en adoptant la règle contenue à l'alinéa 2 de l'article 170, § 4, prévoir une « sorte de mécanisme de défense » de l'Etat « à l'égard des autres niveaux de pouvoir, de manière à se réserver une matière fiscale propre » (Doc. parl., Chambre, S.E. 1979, n° 10-8/4°, p. 4).

Cette règle a également été décrite par le Premier ministre comme un « mécanisme régulateur » : « La loi doit être ce mécanisme régulateur et doit pouvoir déterminer quelle matière imposable est réservée à l'Etat. Si on ne le faisait pas, ce serait le chaos et cet imbroglio n'aurait plus aucun rapport avec un Etat fédéral bien organisé ou avec un Etat bien organisé tout court » (Ann., Chambre, 22 juillet 1980, p. 2707. Voy. également : ibid., p. 2708; Ann., Sénat, 28 juillet 1980, pp. 2650-2651). « Je tiens à souligner [...] que, dans ce nouveau système de répartition des compétences fiscales entre l'Etat, les communautés et les régions et institutions du même niveau, les provinces et les communes, c'est l'Etat qui a le dernier mot. C'est ce que j'appelle le mécanisme régulateur » (Ann., Sénat, 28 juillet 1980, p. 2661).

B.6.1. La disposition en cause a pour origine l'article 83 des lois relatives aux impôts sur les revenus, coordonnées le 15 janvier 1948, remplacé par l'article 34 de la loi du 24 décembre 1948 concernant les finances provinciales et communales.

Il ressort des travaux préparatoires de cette dernière loi que le législateur entendait aboutir, en adoptant cette disposition, à une « séparation de la fiscalité des communes et de la fiscalité de l'Etat » (Doc. parl., Sénat, 1947-1948, n° 492, pp. 10-13) par la « suppression de toutes quotes-parts des communes dans le produit des impôts d'Etat et [la] suppression de tous additionnels communaux aux mêmes impôts et de la taxe spéciale sur les traitements, salaires et pensions, à l'exception cependant des additionnels à l'impôt foncier » (ibid., p. 11). De cette manière, le législateur voulait éviter que les communes n'instaurent des impôts concurrents sur les revenus.

Cette disposition a également été explicitée comme suit : « Cette réforme sera de nature à permettre une plus grande égalité dans les charges imposées aux contribuables, l'impôt sur les revenus professionnels les touchant dans une mesure égale quel que soit le lieu de leur domicile ou de leur résidence, et réalisera une simplification qui ne pourra qu'être bien accueillie par le contribuable comme par les administrations.

L'un des grands avantages du système sera aussi de remplacer, pour les communes, une base de ressources essentiellement variable dans le temps et dans l'espace par des revenus stables.

La justice distributive envisagée du point de vue des diverses communes sera ainsi parfaitement servie et les communes n'auront pas à craindre des crises que l'exiguïté même de leur territoire et la faible importance relative de leurs ressources ne leur permettent pas d'affronter sans graves dommages » (ibid., pp. 12-13).

B.6.2. Par conséquent, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1948 que le législateur entendait, d'une part, éviter que les communes ne perturbent de manière excessive la politique nationale en matière d'impôts sur les revenus et, d'autre part, contribuer à un traitement égal des contribuables en matière d'impôts sur les revenus, quel que soit le lieu de leur domicile ou de leur résidence. En outre, le législateur visait à une simplification de la fiscalité en général.

B.6.3. En vertu de l'article 465 du CIR 1992, les agglomérations et les communes peuvent, par dérogation à l'article 464 du même Code, établir une taxe additionnelle à l'impôt des personnes physiques. En vertu de l'article 468 de ce Code, cette taxe additionnelle doit être fixée pour tous les contribuables d'une même agglomération ou commune à un pourcentage uniforme de l'impôt dû à l'Etat.

Même si, en adoptant l'article 465 du CIR 1992, qui trouve son origine dans la loi du 31 juillet 1963 « modifiant, en ce qui concerne la fiscalité au profit des communes, les lois coordonnées relatives aux impôts sur les revenus et les lois coordonnées relatives à la taxe de circulation sur les véhicules automobiles », le législateur a renoncé en partie à l'un des objectifs poursuivis par la loi précitée du 24 décembre 1948, à savoir promouvoir le traitement égal des contribuables en matière d'impôts sur les revenus, quel que soit le lieu de leur domicile ou de leur résidence, il a néanmoins pu estimer que l'interdiction contenue dans la disposition en cause était nécessaire pour parvenir à une simplification de la législation en matière d'impôts sur les revenus par l'établissement d'une séparation de principe entre les impôts de l'Etat et les taxes communales, et ce, dans le but, notamment, d'éviter que les communes ne perturbent de manière excessive la politique nationale en matière d'impôts sur les revenus.

B.7.1. Il résulte de ce qui précède que la disposition en cause, que le législateur pouvait adopter sur la base de l'article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution, doit être considérée comme une règle visant à répartir les compétences fiscales entre les communes et l'Etat.

Cette disposition ne régit pas la situation juridique des propriétaires de secondes résidences et ne crée donc pas de différence de traitement entre ces propriétaires.

B.7.2. Une telle différence de traitement peut, le cas échéant, découler d'un règlement-taxe communal.

Dans ce cas, il appartient au juge compétent en la matière de contrôler la compatibilité d'un règlement-taxe d'une commune avec le principe d'égalité et de non-discrimination.

B.8. La question préjudicielle n'appelle pas de réponse, la différence de traitement qui y est visée ne découlant pas de la disposition en cause.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : La question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 6 novembre 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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