publié le 13 novembre 2008
Extrait de l'arrêt n° 140/2008 du 30 octobre 2008 Numéro du rôle : 4265 En cause : le recours en annulation de l'article 39, alinéa 1 er , de la loi du 10 juin 1997 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au La Cour constitutionnelle, composée du juge P. Martens, faisant fonction de président, du présid(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 140/2008 du 30 octobre 2008 Numéro du rôle : 4265 En cause : le recours en annulation de l'article 39, alinéa 1er, de la
loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
10/06/1997
pub.
01/08/1997
numac
1997003403
source
ministere des finances
Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise
type
loi
prom.
10/06/1997
pub.
19/07/1997
numac
1997009557
source
ministere de la justice
Loi portant des dispositions diverses relatives aux protêts
fermer relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, introduit par Francesco Scuto.
La Cour constitutionnelle, composée du juge P. Martens, faisant fonction de président, du président M. Bossuyt, et des juges R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le juge P. Martens, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 12 juillet 2007 et parvenue au greffe le 13 juillet 2007, Francesco Scuto, demeurant à 4460 Grâce-Hollogne, rue G. Matteoti 10/2, a, à la suite de l'arrêt de la Cour n° 165/2006 du 8 novembre 2006 (publié au Moniteur belge du 26 janvier 2007), introduit un recours en annulation de l'article 39, alinéa 1er, de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise type loi prom. 10/06/1997 pub. 19/07/1997 numac 1997009557 source ministere de la justice Loi portant des dispositions diverses relatives aux protêts fermer relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise. (...) II. En droit (...) B.1. L'article 39, alinéa 1er, de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise type loi prom. 10/06/1997 pub. 19/07/1997 numac 1997009557 source ministere de la justice Loi portant des dispositions diverses relatives aux protêts fermer « relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise », tel qu'il a été modifié par l'article 2, n° 22, de l'arrêté royal du 20 juillet 2000 « portant exécution de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution et qui relève du Ministère des Finances » et par l'article 42, 5°, de l'arrêté royal du 13 juillet 2001 « portant exécution de la loi du 26 juin 2000 relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution et qui relève du Ministère des Finances », dispose : « Toute infraction aux dispositions de la présente loi ayant pour conséquence de rendre l'accise exigible, est punie d'une amende égale au décuple de l'accise en jeu avec un minimum de 250 EUR ». B.2. Par son arrêt n° 165/2006 du 8 novembre 2006, la Cour a dit pour droit que cette disposition viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'elle ne permet pas au juge pénal de modérer l'amende prévue par cette disposition, lorsqu'existent des circonstances atténuantes.
Cet arrêt a été publié au Moniteur belge du 26 janvier 2007.
La Cour a pris la même décision par son arrêt n° 199/2006 du 13 décembre 2006.
B.3. L'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 - tel qu'il a été inséré par l'article 3, b), de la loi spéciale du 9 mars 2003 « modifiant la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage » - prévoit qu'un nouveau délai de six mois est ouvert pour l'introduction d'un recours en annulation d'une loi au bénéfice de toute personne physique justifiant d'un intérêt lorsque la Cour, statuant sur une question préjudicielle, a déclaré que cette loi viole une des règles dont elle assure le respect.
B.4. Il ressort des pièces du dossier de la procédure qu'à plusieurs reprises, le requérant a été condamné par une juridiction pénale à payer, en application de la disposition attaquée, des amendes équivalant au décuple des droits d'accises éludés.
La situation du requérant est dès lors directement et défavorablement affectée par la disposition attaquée, de sorte qu'il justifie d'un intérêt à en demander l'annulation sur la base de l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.
B.5. Par son arrêt n° 165/2006, la Cour a considéré ce qui suit : « B.3. L'article 39 de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise type loi prom. 10/06/1997 pub. 19/07/1997 numac 1997009557 source ministere de la justice Loi portant des dispositions diverses relatives aux protêts fermer s'inscrit dans le cadre du droit pénal douanier, qui relève du droit pénal spécial et par lequel le législateur, sur la base d'un système spécifique de recherche et de poursuite pénales, entend combattre l'ampleur et la fréquence des fraudes dans une matière particulièrement technique relative à des activités souvent transfrontalières et régie en grande partie par une abondante réglementation européenne. La répression des infractions en matière de douanes et accises est souvent rendue difficile par le nombre de personnes qui interviennent dans le commerce et par la mobilité des marchandises sur lesquelles les droits sont dus.
Dans ce cadre, le législateur a assorti d'amendes très lourdes les infractions en matière de douanes et accises pour empêcher que des fraudes soient commises en vue d'obtenir les gains énormes qu'elles peuvent engendrer. En vue de justifier la lourdeur de l'amende, il a toujours été soutenu que celle-ci non seulement constituerait une peine individuelle assortie d'un caractère fortement dissuasif pour l'auteur, mais viserait également à rétablir l'ordre économique perturbé et à assurer la perception des impôts dus. Le fait de permettre au juge répressif de tenir compte de circonstances atténuantes serait incompatible avec l'objectif consistant à réprimer la fraude fiscale. [...] B.5.1. Sous la réserve qu'il ne peut prendre une mesure manifestement déraisonnable, le législateur démocratiquement élu peut vouloir déterminer lui-même la politique répressive et exclure ainsi le pouvoir d'appréciation du juge.
Le législateur a toutefois opté à diverses reprises pour l'individualisation des peines, en abandonnant au juge un choix, limité par un maximum et un minimum, quant à la sévérité de la peine, en lui permettant de tenir compte de circonstances atténuantes qui l'autorisent à infliger une peine inférieure au minimum légal et en l'autorisant à accorder des mesures de sursis et de suspension du prononcé.
B.5.2. L'impossibilité pour le juge d'adoucir la peine en deçà des limites fixées par la disposition en cause provient de ce qu'en l'absence d'une disposition expresse dans la loi pénale particulière, les dispositions du Code pénal relatives aux circonstances atténuantes ne peuvent être appliquées (article 100 du Code pénal).
B.5.3. Il appartient au législateur d'apprécier s'il est souhaitable de contraindre le juge à la sévérité quand une infraction nuit particulièrement à l'intérêt général, spécialement dans une matière qui, comme en l'espèce, donne lieu à une fraude importante. Cette sévérité peut concerner non seulement le niveau de la peine pécuniaire, mais aussi la faculté offerte au juge d'adoucir la peine en deçà des limites fixées s'il existe des circonstances atténuantes.
La Cour ne pourrait censurer pareil choix que si celui-ci était manifestement déraisonnable ou si la disposition litigieuse avait pour effet de priver une catégorie de prévenus du droit à un procès équitable devant une juridiction impartiale et indépendante, garanti par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.6. La manière dont l'amende est déterminée par l'article 39, alinéa 1er, de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise type loi prom. 10/06/1997 pub. 19/07/1997 numac 1997009557 source ministere de la justice Loi portant des dispositions diverses relatives aux protêts fermer répond aux objectifs poursuivis par le législateur tels qu'ils ont été exposés en B.3.
B.7.1. Aux termes de l'article 263 de la [loi générale sur les douanes et accises, telle qu'elle résulte de la coordination effectuée par l'arrêté royal du 18 juillet 1977 ' portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises ' (L.G.D.A.)], il pourra être transigé, par l'administration, notamment en ce qui concerne l'amende, ' toutes et autant de fois que l'affaire sera accompagnée de circonstances atténuantes, et qu'on pourra raisonnablement supposer que l'infraction doit être attribuée plutôt à une négligence ou erreur qu'à l'intention de fraude préméditée '.
B.7.2. L'absence, dans l'article 39 de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise type loi prom. 10/06/1997 pub. 19/07/1997 numac 1997009557 source ministere de la justice Loi portant des dispositions diverses relatives aux protêts fermer, d'une compétence du juge répressif qui soit équivalente à celle que l'article 263 de la L.G.D.A. accorde à l'administration n'est cependant pas compatible avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe général de droit pénal qui exige que rien de ce qui appartient au pouvoir d'appréciation de l'administration n'échappe au contrôle du juge.
B.7.3. Il est vrai que, dans toutes les matières où elle est permise, la transaction met fin à l'action publique sans contrôle du juge. Mais le prévenu peut généralement, si la transaction ne lui est pas proposée ou s'il la refuse, faire valoir devant un juge l'existence de circonstances atténuantes.
En l'espèce, le prévenu est libre d'accepter la transaction qui lui serait proposée par l'administration mais s'il la refuse, ou si elle ne lui est pas proposée, il ne pourra jamais faire apprécier par un juge s'il existe des circonstances atténuantes justifiant que l'amende soit réduite en deçà du montant fixé par la loi.
B.7.4. Il est vrai également que le juge peut ordonner la suspension du prononcé de la condamnation ou le sursis à l'exécution des peines, en application de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation. Mais les pouvoirs confiés au juge par cette loi ne sont pas les mêmes que ceux qu'il tient de l'article 85 du Code pénal et que la L.G.D.A. confie à l'administration ».
B.6. Il convient dès lors d'annuler la disposition attaquée dans la mesure où elle a été déclarée inconstitutionnelle par l'arrêt n° 165/2006.
B.7. Par son arrêt n° 81/2007 du 7 juin 2007, publié au Moniteur belge du 19 juillet 2007, la Cour a dit pour droit : « L'article 23, alinéa 1er, de la loi du 22 octobre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/10/1997 pub. 20/11/1997 numac 1997003624 source ministere des finances Loi relative à la structure et aux taux des droits d'accise sur les huiles minérales fermer ' relative à la structure et aux taux des droits d'accise sur les huiles minérales ' [- tel qu'il était libellé avant sa modification par l'arrêté royal du 29 février 2004 ' modifiant la loi du 22 octobre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/10/1997 pub. 20/11/1997 numac 1997003624 source ministere des finances Loi relative à la structure et aux taux des droits d'accise sur les huiles minérales fermer relative à la structure et aux taux des droits d'accise sur les huiles minérales ' -] viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il ne permet au juge pénal en aucune façon de modérer, s'il existe des circonstances atténuantes, l'amende prévue par cette disposition et en ce que, en ne prévoyant pas une amende maximale et une amende minimale, il peut avoir les effets disproportionnés décrits en B.9.3 ».
L'article 23, alinéa 1er, de la loi du 22 octobre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/10/1997 pub. 20/11/1997 numac 1997003624 source ministere des finances Loi relative à la structure et aux taux des droits d'accise sur les huiles minérales fermer, tel qu'il était libellé avant sa modification par l'arrêté royal du 29 février 2004, disposait : « Toute infraction aux dispositions de la présente loi ayant effet de rendre exigibles les droits d'accise et les droits d'accise spéciaux fixés par l'article 7, est punie d'une amende égale au décuple des droits en jeu avec un minimum de 250 EUR ».
Selon le B.9.3 de l'arrêt n° 81/2007 : « Les amendes élevées que le juge doit infliger en application de la législation en cause peuvent être de nature à porter atteinte au respect des biens garanti par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
Selon cette disposition, la protection du droit de propriété ' ne [porte] pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes '.
Une amende fixée au décuple des droits éludés pourrait, dans certains cas, porter une telle atteinte à la situation financière de la personne à laquelle elle est infligée qu'elle pourrait constituer une mesure disproportionnée par rapport au but légitime qu'elle poursuit et constituer une violation du droit au respect des biens, garanti par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, 11 janvier 2007, Mamidakis c.
Grèce).
Une disposition qui ne permet pas au juge d'éviter une violation de cette disposition méconnaît le droit à un procès équitable garanti par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ».
B.8.1. Le principe de la proportionnalité des peines n'est pas étranger à notre système juridique qui, en règle, permet au juge de choisir la peine entre un minimum et un maximum, de tenir compte de circonstances atténuantes et d'ordonner le sursis et la suspension du prononcé, le juge pouvant ainsi individualiser dans une certaine mesure la peine, en infligeant celle qu'il estime proportionnée à l'ensemble des éléments de la cause.
Pour ce qui concerne plus particulièrement les amendes, le législateur prévoit également que, lorsqu'il fixe l'amende, le juge tient compte de la situation du prévenu (articles 163, alinéas 3 et 4, et 195, alinéas 2 et 3, du Code d'instruction criminelle).
B.8.2. Cette prise en compte de la proportionnalité de la peine est toutefois exclue pour certaines infractions du droit pénal spécial, ainsi qu'en matière de douanes et accises où le juge doit infliger des amendes égales au décuple, doublé en cas de récidive, des droits éludés. Non seulement les montants des amendes peuvent être sensiblement plus élevés qu'en droit pénal ordinaire, mais la possibilité de les modérer est inexistante, sous réserve de ce qui a été exposé en B.7.1 à B.7.4 de l'arrêt n° 165/2006 précité.
B.8.3. Si c'est au législateur qu'il appartient d'apprécier s'il est souhaitable de contraindre le juge à la sévérité quand une infraction nuit particulièrement à l'intérêt général, il convient d'apprécier si son choix n'est pas manifestement déraisonnable, spécialement lorsqu'il s'agit d'une infraction qui fait l'objet d'une réglementation communautaire et d'une jurisprudence européenne.
B.9.1. La loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise type loi prom. 10/06/1997 pub. 19/07/1997 numac 1997009557 source ministere de la justice Loi portant des dispositions diverses relatives aux protêts fermer a été adoptée en exécution de dispositions de droit communautaire.
B.9.2. L'article 10 du Traité instituant la Communauté européenne (ci-après : Traité CE) dispose que les Etats membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant de ce Traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté européenne.
Cette disposition impose aux Etats membres, lorsqu'une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction pour sa violation ou renvoie sur ce point aux dispositions nationales, de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'efficacité du droit communautaire. A cet effet, les Etats membres doivent veiller à ce que les violations du droit communautaire soient sanctionnées dans des conditions, de fond et de procédure, qui soient analogues à celles applicables aux violations du droit national d'une nature et d'une importance similaire. A cet égard, ils sont certes libres dans leur choix des sanctions à infliger mais celles-ci doivent avoir un caractère effectif, proportionné et dissuasif (voy., entre autres, CJCE, 21 septembre 1989, 68/88, Commission c. Grèce; CJCE, 10 juillet 1990, C-326/88, Hansen ; CJCE, 27 février 1997, C-177/95, Ebony Maritime ).
Les Etats membres sont donc tenus d'exercer cette compétence dans le respect du droit communautaire et de ses principes généraux et, par conséquent, dans le respect du principe de proportionnalité qui est notamment mentionné à l'article 49, paragraphe 3, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée à Nice, le 7 décembre 2000, selon lequel « l'intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'infraction ». Si cette Charte n'est pas, en elle-même, juridiquement contraignante, elle traduit le principe de l'Etat de droit sur lequel, en vertu de l'article 6 du Traité sur l'Union européenne, l'Union est fondée et elle constitue une illustration des droits fondamentaux que l'Union doit respecter, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire. Par conséquent, dans la répression d'infractions à des dispositions de droit communautaire, l'intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'infraction (CJCE, 3 mai 2007, C-303/05, Advocaten voor de wereld, §§ 45 et 46).
Les mesures administratives ou répressives ne doivent pas dépasser le cadre de ce qui est strictement nécessaire aux objectifs poursuivis, et les modalités de contrôle ne doivent pas être assorties d'une sanction à ce point disproportionnée à la gravité de l'infraction qu'elle deviendrait une entrave aux libertés consacrées par le Traité CE (CJCE, 16 décembre 1992, C-210/91, Commission c. République hellénique, § 20).
B.9.3. Les amendes élevées que le juge doit infliger en application de la législation en cause peuvent être de nature à porter atteinte au respect des biens garanti par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
Selon cette disposition, la protection du droit de propriété « ne [porte] pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».
Une amende fixée au décuple des droits éludés pourrait, dans certains cas, porter une atteinte telle à la situation financière de la personne à laquelle elle est infligée qu'elle pourrait constituer une mesure disproportionnée par rapport au but légitime qu'elle poursuit et constituer une violation du droit au respect des biens, garanti par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, 11 janvier 2007, Mamidakis c.
Grèce).
Une disposition qui ne permet pas au juge d'éviter une violation de cette disposition méconnaît le droit à un procès équitable garanti par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.9.4. Même si le législateur pouvait prévoir une peine égale au décuple des droits éludés, l'absence d'un choix qui se situerait entre cette peine, en tant que peine maximale, et une peine minimale, rend la mesure incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
B.10. Le moyen examiné d'office est dès lors fondé.
B.11. Pour tenir compte des difficultés budgétaires et administratives et du contentieux judiciaire qui pourraient découler de l'arrêt d'annulation, et de ce que le présent recours a été introduit en application de l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, il y a lieu, sauf à l'égard du requérant, de maintenir les effets de la disposition annulée, définitivement acquis à la date de publication du présent arrêt au Moniteur belge , de manière telle que l'annulation bénéficie à toutes les affaires en cours.
Par ces motifs, la Cour - annule l'article 39, alinéa 1er, de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise type loi prom. 10/06/1997 pub. 19/07/1997 numac 1997009557 source ministere de la justice Loi portant des dispositions diverses relatives aux protêts fermer « relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise », en ce qu'il ne permet pas au juge pénal, lorsqu'existent des circonstances atténuantes, de modérer l'amende prévue par cette disposition et en ce que, en ne prévoyant pas une amende maximale et une amende minimale, il peut avoir les effets disproportionnés décrits en B.9.3; - maintient, sauf à l'égard du requérant, les effets de la disposition annulée, définitivement acquis à la date de publication du présent arrêt au Moniteur belge .
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 30 octobre 2008.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président f.f., P. Martens.