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Arrêt
publié le 27 janvier 2009

Extrait de l'arrêt n° 152/2008 du 6 novembre 2008 Numéro du rôle : 4375 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 55 de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins, posée par le Tribunal de premiè La Cour constitutionnelle, composée du juge E. De Groot, faisant fonction de président, du prési(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 152/2008 du 6 novembre 2008 Numéro du rôle : 4375 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 55 de la loi du 30 juin 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1994 pub. 14/01/2009 numac 2008001061 source service public federal interieur Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. - Traduction allemande de dispositions modificatives et d'exécution type loi prom. 30/06/1994 pub. 29/01/2013 numac 2013000051 source service public federal interieur Loi transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 23/04/2013 numac 2013000250 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative au droit d'auteur et aux droits voisins, posée par le Tribunal de première instance de Courtrai.

La Cour constitutionnelle, composée du juge E. De Groot, faisant fonction de président, du président M. Melchior, et des juges P. Martens, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le juge E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 4 décembre 2007 en cause de la SCRL « AUVIBEL » contre la société de droit luxembourgeois « Emerald Europe AG », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 10 décembre 2007, le Tribunal de première instance de Courtrai a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 55 de la loi relative au droit d'auteur viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en tant que cette disposition est interprétée en ce sens que le régime de la rémunération équitable est réputé s'appliquer aux supports de données vierges qui ne sont pas nécessairement destinés à conserver des oeuvres sonores ou audiovisuelles, de sorte que les acquéreurs de tels supports vierges qui veulent y conserver des données dont ils sont eux-mêmes l'auteur, des données qui ne sont pas protégées par le droit d'auteur ou des données autres que des oeuvres sonores ou audiovisuelles doivent payer des cotisations qui sont destinées à des personnes qui ne sauraient être l'auteur des données sauvegardées sur les disques vierges et ne sauraient pas davantage être le destinataire des rémunérations en exécution du régime de la rémunération équitable en question ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 55 de la loi du 30 juin 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1994 pub. 14/01/2009 numac 2008001061 source service public federal interieur Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. - Traduction allemande de dispositions modificatives et d'exécution type loi prom. 30/06/1994 pub. 29/01/2013 numac 2013000051 source service public federal interieur Loi transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 23/04/2013 numac 2013000250 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative au droit d'auteur et aux droits voisins (ci-après : la loi sur les droits d'auteur).

L'article 55 de la loi sur les droits d'auteur, avant son remplacement par l'article 14 (non encore entré en vigueur) de la loi du 22 mai 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/05/2005 pub. 27/05/2005 numac 2005011236 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi transposant en droit belge la Directive européenne 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information fermer transposant en droit belge la Directive européenne 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (Moniteur belge , 27 mai 2005, troisième édition), dispose : « Les auteurs, les artistes-interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes et d'oeuvres audiovisuelles ont droit à une rémunération pour la reproduction privée de leurs oeuvres et prestations, y compris dans les cas fixés aux articles 22, § 1er, 5, et 46, alinéa 1er, 4, de la présente loi.

La rémunération est versée par le fabricant, l'importateur ou l'acquéreur intracommunautaire de supports utilisables pour la reproduction d'oeuvres sonores et audiovisuelles ou d'appareils permettant cette reproduction lors de la mise en circulation sur le territoire national de ces supports et de ces appareils.

Le Roi fixe les modalités de perception, de répartition et de contrôle de la rémunération ainsi que le moment où celle-ci est due.

Sous réserve des conventions internationales, la rémunération est répartie conformément à l'article 58, par les sociétés de gestion des droits, entre les auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs.

Selon les conditions et les modalités qu'Il fixe, le Roi charge une société représentative de l'ensemble des sociétés de gestion des droits d'assurer la perception et la répartition de la rémunération.

Lorsqu'un auteur ou un artiste-interprète ou exécutant a cédé son droit à rémunération pour copie privée sonore ou audiovisuelle, il conserve le droit d'obtenir une rémunération équitable au titre de la copie privée.

Ce droit d'obtenir une rémunération équitable ne peut faire l'objet d'une renonciation de la part des auteurs ou artistes-interprètes ou exécutants.

Le droit à rémunération visé à l'alinéa 1er ne peut bénéficier des présomptions visées aux articles 18 et 36 ».

B.2. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 55 de la loi sur les droits d'auteur avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que le régime de compensation équitable qu'il instaure est réputé s'appliquer aux supports de données vierges qui ne sont pas nécessairement destinés à la conservation d'oeuvres sonores ou audiovisuelles, de sorte que les acheteurs de tels supports de données vierges, qui veulent conserver sur ceux-ci des données dont ils sont eux-mêmes les auteurs, des données qui ne sont pas protégées par le droit d'auteur ou des données autres que des oeuvres sonores ou audiovisuelles, doivent payer une contribution qui est destinée à des personnes qui ne sauraient être les auteurs des données sauvegardées sur ces disques et ne sauraient pas davantage être les destinataires des rémunérations en application du régime de compensation équitable en question.

Etant donné que l'examen auquel invite la question préjudicielle porte exclusivement sur l'alinéa 2 de l'article 55 de la loi sur les droits d'auteur, la Cour limite son examen à cette disposition.

Quant à la recevabilité de la question préjudicielle B.3. La partie demanderesse devant le juge a quo et le Conseil des ministres soulèvent l'irrecevabilité de la question préjudicielle, parce que la réponse à cette question n'est pas indispensable pour le traitement du litige au fond. En effet, la question reposerait sur une prémisse inexacte, selon laquelle la disposition en cause créerait une différence de traitement entre les acheteurs de supports de données vierges, ce qui n'est pas le cas, étant donné qu'elle désigne le fabricant, l'importateur ou l'acquéreur intracommunautaire de tels supports comme redevables du paiement de la cotisation et non l'acheteur.

B.4. Sans préjudice de ce que c'est en principe au juge a quo qu'il incombe de vérifier si la réponse à la question est utile à la solution du litige qu'il doit trancher, il ne ressort pas de la formulation de la question préjudicielle que celui-ci interroge la Cour quant à l'éventualité d'un traitement discriminatoire - en l'espèce égal - entre deux catégories d'acheteurs de supports de données vierges.

Le juge a quo demande à la Cour si l'article 55, alinéa 2, de la loi sur les droits d'auteur viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que « le régime de compensation équitable [lire : la rémunération pour la reproduction privée] est réputé s'appliquer aux supports de données vierges qui ne sont pas nécessairement destinés à conserver des oeuvres sonores ou audiovisuelles ». Partant, la Cour est interrogée sur la compatibilité de la mesure en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que la rémunération est due sur tous les supports utilisables pour la reproduction d'oeuvres sonores et audiovisuelles et appareils permettant cette reproduction, lors de la mise en circulation sur le territoire national de ces supports et de ces appareils, quelle que soit l'utilisation faite ensuite du produit mis en circulation. Pour répondre à cette question, il est sans importance que ce soit l'acheteur ou le vendeur de ces produits qui soit le redevable. En faisant référence à l'utilisation que l'acheteur fait de ces supports, le juge a quo a voulu renvoyer au lien entre l'utilisation des supports par les acheteurs et le but poursuivi par la mesure. D'ailleurs, il n'est pas contestable que ce sont les acheteurs qui, finalement, du point de vue économique, supportent le coût de la rémunération, étant donné que les vendeurs répercutent ce coût sur le prix de vente, ainsi qu'il ressort, du reste, de l'article 57 de la loi sur les droits d'auteur. Cette disposition, à laquelle la partie demanderesse devant le juge a quo renvoie elle-même en vue de démontrer le caractère raisonnable de la mesure, prévoit en effet le remboursement de la rémunération à certaines catégories d'acheteurs.

Dès lors, si la Cour venait à considérer que, compte tenu de l'objectif poursuivi par cette mesure, la rémunération est contraire au principe d'égalité et de non-discrimination, en ce qu'elle serait également due pour les supports qui ne sont pas utilisés pour la reproduction d'oeuvres et prestations d'auteurs, d'artistes-interprètes ou exécutants et de producteurs de phonogrammes et d'oeuvres audiovisuelles, cette réponse influencerait inévitablement le litige au sujet duquel le juge a quo doit se prononcer, l'action étant dirigée contre un vendeur de supports qui est désigné par la partie demanderesse comme redevable du paiement de la cotisation.

Les exceptions sont rejetées.

Quant au fond B.5. L'alinéa 2 en cause de l'article 55 de la loi sur les droits d'auteur détermine le fait générateur de la rémunération pour reproduction privée d'oeuvres et de prestations d'auteurs, d'artistes-interprètes ou exécutants et de producteurs de phonogrammes et d'oeuvres audiovisuelles, à laquelle ceux-ci ont droit en vertu de l'alinéa 1er de cet article. Le fait générateur de la rémunération est la mise en circulation sur le territoire national de « supports utilisables pour la reproduction d'oeuvres sonores et audiovisuelles ou d'appareils permettant cette reproduction ». La rémunération est due à la date à laquelle ces supports et ces appareils sont mis en circulation sur le territoire national. La disposition en cause désigne également le fabricant, l'importateur ou l'acquéreur intracommunautaire de ces supports comme redevable du paiement de cette rémunération. A cet égard, cette rémunération sera portée en compte à l'acheteur, lequel est présumé utiliser ces supports pour reproduction privée.

B.6. Le « droit à la rémunération pour reproduction privée » établi par l'article 55, alinéa 1er, de la loi sur les droits d'auteur en faveur des auteurs, artistes-interprètes ou exécutants et producteurs de phonogrammes et d'oeuvres audiovisuelles est instauré en vue de compenser la perte que ceux-ci subissent à la suite de l'exploitation des oeuvres protégées dans la sphère privée, qui est expressément autorisée sur la base des articles 22, § 1er, 5°, et 46, alinéa 1er, 4°, de la loi sur les droits d'auteur, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de cette loi : « Des règles nouvelles ont également été introduites dans le domaine de la reprographie (il s'agit principalement de la photocopie d'oeuvres écrites) et de la copie privée d'oeuvres sonores et audiovisuelles.

Les problèmes qui se posent en la matière deviennent particulièrement aigus pour les auteurs, les artistes et les éditeurs ou producteurs, en raison des conséquences qui résultent pour eux du coût de plus en plus dérisoire des moyens de reproduction, et du nombre de reproductions.

Chaque fois qu'il y a reproduction d'une oeuvre dans la sphère privée (exemple : copie d'un film loué) ou dans la sphère professionnelle (exemple : copie d'un article), il y a exploitation d'une oeuvre protégée.

Cette exploitation a lieu sans paiement de droits d'auteur ou de droits voisins. Or, elle a une incidence directe sur le pourcentage de vente des oeuvres protégées, qui diminue proportionnellement au nombre de reproductions réalisées.

Il faut donc compenser cette perte de revenus, liée au développement technologique, en octroyant aux titulaires de droits une rémunération sur les appareils et les supports permettant la reproduction de leurs oeuvres et prestations » (Doc. parl., Sénat, 1991-1992, n° 145/1, pp. 11-12).

Le fait générateur de la rémunération réside dans la mise en circulation sur le territoire national de supports et appareils permettant la reproduction d'oeuvres protégées. Le législateur a estimé qu'il était pratiquement impossible d'instaurer un système qui tienne compte de l'utilisation effective et a par conséquent opté pour un système forfaitaire qui frappe tous les produits concernés, quelle que soit l'utilisation qui en est faite : « Il ressort [...] des exemples étrangers que la rémunération perçue sur les copies privées emprunte la forme d'un mécanisme forfaitaire.

Certes, le recours à une technique forfaitaire aura pour conséquence que la rémunération réclamée le sera à tous, donc également aux consommateurs qui ne commettent aucun acte de piraterie (ainsi, lorsque la cassette vidéo ne servira qu'à enregistrer une fête de famille). La technique forfaitaire apparaît toutefois comme la seule possible, dans la pratique.

Le rapporteur déclare pouvoir accepter l'utilisation d'une technique forfaitaire » (Doc. parl., Chambre, S.E. 1991-1992, n° 473/33, pp. 265-266).

B.7. La mesure en cause a spécialement pour objectif de compenser la perte de revenus qui découle, pour les ayants-droit concernés, de l'utilisation des supports et appareils dans un but spécifique, compensation à laquelle il convient de consacrer les moyens financiers nécessaires. Malgré le caractère général du fait générateur de la rémunération, la mesure est raisonnablement justifiée. En effet, le législateur peut tenir compte des difficultés qui, tant du point de vue de l'efficacité de la mesure que du point de vue de l'importance des coûts administratifs, pourraient découler d'un système de rémunération - à supposer qu'il soit réalisable - fondé sur l'utilisation concrète qui est faite des supports et appareils de reproduction et peut opter dès lors pour un système de rémunération forfaitaire.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 55, alinéa 2, de la loi du 30 juin 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1994 pub. 14/01/2009 numac 2008001061 source service public federal interieur Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. - Traduction allemande de dispositions modificatives et d'exécution type loi prom. 30/06/1994 pub. 29/01/2013 numac 2013000051 source service public federal interieur Loi transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 23/04/2013 numac 2013000250 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative au droit d'auteur et aux droits voisins, avant son remplacement par l'article 14 de la loi du 22 mai 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/05/2005 pub. 27/05/2005 numac 2005011236 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi transposant en droit belge la Directive européenne 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information fermer, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que la rémunération pour reproduction privée s'applique aux supports de données vierges qui ne sont pas nécessairement destinés à conserver des oeuvres sonores ou audiovisuelles.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 6 novembre 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président f.f., E. De Groot.

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