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Arrêt
publié le 03 décembre 2008

Extrait de l'arrêt n° 138/2008 du 22 octobre 2008 Numéros du rôle : 4293, 4294, 4295 et 4296 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 3, § 1 er , b), et 9, § 1 er , de l'ordonnance de la Ré La Cour constitutionnelle, composée du juge P. Martens, faisant fonction de président, du présid(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 138/2008 du 22 octobre 2008 Numéros du rôle : 4293, 4294, 4295 et 4296 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 3, § 1er, b), et 9, § 1er, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles, posées par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée du juge P. Martens, faisant fonction de président, du président M. Bossuyt, et des juges R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le juge P. Martens, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par quatre jugements du 12 septembre 2007 en cause respectivement de la SPRLU « PIERRE-PHILIPPE HENDRICKX, avocat », la SPRLU « Thierry TILQUIN », la SPRLU « Valérie Simonart Avocate » et la SPRLU « YVES DELACROIX, AVOCAT » contre la Région de Bruxelles-Capitale, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 24 septembre 2007, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 3, § 1er, b), et 9, § 1er, de l'ordonnance du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils prévoient que sont soumises à la taxe les sociétés constituées par des avocats dans le cadre de l'exercice de leur profession, associées d'une association de fait ou d'une association d'avocats constituée en personne morale, alors que les personnes physiques qui exercent la profession d'avocat dans le cadre d'une association de fait ou pour le compte d'une société dont ils sont associés, ne sont pas soumises à la taxe ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 4293, 4294, 4295 et 4296 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1. Il ressort des motifs des décisions de renvoi que les quatre questions préjudicielles invitent la Cour à statuer sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, des articles 3, § 1er, b), et 9, § 1er, de l'ordonnance du 23 juillet 1992 « relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles », tels qu'ils étaient applicables à l'exercice d'imposition 2005, en ce qu'ils introduiraient une différence de traitement entre deux catégories d'associés d'une association d'avocats qui, soit rassemble des associés de fait au sens de l'alinéa 2 de l'article 3, § 1er, b), de l'ordonnance du 23 juillet 1992, soit a adopté la forme d'une société : d'une part, la société privée à responsabilité limitée unipersonnelle (SPRLU) constituée par un avocat pour l'exercice de sa profession et qui occupe le même immeuble bâti que l'association d'avocats et, d'autre part, la personne physique qui exerce la profession d'avocat dans le cadre de l'association de fait ou pour le compte de la société d'avocats.

B.2. L'article 3, § 1er, b), de l'ordonnance du 23 juillet 1992 dispose : « La taxe est à charge : [...] b) de tout occupant de tout ou partie d'un immeuble bâti situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et qui y exerce, pour son propre compte, une activité lucrative ou non, en ce compris une profession libérale, et de toute personne morale ou association de fait qui l'occupe à titre de siège social, administratif, d'exploitation ou d'activité. Constitue une association de fait le groupement de personnes physiques pour organiser entre elles, sur la base d'un contrat écrit, dans un même immeuble, et en partageant les frais, les services communs destiné[s] à assurer l'exercice d'une même profession, et, le cas échéant, pour participer aux bénéfices qui pourraient en résulter; [...] ».

L'article 9, § 1er, de l'ordonnance du 23 juillet 1992, tel qu'il a été modifié par l'article 3 de l'ordonnance du 17 juillet 1997 « modifiant la procédure de l'enquête, du recouvrement et des poursuites en matière de fiscalité régionale autonome », dispose : « Les membres de l'association de fait dont question à l'article 3, § 1er, b) de la présente ordonnance adressent, conjointement, aux fonctionnaires visés à l'article 11, au plus tard le 1er octobre de l'exercice, une déclaration désignant le membre de l'association au nom duquel la taxe est enrôlée. La déclaration est accompagnée d'une copie de la convention d'association.

Les membres de l'association de fait sont solidairement tenus au paiement de l'impôt ».

B.3. La Cour doit examiner la constitutionnalité de la différence de traitement entre deux catégories d'associés d'une association d'avocats ayant adopté la forme d'une société coopérative à responsabilité limitée : d'une part, la SPRLU constituée par un avocat pour l'exercice de sa profession et, d'autre part, la personne physique qui exerce la profession d'avocat au sein de ladite société d'avocats.

B.4. Dès lors que la SPRLU constituée par un avocat pour l'exercice de sa profession est une personne morale qui occupe tout ou partie d'un immeuble bâti situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et qui ne peut bénéficier des exemptions prévues à l'article 4, §§ 2 et 3, de l'ordonnance du 23 juillet 1992, elle est, en vertu de l'article 3, § 1er, b), alinéa 1er, de la même ordonnance, redevable de la taxe.

Bien qu'il occupe tout ou partie d'un tel immeuble et y exerce une profession libérale, l'avocat appartenant à la seconde catégorie de personnes visée en B.3 n'est, en vertu de l'article 3, § 1er, b), alinéa 1er, de l'ordonnance du 23 juillet 1992, pas redevable de la taxe, parce qu'il n'exerce pas cette activité « pour son propre compte ».

B.5. Cette différence de traitement ne provient ni de l'article 3, § 1er, b), alinéa 2, de l'ordonnance du 23 juillet 1992, ni de l'article 9, § 1er, de la même ordonnance, puisque ces dispositions ne concernent qu'une association de fait composée de personnes physiques.

La Cour n'examine dès lors que la constitutionnalité de l'article 3, § 1er, b), alinéa 1er, de cette ordonnance.

B.6.1. Cette disposition vise les « indépendants et les entreprises » (Doc. parl ., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1991-1992, n° 183/2, pp.6, 14 et 15) ou les « personnes morales et les indépendants » (C.R.I ., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 16 juillet 1992, n° 26, p. 792).

La taxe qu'elle instaure a pour objectif de procurer à la Région de Bruxelles-Capitale de « nouvelles ressources » et de « garantir le financement de la Région en restant, toutefois, attentif à la politique du logement ». Les personnes qui exercent une activité professionnelle sur le territoire de cette Région constituent l'une des catégories de redevables appelés à contribuer, par le paiement de cette taxe, au financement de cette dernière (Doc. parl ., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1991-1992, n° 184/1, p. 2).

Le législateur ordonnanciel a veillé à ce que cette taxe soit mise à charge des bénéficiaires des services offerts par les autorités bruxelloises, singulièrement dans les secteurs de la propreté, de la lutte contre l'incendie et de l'aide médicale urgente (Doc. parl ., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1991-1992, n° 183/2, p. 5;

C.R.I ., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 16 juillet 1992, n° 26, p.791), c'est-à-dire à charge de ceux qui créent des « lieux de risques » (Doc. parl ., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1991-1992, n° 183/2, p. 49).

B.6.2. Lorsqu'il a déterminé les catégories de redevables de la taxe, le législateur ordonnanciel a cependant souhaité éviter que tous les membres d'une association de fait occupant tout ou partie d'un immeuble situé sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, et née de la volonté de partager les bénéfices ou les frais générés par l'exercice d'une profession libérale, ne doivent payer ladite taxe (Doc. parl ., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 1991-1992, n° 184/1, p.4; ibid., n° 183/2, p. 53). Il visait en particulier les bureaux d'avocats (ibid ., n° 184/2, p. 42; C.R.I ., Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, 16 juillet 1992, n° 26, p. 805).

B.7. Il appartient au législateur fiscal compétent de déterminer les catégories de redevables de la taxe qu'il instaure. Lorsqu'il emploie à cet effet des critères de distinction, ceux-ci doivent pouvoir être raisonnablement justifiés.

La différence de traitement entre les personnes visées en B.3 se fonde sur un critère objectif. En effet, leur situation juridique diffère aussi bien en ce qui concerne les relations avec l'association dont elles font partie qu'à l'égard des tiers, en ce compris les autorités fiscales.

Le législateur fiscal peut en la matière prendre des mesures destinées à favoriser les personnes physiques qui exercent une activité d'indépendant pour le compte d'une société.

B.8. Il existe, notamment au regard du droit fiscal, une différence essentielle entre une personne physique et une personne morale.

Une forme juridique légalement établie peut raisonnablement être réputée avoir été adoptée en connaissance de cause. Il faut donc tenir compte du fait que l'on décide de constituer une personne morale après avoir évalué les avantages et les inconvénients de cette constitution.

B.9. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 3, § 1er, b), alinéa 1er, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 1992 relative à la taxe régionale à charge des occupants d'immeubles bâtis et de titulaires de droits réels sur certains immeubles ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 22 octobre 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président f.f., P. Martens.

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