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Arrêt
publié le 13 août 2008

Extrait de l'arrêt n° 95/2008 du 26 juin 2008 Numéros du rôle : 4188 et 4191 En cause : les recours en annulation des articles 4, 5, 6, 7, 9, 26, 39, 42, 44, 53, 55, 58, 74 et 77 de la loi du 15 septembre 2006 modifiant la loi du 15 décembr La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Ma(...)

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Extrait de l'arrêt n° 95/2008 du 26 juin 2008 Numéros du rôle : 4188 et 4191 En cause : les recours en annulation des articles 4, 5, 6, 7, 9, 26, 39, 42, 44, 53, 55, 58, 74 et 77 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer modifiant la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, introduits par l'ASBL « Vluchtelingenwerk Vlaanderen » et par l'ASBL « Association pour le droit des Etrangers » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 avril 2007 et parvenue au greffe le 6 avril 2007, l'ASBL « Vluchtelingenwerk Vlaanderen », dont le siège social est établi à 1030 Bruxelles, rue Gaucheret 164, a introduit un recours en annulation des articles 4, 5, 6, 26, 39, 42, 44, 53, 55, 58, 74 et 77 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer modifiant la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (publiée au Moniteur belge du 6 octobre 2006).b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 avril 2007 et parvenue au greffe le 6 avril 2007, un recours en annulation des articles 6, 7, 9, 26, 44 et 58 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer précitée a été introduit par l'ASBL « Association pour le droit des Etrangers », dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue de Laeken 22, l'ASBL « Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et les Etrangers », dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, rue du Vivier 80/82, l'ASBL « Service International de Recherche, d'Education et d'Action sociale », dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, rue de la Croix 22, l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », dont le siège social est établi à 1190 Bruxelles, Chaussée d'Alsemberg 303, l'ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie », dont le siège social est établi à 1030 Bruxelles, rue des Palais 154, et l'ASBL « Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Xénophobie », dont le siège social est établi à 1210 Bruxelles, rue de la Poste 37. Ces affaires, inscrites sous les numéros 4188 et 4191 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à l'étendue des recours B.1. Les recours en annulation, introduits par l'ASBL « Vluchtelingenwerk Vlaanderen » (affaire n° 4188) et par l'ASBL « Association pour le droit des Etrangers », l'ASBL « Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et les Etrangers », l'ASBL « Service International de Recherche, d'Education et d'Action sociale », l'ASBL « Ligue des Droits de l'Homme », l'ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie » et l'ASBL « Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Xénophobie » (affaire n° 4191), sont dirigés respectivement contre les articles 4, 5, 6, 26, 39, 42, 44, 53, 55, 58, 74 et 77 (affaire n° 4188) et les articles 6, 7, 9, 26, 44 et 58 (affaire n° 4191) de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer modifiant la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (ci-après : loi relative aux étrangers) (publiée au Moniteur belge du 6 octobre 2006).

Comme ils sont dirigés contre les mêmes articles, les moyens sont examinés conjointement.

Quant à la recevabilité des recours B.2. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité du recours dans l'affaire n° 4191 en ce qu'il est introduit par l'ASBL « Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et les Etrangers », l'ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie » et l'ASBL « Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Xénophobie ».

A la délibération relative à l'introduction du recours en annulation par le conseil d'administration de la partie requérante citée en premier lieu aurait participé un administrateur dont l'arrêté de nomination n'a été ni déposé ni publié. En ce qui concerne le recours des deux autres associations précitées, la preuve n'aurait pas été fournie que la majorité des membres du conseil d'administration ont participé à la délibération relative à l'introduction du recours.

B.3.1. Les éléments dont la Cour peut connaître font apparaître qu'à la délibération du conseil d'administration de l'ASBL « Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et les Etrangers » relative à la décision d'introduire un recours en annulation a participé le remplaçant - désigné à cette fin par un administrateur-personne morale par procuration spéciale - du représentant permanent de cet administrateur au conseil, dont la nomination a été publiée dans les formes. Il est en outre établi que sa présence n'était pas déterminante ni pour atteindre le quorum des présences ni pour former la majorité qui a décidé d'introduire le recours en annulation auprès de la Cour. La simple participation, dans ces circonstances, du remplaçant mandaté du représentant permanent d'un administrateur-personne morale à cette délibération n'est pas de nature à porter atteinte à la validité du recours en annulation introduit par l'ASBL en question.

B.3.2. L'article 7, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 impose à la personne morale qui introduit un recours de produire, à la première demande, la preuve de la décision d'introduire le recours, sans préciser la forme que doit prendre cette décision.

Il découle des extraits dûment signés des rapports des conseils d'administration de l'ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie » et de l'ASBL « Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Xénophobie » que - même sans que le nom des membres qui ont participé à la délibération y soit expressément mentionné - il peut être admis que le conseil d'administration de chaque association a pris la décision requise d'ester en justice dans le délai de recours, de sorte que leur recours a été valablement introduit.

B.3.3. Les exceptions sont rejetées.

Quant au fond En ce qui concerne l'article 4 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer B.4. L'article 4 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer insère dans la loi relative aux étrangers un nouvel article 9bis qui règle le cas dans lequel l'étranger peut introduire une demande de permis de séjour depuis la Belgique, auprès du bourgmestre de la localité où il séjourne. Cette disposition limite cette possibilité aux « circonstances exceptionnelles » et à la condition que l'étranger dispose d'un document d'identité (article 9bis, § 1er, alinéa 1er), sans préjudice des cas où cette dernière condition n'est pas exigée (article 9bis, § 1er, alinéa 2). Cette disposition précise en outre les éléments qui ne peuvent être admis comme étant des « circonstances exceptionnelles » (article 9bis, § 2).

B.5. La partie requérante dans l'affaire n° 4188 invoque, à l'encontre de cette disposition, la violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, combinés avec les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'elle ne mentionne pas explicitement comme étant des critères de délivrance d'un titre de séjour les critères qui sont fixés aux articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ou qui en découlent, alors que ces dispositions s'opposent dans certains cas à ce qu'un titre de séjour soit refusé à un étranger.

B.6. Il convient tout d'abord de constater que la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer prévoit, dans un souci de sécurité juridique, des procédures spécifiques qui permettent aux étrangers d'obtenir un statut de séjour adapté, compte tenu de leur situation spécifique et après l'intervention d'une instance indépendante, à savoir le statut de séjour médical (article 9ter de la loi relative aux étrangers), le statut de protection subsidiaire (article 48/4 et suivants) et le statut de victimes de la traite des êtres humaines ou du trafic des êtres humains (articles 61/2 à 61/5).

Il est exact que la disposition attaquée, pour tous les autres cas, ne définit pas les « circonstances exceptionnelles » sur la base desquelles une demande de permis de séjour peut être introduite. Il s'ensuit que le ministre ou son délégué continuent de disposer d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire en ce qui concerne l'examen du contenu d'un grand nombre de demandes de permis de séjour, introduites par des étrangers se trouvant sur le territoire de la Belgique.

Ce pouvoir discrétionnaire ne peut toutefois être interprété en ce sens que sans référence expresse au nécessaire respect des droits fondamentaux conventionnels, il autoriserait le ministre ou son délégué à violer les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, de sorte qu'une catégorie d'étrangers serait privée du bénéfice des droits qui sont garantis par ces dispositions conventionnelles. En ce qu'elle exige un examen méticuleux de chaque demande, la disposition attaquée offre la possibilité d'examiner individuellement chaque demande, sur la base d'éléments concrets, à la lumière notamment de ces dispositions conventionnelles.

Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'article 5 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer B.7. L'article 5 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer insère dans la loi relative aux étrangers un nouvel article 9ter, qui instaure une procédure particulière de demande de permis de séjour pour l'étranger séjournant en Belgique qui dispose d'un document d'identité (sans préjudice de la dispense de cette condition, visée à l'article 9ter, § 1er, alinéa 3) et souffre d'une maladie telle qu'elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu'il n'existe aucun traitement adéquat dans son pays d'origine ou dans le pays où il séjourne. Le permis de séjour est octroyé par le ministre ou son délégué, aux conditions et selon la procédure décrites dans la disposition attaquée.

B.8. La partie requérante dans l'affaire n° 4188 allègue la violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution au motif que toutes les demandes d'un titre de séjour qui sont fondées sur la crainte pour la vie ou l'intégrité physique visée à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et à l'article 2, point e), combiné avec l'article 15, de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 « relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres » (ci-après : directive 2005/85/CE) doivent être examinées de manière égale, plus précisément en ce qui concerne le déroulement de la procédure, les droits accordés pendant et après la procédure et les voies de recours contre les décisions.

B.9. L'article 2, point e), de la directive 2005/85/CE définit l'« autorité responsable de la détermination » comme « tout organe quasi-juridictionnel ou administratif d'un État membre, responsable de l'examen des demandes d'asile et compétent pour se prononcer en premier ressort sur ces demandes, sous réserve de l'annexe I ».

L'article 15 de cette même directive règle le droit à l'assistance judiciaire et à la représentation dans le cadre des procédures en question.

Il convenait de satisfaire aux obligations de la directive en question au 1er décembre 2007; quant à l'article 15 de la directive, il doit y être satisfait pour le 1er décembre 2008.

Compte tenu de ce que ni la requête ni le mémoire n'indiquent suffisamment en quoi consisterait précisément la violation des dispositions précitées de la directive, la Cour n'examine le moyen qu'en ce qu'il critique le fait que les demandes d'autorisation de séjour pour raisons médicales qui relèvent de l'application de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme sont traitées par le ministre ou son délégué et non par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, comme pour toutes les autres demandes qui - également en raison d'une menace de violation de l'article 3 précité - relèvent du statut de protection subsidiaire.

B.10. La différence de traitement entre les étrangers gravement malades, qui doivent demander l'autorisation de séjourner en Belgique sur la base de l'article 9ter de la loi relative aux étrangers, et les autres personnes qui demandent la protection subsidiaire, dont la situation est examinée dans le cadre de la procédure d'asile par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, a été amplement motivée dans l'exposé des motifs, notamment à la suite des observations du Conseil d'Etat (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, pp. 187-190) : « Cette différence de traitement repose sur le critère objectif du fondement de la demande, selon qu'elle soit introduite en raison de la maladie grave dont souffre le demandeur ou d'une autre atteinte grave permettant de se prévaloir de la protection subsidiaire. Les éléments invoqués à l'appui de ces deux types de demandes sont en effet fondamentalement différents : alors que la demande fondée sur un autre critère d'octroi de la protection subsidiaire nécessite une appréciation de la crédibilité des déclarations du demandeur (élément subjectif), la demande fondée sur une maladie grave repose essentiellement sur un examen médical (élément objectif).

Ce diagnostic objectif ne peut en tout état de cause être posé par les autorités belges, que ce soit le ministre ou son délégué ou les instances d'asile, et nécessite un avis médical. Partant de cette constatation, le but poursuivi dans le système mis en place est de ne pas charger les instances d'asile de demandes qu'elles ne doivent pas examiner à l'heure actuelle et au sujet desquelles elles ne pourraient en tout état de cause pas se prononcer directement.

Le moyen utilisé pour atteindre ce but est la mise en oeuvre dans l'article 9ter d'une procédure légale spécifique, qui comporte des conditions claires et qui aboutit à une décision du ministre ou de son délégué, basée sur la pratique actuelle en la matière. Ce moyen est proportionnel au but poursuivi dans la mesure où il ne porte pas atteinte à la possibilité des étrangers visés de se prévaloir et de bénéficier du statut de protection subsidiaire mais organise uniquement une procédure parallèle à la procédure d'asile.

En ce qui concerne la justification précitée relative à l'absence de compétences nécessaires des instances d'asile en matière médicale, au sujet de laquelle le Conseil d'Etat a observé qu'elle est contredite par le fait que la situation des étrangers gravement malades est, en partie, déjà couverte aujourd'hui par l'avis donné par le CGRA dans le cadre du recours urgent, il convient de remarquer que l'invocation de pures raisons médicales dans ce cadre est assez rare et qu'en tout état de cause, l'avis rendu par le CGRA au sujet de telles raisons n'est basé que sur un examen informel de la situation, essentiellement sur la base du certificat médical présenté par le demandeur d'asile.

En tout état de cause, ce type d'avis peut être remis en question par le ministre ou son délégué, sur la base d'un contre-avis médical rendu par le médecin conseil de l'Office des étrangers, dans le cadre de l'examen de l'opportunité d'une mesure d'éloignement de l'intéressé.

La procédure relative à l'avis du CGRA ne peut donc pas être comparée à une procédure tendant à accorder une autorisation de séjour aux étrangers gravement malades et fondée sur un avis médical au sens propre.

En ce qui concerne la justification précitée relative au défaut d'adaptation de la procédure d'asile à l'égard de cas médicaux urgents, qui fait également l'objet d'une remarque du Conseil d'Etat, il peut être ajouté que la procédure d'asile est entamée par ce que l'on appelle la procédure « Dublin », c'est à dire la détermination de l'Etat responsable du traitement de la demande d'asile, qui n'est pas adaptée dans le cas d'une situation médicale urgente » (ibid., pp. 10-11).

B.11. Sur la base des travaux préparatoires précités et de la portée du terme « peut » figurant à l'article 48/4, § 1er, de la loi relative aux étrangers, inséré par l'article 26 (également attaqué) de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer, il convient de constater que l'article 9ter de la loi relative aux étrangers ne porte pas atteinte à la possibilité pour les étrangers en question d'invoquer et de bénéficier du statut de protection subsidiaire mais organise seulement une procédure parallèle à la procédure d'asile. Dans le cadre de l'examen du moyen, il convient dès lors de prendre en compte le fait que le refus d'un titre de séjour sur la base de l'article 9ter de la loi relative aux étrangers ne signifie pas nécessairement que l'étranger ne puisse bénéficier de la protection subsidiaire.

B.12. La différence de traitement des deux catégories d'étrangers repose sur un critère objectif, à savoir la circonstance que la demande a été introduite par un étranger qui souffre d'une maladie telle qu'elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu'il n'existe aucun traitement adéquat dans son pays d'origine ou dans le pays où il séjourne, ou par un étranger qui risque réellement de subir d'autres atteintes graves au sens de l'article 15 de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 « concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts », directive à laquelle se réfère l'article 3, paragraphe 3, de la directive 2005/85/CE. B.13. La différence de traitement est justifiée par la nature de l'examen auquel il doit être procédé et qui est défini dans les travaux préparatoires comme étant « objectif » car basé sur des constats médicaux. Par ailleurs, à l'inverse de ce que prétend la partie requérante, il est tenu compte, dans le cadre de l'examen de ces demandes, non seulement de l'état de santé du demandeur mais également du caractère adéquat du traitement médical dans le pays d'origine ou dans le pays où il séjourne, ainsi qu'il ressort du paragraphe 1er de la disposition attaquée.

Le cas échéant, il convient également d'examiner si le demandeur a effectivement accès au traitement médical dans ce pays. Si la procédure sur la base de l'article 9ter ne le permet pas, le demandeur devrait, en application de ce qui est dit en B.11, pouvoir invoquer la procédure de protection subsidiaire afin de faire examiner cette situation, pour que l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme soit respecté.

B.14. La règle prévue par l'article 9ter offre suffisamment de garanties aux demandeurs d'une autorisation de séjour. La procédure donne droit à un séjour temporaire, ainsi qu'il ressort de l'article 7, § 2, alinéa 2, de l'arrêté royal du 17 mai 2007 « fixant des modalités d'exécution de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer modifiant la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » (Moniteur belge , 31 mai 2007, deuxième édition). En effet, en vertu de cet article, le délégué du ministre donne l'instruction à la commune, en cas de demande recevable sur la base de l'article 9ter de la loi relative aux étrangers, d'inscrire l'intéressé au registre des étrangers et de le mettre en possession d'une attestation d'immatriculation de modèle A. A cet égard, il a été souligné, au cours des travaux préparatoires, qu'un étranger gravement malade qui serait néanmoins exclu du bénéfice de l'article 9ter de la loi relative aux étrangers, pour quelque raison que ce soit, ne sera pas éloigné s'il est si gravement malade que son éloignement constituerait une violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 36), éloignement qui, dans de telles circonstances, serait impossible comme l'a décidé la Cour dans son arrêt n° 114/2006 du 20 septembre 2006.

Une décision de refus du ministre ou de son délégué peut, en vertu de l'article 39/2 de la loi relative aux étrangers, faire l'objet d'un recours en annulation auprès du Conseil du contentieux des étrangers.

En raison des spécificités de la procédure de l'article 9ter de la loi relative aux étrangers et de la nature des éléments sur lesquels la décision doit être fondée, également en ce qui concerne le risque et la possibilité de traitement dans le pays de provenance attestés dans l'avis d'un fonctionnaire médecin, un tel recours en annulation prévoit une protection juridique suffisante.

B.15. Il découle de ce qui précède que la différence de traitement n'est pas dépourvue de justification raisonnable.

Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'article 6 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer B.16. L'article 6 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer remplace l'article 10 de la loi relative aux étrangers. Il détermine les catégories d'étrangers qui sont de plein droit admis à séjourner plus de trois mois dans le Royaume dans le cadre d'un regroupement familial (paragraphe 1er), à condition qu'il soit prouvé que le demandeur remplit certaines conditions qui varient selon la catégorie d'étrangers admis et le moment où la demande est introduite (paragraphe 2).

Catégories d'étrangers qui sont admises (article 10, § 1er, de la loi relative aux étrangers) Enfants d'un mariage polygame B.17. L'article 10, § 1er, alinéa 1er, 4°, de la loi relative aux étrangers confère le droit d'être admis de plein droit à séjourner plus de trois mois dans le Royaume au conjoint étranger ou à l'étranger avec lequel un partenariat enregistré a été conclu et qui vient cohabiter avec un étranger admis ou autorisé à séjourner dans le Royaume pour une durée illimitée ou autorisé à s'y établir, ainsi qu'à leurs enfants mineurs célibataires communs et aux enfants mineurs célibataires d'un des conjoints ou partenaires, qui viennent vivre avec eux, pour autant que certaines conditions relatives à la garde de ces enfants soient remplies. En vertu de l'alinéa 2, cette disposition n'est pas applicable au conjoint d'un étranger polygame si un autre conjoint de cette personne réside déjà dans le Royaume, ni aux enfants issus d'un mariage polygame entre l'étranger et une autre épouse que celle qui séjourne déjà dans le Royaume.

B.18. La deuxième branche du troisième moyen dans l'affaire n° 4188 et le troisième moyen dans l'affaire n° 4191, qui sont dirigés contre l'article 10, § 1er, alinéa 2, de la loi relative aux étrangers, sont pris de la violation des articles 22, 10, 11 et 191 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 2, 3, 9 et 10 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que le droit au regroupement familial n'est pas accordé aux enfants qui sont issus d'un mariage polygame de l'étranger établi ou admis ou autorisé au séjour illimité et d'une autre épouse que celle qui séjourne déjà dans le Royaume, alors que le respect de la vie familiale suppose que l'Etat n'entrave pas de manière disproportionnée le regroupement familial d'un enfant mineur avec ses parents.

B.19. L'article 22 de la Constitution dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.

La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».

L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Les articles 2, 3, 9 et 10 de la Convention relative aux droits de l'enfant énoncent : «

Art. 2.1. Les Etats parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation. 2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille.

Art. 3.1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.3. Les Etats parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l'existence d'un contrôle approprié ». «

Art. 9.1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant. 2. Dans tous les cas prévus au paragraphe 1 du présent article, toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître leurs vues.3. Les Etats parties respectent le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant.4. Lorsque la séparation résulte de mesures prises par un Etat partie, telles que la détention, l'emprisonnement, l'exil, l'expulsion ou la mort (y compris la mort, quelle qu'en soit la cause, survenue en cours de détention) des deux parents ou de l'un d'eux, ou de l'enfant, l'Etat partie donne sur demande aux parents, à l'enfant ou, s'il y a lieu, à un autre membre de la famille les renseignements essentiels sur le lieu où se trouvent le membre ou les membres de la famille, à moins que la divulgation de ces renseignements ne soit préjudiciable au bien-être de l'enfant.Les Etats parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas en elle-même de conséquences fâcheuses pour la personne ou les personnes intéressées.

Art. 10.1. Conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Les Etats parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille. 2. Un enfant dont les parents résident dans des Etats différents a le droit d'entretenir, sauf circonstances exceptionnelles, des relations personnelles et des contacts directs réguliers avec ses deux parents. A cette fin, et conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, les Etats parties respectent le droit qu'ont l'enfant et ses parents de quitter tout pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays. Le droit de quitter tout pays ne peut faire l'objet que des restrictions prescrites par la loi qui sont nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d'autrui, et qui sont compatibles avec les autres droits reconnus dans la présente Convention ».

B.20.1. Par la disposition attaquée, le législateur donne exécution à l'article 4, paragraphe 4, de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 « relative au droit au regroupement familial » (ci-après : directive 2003/86/CE), qui énonce : « En cas de mariage polygame, si le regroupant a déjà un conjoint vivant avec lui sur le territoire d'un État membre, l'Etat membre concerné n'autorise pas le regroupement familial d'un autre conjoint.

Par dérogation au paragraphe 1, point c), les États membres peuvent imposer des restrictions concernant le regroupement familial des enfants mineurs d'un autre conjoint auprès du regroupant ».

Cette disposition impose, en son premier alinéa, au législateur belge de refuser le droit au regroupement familial au conjoint polygame d'un étranger résidant en Belgique lorsqu'un autre conjoint réside déjà sur le territoire. En son deuxième alinéa, elle permet aux Etats membres de formuler des « restrictions » quant au regroupement familial des enfants mineurs d'un autre conjoint auprès du regroupant.

B.20.2. Les considérants de la directive ne renseignent pas sur ce que le législateur européen entend par « restrictions ». Néanmoins, il est précisé, dans le cinquième considérant, que les Etats membres devraient la mettre en oeuvre « sans faire de distinction fondée notamment sur [...] la naissance [...] ». Dans son arrêt du 27 juin 2006 (CJCE, Parlement européen c. Conseil de l'Union européenne, 27 juin 2006, C-540/03) rendu au sujet d'autres dispositions de la même directive, la Cour de Justice des Communautés européennes a considéré que « l'absence de définition [d'une notion] ne saurait être interprétée comme une autorisation conférée aux Etats membres d'utiliser cette notion d'une manière contraire aux principes généraux du droit communautaire et, plus particulièrement, aux droits fondamentaux » (§ 70). Elle en conclut que « par conséquent, [la disposition en cause] de la directive ne saurait être interprétée comme autorisant les Etats membres, explicitement ou implicitement, à adopter des dispositions de mise en oeuvre qui seraient contraires au droit au respect de la vie familiale » (§ 71). Serait notamment contraire à la directive, une limitation du droit au regroupement familial par la mise en place de quotas (§ 100).

Enfin, l'autorisation donnée aux Etats de formuler des restrictions au regroupement familial ne saurait être interprétée comme permettant au législateur de violer les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.20.3. Le législateur belge a, par la disposition en cause, choisi de transposer l'article 4, paragraphe 4, de la directive 2003/86/CE en excluant de façon semblable les conjoints polygames et leurs enfants du droit au regroupement familial avec leur époux et avec leur parent.

Le législateur peut limiter le regroupement familial des conjoints unis par une forme d'union conjugale qui est contraire non seulement à l'ordre public international belge, mais également à l'ordre public international des autres Etats membres de l'Union européenne, ce qui ressort de la genèse de la restriction contenue à l'article 4, paragraphe 4, de la directive précitée. Une telle restriction constitue une ingérence, admise par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect à la vie familiale, qui est nécessaire, dans une société démocratique, à l'objectif de défense de l'ordre mentionné dans cette disposition.

La Cour doit toutefois examiner si ce motif peut également justifier une limitation du droit au respect de la vie familiale garanti par les dispositions dont la violation est alléguée à l'égard des enfants mineurs issus d'un mariage polygame.

B.20.4. En refusant le droit au regroupement familial aux seuls enfants issus d'un mariage polygame lorsqu'une épouse autre que leur mère réside déjà sur le territoire belge, le législateur établit une différence de traitement entre ces enfants et les autres enfants mineurs de l'étranger, qui bénéficient tous du droit au regroupement familial avec leur auteur, qu'ils soient issus d'un mariage monogame, d'un mariage polygame conclu avec l'épouse présente sur le territoire, d'un précédent mariage dissous, d'une relation entre deux personnes célibataires ou d'une relation extraconjugale.

B.20.5. La différence de traitement entre enfants repose donc sur le critère de la nature du lien conjugal de leurs parents.

La Cour doit rechercher si le critère retenu par la disposition en cause à l'égard des enfants, tiré des circonstances de la naissance, est pertinent par rapport à l'objet et au but de la disposition en cause et si son utilisation peut être justifiée par rapport à l'atteinte au droit à la vie familiale qu'elle occasionne.

B.20.6. Le contrôle exercé par la Cour est plus rigoureux lorsque le principe fondamental de l'égalité des naissances est en cause.

Depuis l'arrêt Marckx, rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 13 juin 1979, le législateur a été particulièrement attentif à abolir toute discrimination entre enfants en fonction des circonstances de leur naissance et, spécialement, à placer les enfants nés hors de l'institution conjugale organisée par le Code civil dans une situation de stricte égalité avec les enfants nés dans le mariage.

B.21. Le regroupement familial entre conjoints est lié à la preuve d'un lien de type matrimonial entre eux, de sorte que l'exclusion des époux polygames repose sur un critère pertinent par rapport à l'objet de la législation en cause et à l'objectif de préserver l'ordre public international belge et européen.

En revanche, le regroupement familial d'un enfant avec ses auteurs est lié à l'établissement de leur lien de filiation. Le critère des circonstances de la naissance de l'enfant et de la situation conjugale de ses parents ne présente aucune pertinence ni avec l'objet de la disposition, ni avec l'objectif de défense de l'ordre public international belge ou européen, dès lors que les enfants concernés ne sont en aucune manière responsables de la situation conjugale de leur parents et que le regroupement familial, en ce qui les concerne, n'est pas un effet du mariage de ceux-ci, mais bien un effet du lien de filiation qui les lie à leur auteur établi ou autorisé à séjourner en Belgique.

B.22. L'argument du Gouvernement selon lequel il ne serait pas nécessairement dans l'intérêt de l'enfant de rejoindre son père en Belgique, même si celui-ci dispose du droit de garde, alors que sa mère n'a pas droit au regroupement familial parce qu'une autre épouse est déjà présente sur le territoire, (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 42) n'est pas pertinent pour justifier la disposition attaquée. En effet, rien ne permet de présumer, de manière générale, abstraite et irréfragable qu'un enfant n'a pas intérêt à résider avec l'un ou l'autre de ses parents lorsque ceux-ci ne résident pas ensemble mais décident d'un commun accord qu'il résidera avec l'un d'eux.

Ainsi que l'a fait remarquer la section de législation du Conseil d'Etat, l'intérêt supérieur de l'enfant « ne justifie-t-il pas que l'enfant, même issu d'un couple polygame, soit traité de la même manière qu'un autre enfant, lorsqu'il est établi que ces deux enfants répondent aux mêmes conditions et que l'étranger rejoint a, notamment, le droit de garde et la charge de ces enfants ? » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 196).

B.23. De même, la possibilité qu'auraient les enfants auxquels la disposition attaquée refuse le droit d'obtenir un droit de séjour de plus de trois mois, de se voir accorder, par application de l'article 9 de la loi relative aux étrangers, un titre de séjour en fonction des circonstances et dans leur intérêt (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 42), n'est pas de nature à justifier la mesure. En effet, l'octroi d'un droit de séjour sur cette base dépend d'une décision discrétionnaire du ministre et ne saurait compenser l'exclusion des enfants concernés du droit, accordé à tous les autres enfants, au regroupement familial avec leurs parents ou l'un d'eux.

Sur ce point, l'avis précité du Conseil d'Etat fait observer : « S'il est vrai que ce pouvoir se trouvera mieux circonscrit dans le cadre d'un certain nombre de situations expressément réglées par d'autres dispositions en projet, il n'en reste pas moins que le ministre ou son délégué va conserver un pouvoir d'appréciation discrétionnaire entier dans l'examen au fond d'un très grand nombre de demandes d'autorisation de séjour introduites par des étrangers à partir du territoire belge. Les dispositions en projet n'auront, en conséquence, pas pour effet de mettre fin à l'insécurité juridique régnant en la matière, notamment quant à la valeur juridique qu'il convient de conférer aux diverses circulaires édictées en vue de mieux circonscrire les pouvoirs du ministre ou de son délégué » (Doc. parl., ibid., p. 185, point 1.5.2, auquel il est renvoyé par la note 41 de la page 196).

La possibilité de s'adresser au ministre est une mesure dont les effets sont aléatoires et qui ne peut, pour cette raison, suffire à corriger le vice constaté.

B.24. Il en résulte que la différence de traitement en cause n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les dispositions de la Convention relatives aux droits de l'enfant précitée.

B.25. Il y a lieu d'annuler l'article 10, § 1er, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, tel qu'il a été remplacé par l'article 6 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer [, en ce qu'il dispose que l'aliinéa 1er, 4°, n'est pas applicable aux enfants issus, dans le cadre d'un mariage polygame, d'un étranger et d'une autre épouse que celle séjournant déjà dans le Royaume.] [Ordonnance en rectification du 17 juillet 2008 ] Age des conjoints et des partenaires B.26. En vertu de l'article 10, § 1er, alinéa 1er, 4° et 5°, le conjoint étranger, l'étranger partenaire lié par un partenariat enregistré qui est considéré comme équivalent au mariage en Belgique et l'étranger partenaire, lié par un partenariat enregistré légalement, d'un étranger qui est admis ou autorisé à séjourner pour une durée illimitée dans le Royaume ou est autorisé à s'y établir, moyennant les conditions spécifiques supplémentaires qui y sont mentionnées, sont de plein droit admis à séjourner plus de trois mois dans le Royaume s'ils ont tous deux plus de vingt et un ans. Cet âge minimum est toutefois ramené à dix-huit ans lorsque le lien conjugal ou le partenariat enregistré est préexistant à l'arrivée de l'étranger rejoint dans le Royaume (article 10, § 1er, 4°, premier tiret, deuxième phrase), ou lorsqu'ils prouvent une cohabitation d'au moins un an avant l'arrivée de l'étranger rejoint dans le Royaume (article 10, § 1er, 5°, alinéa 2).

B.27. Les parties requérantes dans l'affaire n° 4191 font valoir à l'encontre de ces dispositions que les articles 10, 11, 22 et 191 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 8, 12 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, sont violés, ou tout au moins l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il n'est pas démontré que la restriction répond à un besoin social impérieux et est proportionnée au but poursuivi.

B.28. L'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme énonce : « A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit ».

L'article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques énonce : « 1. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'Etat. 2. Le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l'homme et à la femme à partir de l'âge nubile.3. Nul mariage ne peut être conclu sans le libre et plein consentement des futurs époux.4. Les Etats parties au présent Pacte prendront les mesures appropriées pour assurer l'égalité de droits et de responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.En cas de dissolution, des dispositions seront prises afin d'assurer aux enfants la protection nécessaire ».

B.29.1. Les dispositions attaquées sont la transposition de l'article 4, paragraphes 3 et 5, de la directive 2003/86/CE, selon lesquels : « 3. Les Etats membres peuvent, par voie législative ou réglementaire, autoriser l'entrée et le séjour, au titre de la présente directive, sous réserve du respect des conditions définies au chapitre IV, du partenaire non marié ressortissant d'un pays tiers qui a avec le regroupant une relation durable et stable dûment prouvée, ou du ressortissant de pays tiers qui est lié au regroupant par un partenariat enregistré, conformément à l'article 5, paragraphe 2, ainsi que des enfants mineurs non mariés, y compris les enfants adoptés, et des enfants majeurs célibataires qui sont objectivement dans l'incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de leur état de santé.

Les Etats membres peuvent décider que les partenaires enregistrés sont assimilés aux conjoints pour ce qui est du regroupement familial ». « 5. Afin d'assurer une meilleure intégration et de prévenir des mariages forcés, les Etats membres peuvent demander que le regroupant et son conjoint aient atteint un âge minimal, qui ne peut être supérieur à 21 ans, avant que le conjoint ne puisse rejoindre le regroupant ».

B.29.2. La nécessité de relever l'âge minimum de dix-huit à vingt et un ans a été justifiée comme suit au cours des travaux préparatoires : « Le gouvernement a toutefois estimé nécessaire de modifier la condition de l'âge minimum requis du conjoint et de l'étranger rejoint.

Cet âge est fixé actuellement à 18 ans mais il est encore constaté que des mariages forcés peuvent être réalisés au-delà de cet âge, à l'égard notamment de jeunes filles éduquées en Belgique et qui sont toujours sous la coupe de leurs parents.

C'est la raison pour laquelle l'âge minimum du conjoint et de l'étranger rejoint est, dans le cas où le lien conjugal est créé après l'arrivée de l'étranger rejoint en Belgique, élevé à 21 ans. Cette exigence est conforme à l'article 4, § 5, de la directive qui vise à assurer une meilleure intégration et à prévenir les mariages forcés, afin d'éviter que des jeunes femmes soient mariées contre leur gré uniquement dans le but que leur mari puisse obtenir un droit de séjour en Belgique.

L'insertion de cette condition d'âge garantit le fait que les époux ont une certaine maturité et ne sont pas contraints au mariage suite à leur situation de dépendance vis-à-vis de leurs parents ou de leur famille (scolarisation en cours, par exemple).

La justification de cette modification donnée ci-dessus explique le fait que l'âge minimum requis des conjoints reste fixé à 18 ans lorsque le lien conjugal est préexistant à la venue de l'étranger rejoint en Belgique (il ne se justifie par exemple pas d'exiger d'un étranger qui a obtenu l'autorisation de travailler en Belgique et qui vient s'y installer avec son conjoint, qu'ils soient tous deux âgés de plus de 21 ans).

La fixation d'un âge minimum pour pouvoir bénéficier du regroupement familial entre époux ne mène pas à l'interdiction pure et simple de la venue du conjoint étranger en Belgique avant cet âge : ce regroupement cesse seulement d'être un droit sur la base de l'article 10, § 1er, alinéa 1er, 4°, en projet, mais il pourrait encore l'être sur la base de l'article 10, § 1er, alinéa 1er, 1°, si les conditions fixées par les conventions bilatérales précitées sont réunies. Si ce n'est pas le cas, le ministre ou son délégué pourra encore autoriser le conjoint étranger à séjourner en Belgique, sur la base de l'article 9 de la loi, en l'absence d'abus. Dans ce cadre, l'existence d'un enfant commun peut constituer une indication de cette absence d'abus » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, pp. 38-39).

B.30.1. La mesure attaquée répond au souci du législateur de décourager la pratique, dont sont victimes certaines jeunes filles résidant en Belgique, consistant à leur imposer un mariage contre leur gré en vue, notamment, de permettre l'accès au séjour du conjoint.

L'objectif de protéger les intéressées contre des pressions exercées dans le but de leur faire admettre un mariage non librement consenti est légitime et conforme à l'article 8.2 de la Convention européenne des droits de l'homme.

En élevant l'âge à partir duquel les époux peuvent exercer leur droit au regroupement familial en Belgique à 21 ans, le législateur a pris une mesure pertinente puisqu'il peut raisonnablement estimer que les pressions, notamment familiales, ont moins de chances d'être exercées avec succès lorsque les intéressées ont atteint cet âge que lorsqu'elles sont plus jeunes.

B.30.2. Enfin, la mesure n'est pas disproportionnée, vu que le législateur a lui-même prévu une exception à la règle, en abaissant l'âge des conjoints ou des partenaires à dix-huit ans dans les cas visés à l'article 10, § 1er, alinéa 1er, 4°, premier tiret, deuxième phrase, et 5°, alinéa 2. Il ressort par ailleurs des travaux préparatoires précités que, d'une part, le regroupement familial pourrait encore être un droit en vertu de l'article 10, § 1er, 1°, de la loi relative aux étrangers si les conditions fixées par les conventions bilatérales sont remplies et, d'autre part, le ministre ou son délégué peut encore accorder au conjoint ou au partenaire étranger un titre de séjour en Belgique, sur la base de l'article 9 de la loi, s'il n'y a pas eu d'abus (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 39).

B.31. Il découle de ce qui précède que la mesure n'est pas incompatible avec l'article 22 de la Constitution, combiné avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Le contrôle au regard des autres dispositions mentionnées en B.27 ne conduit pas à une autre conclusion.

Les moyens ne sont pas fondés.

Conditions relatives au regroupement familial avec un mineur reconnu réfugié (article 10, § 2, de la loi relative aux étrangers) B.32. En vertu de l'article 10, § 1er, alinéa 1er, 7°, de la loi relative aux étrangers, le père et la mère d'un étranger reconnu réfugié au sens de l'article 48/3, qui viennent vivre avec lui, pour autant qu'il soit âgé de moins de dix-huit ans et soit entré dans le Royaume sans être accompagné d'un étranger majeur « responsable de lui par la loi » et n'ait pas été effectivement pris en charge par une telle personne par la suite, ou ait été laissé seul après être entré dans le Royaume, sont admis de plein droit à séjourner plus de trois mois dans le Royaume. En vertu de l'article 10, § 2, alinéa 2, les parents du mineur rejoint doivent prouver qu'il dispose d'un logement suffisant pour recevoir le ou les membres de sa famille qui demandent à le rejoindre ainsi que d'une assurance maladie couvrant les risques en Belgique pour lui-même et les membres de sa famille.

Conformément à l'article 10, § 2, alinéa 4, cette condition ne s'applique cependant pas aux membres de la famille d'un étranger reconnu réfugié lorsque les liens de parenté ou d'alliance ou le partenariat enregistré sont antérieurs à l'entrée de cet étranger dans le Royaume et pour autant que la demande de séjour sur la base de l'article 10 ait été introduite dans l'année suivant la décision reconnaissant la qualité de réfugié à l'étranger rejoint.

B.33. Dans l'affaire n° 4188, le troisième moyen en sa première branche est pris de la violation des articles 10, 11, 22 et 191 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 9 et 10 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que, pour le regroupement familial par les parents d'un réfugié reconnu en Belgique âgé de moins de dix-huit ans et entré en Belgique sans accompagnement d'un étranger majeur, responsable de ce mineur en vertu de la loi (article 10, § 1er, alinéa 1er, 7°), il est requis que ce mineur prouve qu'il dispose d'un logement suffisant et d'une assurance maladie (article 10, § 2, alinéa 2) si la demande de regroupement familial est introduite plus d'un an après la décision de reconnaissance du statut de réfugié au mineur (article 10, § 2, alinéa 4).

Il découle de l'exposé du moyen que la Cour doit uniquement l'examiner en ce que les dispositions attaquées établissent une différence de traitement entre les étrangers mineurs reconnus réfugiés qui souhaitent être rejoints par leurs père et mère, selon que la demande de séjour fondée sur l'article 10 a ou non été introduite au cours de l'année qui suit la décision de reconnaissance de la qualité de réfugié de l'étranger rejoint.

B.34. La condition que la demande de regroupement familial soit introduite dans l'année qui suit la reconnaissance de la qualité de réfugié de l'étranger rejoint pour dispenser celui-ci de la preuve du logement et de l'assurance maladie est autorisée par l'article 12, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2003/86/CE, qui énonce : « Les Etats membres peuvent exiger du réfugié qu'il remplisse les conditions visées à l'article 7, paragraphe 1, [c'est-à-dire prouver qu'il dispose d'un logement, d'une assurance maladie et des ressources stables et régulières] si la demande de regroupement familial n'est pas introduite dans un délai de trois mois suivant l'octroi du statut de réfugié ».

La disposition attaquée introduit dès lors une condition de délai plus souple que la directive, étant donné que la dispense de la preuve que l'intéressé dispose d'un logement et d'une assurance maladie s'applique lorsque la demande d'un permis de séjour sur la base du regroupement familial est introduite dans l'année suivant la décision reconnaissant la qualité de réfugié, alors que le législateur pouvait limiter ce délai de dispense, sur la base de la directive, à trois mois après l'octroi du statut de réfugié. La Cour doit cependant examiner si cette condition ne constitue pas une atteinte injustifiée aux droits fondamentaux visés dans la branche du moyen, lorsque le réfugié reconnu qui ouvre le droit au regroupement familial est mineur.

B.35. L'obligation de prouver que l'étranger mineur dispose d'un logement suffisant et d'une assurance maladie établit une différence de traitement entre les étrangers mineurs ayant la qualité de réfugié, selon que leurs parents ont introduit la demande avant ou après l'échéance du délai d'un an suivant la décision reconnaissant cette qualité. Bien que cette différence repose sur un critère objectif, il faut admettre que les étrangers mineurs, du seul fait de leur incapacité civile, ne sont pas en mesure de satisfaire à cette condition.

B.36. La disposition attaquée porte atteinte de manière disproportionnée au droit au regroupement familial des mineurs reconnus réfugiés à qui elle s'applique.

En sa première branche, le troisième moyen dans l'affaire n° 4188 est fondé. A l'article 10, § 2, alinéa 4, de la loi relative aux étrangers, il convient donc d'annuler les mots « et pour autant que la demande de séjour sur la base de l'article 10 ait été introduite dans l'année suivant la décision reconnaissant la qualité de réfugié à l'étranger rejoint » en ce qu'ils sont applicables à l'étranger mineur, visé à l'article 10, § 1er, alinéa 1er, 7°, qui a été reconnu réfugié.

Cette annulation n'empêche pas que le législateur puisse prévoir, notamment « dans l'intérêt du bien-être économique du pays », que les parents doivent eux-mêmes être en mesure de pourvoir à leur entretien et à leur logement, s'ils veulent rejoindre leur enfant mineur.

En ce qui concerne les articles 6 et 7 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer conjointement B.37. Les articles 10 et 10bis de la loi relative aux étrangers, tels qu'ils ont été remplacés par les articles 6 et 7 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer, exigent que l'étranger qui est rejoint dans le Royaume par ceux qui ont ou demandent, sur la base de ces dispositions, un permis de séjour de plus de trois mois, dispose d'un logement suffisant. En vertu de l'article 10, § 2, alinéa 2, dernière phrase, et de l'article 10bis, § 1er, alinéa 2, et § 2, alinéa 3, le Roi fixe les conditions auxquelles l'étranger est réputé disposer d'un logement suffisant.

B.38. Les parties requérantes dans l'affaire n° 4191 prennent, contre ces dispositions, un quatrième moyen de la violation de l'article 39 de la Constitution et de l'article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en ce qu'elles habilitent le Roi à fixer les cas dans lesquels l'étranger est réputé disposer d'un logement suffisant en vue d'un regroupement familial, alors que les régions sont compétentes pour régler la matière du logement et de la police des habitations qui constituent un danger pour la propreté et la salubrité publiques, de sorte que les règles répartitrices de compétence sont violées.

B.39. C'est au législateur fédéral qu'il appartient de mener une politique concernant l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et de prévoir à cet égard, dans le respect du principe d'égalité et de non-discrimination, les mesures nécessaires qui portent notamment sur la fixation des conditions auxquelles le séjour d'un étranger est légal ou non.

B.40. Selon les travaux préparatoires, la condition relative au logement suffisant vise : « à vérifier le respect des normes fondamentales de salubrité et de sécurité. [...] Il ne s'agit pas d'exiger des étrangers de respecter des normes qui ne sont pas exigées en pratique à l'égard de la population belge, mais de s'assurer que l'étranger rejoint n'accueillera pas sa famille dans un logement manifestement impropre à l'habitation et dangereux pour les personnes qui y vivent » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 47).

La mesure tend dès lors à mettre fin à certaines situations inacceptables, comme les logements insalubres voire dangereux et les pratiques des « marchands de sommeil » (ibid., p. 23).

Il s'ensuit que le législateur n'a pas habilité le Roi à fixer Lui-même, de manière abstraite, les normes générales en matière de logement qui s'appliqueraient exclusivement à tous les étrangers, mais seulement à établir une procédure qui permet de constater concrètement à quelles conditions en matière de logement le regroupement familial pourra avoir lieu, dans le respect des exigences élémentaires de sécurité, de santé et de salubrité qui sont en vigueur dans la région concernée, ainsi qu'il ressort par ailleurs de l'article 26/3 de l'arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, tel qu'il a été remplacé par l'article 9 de l'arrêté royal du 27 avril 2007 (Moniteur belge , 21 mai 2007).

En habilitant le Roi à fixer les cas dans lesquels l'étranger est réputé disposer d'un logement suffisant, le législateur a dès lors exercé sa propre compétence telle qu'elle est décrite en B.39 et n'a pas porté atteinte à la compétence en matière de logement qui a été attribuée aux régions.

Le moyen n'est pas fondé.

B.41. En ordre subsidiaire, les parties requérantes dans l'affaire n° 4191 prennent, à l'encontre de ces mêmes dispositions, un cinquième moyen de la violation des articles 10, 11, 22 et 191 de la Constitution, combinés avec les articles 8, 12 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 2 du Quatrième Protocole additionnel à cette Convention. Dans une première branche du cinquième moyen, les parties requérantes estiment que l'article 22 de la Constitution est violé en ce qu'une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale n'est possible que sur la base d'une loi formelle, alors que les dispositions attaquées prévoient que cette ingérence peut être opérée par un arrêté d'exécution.

B.42. Le terme « loi » utilisé à l'article 22, alinéa 1er, de la Constitution désigne une disposition législative. En réservant au législateur compétent le pouvoir de fixer dans quels cas et à quelles conditions il peut être porté atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, cette disposition garantit à tout citoyen qu'aucune immixtion dans ce droit ne pourra avoir lieu qu'en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.

Une délégation à un autre pouvoir n'est pas contraire au principe de légalité, pour autant que l'habilitation soit définie de manière suffisamment précise et porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels sont fixés préalablement par le législateur.

B.43. Compte tenu de l'objectif poursuivi par le législateur, la délégation au Roi qui est attaquée est suffisamment précise pour répondre à la condition du respect du principe de légalité, tel qu'il découle de l'article 22 de la Constitution. Comme il a été dit en B.40, le Roi doit par ailleurs prendre en compte le respect des exigences élémentaires en matière de sécurité, de santé et de salubrité qui sont en vigueur dans la région en question et qui y font l'objet de dispositions ayant force de loi.

Le moyen, en cette branche, n'est pas fondé.

B.44. Dans les deuxième et troisième branches du cinquième moyen, les parties requérantes dans l'affaire n° 4191 allèguent la violation du principe d'égalité et de non-discrimination, combiné avec l'article 8.2 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 2 du Quatrième Protocole additionnel à cette Convention, en ce que l'obligation de disposer d'un logement suffisant vaut uniquement pour les étrangers non européens comme condition du regroupement familial et en ce que, même si l'objectif poursuivi est licite, la mesure est manifestement disproportionnée et affecte ainsi l'exercice même du droit au regroupement familial.

Dans la quatrième branche du cinquième moyen de l'affaire n° 4191, les parties requérantes font valoir que le caractère disproportionné de l'exigence découle enfin de la lecture combinée des dispositions attaquées avec l'article 10ter, § 2, de la loi relative aux étrangers, tel qu'il a été inséré par l'article 8 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer, en ce que le regroupant doit, le cas échéant, disposer pendant quinze mois d'un logement adéquat avant qu'il soit statué sur la possibilité de regroupement, ce qui aurait des effets financiers déraisonnables pour le demandeur.

B.45. Les parties requérantes ne démontrent pas en quoi l'article 2 du Quatrième Protocole additionnel serait violé. L'article 2.1 de ce Protocole garantit le droit de ceux qui sont en séjour légal sur le territoire d'un Etat de s'y déplacer librement et d'y choisir librement un domicile. Cette liberté ne s'applique donc pas à ceux qui ne sont pas encore en séjour légal sur le territoire et introduisent uniquement une demande afin d'y séjourner.

En ce qu'il invoque la violation du principe d'égalité et de non-discrimination, combiné avec cette disposition, le moyen, en cette branche, n'est pas fondé.

B.46. La différence de traitement, en ce qui concerne l'obligation de disposer d'un logement suffisant, entre les étrangers issus d'un Etat membre de l'Union européenne et les étrangers non européens repose sur un critère objectif. Les Etats membres de l'Union européenne forment une communauté dotée d'un ordre juridique spécifique et ayant institué une citoyenneté propre, caractérisée par un certain nombre de droits et d'obligations. Une différence de traitement fondée sur l'appartenance à cette communauté qui accorde aux ressortissants d'un Etat membre de celle-ci des avantages sur la base de la réciprocité repose sur un critère objectif.

La différence de traitement tient à l'objectif poursuivi par le législateur, qui consiste à freiner l'immigration tout en tenant compte de la situation des étrangers qui ont des liens avec d'autres étrangers autorisés à séjourner dans le Royaume. Il n'est pas contraire à cet objectif de soumettre le regroupement familial entre étrangers qui ne sont pas ressortissants de l'Union européenne à des conditions plus strictes que le regroupement familial d'étrangers qui sont ressortissants de l'Union européenne. Ainsi, l'un des principes fondamentaux qui caractérise la citoyenneté européenne, à savoir la libre circulation des personnes, a eu pour effet que la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, qui concerne notamment le droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire, à l'inverse de l'article 7, paragraphe 1, point a), de la directive 2003/86/CE, n'offre aucune possibilité de prévoir une condition relative au logement suffisant.

Les dispositions attaquées sont dès lors objectivement et raisonnablement justifiées en ce qu'elles établissent une différence de traitement entre les étrangers qui sont ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne et les autres étrangers.

B.47. Quant à la conformité de la mesure attaquée au principe d'égalité et de non-discrimination, combiné avec l'article 8.2 de la Convention européenne des droits de l'homme et en particulier quant au caractère prétendument disproportionné de la mesure, l'obligation de prouver que l'étranger rejoint dispose d'un logement suffisant est dictée par le souci de mettre fin à certaines situations inacceptables en rapport avec le logement des étrangers, ainsi qu'il ressort du B.40. Il a également été souligné que le regroupant doit non seulement être en mesure d'accueillir sa famille d'une manière conforme à la dignité humaine, mais aussi assumer ses propres responsabilités à cet égard, sans pouvoir les rejeter sur les autorités belges (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, pp. 23-24).

Par ailleurs, la preuve que l'on dispose d'un logement suffisant n'est pas exigée lorsqu'il s'agit de personnes ayant un lien de parenté ou d'alliance avec le regroupant et que ce lien ou le partenariat enregistré sont antérieurs à l'entrée de cet étranger dans le Royaume, pour autant que la demande ait été introduite dans l'année suivant la décision reconnaissant la qualité de réfugié à l'étranger rejoint.

La condition est pertinente afin d'atteindre l'objectif poursuivi par le législateur, dans un contexte européen. Le droit au respect de la vie privée et familiale n'empêche pas que le regroupement familial soit soumis à des conditions et que le regroupant soit tenu de créer les circonstances qui permettent le regroupement familial dans le respect de la dignité humaine. L'ingérence dans la vie privée et familiale est dès lors conforme à l'un des objectifs que le législateur est en droit de poursuivre et n'est pas disproportionnée par rapport à celui-ci.

La circonstance qu'il doit être satisfait à cette condition lors de l'introduction de la demande n'est pas non plus disproportionnée. On peut attendre du regroupant qu'il puisse offrir une stabilité suffisante en ce qui concerne le logement et qu'il dispose dès lors avec certitude du logement requis au moment où il sera statué sur la demande. L'autorité ne peut en être certaine que si la personne rejointe dispose déjà de ce logement lors de l'introduction de la demande d'autorisation de séjour, étant donné que l'approbation de la demande confère aussi immédiatement un droit de séjour qui est exigible dès ce moment. Enfin, le délai de neuf mois prévu à l'article 10ter de la loi relative aux étrangers est un délai maximum et les prolongations pouvant donner lieu à un délai de quinze mois entre la demande et le moment où il est fait droit à cette demande ne sont possibles que « dans des cas exceptionnels liés à la complexité de l'examen de la demande » (article 10ter, § 2, alinéa 2).

Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'article 9 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer B.48. L'article 11, § 2, alinéa 1er, 1°, de la loi relative aux étrangers, remplacé par l'article 9 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer, habilite le ministre ou son délégué à décider que l'étranger qui a été admis à séjourner dans le Royaume en vertu de l'article 10 de la loi relative aux étrangers n'a plus le droit d'y séjourner lorsqu'il ne satisfait plus à l'une des conditions fixées dans cet article.

B.49. Les parties requérantes dans l'affaire n° 4191 prennent contre cette disposition un sixième moyen, en ce qu'elle autoriserait le retrait ou le refus d'une prolongation d'un titre de séjour qui a été octroyé dans le cadre du regroupement familial, lorsque l'étranger disposant d'un titre de séjour souffre, au cours de son séjour dans le Royaume, d'une maladie qui risque de mettre en danger la santé publique et est mentionnée au point A de l'annexe à la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer et qu'il ne satisfait dès lors plus à une condition à laquelle il convenait de satisfaire lors de sa demande, à savoir apporter la preuve qu'il ne souffre pas d'une telle maladie.

Interprétée de la sorte, cette disposition violerait l'article 22 de la Constitution, combiné ou non avec les articles 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l'homme ou avec l'article 6, paragraphe 3, de la directive 2003/86/CE. B.50. Dans l'exposé des motifs de la disposition attaquée, il a été affirmé expressément : « Par ailleurs, conformément à l'article 6, § 3, de la directive [2003/86/CE], la seule survenance d'une maladie après la délivrance du titre de séjour ne pourra servir de base à une décision mettant fin au séjour de l'intéressé » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 59).

L'article 6, paragraphe 3, de la directive 2003/83/CE énonce : « La seule survenance de maladies ou d'infirmités après la délivrance du titre de séjour ne peut justifier le refus de renouvellement du titre de séjour ou l'éloignement du territoire par l'autorité compétente de l'État membre concerné ».

Il découle de l'exposé des motifs que la disposition attaquée doit être interprétée d'une manière conforme à la directive et qu'elle n'a dès lors pas la portée que lui donnent les parties requérantes. La circonstance que l'application de l'article 6, paragraphe 3, de la directive 2003/83/CE ne figure pas expressément comme une exception à la possibilité prévue par l'article 11, § 2, alinéa 1er, 1°, de la loi relative aux étrangers ne permet pas de déduire que cette dernière disposition viole les articles invoqués dans le moyen.

Le moyen n'est pas fondé.

B.51. L'article 11, § 2, alinéa 1er, 4°, de la loi relative aux étrangers, remplacé par l'article 9 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer, habilite le ministre ou son délégué à décider que l'étranger qui a été admis à séjourner dans le Royaume sur la base de l'article 10 de la loi relative aux étrangers n'a plus le droit d'y séjourner s'il a utilisé des informations fausses ou trompeuses ou des documents faux ou falsifiés, ou a recouru à la fraude ou à d'autres moyens illégaux afin d'être admis au séjour, ou s'il est établi que le mariage, le partenariat ou l'adoption ont été conclus uniquement pour lui permettre d'entrer ou de séjourner dans le Royaume. Cette possibilité n'est pas limitée dans le temps.

L'article 11, § 2, alinéas 2 et 3, de la loi relative aux étrangers fixe le délai dans lequel une même décision qui est fondée sur d'autres motifs (à savoir ceux visés à l'article 11, § 2, alinéa 1er, 1° et 3°) peut être prise.Ces mêmes dispositions permettent au ministre ou à son délégué de procéder ou de faire procéder à des contrôles en vue de la prorogation ou du renouvellement du titre de séjour, afin de vérifier si l'étranger remplit les conditions de l'article 10 de la loi et de procéder ou de faire procéder à tout moment à des contrôles spécifiques lorsqu'il existe des présomptions fondées de fraude ou de situations de complaisance afin de permettre à la personne concernée d'entrer ou de séjourner dans le Royaume.

L'article 11, § 2, alinéas 2 et 3, énonce : « La décision fondée sur le point 1°, 2° ou 3° ne peut être prise qu'au cours de l'admission au séjour pour une durée limitée. Dans ce cadre, le motif visé au point 1°, 2° ou 3° constituera une motivation suffisante au cours des deux premières années suivant la délivrance du titre de séjour ou, dans les cas visés à l'article 12bis, §§ 3 ou 4, suivant la délivrance du document attestant que la demande a été introduite. Au cours de la troisième année suivant la délivrance du titre de séjour ou, dans les cas visés à l'article 12bis, §§ 3 ou 4, suivant la délivrance du document attestant que la demande a été introduite, cette motivation ne sera suffisante que si elle est complétée par des éléments indiquant une situation de complaisance.

Le ministre ou son délégué peut procéder ou faire procéder à des contrôles en vue de la prorogation ou du renouvellement du titre de séjour, afin de vérifier si l'étranger remplit les conditions de l'article 10. Il peut à tout moment procéder ou faire procéder à des contrôles spécifiques lorsqu'il existe des présomptions fondées de fraude ou que le mariage, le partenariat ou l'adoption a été conclu pour permettre à la personne concernée d'entrer ou de séjourner dans le Royaume ».

B.52. Les parties requérantes dans l'affaire n° 4191 prennent, contre ces dispositions, un septième moyen de la violation de l'article 22 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que les dispositions attaquées permettent de contrôler durant trois ans le respect de toutes les conditions figurant à l'article 10 de la loi relative aux étrangers, ceci pouvant mener au retrait du droit au regroupement familial, alors que l'ingérence dans la vie privée qu'implique un tel contrôle doit être prévue par la loi, poursuivre un but légitime et être proportionnée.

B.53. Selon l'exposé des motifs, les dispositions attaquées sont dictées par le souci de lutter contre les abus dans le cadre du regroupement familial en général et contre la fraude en particulier.

Par cet objectif, elles sont la transposition des possibilités offertes par l'article 16 de la directive 2003/86/CE et sont justifiées comme suit : « En ce qui concerne le motif selon lequel les conditions de l'article 10 se sont plus remplies, il devra être utilisé de manière raisonnable, eu égard notamment à la nature et la solidité des liens familiaux de la personne (cf. article 17 de la directive).

En ce qui concerne la situation de l'enfant handicapé de plus de 18 ans, s'il est constaté que le regroupant ne dispose plus des moyens de subsistance requis et recourt à l'aide sociale, il devra en outre être examiné dans quelle mesure les membres de la famille contribuent au revenu du ménage, conformément à l'article 16, § 1er, a), de la directive.

En ce qui concerne le motif du défaut d'entretien d'une vie conjugale ou familiale effective, il découle de la finalité du droit au regroupement familial qui vise à assurer la protection de la famille et le maintien ou la création de la vie familiale (cf. 4e et 6e considérants de la directive).

Cela signifie que la poursuite du séjour des membres de la famille visés en Belgique est conditionnée par le maintien de la situation familiale invoquée dans le cadre du regroupement familial. Celui-ci vise en effet à permettre la reconstitution ou la création d'une cellule conjugale ou familiale sur le territoire belge, et est donc fondé sur la volonté des personnes concernées de vivre ensemble. En cas de rupture de l'effectivité de cette vie conjugale ou familiale, démontrée notamment par une séparation de fait, la situation des membres de la famille doit pouvoir être revue (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, pp. 57-58) ».

En ce qui concerne plus particulièrement l'article 11, § 2, alinéa 1er, 4°, de la loi relative aux étrangers, l'exposé des motifs précise : « Quant au motif relatif à l'utilisation d'informations fausses ou trompeuses ou de documents faux ou falsifiés, ou au recours à la fraude, il s'agit de la transposition littérale de l'article 16, § 2, a), de la directive et d'une application particulière du principe général de droit ' Fraus omnia corrumpit '. Il va de soi que seuls des éléments remettant fondamentalement en cause la décision de reconnaître le droit au regroupement familial seront à la base de l'application de ce motif.

Conformément à une observation du Conseil d'Etat, ce motif est complété par rapport aux cas visés à l'article 16, § 2, b), de la directive, dans lesquels il est constaté que le mariage, le partenariat ou l'adoption ont été conclus principalement pour permettre à la personne concernée de se voir reconnaître le droit de séjourner en Belgique » (ibid., p. 59).

B.54.1. En ce qui concerne le délai dans lequel peut être prise une décision fondée sur les trois premiers motifs mentionnés à l'alinéa 1er, il est dit dans l'exposé des motifs : « La période au cours laquelle la décision de mettre fin au séjour pourra être prise est limitée, sauf dans les cas de fraude, à la période pendant laquelle le membre de la famille concerné est admis au séjour pour une durée limitée.

En vertu de l'article 13, § 1er, alinéa 2, nouveau [...], il s'agit d'une période de trois ans à partir de la délivrance du titre de séjour. Dans les cas où la demande peut être introduite en Belgique, cette période commencera toutefois à courir à partir de la délivrance du document attestant que la demande a été introduite (et a été considérée recevable parce que complète). A l'expiration de cette période, il ne sera plus possible de mettre fin au séjour de l'intéressé pour les motifs précités, à l'exception du motif lié à la fraude » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, pp. 59-60).

Les moyens d'action dont dispose le ministre ou son délégué diffèrent selon la période où ils sont mis en oeuvre, ce qui a été commenté comme suit : « C'est la raison pour laquelle l'article 11, § 2, 2°, nouveau, prévoit que, dans de tels cas, le ministre ou l'Office des étrangers peut décider de mettre fin au séjour du membre de la famille concerné, pendant un délai de trois ans.

Les moyens d'action du ministre ou de son délégué ne sont toutefois pas identiques sur toute cette période : en effet, - au cours des deux premières années suivant la délivrance du titre de séjour ou, dans les cas où la demande peut être introduite en Belgique, suivant la délivrance du document attestant que la demande a été introduite (et a été considérée recevable parce que complète), la simple constatation d'un divorce ou d'un défaut de cohabitation constituera une motivation suffisante d'une décision de mettre fin au séjour du membre de la famille concerné; - au cours de la troisième année suivant la délivrance du titre de séjour ou, dans les cas où la demande peut être introduite en Belgique, suivant la délivrance du document attestant que la demande a été introduite (et a été considérée recevable parce que complète), la motivation précitée n'est suffisante que si elle est complétée par des éléments indiquant une situation de complaisance, tels que, par exemple, une poursuite par le Parquet en vue de l'annulation du mariage, la constatation par un juge pénal du caractère de complaisance du mariage ou des éléments indiquant que l'étranger rejoint, son conjoint ou son partenaire a entretenu en parallèle une relation avec une autre personne » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, pp. 58-59).

B.54.2. En ce qui concerne les contrôles qui peuvent être effectués, lesquels sont précisés à l'article 11, § 2, alinéa 3, de la loi relative aux étrangers, les travaux préparatoires contiennent ce qui suit : « Conformément à l'article 16, § 4, de la directive, l'article 11, § 2, nouveau, prévoit la possibilité du ministre ou de son délégué d'exercer des contrôles de deux types : - des contrôles spécifiques lorsqu'il existe des présomptions fondées de fraude ou de mariage, partenariat ou adoption de complaisance, conclu en vue de permettre à l'intéressé d'entrer ou de séjourner en Belgique; - des contrôles à vocation plus ' généraliste ' (maintien des conditions du regroupement familial, effectivité de la vie conjugale ou familiale) en vue de la prorogation ou du renouvellement du titre de séjour.

Les contrôles ne seront effectués que dans les cas où cela paraît indiqué. En réponse à une observation du Conseil d'Etat, il en sera par exemple ainsi lorsque l'administration constatera ou sera informée que les conjoints ou partenaires ne résident plus à la même adresse.

Dans ce cas, le contrôle aura pour objet de vérifier cette constatation ou information, en vue d'en tirer les conséquences éventuellement nécessaires.

Comme c'est déjà le cas à l'heure actuelle pendant la période d'examen de la demande de regroupement familial, ce contrôle sera effectué par un agent de police, en général l'agent de quartier, qui vérifiera si les personnes vivent sous le même toit, par une rencontre avec les personnes concernées. Dans ce cadre, cet agent ne peut avoir accès au domicile des personnes concernées que si celles-ci l'y autorisent (cf. circulaire du 29.09.2005 relative au modèle de rapport de cohabitation ou d'installation commune, Moniteur belge, 29.09.2005).

Ce type de contrôle ne peut être considéré comme une ingérence dans l'exercice du droit à la vie familiale, dont le respect est - comme le rappelle le Conseil d'État dans son avis - garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 22 de la Constitution, dans la mesure où l'objectif est précisément de vérifier qu'il existe bien une vie familiale, qui conditionne le droit au regroupement familial.

L'immixtion éventuelle dans la vie privée et familiale des intéressés n'est par ailleurs pas disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi. L'objectif est en effet principalement de pouvoir lutter contre les abus rencontrés dans le cadre du regroupement familial et notamment les situations actuelles dans lesquelles l'étranger quitte le conjoint qu'il a rejoint après avoir obtenu le certificat d'inscription au registre des étrangers (CIRE) constatant son droit à séjourner en Belgique. Le regroupement familial ne peut en effet conduire à ce qu'un étranger acquière un titre de séjour pour vivre séparé de son conjoint, alors que la constitution ou la reconstitution de la vie familiale est le motif déterminant de la reconnaissance du droit de séjour.

Le délai de trois ans au cours duquel le contrôle peut être poursuivi n'est pas déraisonnable dans la mesure où celui-ci ne sera effectué que dans les cas où cela paraît indiqué et où le système vise à mettre fin à des situations d'abus qui ne donnent pas lieu, dans la pratique et vu l'arriéré judiciaire, aux décisions d'annulation du mariage qu'elles devraient entraîner » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, pp. 60-61).

B.55. L'article 11, § 2, alinéa 1er, 4°, de la loi relative aux étrangers permet de mettre fin au droit au séjour dans le Royaume d'un étranger qui a utilisé des informations fausses ou trompeuses ou des documents faux ou falsifiés ou a recouru à la fraude ou à d'autres moyens illégaux ou lorsqu'il est établi que le mariage, le partenariat ou l'adoption ont été conclus uniquement pour lui permettre d'entrer ou de séjourner dans le Royaume. Les cas sont définis de manière suffisamment précise, de sorte qu'il est satisfait aux exigences des dispositions visées dans le moyen. La mesure répond en outre aux objectifs de sûreté publique et de défense de l'ordre que le législateur, en vertu de l'article 8.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, peut poursuivre lorsqu'il apporte des restrictions au respect du droit à la vie privée et familiale. La circonstance que la mesure peut être appliquée sans limite de temps n'est, enfin, pas disproportionnée par rapport à l'objectif qui consiste à éviter diverses formes d'abus de recours au droit au regroupement familial, qui reposent sur une fraude commise par l'étranger lui-même.

En ce qu'il est dirigé contre l'article 11, § 2, alinéa 1er, 4°, de la loi relative aux étrangers, le moyen n'est pas fondé.

B.56. Les délais visés à l'article 11, § 2, alinéa 2, doivent permettre de vérifier tant la stabilité du regroupement familial que les conditions auxquelles il peut se réaliser, ce qui constitue un but licite, du point de vue de l'article 8.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, que l'article 16, paragraphe 1, de la directive 2003/86/CE autorise expressément. En effet, l'autorisation de séjour a précisément été délivrée afin de permettre à l'étranger de rejoindre sa famille dans des circonstances conformes à la dignité humaine.

La mesure est pertinente pour vérifier si le droit au séjour n'a pas été détourné de cet objectif et si les conditions sont remplies pour que l'objectif puisse continuer à être réalisé.

La mesure n'est pas disproportionnée puisqu'elle ne peut en principe être appliquée qu'au cours des deux premières années, et uniquement si elle paraît indiquée, et que l'application au cours de la troisième année est soumise à la condition supplémentaire de la présence d'éléments qui indiquent une situation de complaisance et qui ont été définis de manière suffisamment précise dans l'exposé des motifs mentionné en B.54.1, sur la base des exemples qui ont été donnés.

En ce qu'il est dirigé contre l'article 11, § 2, alinéa 2, de la loi relative aux étrangers, le moyen n'est pas fondé.

B.57. La possibilité que l'article 11, § 2, alinéa 3, de la loi relative aux étrangers offre au ministre ou à son délégué, d'une part, de procéder ou de faire procéder à des « contrôles » en vue de la prorogation ou du renouvellement du titre de séjour, afin de vérifier si l'étranger remplit les conditions de l'article 10, et, d'autre part, de procéder ou de faire procéder à tous moments à des « contrôles spécifiques » lorsqu'il existe des présomptions fondées de fraude ou que le mariage, le partenariat ou l'adoption ont été conclus pour permettre à la personne concernée d'entrer ou de séjourner dans le Royaume, est une transposition quasi littérale de la possibilité offerte par l'article 16, paragraphe 4, de la directive 2003/86/CE, qui énonce : « Les Etats membres peuvent procéder à des contrôles spécifiques lorsqu'il existe des présomptions fondées de fraude ou de mariage, partenariat ou adoption de complaisance tels que définis au paragraphe 2. Des contrôles spécifiques peuvent également être effectués à l'occasion du renouvellement du titre de séjour de membres de la famille ». Ce seul constat ne dispense toutefois pas le législateur de l'obligation de prendre en compte, lorsqu'il met en oeuvre la possibilité offerte par la directive, les exigences auxquelles doit répondre une telle mesure d'instauration de contrôles pour que celle-ci soit compatible avec l'article 22 de la Constitution, combiné avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.58. Les travaux préparatoires mentionnés en B.54.2 font apparaître que les contrôles en question visent en particulier à vérifier s'il existe effectivement une vie familiale entre l'étranger rejoint et les étrangers qui ont reçu un titre de séjour en vue du regroupement familial, en examinant s'ils vivent ensemble. Etant donné il s'agit de contrôles qui ne dépassent pas la collecte, auprès des étrangers concernés, de l'information par laquelle des constats purement administratifs ou matériels peuvent être confirmés en collaboration avec les intéressés, ces contrôles, dans les circonstances qui sont clairement définies dans les travaux préparatoires, à défaut d'une atteinte quelconque de l'autorité à la vie privée, ne peuvent être considérés comme une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 22 de la Constitution et par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La possibilité de procéder à des contrôles afin de vérifier « si l'étranger remplit les conditions de l'article 10 » de la loi relative aux étrangers implique que le ministre ou son délégué puisse procéder ou faire procéder à des contrôles qui portent sur d'autres conditions que celles de l'effectivité de la vie commune des étrangers en question. Bien que les travaux préparatoires ne précisent pas la portée des contrôles dans ces hypothèses, on ne saurait en déduire que la disposition attaquée permettrait au ministre ou à son délégué de faire plus que demander simplement des informations aux intéressés afin de pouvoir vérifier le respect de ces autres conditions. Une telle habilitation n'est pas de nature à autoriser des atteintes au droit au respect de la vie privée et familiale qui ne sont pas compatibles avec l'article 22 de la Constitution, combiné avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Sous réserve de cette interprétation, le moyen n'est pas fondé, en ce qu'il est dirigé contre l'article 11, § 2, alinéa 3, de la loi relative aux étrangers.

En ce qui concerne l'article 26 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer B.59. L'article 26 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer insère dans la loi relative aux étrangers un article 48/4 concernant le statut de protection subsidiaire qui est accordé à un étranger. Selon cette disposition : « § 1er. Le statut de protection subsidiaire est accordé à l'étranger qui ne peut être considéré comme un réfugié et qui ne peut pas bénéficier de l'article 9ter, et à l'égard duquel il y a de sérieux motifs de croire que, s'il était renvoyé dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, il encourrait un risque réel de subir les atteintes graves visées au paragraphe 2, et qui ne peut pas ou, compte tenu de ce risque, n'est pas disposé à se prévaloir de la protection de ce pays et ce, pour autant qu'il ne soit pas concerné par les clauses d'exclusion visées à l'article 55/4. § 2. Sont considérées comme atteintes graves : a) la peine de mort ou l'exécution;ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants du demandeur dans son pays d'origine;ou c) les menaces graves contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». B.60. Le quatrième moyen dans l'affaire n° 4188 et le huitième moyen dans l'affaire n° 4191 sont dirigés contre cette disposition et sont pris de la violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 2, point e), combiné avec l'article 15, de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 « concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts », en ce que les étrangers qui craignent des atteintes graves par suite de la privation d'un traitement médical seraient exclus de l'octroi du statut de protection subsidiaire et seraient dès lors discriminés par rapport aux étrangers qui, en raison d'un risque d'une autre forme d'atteinte grave, pourraient demander ce statut ainsi que les droits qui y sont attachés.

B.61. L'article 2, point e), de la directive 2004/83/CE dispose : « ' personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire ', tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 15, l'article 17, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays; ».

L'article 15 de cette même directive dispose : « Les atteintes graves sont : a) la peine de mort ou l'exécution, ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine, ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'article 17 de cette même directive dispose : « 1. Un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride est exclu des personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire s'il existe des motifs sérieux de considérer : a) qu'il a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;b) qu'il a commis un crime grave de droit commun;c) qu'il s'est rendu coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies tels qu'ils sont énoncés dans le préambule et aux articles 1 et 2 de la charte des Nations unies;d) qu'il représente une menace pour la société ou la sécurité de l'État membre dans lequel il se trouve.2. Le paragraphe 1 s'applique aux personnes qui sont les instigatrices des crimes ou des actes visés par ledit paragraphe, ou qui y participent de quelque autre manière.3. Les Etats membres peuvent exclure tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride des personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire si, avant son admission dans l'Etat membre, il a commis un ou plusieurs crimes qui ne relèvent pas du champ d'application du paragraphe 1 et qui seraient passibles d'une peine de prison s'ils avaient été commis dans l'État membre concerné, et s'il n'a quitté son pays d'origine que dans le but d'échapper à des sanctions résultant de ces crimes ». Il apparaît de la comparaison entre la disposition attaquée et les articles précités que le législateur a transposé les articles en question de la directive dans l'article 48/4 de la loi relative aux étrangers, étant entendu qu'il fait également expressément référence à la procédure spécifique prévue par l'article 9ter de cette loi pour l'étranger séjournant en Belgique qui souffre d'une maladie telle qu'elle implique un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu'il n'y a pas de traitement adéquat dans son pays d'origine ou dans le pays où il séjourne.

B.62. La différence de traitement critiquée dans les moyens est identique à celle que vise le moyen qui a été formulé contre l'article 9ter de la loi relative aux étrangers et qui a été examiné en B.9 à B.15.

Dès lors qu'il a déjà été tenu compte, dans le cadre de l'examen du moyen dirigé contre cet article, de la directive mentionnée en B.61, ces moyens doivent également être rejetés pour les mêmes motifs, en particulier, ceux mentionnés en B.13, parce que, lorsque la procédure fondée sur l'article 9ter de la loi relative aux étrangers ne permet pas de vérifier si l'étranger a effectivement accès au traitement médical, dans le pays d'origine ou dans le pays où il séjourne, celui-ci doit pouvoir, par application de ce qui est dit en B.11, invoquer la procédure de protection subsidiaire afin qu'il soit procédé encore à cette vérification, pour que l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme soit respecté.

Les moyens ne sont pas fondés.

En ce qui concerne l'article 39 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer B.63. L'article 51/5 de la loi relative aux étrangers, modifié par l'article 39 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer, dispose : « § 1er. Dès que l'étranger introduit une demande d'asile à la frontière ou à l'intérieur du Royaume, conformément à l'article 50, 50bis, 50ter ou 51, le Ministre ou son délégué procède à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, en application de la réglementation européenne liant la Belgique.

A cette fin, peut être maintenu dans un lieu déterminé le temps strictement nécessaire, sans que la durée de ce maintien ou de cette détention puisse excéder un mois : 1° l'étranger qui dispose d'un titre de séjour ou d'un document de voyage, revêtu d'un visa ou d'une attestation tenant lieu de visa, dont la durée de validité est expirée, délivré par un Etat tenu par la réglementation européenne relative à la détermination de l'Etat responsable du traitement de la demande d'asile, ou 2° l'étranger qui ne dispose pas des documents d'entrée visés à l'article 2 et qui, d'après ses propres dires, a séjourné dans un tel Etat, ou;3° l'étranger qui ne dispose pas des documents d'entrée visés à l'article 2 et dont la prise d'empreintes digitales conformément à l'article 51/3 indique qu'il a séjourné dans un tel Etat. Lorsqu'il est démontré que le traitement d'une demande de prise ou de reprise en charge d'un demandeur d'asile est particulièrement complexe, le délai de maintien ou de détention peut être prolongé par le ministre ou son délégué d'une période d'un mois.

Nonobstant l'alinéa 1er, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides examine la demande d'asile introduite par un bénéficiaire de la protection temporaire autorisé à ce titre à séjourner dans le Royaume.

Si l'étranger ne donne pas suite a une convocation ou à une demande de renseignements dans les quinze jours de l'envoi de celle-ci, il est présumé avoir renoncé à sa demande d'asile. § 2. Même si en vertu des critères de la réglementation européenne, liant la Belgique, le traitement de la demande n'incombe pas à la Belgique, le ministre ou son délégué peut à tout moment décider que la Belgique est responsable pour l'examen de la demande. La demande dont le traitement incombe à la Belgique, ou dont elle assume la responsabilité, est examinée conformément aux dispositions de la présente loi. § 3. Si la Belgique n'est pas responsable de l'examen de la demande, le Ministre ou son délégué saisit l'Etat responsable aux fins de prise ou de reprise en charge du demandeur d'asile dans les conditions prévues par la réglementation européenne liant la Belgique.

Lorsque le demandeur d'asile doit être transféré vers l'Etat responsable, le Ministre ou son délégué peut lui refuser l'entrée ou le séjour dans le Royaume et lui enjoindre de se présenter auprès des autorités compétentes de cet Etat avant une date déterminée.

Si le Ministre ou son délégué l'estime nécessaire pour garantir le transfert effectif, il peut faire ramener sans délai l'étranger à la frontière.

A cette fin, l'étranger peut être détenu ou maintenu dans un lieu déterminé pendant le temps strictement nécessaire à l'exécution du transfert, sans que la durée de la détention ou du maintien puisse excéder un mois. Il n'est pas tenu compte de la durée du maintien ou de la détention visé au § 1er, alinéa 2 ».

B.64. La partie requérante dans l'affaire n° 4188 invoque contre l'article 51/5, § 1er, alinéas 2 et 3, de la loi relative aux étrangers un cinquième moyen, pris de la violation des articles 10, 11, 12 et 191 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'est créée la possibilité de détenir un demandeur d'asile durant une période (prorogeable) d'un mois, pendant l'examen de la responsabilité de la Belgique pour le traitement de la demande d'asile en application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers (dit : règlement de Dublin).

B.65. L'article 12 de la Constitution dispose que la liberté individuelle est garantie. Lue en combinaison avec l'article 191 de la Constitution, cette disposition n'empêche pas qu'en ce qui concerne la liberté individuelle qu'elle garantit, il soit établi une différence de traitement à l'égard d'étrangers, pour autant que cette différence de traitement puisse être objectivement et raisonnablement justifiée.

B.66. Si l'article 5.1 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que toute personne a droit à la liberté et à la sûreté, l'alinéa f) de cette disposition permet qu'une personne soit privée de sa liberté, selon les voies légales, « s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours ». La Cour européenne des droits de l'homme a confirmé que, sous réserve de leurs obligations en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme, les Etats jouissent du droit indéniable de contrôler souverainement l'entrée et le séjour des étrangers sur leur territoire (CEDH, 25 juin 1996, Amuur c. France, § 41; 15 novembre 1996, Chahal c. Royaume-Uni, § 73;confirmé récemment par l'arrêt du 29 janvier 2008, (G.C.), Saadi c. Royaume-Uni, § 64). La faculté pour les Etats de placer en détention des candidats à l'immigration ayant sollicité - par le biais d'une demande d'asile ou non - l'autorisation d'entrer dans le pays est un corollaire indispensable de ce droit, de sorte que la détention d'immigrés est compatible avec l'article 5.1, alinéa f), de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, 29 janvier 2008, (G.C.), Saadi c. Royaume-Uni, § 64).

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, il est requis en la matière que la détention soit conforme aux règles nationales matérielles et procédurales applicables et à l'objectif de l'article 5, qui est de protéger l'individu contre une privation de liberté arbitraire (CEDH, 18 décembre 1986, Bozano c. France, § 54; 25 juin 1996, Amuur c. France, § 50; Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, § 118; 6 mars 2001, Dougoz c. Grèce, § 54). Ces normes nationales doivent répondre à une série d'exigences de qualité : elles doivent, pour les citoyens en général et les étrangers en question en particulier, être suffisamment accessibles et précises afin d'éviter tout danger d'arbitraire (CEDH, 25 juin 1996, Amuur c. France, § 50; 6 mars 2001, Dougoz c. Grèce, § 54). Pour ne pas être taxée d'arbitraire, la mise en oeuvre d'une mesure de détention doit se faire de bonne foi, elle doit être étroitement liée au but consistant à empêcher une personne de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, le lieu et les conditions de détention doivent être appropriés et la durée de la détention ne doit pas excéder le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi (CEDH, 29 janvier 2008, (G.C.), Saadi c. Royaume-Uni, § 74).

Dans le cadre de l'examen de la mesure attaquée au regard des articles 12 et 191 de la Constitution, en particulier pour savoir si la différence de traitement entre les Belges et les étrangers en ce qui concerne la liberté individuelle garantie par l'article 12 de la Constitution, est justifiée de manière objective et raisonnable, la Cour tient compte de la portée de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.67. La mesure attaquée a été justifiée comme suit dans l'exposé des motifs : « La possibilité actuelle de maintenir ou de détenir un étranger une fois qu'il est établi qu'un autre Etat membre de l'UE est responsable du traitement de sa demande d'asile, afin de garantir le transfert vers l'Etat membre responsable, est ramenée d'un délai de deux mois à un mois. Est par la même occasion prévue la possibilité de maintenir ou de détenir un étranger pendant que la procédure Dublin est en cours : il a en effet été constaté que des étrangers disparaissent souvent en cours de procédure. Le maintien d'un étranger diminue par ailleurs les délais de réponse de l'Etat ' Dublin ' auquel est demandé de reconnaître sa responsabilité du traitement de la demande d'asile de l'étranger concerné (article 17/2 du Règlement 343/2003/CE du 18/2/2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers).

N'importe quel étranger ne sera pas détenu : il s'agit des étrangers pour lesquels il est sûr à 100 % qu'un autre Etat membre est responsable du traitement de leur demande d'asile. Plus particulièrement, cette possibilité ne concerne que les étrangers qui disposent de documents d'entrée périmés - soit un permis de séjour périmé, soit un document de voyage périmé, soit un document de voyage valable revêtu d'un visa périmé ou d'une attestation tenant lieu de visa périmée, délivrés par un autre pays Dublin - ou des étrangers qui ne disposent pas des documents d'entrée nécessaires et qui, d'après leurs propres dires ou au vu de la présence de leurs empreintes digitales dans le système Eurodac, ont séjourné dans un autre pays Dublin. La durée du maintien ou de la détention pendant le cours de la procédure Dublin s'élève en principe à un mois. Lorsque l'Etat membre auquel a été demandé de reconnaître sa responsabilité quant au traitement de la demande d'asile d'un étranger, signale, conformément à l'article 18.6 du Règlement 343/2003/CE du 18/2/2003 précité, que le traitement de la requête est particulièrement complexe, ou dans le cas d'une requête de procédure de réexamen, prévue à l'article 5.2 du Règlement de la Commission du 2/9/03 [1560/2003/CE], qui a également trait à une affaire complexe, le délai de maintien ou de détention peut être prolongée d'une période d'un mois. [...] Il est par ailleurs prévu que le délai de maintien ou de détention en vue d'exécuter le transfert de l'étranger n'est pas influencé par le délai de maintien ou de détention de l'étranger pendant la procédure Dublin.

Il ressort de la jurisprudence établie de la Cour de cassation (voir. par ex. Cass. 29/5/1990 dans l'affaire EL YOUMNI) et de la jurisprudence de la CEDH (arrêt du 2/06/05 dans l'affaire NTUMBA KABONGO), que le délai recommence à courir lorsque l'étranger s'oppose illégalement à son transfert vers l'État responsable.

Enfin, il est également prévu que l'étranger qui n'est pas détenu durant la procédure Dublin, mais qui ne collabore pas dans le cadre de cette procédure et ne réagit pas à une demande de renseignements, est considéré comme s'étant désisté de sa demande d'asile. Le dossier d'asile est ainsi clôturé et il reste possible d'entamer éventuellement une nouvelle procédure Dublin ultérieurement, par ex. en application de l'article 4.5. du Règlement 343/2003/CE précité, dans la mesure où la demande d'asile n'a pas été traitée au sens propre du terme » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, pp. 97-99).

B.68. La possibilité de détenir, par application des dispositions attaquées, durant un mois - délai qui peut être prorogé d'un mois dans des circonstances particulières -, un étranger qui n'est pas soupçonné d'une infraction pénale autre que le séjour illégal en Belgique et dont il n'est pas prétendu que son comportement présenterait un danger pour l'ordre public porte directement atteinte au respect de la liberté individuelle, garanti par l'article 12 de la Constitution.

B.69. Eu égard en particulier à l'énumération détaillée des cas dans lesquels un étranger peut être détenu, les dispositions matérielles et procédurales attaquées répondent aux exigences d'accessibilité et de précision évoquées en B.66 afin qu'elles soient compatibles avec l'article 5.1, alinéa f), de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'indispensable application de bonne foi de la mesure ressort de la condition expresse mise à la possibilité d'une détention : celle-ci n'est possible que pour la durée strictement nécessaire à l'examen. La durée maximale d'un mois ne peut dès lors être considérée comme étant la règle ni comme une habilitation à autoriser dans tous les cas la détention pour ce délai. Ce souci du législateur apparaît par ailleurs de la circonstance que le délai maximum a délibérément été diminué de moitié. La possibilité d'une prorogation est également exceptionnelle et limitée au cas où le traitement d'une demande de prise en charge ou de reprise en charge est particulièrement complexe. Le délai dans lequel la détention peut avoir lieu n'est dès lors pas déraisonnablement long.

Il ne peut pas non plus être contesté que la détention en un lieu déterminé soit étroitement liée à l'objectif de la mesure, qui est d'éviter qu'une personne entre irrégulièrement dans le pays et en particulier de déterminer l'Etat membre de l'Union européenne qui est responsable de l'examen de la demande d'asile.

Enfin, il est prévu une protection juridique suffisante pour l'étranger, puisque celui-ci peut contester sa détention tant auprès de la chambre du conseil du tribunal correctionnel, par application de l'article 71 de la loi relative aux étrangers, qu'auprès du Conseil du contentieux des étrangers, par application de l'article 39/2 de la même loi.

En raison des circonstances qui justifient la mesure et des garanties juridictionnelles qui permettent d'en contrôler la légalité, les personnes qu'elle vise ne font pas l'objet d'une atteinte discriminatoire à leur liberté individuelle.

Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'article 42 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer B.70. En vertu de l'article 51/8, alinéa 1er, première phrase, de la loi relative aux étrangers, tel qu'il a été remplacé par l'article 42 attaqué de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer, le ministre ou son délégué peut décider de ne pas prendre la demande d'asile en considération lorsque l'étranger a déjà introduit auparavant la même demande d'asile auprès d'une des autorités désignées par le Roi en exécution de l'article 50, alinéa 1er, et qu'il ne fournit pas de nouveaux éléments montrant qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications qu'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention internationale relative au statut des réfugiés, telle qu'elle est définie à l'article 48/3 ou de sérieuses indications d'un risque réel d'atteintes graves telles qu'elles sont définies à l'article 48/4.

B.71. La partie requérante dans l'affaire n° 4188 prend contre cette disposition un sixième moyen de la violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 8, paragraphe 2, point c), de la directive 2005/85/CE, en ce que le traitement égal des demandes d'asile implique qu'elles soient toutes traitées selon la même procédure, prévue par le législateur, devant le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, qui est la seule autorité administrative à avoir la connaissance et l'expertise des normes qui sont applicables dans le domaine du droit d'asile et du droit des réfugiés.

B.72. Selon les travaux préparatoires, « Les termes de l'article 51/8 sont modifiés en conséquence de la disposition prévue au nouvel article 49/2 de la loi, selon laquelle la demande de reconnaissance du statut de réfugié ou d'octroi du statut de protection subsidiaire » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 99).

La disposition attaquée ne modifie donc pas fondamentalement la possibilité qui existait précédemment pour le ministre ou son délégué de ne pas prendre en considération les demandes d'asile si une demande d'asile a déjà été introduite antérieurement et qu'il n'est pas apporté d'éléments nouveaux pouvant justifier un examen approfondi de la demande.

B.73. Bien que le délai fixé pour la transposition de la directive 2005/85/CE dans la législation nationale ne soit pas encore venu à expiration au moment de l'adoption de la disposition attaquée, il découle de l'application combinée des articles 10, deuxième alinéa, et 249 du Traité CE et de la directive elle-même que, pendant ce délai, le législateur doit s'abstenir de prendre des mesures qui compromettraient sérieusement le résultat prescrit par l'article 8, paragraphe 2, point c), de la directive (voy. CJCE, 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie ASBL c. Région wallonne, § 45).

B.74. La mesure repose sur un critère objectif, à savoir la préexistence d'une demande d'asile et l'absence d'éléments nouveaux, visés par la loi. Elle s'inscrit dès lors dans l'ensemble des mesures qui doivent permettre de faire face à l'augmentation des demandes paraissant d'emblée non fondées en raison de leur réitération. Cette mesure est pertinente au regard de l'objectif poursuivi par le législateur.

La circonstance que les demandes d'asile sont actuellement examinées par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides n'exclut pas que le ministre ou son délégué connaisse d'un dossier afin d'examiner si les conditions d'application de la décision de ne pas prendre en considération la demande d'asile conformément à la disposition attaquée sont réunies, ce qui constitue par ailleurs une condition pour pouvoir conclure qu'il s'agit de la « même demande ».

La décision du ministre ou de son délégué est également susceptible d'un recours devant le Conseil du contentieux des étrangers, de sorte que le demandeur n'est pas privé d'une protection juridictionnelle.

Il découle de ce qui précède que la mesure est raisonnablement justifiée. La mesure ne compromet pas non plus sérieusement le résultat prescrit par l'article 8, paragraphe 2, point c), de la directive 2005/85/CE. Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'article 44 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer B.75. L'article 44 attaqué de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer modifie l'article 52 de la loi relative aux étrangers en ce sens que la compétence pour examiner les demandes d'asile est retirée à l'Office des étrangers et est confiée exclusivement au Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides et que les dispositions de cet article sont adaptées à l'instauration du statut de protection subsidiaire.

B.76. Les parties requérantes dans les deux affaires prennent à l'encontre de ces dispositions un moyen de la violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 3 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 1er, 3 et 33 de la Convention relative au statut des réfugiés et avec l'article 25 de la directive 2005/85/CE, en ce que le Commissaire général pourrait rejeter une demande d'asile après un examen sommaire quant au fond ou pour des motifs purement formels, alors que le traitement égal des demandeurs d'asile implique que chaque demande d'asile soit examinée quant au fond.

B.77. Au cours des travaux préparatoires, la portée de l'examen auquel doit procéder le Commissaire général a été précisée comme suit : « Enfin, en réponse à l'avis du Conseil d'Etat, il peut encore être ajouté que le (nouvel) article 52, qui n'est pas fondamentalement modifié, ne porte pas atteinte à la compétence du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) de soumettre la demande d'asile à un contrôle de son contenu à la lumière des conventions internationales, comme c'est déjà le cas. Au CCE [Conseil du contentieux des étrangers] également, l'examen de la demande d'asile sera appréciée à la lumière des dispositions internationales pertinentes » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 101).

Il apparaît à suffisance que la disposition entreprise, en ce qu'elle modifie la phrase liminaire des paragraphes 1er à 4 afin d'habiliter le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides à ne pas reconnaître le statut de réfugié ou à ne pas octroyer le statut de protection subsidiaire, ne l'habilite pas à ne procéder qu'à un examen sommaire ou à rejeter la demande pour des motifs purement formels, mais qu'il doit examiner les demandes dans leur ensemble et les contrôler notamment au regard des dispositions conventionnelles invoquées dans le moyen. En outre, sa décision peut faire l'objet d'un recours auprès du Conseil du contentieux des étrangers, de sorte que les garanties juridictionnelles nécessaires ont été prévues.

En ce que les motifs mentionnés à l'article 52 de la loi relative aux étrangers touchent à la circonstance que le demandeur d'asile lui-même ne coopère pas à sa procédure d'asile, le législateur peut considérer que sa crainte de retourner dans son pays n'a jamais existé ou a perdu tout caractère actuel, de sorte que l'on n'aperçoit pas pourquoi, compte tenu du grand nombre de dossiers sur lesquels doit se prononcer le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, ce dernier ne pourrait pas rejeter ces demandes sur cette base, compte tenu de l'examen des éléments du dossier dont il dispose à ce moment.

Dès lors qu'il apparaît que la disposition attaquée n'a pas la portée que lui donnent les parties requérantes, le moyen pris dans les deux affaires n'est pas fondé.

En ce qui concerne les articles 53 et 55 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer B.78. Les articles 53 et 55 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer insèrent respectivement, dans la loi relative aux étrangers, un article 55/3 et un article 55/5 qui énoncent : «

Art. 55/3.Un étranger cesse d'être réfugié lorsqu'il relève de l'article 1 C de la Convention de Genève. En application de l'article 1 C (5) et (6) de cette Convention, il convient d'examiner si le changement de circonstances est suffisamment significatif et non provisoire pour que la crainte du réfugié d'être persécuté ne puisse plus être considérée comme fondée ». «

Art. 55/5.Le statut de protection subsidiaire qui est accordé à un étranger cesse lorsque les circonstances qui ont justifié l'octroi de cette protection cessent d'exister ou ont évolué dans une mesure telle que cette protection n'est plus nécessaire. Il convient à cet égard d'examiner si le changement de circonstances qui ont conduit à l'octroi du statut de protection subsidiaire est suffisamment significatif et non provisoire pour écarter tout risque réel d'atteintes graves ».

B.79. La partie requérante dans l'affaire n° 4188 prend contre ces dispositions un huitième moyen de la violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, en ce que le principe d'égalité implique que ceux qui peuvent faire valoir un motif impérieux s'opposant à un retour, même en cas de changement de circonstances significatif dans le pays d'origine, doivent continuer à bénéficier d'une protection sous le statut de réfugié ou de protection subsidiaire. En ne mentionnant pas explicitement dans l'article 55/3 de la loi relative aux étrangers l'exception prévue à l'article 1er, section C, paragraphes 5 et 6, de la Convention relative au statut des réfugiés, la modification législative attaquée est contraire à cette disposition et au principe qu'elle contient.

B.80. L'article 55/3 de la loi relative aux étrangers se réfère expressément à l'article 1er, section C, de la Convention relative au statut des réfugiés, qui contient les motifs de cessation. Ces motifs figurent également à l'article 11 de la directive 2004/83/CE. En se référant expressément à l'article 1er, section C, de la Convention relative au statut des réfugiés et en exigeant que, pour l'application des motifs cinq et six de la cessation du statut de réfugié, « il faut vérifier si le changement des circonstances a un caractère suffisamment profond et pas seulement passager pour enlever la crainte fondée de persécution auprès du réfugié » (Doc. parl., 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 108), le législateur a suffisamment souligné que les motifs impérieux qu'invoque le réfugié afin de refuser de retourner dans le pays dont il possède la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle et qui tiennent à des persécutions antérieures doivent être pris en compte dans le cadre de la décision de mettre fin au statut de réfugié.

En prévoyant à l'article 55/5 de la loi relative aux étrangers qu'« il convient à cet égard d'examiner si le changement de circonstances qui ont conduit à l'octroi du statut de protection subsidiaire est suffisamment significatif et non provisoire pour écarter tout risque réel d'atteintes graves », le législateur a instauré une mesure d'exception équivalente qui est adaptée à la spécificité du statut de protection subsidiaire, de sorte qu'il n'existe aucune différence de traitement injustifiée entre les réfugiés et les étrangers auxquels a été octroyé le statut de protection subsidiaire.

Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'article 58 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer B.81. L'article 57/6 de la loi relative aux étrangers, remplacé par l'article 58 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer, dispose que le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides est notamment compétent, aux termes du 2° de l'alinéa 1er de cet article : « pour ne pas prendre en considération la demande de reconnaissance du statut de réfugié au sens de l'article 48/3 ou d'obtention du statut de protection subsidiaire au sens de l'article 48/4, introduite par un étranger ressortissant d'un Etat membre des Communautés européennes ou par un étranger ressortissant d'un Etat partie à un traité d'adhésion à l'Union européenne qui n'est pas encore entré en vigueur, lorsqu'il ne ressort pas clairement de sa déclaration qu'il existe, en ce qui le concerne, une crainte fondée de persécution au sens de la Convention internationale relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, tel que déterminé à l'article 48/3, ou des motifs sérieux de croire qu'il court un risque réel de subir une atteinte grave telle que déterminée à l'article 48/4 ».

B.82. Les parties requérantes dans les affaires nos 4188 et 4191 prennent contre cette disposition, respectivement, un neuvième et un dixième moyen de la violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 3 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 1er et 3 de la Convention relative au statut des réfugiés, avec les articles 6 et 12 du Traité UE et avec la réserve émise par l'Etat belge au Sixième Protocole annexé au Traité d'Amsterdam du 18 juin 1997, en ce qu'une demande d'asile introduite par un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ne peut être prise en considération, alors que le principe d'égalité implique que toutes les demandes d'asile soient traitées de la même manière, quelle que soit la nationalité du demandeur d'asile, de sorte qu'ils bénéficient tous d'une même protection juridique.

B.83. La disposition attaquée a été dictée par le souci d'éviter l'usage impropre de la procédure d'asile : « De plus en plus de demandes d'asile sont, en outre, introduites par des ressortissants de certains Etats membres de l'Union européenne. En 2005, 995 demandes étaient introduites par des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne dont 773 par des ressortissants slovaques, 93 par des ressortissants tchèques et 90 par des ressortissants hongrois.

A titre de comparaison, le nombre de demandes d'asile introduites par des ressortissants des États membres de l'Union européenne dans les autres Etats membres est négligeable : au cours des neuf premiers mois de 2005, 95 demandes de ce type ont été introduites en Allemagne, 25 aux Pays-Bas, 13 en Finlande, 11 en France, 8 en Espagne, 5 en Irlande et aucune en Grande-Bretagne.

Il ressort de ces chiffres que la Belgique est le pays le plus touché par ce phénomène et constitue manifestement une destination privilégiée pour les demandeurs d'asile européens.

Nous courons donc le risque d'un accroissement des chiffres précités si les autorités belges n'interviennent pas rapidement pour enrayer l'usage inapproprié de la procédure d'asile.

Force est par ailleurs de constater que ces demandes ne se rattachent ni aux critères prévus par la Convention de Genève, ni à d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile.

Il convient par conséquent, comme cela avait déjà été affirmé dans le Protocole sur le droit d'asile pour les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, annexé au Traité instituant la Communauté européenne par le Traité d'Amsterdam (JOCE, C340, 10 novembre 1997), d'empêcher que l'asile en tant qu'institution soit utilisé à des fins autres que celles auxquelles il est destiné.

Il convient toutefois de préciser que, dans le respect de la déclaration faite par la Belgique à l'occasion de l'approbation du Protocole précité, les demandes d'asile des citoyens de l'Union européenne continueront d'être examinées de manière individuelle. Le fait d'être un ressortissant d'un Etat membre de l'UE n'entraîne donc pas automatiquement la non prise en considération de la demande d'asile. S'il ressort toutefois de cet examen individuel que le demandeur ne fournit pas d'élément attestant de l'existence d'une persécution ou d'un risque réel d'atteinte grave à son encontre, la demande ne sera pas prise en considération par le CGRA. Cette décision doit être prise dans un délai de cinq jours ouvrables et est susceptible d'un recours en annulation auprès du Conseil du contentieux des étrangers (voir projet bicaméral), qui peut être assorti d'une demande de suspension de l'exécution de la décision conformément aux conditions fixées.

S'il s'avère par contre que de tels éléments sont produits, la demande sera en principe examinée en priorité par le CGRA, c'est-à-dire avant les autres affaires et dans un délai d'ordre indicatif de 15 jours (voir supra, commentaire de l'article 52/2, § 2).

D'autres pays européens (la France, les Pays-Bas,...), connaissent une procédure accélérée pour les demandes qui sont introduites par des ressortissants de l'Union. Il convient également de souligner que les Etats membres et les candidats Etats membres respectent les droits fondamentaux tels que garantis par la Convention européenne de protection des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales » (Doc. parl., Chambre, DOC 51-2478/001, pp. 113-115).

B.84. La différence de traitement des étrangers repose sur un critère objectif, à savoir le fait que le demandeur est ou non un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à un traité d'adhésion à l'Union européenne. Elle répond à un souci légitime du législateur d'avoir éviter les abus de la procédure d'asile et d'éviter que la Belgique devienne un pôle d'attraction de telles demandes d'obtention du statut de réfugié ou du statut de protection subsidiaire par des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou d'un Etat partie à un traité d'adhésion à l'Union européenne.

Cette différence de traitement est raisonnablement justifiée. En effet, il s'agit de ressortissants d'Etats qui sont tous parties à la Convention européenne des droits de l'homme à laquelle l'article 6 du Traité C.E. fait référence, de sorte que l'on peut partir du principe que les droits fondamentaux des intéressés n'y seront pas violés ou du moins que s'ils l'étaient, les intéressés disposeraient des possibilités de recours nécessaires. Conformément à la réserve que la Belgique a émise au Protocole annexé au Traité d'Amsterdam, tous les dossiers seront examinés individuellement. Il ressort, en outre, du texte même de la disposition attaquée qu'il convient de vérifier s'il existe une crainte fondée de persécution ou des motifs sérieux de croire qu'il existe un risque réel de subir une atteinte grave, impliquant que l'intéressé soit respectivement reconnu comme réfugié ou que lui soit attribué le statut de protection subsidiaire, de manière à respecter également les dispositions conventionnelles invoquées dans le moyen.

Le moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'article 74 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer Situations où la détention de l'étranger peut être décidée B.85. L'article 74, 2°, de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer insère dans l'article 74/6 de la loi relative aux étrangers un paragraphe 1erbis, qui énonce : « L'étranger qui est entré dans le Royaume sans satisfaire aux conditions fixées à l'article 2 ou dont le séjour a cessé d'être régulier, et qui introduit une demande d'asile, peut être maintenu par le ministre ou son délégué dans un lieu déterminé afin de garantir l'éloignement effectif du territoire, lorsque : 1° l'étranger a été renvoyé ou expulsé du Royaume depuis moins de 10 ans et cette mesure n'a pas été suspendue ou rapportée;ou 2° l'étranger a, après avoir quitté son pays ou après le fait l'ayant amené à en demeurer éloigné, résidé plus de trois mois dans un pays tiers, sans crainte au sens de l'article 1er, A(2), de la Convention de Genève, tel que déterminé à l'article 48/3 et sans motifs sérieux qui prouvent le risque réel qu'il subisse une atteinte grave telle que déterminée à l'article 48/4;ou 3° l'étranger a, après avoir quitté son pays ou après le fait l'ayant amené à en demeurer éloigné, résidé dans plusieurs pays tiers pendant une durée totale supérieure à trois mois, sans crainte au sens de l'article 1er, A (2), de la Convention de Genève, tel que déterminé à l'article 48/3 et sans motifs sérieux qui prouvent le risque réel qu'il subisse une atteinte grave telle que déterminée à l'article 48/4;ou 4° l'étranger est en possession d'un titre de transport valable à destination d'un pays tiers, à la condition qu'il dispose des documents de voyage lui permettant de poursuivre son trajet vers ledit pays;ou 5° l'étranger a, sans justification, présenté sa demande après l'expiration du délai fixé à l'article 50, alinéa 1er, 50bis, alinéa 2 ou 51, alinéa 1er ou 2, ou n'a pas satisfait, sans justification, à l'obligation de présentation conformément à l'article 51/6, alinéa 1er, ou 51/7, alinéa 2;ou 6° l'étranger s'est soustrait volontairement à une procédure entamée à la frontière;ou 7° l'étranger visé à l'article 54, § 1er, alinéa 1er, se soustrait, pendant au moins quinze jours, à l'obligation de présentation dont les modalités sont déterminées par un arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres;ou 8° l'étranger n'a pas introduit sa demande au moment où les autorités chargées du contrôle aux frontières l'interrogent sur les raisons de sa venue en Belgique et n'a pas apporté de justification à ce sujet; ou 9° l'étranger a déjà introduit une autre demande d'asile;ou 10° l'étranger refuse de communiquer son identité ou sa nationalité, fournit de fausses informations pour établir son identité ou sa nationalité, ou a présenté des documents de voyage ou d'identité faux ou falsifiés;ou 11° l'étranger a détruit ou s'est débarrassé d'un document de voyage ou d'identité qui pouvait contribuer à constater son identité ou sa nationalité;ou 12° l'étranger introduit une demande d'asile dans le but de reporter ou de déjouer l'exécution d'une décision précédente ou imminente devant conduire à son éloignement;ou 13° l'étranger entrave la prise d'empreintes digitales visée à l'article 51/3;ou 4° l'étranger a omis de déclarer qu'il avait déjà introduit une demande d'asile dans un autre pays lorsqu'il introduit sa demande d'asile;ou 15° l'étranger refuse de déposer la déclaration visée à l'article 51/10, alinéa 1er ». B.86. La partie requérante dans l'affaire n° 4188 prend contre cette disposition un dixième moyen, divisé en trois branches, de la violation, en premier lieu, de l'article 12 de la Constitution (première branche), en raison de la possibilité d'une privation de liberté contraire à cette disposition, ensuite des articles 10, 11 et 191 de la Constitution (deuxième branche), en raison de l'extension de la possibilité de détention aux personnes qui ont introduit une demande d'asile qui n'a pas encore été déclarée irrecevable ou non fondée et, enfin des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 7 de la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 « relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres » et avec l'article 31, paragraphe 1, de la Convention relative au statut des réfugiés (troisième branche), en raison de la possibilité de priver déjà de leur liberté certains demandeurs d'asile au cours de la procédure d'asile, sur la base de critères formels, alors que cette possibilité est limitée aux cas strictement nécessaires.

B.87.1. Dans la première branche du moyen, la partie requérante invoque la violation de l'article 12 de la Constitution, qui garantit la liberté individuelle. Contrairement à ce que semble affirmer le Conseil des ministres, cette branche du moyen ne doit pas être rejetée pour la seule raison qu'elle n'est pas prise également de la violation de l'article 191 de la Constitution. En effet, dès lors qu'en vertu de cette disposition, « tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi », rien n'interdit à un étranger d'invoquer directement devant la Cour la violation à son égard d'une disposition constitutionnelle garantissant un droit fondamental.

B.87.2. La privation de liberté qui résulte de la disposition attaquée, touchant une personne qui n'est pas soupçonnée d'une autre infraction pénale que son séjour illégal sur le territoire et dont il n'est pas prétendu que son comportement présenterait un danger pour l'ordre public, porte atteinte au respect de la liberté individuelle, garanti par l'article 12 de la Constitution.

B.87.3. La mesure en cause est motivée par le souci de lutter contre les abus de la procédure d'asile et de faciliter l'éloignement du territoire des personnes qui, au terme de l'examen dans le cadre de cette procédure, se verront refuser la reconnaissance du statut de réfugié. L'exposé des motifs précise à ce sujet : « Le § 1bis énumère les circonstances dans lesquelles un étranger peut être détenu exceptionnellement avant qu'une décision soit prise concernant sa demande d'asile. Cette détention peut uniquement avoir lieu si le séjour de l'étranger est irrégulier et que les circonstances objectives énumérées dans la loi indiquent clairement un usage abusif de la procédure d'asile.

Ces circonstances ne signifient toutefois pas que la demande d'asile ne sera pas examinée : la demande sera traitée de manière prioritaire par le CGRA, dont l'éventuelle décision négative sera traitée de manière prioritaire par le CCE. Ces étrangers seront maintenus afin de garantir leur éloignement effectif du territoire en cas de refus du statut de réfugié par le CGRA et la confirmation éventuelle de cette décision par le CCE. La durée de la détention d'un étranger à la frontière reste inchangée.

Dans le cadre de la nouvelle procédure d'asile, cela signifie qu'une décision doit être prise par le CGRA et, le cas échéant, par le CCE, dans un délai de deux mois, faute de quoi la décision n'est pas exécutoire et l'étranger doit être mis en liberté. Il faut noter que des procédures accélérées à la fois au CGRA (voir article 52/2, § 2, 1° et 2°) et au CCE (voir article 39/77) s'appliquent à un étranger détenu » (Doc.parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, pp. 123-124).

B.87.4. Le législateur peut prévoir que des mesures privatives de liberté de deux mois, éventuellement prolongées de manière limitée dans des cas exceptionnels, soient prises à l'encontre d'un étranger qui ne s'est pas vu accorder l'accès au territoire, bien qu'il ait introduit une demande d'asile. Dans le cadre de la réforme de la procédure d'asile réalisée par la loi attaquée, qui vise notamment à raccourcir les délais d'examen des demandes tout en garantissant un traitement individualisé et effectif de chaque dossier, il n'est pas injustifié de permettre la privation de liberté de certains demandeurs d'asile, dans certaines circonstances exceptionnelles énumérées par la loi et pour une durée limitée, afin d'éviter que les étrangers concernés n'entrent dans la clandestinité.

Le moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.

B.88. Dans la deuxième branche du moyen, la partie requérante soutient que le principe d'égalité et de non-discrimination serait violé en ce que la possibilité de détenir un étranger est étendue aux étrangers qui ont introduit une demande d'asile qui n'a cependant pas encore été déclarée irrecevable ou non fondée.

Le traitement égal des demandeurs d'asile déboutés et de certains demandeurs dont la demande est encore à l'examen est dicté par le souci de lutter contre les abus de la procédure d'asile et d'empêcher l'accès au territoire et le séjour sur le territoire lorsque les conditions énumérées dans la loi sont réunies et indiquent qu'il est fait un usage impropre de la procédure d'asile, ainsi qu'il a été précisé dans l'exposé des motifs cité en B.87.3.

Ce traitement égal des catégories de personnes comparées dans la branche du moyen repose sur un critère objectif et est pertinent afin de réaliser l'objectif, étant donné que la mesure permet d'empêcher l'accès au territoire et le séjour sur le territoire des personnes dont il est prouvé ou dont il est admis, eu égard aux circonstances particulières dans lesquelles la détention a été autorisée, qu'elles ont voulu pénétrer irrégulièrement dans le Royaume. Cette présomption empêche uniquement l'accès et ne fait nullement obstacle à ce que la demande d'asile de ceux dont la procédure est encore en cours soit examinée correctement par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, et même prioritairement. La mesure est par conséquent proportionnée à l'objectif poursuivi.

Le moyen, en sa deuxième branche, n'est pas fondé.

B.89. Dans le cadre du contrôle de la mesure attaquée au regard des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, mentionnés dans la troisième branche du moyen, combinés avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, la Cour tient compte des principes exposés en B.66.

La Cour doit aussi tenir compte de l'article 7 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 mentionnée en B.86, qui énonce : « 1. Les demandeurs d'asile peuvent circuler librement sur le territoire de l'Etat membre d'accueil ou à l'intérieur d'une zone qui leur est fixée par cet Etat membre. La zone fixée ne porte pas atteinte à la sphère inaliénable de la vie privée et donne suffisamment de latitude pour garantir l'accès à tous les avantages prévus par la présente directive. 2. Les Etats membres peuvent décider du lieu de résidence du demandeur d'asile pour des raisons d'intérêt public ou d'ordre public ou, le cas échéant, aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de sa demande.3. Lorsque cela s'avère nécessaire, les Etats membres peuvent obliger un demandeur à demeurer dans un lieu déterminé conformément à leur droit national, par exemple pour des raisons juridiques ou d'ordre public.4. Les Etats membres peuvent prévoir que, pour bénéficier des conditions matérielles d'accueil, les demandeurs doivent effectivement résider dans un lieu déterminé fixé par les Etats membres.Ces décisions, qui peuvent être à caractère général, sont prises cas par cas et fondées sur la législation nationale. 5. Les Etats membres prévoient la possibilité d'accorder aux demandeurs d'asile une autorisation temporaire de quitter le lieu de résidence visé aux paragraphes 2 et 4 et/ou la zone qui leur a été attribuée visée au paragraphe 1.Les décisions sont prises cas par cas, objectivement et impartialement, et elles sont motivées lorsqu'elles sont négatives.

Le demandeur ne doit pas demander d'autorisation pour se présenter devant les autorités et les tribunaux si sa présence y est nécessaire. 6. Les Etats membres font obligation aux demandeurs de communiquer leur adresse aux autorités compétentes et de leur notifier tout changement d'adresse dans les meilleurs délais ». L'article 31, paragraphe 1, de la Convention relative au statut des réfugiés, également invoqué, énonce : « Les Etats contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l'article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières ».

B.90. Les dispositions qui contiennent les cas dans lesquels il peut être procédé à la détention des étrangers en question sont suffisamment accessibles et définies de manière suffisamment précise pour éviter le risque d'arbitraire. En outre, il a été prévu suffisamment de garanties pour éviter que la mesure de détention soit appliquée de manière inconsidérée, ainsi qu'il ressort en particulier de la référence aux articles 48/3 et 48/4 de la loi relative aux étrangers. L'application de la mesure est étroitement liée à son objectif, à savoir éviter qu'une personne puisse entrer de manière irrégulière dans le pays et garantir l'éloignement effectif en cas de refus du statut de réfugié ou de refus du statut de protection subsidiaire. La durée de la détention, qui est fixée à deux mois au maximum, sous peine de libération de l'étranger, n'excède nullement le délai qui est raisonnablement nécessaire afin d'atteindre le but visé, compte tenu du caractère sérieux de l'examen, de la possibilité d'introduire un recours et du traitement prioritaire prescrit de ces demandes.

La disposition attaquée répond par conséquent aux conditions de l'article 5.1, alinéa f), de la Convention européenne des droits de l'homme pour qu'il puisse être procédé à une détention.

B.91. Pour ce qui est du recours à l'article 7 de la directive 2003/9/CE précitée du 27 janvier 2003, il convient de constater que le paragraphe 3 de cette disposition prévoit que « lorsque cela s'avère nécessaire, les Etats membres peuvent obliger un demandeur à demeurer dans un lieu déterminé conformément à leur droit national, par exemple pour des raisons juridiques ou d'ordre public ». Cette disposition impose, pour ce qui est de la détention d'étrangers, des conditions qui ne sont pas plus sévères que celles imposées par l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Eu égard au texte clair de l'article 7, paragraphe 3, précité et eu égard à ce qui précède, il n'y a pas lieu de poser à la Cour de justice des Communautés européennes la question préjudicielle suggérée par la partie requérante.

B.92. L'article 31, paragraphe 1, de la Convention relative au statut des réfugiés interdit en principe les sanctions pénales sur la base de l'entrée irrégulière ou du séjour irrégulier des réfugiés.

La mesure de détention ne peut toutefois être considérée comme une sanction pénale au sens de cette disposition conventionnelle, mais doit être considérée comme une mesure d'ordre préventive qui, eu égard au grand nombre de demandes par lesquelles il est fait un usage impropre de la procédure d'asile, doit permettre, en cas de rejet d'une demande d'asile - qui doit toujours être examinée avec soin, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires -, de garantir l'éloignement effectif du territoire.

Le moyen, en sa troisième branche, n'est pas fondé.

Suspension de la durée de la détention B.93. L'article 74, 3°, b), de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer insère un alinéa 5 dans le paragraphe 2 de l'article 74/6 de la loi relative aux étrangers, qui énonce : « La durée du maintien est suspendue d'office pendant le délai utilisé pour introduire un recours auprès du Conseil du contentieux des étrangers, tel que prévu à l'article 39/57. Lorsqu'un délai d'examen est octroyé au Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides pour examiner les nouveaux éléments, conformément à l'article 39/76, § 1er, dernier alinéa, la durée du maintien est également suspendue d'office pendant un délai d'un mois au maximum ».

B.94. Le dixième moyen, en sa quatrième branche, dans l'affaire n° 4188 est dirigé contre cette disposition et est pris de la violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, combinés ou non avec le droit à un recours effectif au sens des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 39 de la directive 2005/85/CE. L'article 39 de la directive 2005/85/CE oblige les Etats membres à veiller à ce qu'une voie de recours effective auprès d'une juridiction soit ouverte contre les diverses décisions potentielles relatives à une demande d'asile.

B.95. L'exposé des motifs mentionne en vue de justifier la disposition attaquée : « En cas de maintien de l'étranger requérant, le délai maximal pendant lequel il peut être maintenu est prolongé d'office d'une durée égale au délai de recours qui s'est écoulé avant qu'il introduise un recours auprès du Conseil du contentieux des étrangers (par exemple, si le recours est introduit après 10 jours, la durée maximale de maintien est prolongée d'office de 10 jours) (voir art. 39/57). En cas d'application de l'article 39/76, § 1er, avant-dernier alinéa, la durée du maintien est également suspendue d'office pendant le délai d'examen qui a été octroyé.

Conformément à l'avis du Conseil d'État, la suspension du délai de maintien pendant le délai d'examen donné par le CCE au CGRA pour examiner les nouveaux éléments apportés par un étranger auprès du CCE, est limitée à un mois au maximum (cfr. art. 74/5) » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 124).

B.96. La garantie de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, invoquée par la partie requérante, n'est pas applicable aux décisions, prises à l'égard d'étrangers, relatives à l'accès, au séjour et à l'éloignement du territoire d'un Etat partie à cette Convention (CEDH, 5 octobre 2000, Maaouia c. France, § 40; 6 février 2003, Mamatkoulov et Abdurasulovic c. Turquie, § 80, confirmé par l'arrêt de la Grande Chambre, 4 février 2005, § 83). Etant donné qu'en outre, l'article 13 de la même Convention ne peut être invoqué qu'en combinaison avec la disposition conventionnelle dont la violation est alléguée, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen en ce qu'il est pris de la violation de l'article 13, à défaut d'une autre disposition conventionnelle dont la violation peut être invoquée.

L'article 39 de la directive 2005/85/CE garantit aux demandeurs d'asile qu'une voie de recours effective auprès d'une juridiction est ouverte contre une décision relative à leur demande d'asile. Cette garantie est offerte, ainsi qu'il ressort de la disposition attaquée elle-même, puisque la décision du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides peut faire l'objet d'un recours auprès du Conseil du contentieux des étrangers. La circonstance que l'étranger en question est détenu au cours de la procédure même en un lieu déterminé ne porte nullement atteinte à l'exercice effectif de la voie de recours que la loi met à sa disposition.

Pour les raisons précitées, le principe d'égalité et de non-discrimination, lu en combinaison avec ces dispositions, n'est dès lors pas violé.

Le moyen, en sa quatrième branche, n'est pas fondé.

En ce qui concerne l'article 77, § 2, de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer B.97. A titre de mesure transitoire, l'article 77, § 2, de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer dispose : « L'étranger dont la procédure d'asile a été clôturée avant la date fixée conformément au § 1er ne peut invoquer la directive 2004/83/CE ainsi que sa transposition dans le droit belge, en tant qu'élément nouveau au sens de l'article 51/8 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, que si la demande est basée sur des éléments susceptibles de donner lieu à l'octroi de la protection subsidiaire au sens de l'article 48/3 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer ».

B.98. La partie requérante dans l'affaire n° 4188 prend contre cette disposition un onzième moyen, de la violation des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, en ce qu'une demande d'asile réitérée, introduite après le 10 octobre 2006 sur la base du statut de protection subsidiaire, devrait également contenir effectivement des éléments nouveaux qui n'ont pu être invoqués auparavant dans une procédure d'asile antérieure, de sorte que les étrangers relevant de cette catégorie n'ont pas la possibilité de faire réexaminer leur demande d'asile sous le statut de réfugié introduite antérieurement à la lumière des critères du statut de protection subsidiaire, alors que le principe d'égalité implique que tout étranger, comme les étrangers visés à l'article 77, § 3, de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer, après l'entrée en vigueur de la loi attaquée, doit avoir la possibilité de faire réexaminer, sur la base du statut de protection subsidiaire, la demande d'asile antérieure sur la base du statut de réfugié dont il a été débouté.

B.99. Dans l'exposé des motifs, la disposition transitoire attaquée a été commentée comme suit : « En outre, il est prévu spécifiquement que les étrangers dont la demande d'asile a été rejetée avant la mise en vigueur des dispositions relatives à la protection subsidiaire par un arrêté royal, ne peuvent invoquer la directive 2004/83/CE ou sa transposition dans le droit belge comme nouvel élément en soi, au sens de l'article 51/8, pour faire réexaminer leur demande d'asile.

L'invocation par les mêmes étrangers d'éléments susceptibles de donner lieu à l'octroi de la protection subsidiaire sera par contre considérée comme un élément nouveau au sens de l'article 51/8 » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, p. 126).

Il ressort de l'exposé des motifs et de la déclaration du Conseil des ministres dans son mémoire que, pour pouvoir invoquer la disposition transitoire, l'étranger doit pouvoir avancer des éléments qui peuvent donner lieu à l'octroi du statut de protection subsidiaire et que ces éléments auront nécessairement trait à des faits qui ont été invoqués au cours de l'examen de la demande d'asile. La disposition selon laquelle l'étranger « ne peut invoquer la directive 2004/83/CE ainsi que sa transposition dans le droit belge, en tant qu'élément nouveau au sens de l'article 51/8 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer » n'a dès lors d'autre portée que d'empêcher que ce seul élément soit invoqué pour encore demander l'octroi du statut de protection subsidiaire.

Vu que la disposition attaquée n'a pas la portée que lui donne la partie requérante et n'établit pas la différence de traitement dénoncée, le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour - [annule à l'article 10, § 1er, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, tel qu'il a été remplacé par l'article 6 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer, les mots « , ni aux enfants issus, dans le cadre d'un mariage polygame, d'un étranger et d'une autre épouse que celle séjournant déjà dans le Royaume »]; [Ordonnance en rectification du 17 juillet 2008 ] - annule à l'article 10, § 2, alinéa 4, de la même loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, tel qu'il a été remplacé par l'article 6 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000704 source service public federal interieur Loi réformant le Conseil d'Etat et créant un Conseil du Contentieux des Etrangers fermer, les mots « et pour autant que la demande de séjour sur la base de l'article 10 ait été introduite dans l'année suivant la décision reconnaissant la qualité de réfugié à l'étranger rejoint », en ce que ces mots sont applicables à l'étranger mineur reconnu réfugié, visé à l'article 10, § 1er, alinéa 1er, 7°, de la même loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer; - rejette les recours pour le surplus, sous réserve de l'interprétation formulée en B.58.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 26 juin 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

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