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Arrêt
publié le 02 avril 2008

Extrait de l'arrêt n° 56/2008 du 19 mars 2008 Numéro du rôle : 4150 En cause : le recours en annulation de l'article 1 er du décret de la Communauté française du 20 juillet 2006 relatif aux droits et aux frais perçus dans l'enseig La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Ma(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 56/2008 du 19 mars 2008 Numéro du rôle : 4150 En cause : le recours en annulation de l'article 1er du décret de la Communauté française du 20 juillet 2006 relatif aux droits et aux frais perçus dans l'enseignement supérieur non universitaire, introduit par l'ASBL « Fédération des Etudiant(e)s francophones » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 16 février 2007 et parvenue au greffe le 19 février 2007, un recours en annulation de l'article 1er du décret de la Communauté française du 20 juillet 2006 relatif aux droits et aux frais perçus dans l'enseignement supérieur non universitaire (publié au Moniteur belge du 16 août 2006) a été introduit par l'ASBL « Fédération des Etudiant(e)s francophones », dont le siège social est établi à 1210 Bruxelles, chaussée de Haecht 25, Aurian Bourguinon, demeurant à 1325 Chaumont-Gistoux, rue du Fief de Liège 8, et Lionel Mulpas, demeurant à 7300 Boussu, rue Ferrer 42. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée B.1. L'article 12, § 2, de la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement », tel qu'il était libellé avant sa modification par l'article 1er du décret du 20 juillet 2006 « relatif aux droits et aux frais perçus dans l'enseignement supérieur non universitaire », disposait, pour la Communauté française : « Un minerval est imposé aux étudiants des établissements d'enseignement supérieur de plein exercice de type court et de type long.

L'Exécutif fixe le montant de ce minerval : 1° dans l'enseignement supérieur de type court, entre 124 EUR et 161 EUR; 2° [...] 3° dans l'enseignement supérieur de type long, entre 248 EUR et 372 EUR;4° à 50 EUR pour l'inscription à une agrégation de l'enseignement secondaire supérieur ou à une épreuve complémentaire. En ce qui concerne les étudiants bénéficiant d'une allocation octroyée par le service d'allocations d'études de la Communauté française en vertu de la loi du 19 juillet 1971 relative à l'octroi d'allocations et de prêts d'études et du décret du 7 novembre 1983 réglant pour la Communauté française les allocations et les prêts d'études coordonné le 7 novembre 1983, ainsi que les étudiants titulaires d'une attestation de boursier délivrée par l'administration générale de la Coopération au Développement, ces montants sont ramenés respectivement à 25 EUR dans l'enseignement supérieur de type court, et à 37 EUR dans l'enseignement supérieur de type long. Pour les étudiants visés dans le présent alinéa, il ne peut être prélevé de droits complémentaires en plus du minerval qui leur est appliqué.

Pour les étudiants qui ne sont pas visés à l'alinéa 3, ces droits complémentaires ne peuvent excéder le montant de 422 euros pour l'enseignement supérieur de type long et de 282 euros pour l'enseignement supérieur de type court. En outre, ces droits complémentaires ne peuvent excéder les montants imposés par les établissements pour l'année académique 2004-2005. Les commissaires du Gouvernement vérifient le respect de la présente disposition.

Les plafonds fixés à l'alinéa 4 sont diminués chaque année académique de dix pour cent du montant initial. Pour les étudiants de condition modeste, ces plafonds sont diminués chaque année académique de vingt pour cent du montant initial. Le Gouvernement définit ce qu'il y a lieu d'entendre par étudiant de condition modeste.

Pour les étudiants qui ne sont pas visés à l'alinéa 3, qui demandent à être inscrits dans une haute école et pour lesquels l'article 8 du décret du 9 septembre 1996 relatif au financement des hautes écoles organisées ou subventionnées par la Communauté française s'applique, il ne peut y avoir de différence de traitement par rapport aux étudiants demandant leur inscription dans une même catégorie de la même haute école, qui ne sont pas visés à l'alinéa 3 et pour lesquels l'article 8 du décret du 9 septembre 1996 précité ne s'applique pas.

Pour les étudiants qui ne sont pas visés à l'alinéa 3, qui demandent à être inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur artistique, visé à l'article 6, § 1er, du décret du 5 août 1995 portant diverses mesures en matière d'enseignement supérieur et pour lesquels l'article 9 du décret du 5 août 1995 précité s'applique, il ne peut y avoir de différence de traitement par rapport aux étudiants demandant leur inscription dans une même section du même établissement d'enseignement supérieur artistique visé à l'article 6, § 1er, du décret du 5 août 1995 précité, qui ne sont pas visés à l'article 3 et pour lesquels l'article 9 du décret du 5 août 1995 précité ne s'applique pas.

Les montants visés au présent paragraphe sont liés à l'indice des prix à la consommation, selon la formule suivante : Montant de base x indice du mois de novembre précédant l'ouverture de l'année académique concernée/Indice de novembre 1991> L'Exécutif fixe le mode de recouvrement du minerval.

Pour l'année académique 2005-2006, ne sont pas considérés comme perception d'un droit complémentaire, les frais appréciés au coût réel afférents aux biens et services fournis individuellement à l'étudiant.

Ces frais sont mentionnés dans le règlement des études propre à chaque établissement. Ils ne peuvent excéder les montants imposés par les établissements pour l'année académique 2004-2005.

Pour l'année académique 2006-2007 et les années académiques suivantes, le Gouvernement fixe, respectivement, pour les Hautes Ecoles, les Ecoles supérieures des Arts et les Instituts supérieurs d'Architecture la liste des frais appréciés au coût réel afférents aux biens et services fournis aux étudiants qui ne sont pas considérés comme perception d'un droit complémentaire. Ces frais sont mentionnés dans le règlement des études propre à chaque établissement.

La liste des frais mentionnés dans le règlement des études, visée à l'alinéa précédent, est établie sur la base de l'avis conforme d'une commission de concertation créée au sein de chaque établissement et composée de représentants de la direction de l'établissement, de membres du personnel et de représentants des étudiants. Le Gouvernement peut fixer les règles de composition et de fonctionnement de cette commission.

Les frais non spécifiques à une formation sont mutualisés entre les étudiants d'un même type d'enseignement ».

B.2. L'article 1er du décret du 20 juillet 2006 - qui constitue la disposition attaquée - ajoute à ce texte les trois alinéas suivants : « Le montant total réclamé à l'étudiant en vertu de l'alinéa 2, de l'alinéa 4 et de l'alinéa 11, ne peut excéder le plafond de 593 euros.

Pour les étudiants visés à l'alinéa 3, ce plafond est égal à 80 euros.

Toutefois, pour les établissements qui, pour l'année académique 2005-2006, ont perçu un montant total supérieur aux plafonds fixés à l'alinéa précédent, ce plafond est égal, pour les années académiques 2006-2007 à 2010-2011, au montant total perçu pour l'année académique 2005-2006, diminué chaque année, à partir de l'année académique 2007-2008, de 20 pour cent de la différence entre ce montant et les plafonds fixés à l'alinéa précédent.

Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux Ecoles supérieures des Arts, ni aux Instituts supérieurs d'Architecture, ni aux étudiants inscrits dans les sections ' technique de l'image ', ' communication appliquée ' et ' presse et information ' des hautes écoles ».

Il est, selon l'article 3 du décret du 20 juillet 2006, entré en vigueur le 1er septembre 2006.

B.3.1. L'article 32 du décret du 25 mai 2007 « portant diverses mesures en matière d'enseignement supérieur » - qui est entré en vigueur « à partir de l'année académique 2007-2008 » (article 52 de ce décret) - complète l'article 12, § 2, de la loi du 29 mai 1959 par l'alinéa suivant : « Dans le cas d'une inscription à un programme régi par une convention de coopération pour l'organisation d'études telle que visée à l'article 26, § 7, du décret du 5 août 1995 fixant l'organisation générale de l'enseignement supérieur en hautes écoles, à l'article 28, § 5, du décret du 20 décembre 2001 fixant les règles spécifiques à l'Enseignement supérieur artistique organisé en Ecoles supérieures des Arts (organisation, financement, encadrement, statut des personnels, droits et devoirs des étudiants) ou à l'article 9bis, § 3, de la loi du 7 juillet 1970 relative à la structure générale de l'enseignement supérieur, les montants visés aux alinéas 2 à 5 sont réduits de façon proportionnelle au nombre de crédits réellement suivis dans l'institution rapporté à la somme des crédits réellement suivis au cours de l'année académique ».

B.3.2. L'article 1er, a), du décret du 19 juillet 2007 « complétant le mécanisme de démocratisation des études supérieures hors universités mis en place par les décrets du 20 juillet 2005 et du 20 juillet 2006 » complète l'article 12, § 2, alinéa 14, de la loi du 29 mai 1959 - inséré par l'article 1er du décret du 20 juillet 2006 - par la phrase suivante : « Pour les étudiants de condition modeste, ce plafond est identique à celui visé à l'article 39, § 2, alinéa 4, de la loi du 27 juillet 1971 sur le financement et le contrôle des institutions universitaires ».

L'article 1er, b), du décret du 19 juillet 2007 remplace l'article 12, § 2, alinéa 16, de la loi du 29 mai 1959 - inséré par l'article 1er du décret du 20 juillet 2006 - par le texte suivant : « A l'exception des étudiants visés à l'alinéa 3 et des étudiants de condition modeste, les deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux Ecoles supérieures des Arts, ni aux Instituts supérieurs d'Architecture, ni aux étudiants inscrits dans les sections ' technique de l'image ', ' communication appliquée ' et ' presse et information ' des hautes écoles ».

Ces deux modifications de l'article 12, § 2, de la loi du 29 mai 1959 sont entrées « en vigueur pour l'année académique 2007-2008 » (article 8 du décret du 19 juillet 2007).

Quant à l'intérêt B.4. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son objet social soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son objet social; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que cet objet social n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.5.1. La « Fédération des Etudiant(e)s francophones » (FEF) est une association sans but lucratif qui a, selon l'article 6, alinéa 2, 1, de ses statuts - publiés aux annexes du Moniteur belge du 30 décembre 2005 -, pour objet social de « défendre les intérêts [...] des étudiant(e)s inscrit(e)s dans les établissements d'enseignement supérieur situés en Communauté française de Belgique [...] sur tous les problèmes mettant en cause, de près ou de loin leurs droits, devoirs, intérêts [...] sociaux [...] et économiques [...] en jouant le rôle d'organe représentatif et actif, auprès [...] des autorités compétentes à tous les niveaux de décision tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Etat belge ».

B.5.2. L'article 1er du décret du 20 juillet 2006 modifie les règles relatives au minerval, aux droits complémentaires et aux frais qui sont mis à charge des étudiants inscrits dans les établissements d'enseignement supérieur non universitaire.

B.5.3. Cette disposition est dès lors susceptible d'affecter directement et défavorablement l'objet social de la première partie requérante, de sorte qu'elle a intérêt à demander son annulation.

B.6. Il n'y a pas lieu d'examiner si les deux autres requérants justifient eux aussi de l'intérêt requis pour attaquer cette disposition.

Quant au fond B.7. La Cour est invitée à statuer sur la constitutionnalité des alinéas 14, première phrase, 15 et 16 - dans la mesure où il fait référence à l'alinéa 14 -, de l'article 12, § 2, de la loi du 29 mai 1959 qui ont été insérés par l'article 1er du décret du 20 juillet 2006.

Sur l'article 12, § 2, alinéa 14, première phrase, de la loi du 29 mai 1959 B.8.1. La Cour est, d'abord, invitée à examiner la compatibilité avec les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution, de l'article 12, § 2, alinéa 14, première phrase, de la loi du 29 mai 1959, en ce que cette disposition traite de la même manière deux catégories d'étudiants qui suivent un enseignement supérieur non universitaire : d'une part, ceux qui suivent un enseignement de type court et, d'autre part, ceux qui suivent un enseignement de type long.

B.8.2.1. L'article 24, § 4, de la Constitution dispose : « Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret.

La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié ».

B.8.2.2. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination s'opposent à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.8.3. La disposition attaquée a pour but d'assurer aux étudiants qui suivent l'enseignement supérieur non universitaire qu'ils ne seront, en principe, pas tenus, à cette fin, de payer une somme supérieure à la valeur du droit d'inscription à l'université (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2005-2006, n° 293/1, p. 3; CRI, Parlement de la Communauté française, 18 juillet 2006, n° 20, pp. 31 et 35).

L'objectif poursuivi n'est pas d'autoriser les établissements d'enseignement supérieur non universitaire à augmenter le montant des droits complémentaires ou des frais visés à l'alinéa 11 de l'article 12, § 2, de la loi du 29 mai 1959 qu'ils percevaient au moment de l'entrée en vigueur de la disposition attaquée, jusqu'au plafond fixé par celle-ci (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2005-2006, n° 293/1, p. 3).

Ces frais doivent, au demeurant, non seulement être repris dans une liste arrêtée par le Gouvernement de la Communauté française et correspondre au coût réel des biens et services fournis à l'étudiant, mais aussi être mentionnés dans le règlement des études de l'établissement qui en réclame le paiement après avis conforme d'une commission composée de représentants de la direction des établissements, de membres du personnel et de représentants des étudiants (article 12, § 2, alinéas 11 et 12, insérés respectivement par l'article 2, c), du décret du 20 juillet 2005 « relatif aux droits complémentaires perçus dans l'enseignement supérieur non universitaire » et par l'article 93 du décret du 30 juin 2006 « modernisant le fonctionnement et le financement des hautes écoles »).

B.8.4. Il résulte de ce qui précède que le traitement identique visé en B.8.1 n'est pas dépourvu de justification raisonnable.

B.9.1. La Cour est ensuite invitée à statuer sur la compatibilité de la disposition visée en B.8.1 avec l'article 24, § 3, alinéa 1er, première phrase, de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 2.1 et 13.2, c), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce que la disposition attaquée empêcherait l'instauration progressive de la gratuité de l'enseignement supérieur non universitaire.

B.9.2.1. L'article 24, § 3, alinéa 1er, première phrase, de la Constitution dispose : « Chacun a droit à l'enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux ».

B.9.2.2. L'article 2.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dispose : « Chacun des Etats parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives ».

L'article 13.2, c), du même Pacte dispose, à propos du droit de toute personne à l'éducation : « 2. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent qu'en vue d'assurer le plein exercice de ce droit : [...] c) L'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité;».

Il ressort des ces dispositions que l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur doit être instaurée progressivement en tenant compte des possibilités économiques et de la situation des finances publiques spécifique à chacun des Etats contractants.

L'article 13.2, c), du Pacte ne fait donc pas naître un droit à l'accès gratuit à l'enseignement supérieur. Il s'oppose toutefois à ce que la Belgique, après l'entrée en vigueur du Pacte à son égard - le 21 juillet 1983 -, prenne des mesures qui iraient à l'encontre de l'objectif de l'accès en pleine égalité à l'enseignement supérieur qui doit être réalisé, notamment, par l'instauration progressive de la gratuité.

B.9.3. La disposition attaquée garantit aux étudiants qu'elle concerne que l'établissement d'enseignement supérieur dans lequel ils s'inscrivent et qui leur réclamera le paiement d'un minerval, et, le cas échéant, celui de droits complémentaires, et de frais afférents aux biens et services qui leur sont fournis, ne leur réclamera pas une somme totale supérieure à 593 euros.

Avant l'adoption de la disposition attaquée, le montant du minerval imposé ne pouvait excéder 161 euros dans l'enseignement supérieur de type court (article 12, § 2, alinéa 2, 1°, de la loi du 29 mai 1959) et 372 euros dans l'enseignement supérieur de type long (article 12, § 2, alinéa 2, 3°, de la même loi). La disposition attaquée n'a pas pour objet de permettre une augmentation du minerval.

Avant l'adoption de la disposition attaquée, les droits complémentaires éventuellement perçus par les établissements d'enseignement ne pouvaient excéder 282 euros dans l'enseignement supérieur de type court (article 12, § 2, alinéa 4, de la loi du 29 mai 1959) et 422 euros dans l'enseignement supérieur de type long (article 12, § 2, alinéa 4, de la même loi). La disposition attaquée n'a pas pour objet de permettre une augmentation de ces droits. Il est aussi prévu que, à partir de l'année académique 2007-2008, ces plafonds diminueront progressivement chaque année (article 12, § 2, alinéa 5, de la loi du 29 mai 1959 et article 6, alinéa 1er, du décret du 20 juillet 2005).

Comme il est dit en B.8.3, en fixant le plafond de 593 euros, l'adoption de la disposition attaquée a pour but d'assurer à l'étudiant qui suit l'enseignement supérieur non universitaire qu'il ne sera, en principe, pas tenu, à cette fin, de payer une somme totale supérieure à la valeur du droit d'inscription à l'université.

Cette disposition a aussi pour effet de garantir à l'étudiant inscrit dans l'enseignement supérieur de type long que, jusqu'à l'année académique 2010-2011, un établissement ne pourra lui réclamer, au titre de minerval et de droits complémentaires, la somme des montants maximaux prévus à l'article 12, § 2, alinéa 2, 3°, et à l'article 12, § 2, alinéa 4, de la loi du 29 mai 1959, étant entendu que, à partir de l'année académique 2011-2012, cette somme ne pourra excéder le plafond fixé par la disposition attaquée.

Il résulte de ce qui précède que la disposition attaquée ne peut être considérée comme une mesure qui porte atteinte à l'objectif de l'instauration progressive de la gratuité, de sorte qu'elle n'est pas incompatible avec l'article 24, § 3, alinéa 1er, première phrase, de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 2.1 et 13.2, c), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

B.10. En ce qu'il est dirigé contre l'article 12, § 2, alinéa 14, première phrase, de la loi du 29 mai 1959, le moyen n'est pas fondé.

Sur l'article 12, § 2, alinéa 15, de la loi du 29 mai 1959 B.11.1. La Cour est d'abord invitée à statuer sur la compatibilité avec les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution, de l'article 12, § 2, alinéa 15, de la loi du 29 mai 1959, en ce que cette disposition ferait une différence de traitement entre deux catégories d'étudiants visés à l'article 12, § 2, alinéa 14, de la même loi : d'une part, ceux qui s'inscrivent dans un établissement soumis aux plafonds fixés par cette dernière disposition et, d'autre part, ceux qui s'inscrivent dans un des établissements visés par la disposition attaquée.

Les premiers auraient la garantie que les établissements dans lesquels ils s'inscrivent leur réclameront une somme totale moindre que les seconds.

B.11.2. La disposition attaquée permet aux établissements qui, lors de l'année académique 2005-2006, ont réclamé à leurs étudiants, au titre de minerval, de droits complémentaires et, le cas échéant, de frais afférents aux biens et services fournis, une somme totale supérieure aux plafonds fixés à l'article 12, § 2, alinéa 14, de la loi du 29 mai 1959, de continuer à réclamer, jusqu'à l'année académique 2010-2011, une somme totale supérieure à ces plafonds, étant entendu que ce surplus autorisé diminue chaque année.

B.11.3.1. Les coûts exposés par les établissements d'enseignement pour les biens et services fournis aux étudiants peuvent ne pas être uniformes, compte tenu de ce que l'enseignement, les cours et le matériel pédagogique peuvent varier d'un établissement à l'autre, même pour des options identiques.

B.11.3.2. La règle transitoire qu'exprime la disposition attaquée découle du souci « de ne pas mettre en danger [l']équilibre financier » des Hautes Ecoles qui percevaient des montants excédant les plafonds fixés par l'article 12, § 2, alinéa 14, de la loi du 29 mai 1959. Le délai qui leur est accordé doit « leur permettre d'atteindre progressivement » ces plafonds (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2005-2006, n° 293/1, p. 3).

Par la mesure critiquée, le législateur permet donc d'éviter qu'une règle ayant pour objet de limiter le coût des études de l'enseignement supérieur n'ait pour effet secondaire de causer des difficultés financières à certains établissements, ce qui pourrait mettre en péril leur survie et porter atteinte au droit à l'enseignement.

B.11.3.3. La différence de traitement dénoncée n'est dès lors pas dépourvue de justification raisonnable.

B.12.1. Il ressort des développements de la requête que la Cour est ensuite invitée à statuer sur la compatibilité de la disposition visée en B.11.1 avec l'article 24, § 5, de la Constitution, en ce que cette disposition déléguerait aux Hautes Ecoles le pouvoir de fixer la contribution des étudiants au financement de leurs études.

B.12.2.1. L'article 24, § 5, de la Constitution dispose : « L'organisation, la reconnaissance ou le subventionnement de l'enseignement par la communauté sont réglés par la loi ou le décret ».

B.12.2.2. Cette disposition traduit la volonté du Constituant de réserver au législateur compétent le soin de régler les aspects essentiels de l'enseignement en ce qui concerne son organisation, sa reconnaissance et son subventionnement. Elle n'interdit cependant pas que des habilitations soient données sous certaines conditions à d'autres autorités.

L'article 24, § 5, de la Constitution exige que ces habilitations ne portent que sur la mise en oeuvre des principes que le législateur a lui-même adoptés. A travers elles, une autre autorité ne saurait combler l'imprécision de ces principes ou affiner des options insuffisamment détaillées.

B.12.3.1. L'article 12, § 2, alinéa 15, de la loi du 29 mai 1959 concerne la détermination des montants dont un étudiant inscrit dans l'enseignement supérieur non universitaire peut être redevable, au titre de minerval, de droits complémentaires ou de frais.

B.12.3.2. Lorsqu'il ne détermine pas lui-même le montant du minerval pour certaines catégories d'étudiants, le législateur décrétal habilite le Gouvernement à le faire, tout en fixant simultanément des montants minima et maxima (article 12, § 2, alinéas 2 et 3, de la loi du 29 mai 1959).

Le législateur décrétal précise, en outre, que les droits complémentaires ne peuvent excéder les montants prélevés à ce titre par les établissements d'enseignement supérieur non universitaire pour l'année académique 2004-2005, tout en fixant des plafonds généraux dont la diminution progressive est programmée avec précision (article 12, § 2, alinéas 4 et 5, de la même loi).

Le législateur n'autorise, enfin, les Hautes Ecoles à réclamer le paiement de frais que si ceux-ci se rapportent à des biens et services fournis aux étudiants, sont appréciés au coût réel, sont inscrits dans une liste arrêtée par le Gouvernement et sont mentionnés dans le règlement des études, moyennant l'avis conforme d'une commission de la Haute Ecole comprenant parmi ses membres des représentants des étudiants (article 12, § 2, alinéas 11 et 12, de la même loi).

B.12.3.3. Ce n'est donc pas la disposition attaquée qui donne aux Hautes Ecoles le pouvoir de prélever des droits complémentaires ou de réclamer aux étudiants le paiement de certains frais.

Sa portée est beaucoup plus limitée. Elle ne fait que compléter la réglementation décrite en B.12.3.2, qui, par différents critères et maxima, limite déjà fortement la marge d'appréciation des Hautes Ecoles dans la détermination des sommes dont elles peuvent réclamer le paiement aux étudiants. La disposition attaquée contribue, par les plafonds qu'elle instaure, à réduire encore davantage cette marge d'appréciation, au moyen de données précises et aisément déterminables.

B.12.4. Il résulte de ce qui précède que la disposition attaquée ne contient aucune habilitation incompatible avec l'article 24, § 5, de la Constitution.

B.13. En ce qu'il est dirigé contre l'article 12, § 2, alinéa 15, de la loi du 29 mai 1959, le moyen n'est pas fondé.

Sur l'article 12, § 2, alinéa 16, de la loi du 29 mai 1959 B.14.1. Il ressort des développements de la requête que la Cour est d'abord invitée à statuer sur la compatibilité avec les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution, de l'article 12, § 2, alinéa 16, de la loi du 29 mai 1959 - dans la mesure où il fait référence à l'alinéa 14 du même paragraphe -, en ce que cette disposition ferait une différence de traitement entre deux catégories d'étudiants visés à l'article 12, § 2, alinéa 14, de la loi du 29 mai 1959 : d'une part, ceux qui s'inscrivent dans l'un des établissements soumis aux plafonds fixés par cette disposition, et, d'autre part, ceux qui s'inscrivent dans l'un des établissements ou sections visés par la disposition attaquée.

Les seconds n'ont pas, à la différence des premiers, la garantie que la somme du minerval et des éventuels droits complémentaires et frais dont le paiement leur sera réclamé par leur établissement n'excédera pas 593 euros.

B.14.2.1. La disposition attaquée déroge à la règle exprimée à l'article 12, § 2, alinéa 14, de la loi du 29 mai 1959, telle qu'elle a été insérée par l'article 1er du décret du 20 juillet 2006.

Par cette dérogation, le législateur décrétal veut éviter de mettre en péril la viabilité financière des établissements d'enseignement supérieur non universitaire qui réclamaient à l'étudiant, au moment de l'adoption du décret du 20 juillet 2006, le paiement d'une somme totale supérieure à 593 euros, soit - en ce qui concerne certaines formations organisées par des Hautes Ecoles - en raison de « frais particuliers liés à la technologie » à utiliser, soit parce que les formations dispensées dans les Ecoles supérieures des Arts et les Instituts supérieurs d'Architecture « nécessitent de nombreux frais » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2005-2006, n° 293/1, p. 3).

La Ministre de l'Enseignement supérieur a, en outre, donné les précisions suivantes à propos de cette dérogation : « Le premier de ces éléments est l'explosion des technologies numériques qui révolutionnent le concept de création.

Les écoles de cinéma ou de design doivent acquérir des logiciels, du matériel professionnel dont la diffusion est limitée, ce qui ne leur permet pas de bénéficier d'un prix d'achat intéressant. Par exemple, les logiciels pour l'animation en 3D participent à la qualité de la formation mais ne se trouvent pas facilement. Ils sont donc particulièrement coûteux. De même, dans le cadre de l'enseignement supérieur artistique, les matières premières utilisées sont très onéreuses. Je pense aussi aux matières premières utilisées régulièrement comme le marbre, le bois précieux, des soieries, des dorures, des métaux précieux. Tous ces matériaux sortent de l'ordinaire et coûtent très cher. On ne peut évidemment imaginer que les élèves se forment sur des matériaux comme de la toile de jute ! L'enseignement supérieur artistique est à ce prix et il faut en tenir compte.

Pour les hautes écoles, les formations exemptées dans le texte qui vous est soumis sont également apparentées à l'enseignement artistique et justifient un traitement similaire. Dans le domaine des communications, par exemple, des technologies nouvelles et évolutives doivent être mises à la disposition des étudiants » (CRI, Parlement de la Communauté française, 18 juillet 2006, n° 20, pp. 35-36).

B.14.2.2. En outre, la disposition attaquée ne prive pas les étudiants qu'elle concerne des garanties offertes par l'article 12, § 2, alinéas 3 à 5, 11 et 12, de la loi du 29 mai 1959 pour ce qui est de la détermination du montant des droits complémentaires et des frais qui peuvent être mis à leur charge.

B.14.3. La différence de traitement visée en B.14.1 n'est dès lors pas dépourvue de justification raisonnable.

B.15.1. Il ressort des développements de la requête que la Cour est ensuite invitée à statuer sur la compatibilité avec l'article 24, § 5, de la Constitution, de la disposition visée en B.14.1, en ce que cette disposition déléguerait aux Hautes Ecoles le pouvoir de fixer la contribution des étudiants qu'elle vise au financement de leurs études.

B.15.2. La disposition attaquée a pour effet que les étudiants inscrits dans les trois sections des Hautes Ecoles qu'elle vise ne bénéficient pas de la garantie qu'offrent les plafonds instaurés par les alinéas 14 et 15 de l'article 12, § 2, de la loi du 29 mai 1959, tels qu'ils ont été insérés par l'article 1er du décret du 20 juillet 2006.

Elle n'a pas pour autant pour objet de donner aux Hautes Ecoles qui abritent l'une des ces trois sections le pouvoir de prélever des droits complémentaires ou de réclamer aux étudiants le paiement de certains frais. Comme il a été relevé en B.12.3.2 et en B.12.3.3, ce pouvoir résulte d'autres dispositions législatives qui, par les critères et maxima qu'elles contiennent, limitent déjà fortement la marge d'appréciation des Hautes Ecoles dans la détermination des sommes dont elles peuvent réclamer le paiement aux étudiants, à titre de droits complémentaires ou de frais.

Comme il a été relevé en B.12.3.2, la perception d'un minerval est aussi prévue par d'autres dispositions législatives qui fixent son montant ou habilitent le Gouvernement à le faire dans les limites d'un minimum et d'un maximum déterminés par le législateur décrétal lui-même.

B.15.3. Il résulte de ce qui précède que la disposition attaquée ne contient aucune habilitation incompatible avec l'article 24, § 5, de la Constitution.

B.16. En ce qu'il est dirigé contre l'article 12, § 2, alinéa 16, de la loi du 29 mai 1959, le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 19 mars 2008.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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