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Arrêt
publié le 30 juillet 2007

Extrait de l'arrêt n° 92/2007 du 20 juin 2007 Numéro du rôle : 4077 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 4, 5 et 6 de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges R. Henne(...)

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Extrait de l'arrêt n° 92/2007 du 20 juin 2007 Numéro du rôle : 4077 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 4, 5 et 6 de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et communales, posée par la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 21 novembre 2006 en cause de la ville d'Anvers contre la SA « Port Estates », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 28 novembre 2006, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 4, 5 et 6 de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et communales, combinés ou non avec les articles 346 et 351 du Code des impôts sur les revenus 1992, violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution coordonnée en ce que, sans justification raisonnable, ils imposent aux administrations compétentes en matière de taxes locales directes l'obligation d'établir toujours la taxe en suivant la procédure de l'' enrôlement d'office ', même lorsque la déclaration est seulement tardive, laquelle obligation n'est, en pareil cas, pas imposée à l'administration compétente en matière d'impôts d'Etat directs par les articles 346 et 351 du Code des impôts sur les revenus 1992, qui peut y renoncer en acceptant l'existence de cette déclaration ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur les articles 4 à 6 de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et communales. Ces dispositions énoncent : «

Art. 4.§ 1. Les rôles sont arrêtés et rendus exécutoires au plus tard le 30 juin de l'année qui suit l'exercice par : - le collège des bourgmestre et échevins, pour les taxes communales; - le gouverneur ou celui qui le remplace dans ses fonctions, pour les taxes provinciales.

Le rôle est transmis contre accusé de réception au receveur chargé du recouvrement qui assure sans délai l'envoi des avertissements-extraits de rôle. Cet envoi s'opère sans frais pour le redevable. § 2. Les droits établis dans les rôles sont comptabilisés aux recettes de l'exercice au cours duquel les rôles sont rendus exécutoires. § 3. Les rôles mentionnent : 1° le nom de la commune ou de la province qui a établi la taxe;2° les nom, prénoms ou dénomination sociale et l'adresse du redevable;3° la date du règlement en vertu duquel la taxe est due;4° la dénomination, l'assiette, le taux, le calcul et le montant de la taxe, ainsi que l'exercice auquel elle se rapporte;5° le numéro d'article;6° la date du visa exécutoire;7° la date d'envoi;8° la date ultime du paiement;9° le délai dans lequel le redevable peut introduire une réclamation, la dénomination et l'adresse de l'instance compétente pour la recevoir ». «

Art. 5.L'avertissement-extrait de rôle mentionne la date d'envoi et porte les mentions indiquées à l'article 4, § 3.

Une synthèse du règlement en vertu duquel la taxe est due sera jointe ». «

Art. 6.Lorsque le règlement de taxation prévoit une obligation de déclaration, la non-déclaration dans les délais prévus par ce même règlement ou la déclaration incorrecte, incomplète ou imprécise de la part du redevable entraîne l'enrôlement d'office de la taxe.

Avant de procéder à la taxation d'office, l'autorité habilitée à arrêter le rôle en vertu de l'article 4, notifie au redevable, par lettre recommandée à la poste, les motifs du recours à cette procédure, les éléments sur lesquels la taxation est basée, ainsi que le mode de détermination de ces éléments et le montant de la taxe.

Le redevable dispose d'un délai de trente jours à compter de la date d'envoi de la notification pour faire valoir ses observations par écrit.

La taxation d'office ne peut être enrôlée valablement que pendant une période de trois ans à compter du 1er janvier de l'exercice d'imposition. Ce délai est prolongé de deux ans en cas d'infraction au règlement de taxation commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire.

Le règlement de taxation peut prévoir que les taxes enrôlées d'office sont majorées de tel montant qu'il fixe et qui ne peut dépasser le double de la taxe qui est due. Le montant de cette majoration est également enrôlé ».

B.1.2. Selon le juge a quo, contrairement à ce qu'a ultérieurement estimé la Cour de cassation (Cass., 19 janvier 2007, F.05.0095.N), l'article 6, alinéa 1er, précité, de la loi du 24 décembre 1996 implique l'obligation pour les autorités provinciales et communales de procéder à l'enrôlement d'office de la taxe en l'absence de déclaration dans les délais prévus par le règlement de taxation ou en cas de déclaration incorrecte, incomplète ou imprécise. C'est dans cette interprétation que la Cour doit examiner la disposition en cause.

B.2. Il ressort de l'arrêt de renvoi que le juge a quo opère une comparaison entre, d'une part, les autorités provinciales et communales qui, à défaut de déclaration dans le délai prévu par le règlement de taxation, seraient obligées de procéder à l'enrôlement d'office, et, d'autre part, l'Administration des contributions directes, qui, conformément à l'article 351 du Code des impôts sur les revenus 1992, a, dans ce cas, la possibilité de procéder à la taxation d'office, mais peut y renoncer en établissant une cotisation ordinaire sur la base d'une déclaration tardive.

B.3. Il ressort des travaux préparatoires de l'article 6, en cause, de la loi du 24 décembre 1996 que cette disposition vise à remplacer les articles 8 à 18 de la loi du 29 avril 1819 relative aux impositions communales. Cette disposition a été justifiée comme suit : « Les articles 8 à 18 de la loi du 29 avril 1819 contenant des dispositions propres à assurer efficacement le recouvrement des impositions communales sont toujours d'application. Pourtant, tout le monde reconnaît que ce système d'amendes est complètement dépassé et impraticable. Ainsi par exemple, les compétences du tribunal de police, la désignation des préposés, la procédure du procès-verbal de constatation de l'infraction, la nature des sanctions, les actes punissables et la répartition du produit de l'amende empêchent l'application pratique de ces dispositions.

Cet article vise à moderniser ce règlement et prévoit que l'amende constitue en fait une sanction purement administrative, c'est-à-dire une simple majoration des droits ne pouvant toutefois excéder le double de la taxe fraudée » (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, DOC 49-461/1, p. 5).

B.4. La différence de traitement entre les autorités provinciales et communales, d'une part, et l'Administration des contributions directes, d'autre part, qui découle du fait que, dans l'interprétation donnée par le juge a quo, en cas de déclaration tardive, la première catégorie est obligée d'enrôler la taxe d'office, tandis que la seconde catégorie peut encore, en pareil cas, établir une cotisation ordinaire sur la base d'une déclaration tardive, n'a d'effets déraisonnables ni pour le contribuable ni pour l'autorité concernée.

Quant au contribuable B.5.1. Ainsi, l'autorité provinciale ou communale en question doit prouver les circonstances sur la base desquelles elle souhaite procéder à une taxation d'office, et le fait qu'il soit procédé à une taxation d'office n'empêche pas que celle-ci doive être juste.

L'autorité qui procède à la taxation d'office doit dès lors utiliser de façon raisonnable les éléments dont elle dispose.

B.5.2. Conformément à l'article 6, alinéas 2 et 3, de la loi du 24 décembre 1996, avant qu'il soit procédé à la taxation d'office, le redevable doit être informé des motifs du recours à cette procédure, des éléments sur lesquels la taxation est basée et du montant de la taxe, et il dispose d'un délai de 30 jours pour faire valoir ses observations par écrit. Il a dès lors la possibilité de faire figurer dans ses observations écrites les données mentionnées dans sa déclaration tardive.

B.5.3. Il est exact que, conformément à l'article 6, alinéa 5, en cause, de la loi du 24 décembre 1996, le règlement de taxation peut prévoir que les taxes enrôlées d'office sont majorées du montant qu'il fixe et qui ne peut dépasser le double de la taxe qui est due. Il s'agit toutefois, en l'espèce, d'une possibilité et nullement d'une obligation. En outre, l'autorité provinciale ou communale doit respecter le principe de proportionnalité lorsqu'elle établit l'accroissement d'impôt et il peut, à cette occasion, être tenu compte du fait que la déclaration a été faite, fût-ce tardivement.

Quant à l'autorité concernée B.6. Selon l'interprétation donnée par le juge a quo, l'autorité provinciale ou communale doit, en cas de déclaration tardive, enrôler l'impôt d'office et elle ne peut établir une imposition ordinaire, contrairement à l'Administration des contributions directes, qui non seulement peut établir l'impôt sur les revenus déclarés dans la déclaration tardive, mais de surcroît ne peut pas considérer ensuite cette déclaration comme inexistante pour procéder encore à une taxation d'office. Bien que, dans cette interprétation, l'autorité locale ne puisse reconnaître l'existence de cette déclaration tardive en établissant une imposition ordinaire, ceci n'exclut pas que l'autorité qui est compétente, en vertu de l'article 4, pour arrêter le rôle tienne compte du contenu de cette déclaration pour déterminer les éléments sur lesquels la taxation d'office est basée.

B.7. Selon une certaine jurisprudence, il résulte de l'article 6 litigieux de la loi du 24 décembre 1996 que si l'autorité locale établit une imposition ordinaire sur la base d'une déclaration tardive, cette imposition est nulle. Cette nullité résulte de l'inobservation des formalités substantielles prescrites par l'article 6, alinéas 2 et 3, précités, de la loi du 24 décembre 1996. Dans cette hypothèse, l'autorité pourrait, après avoir constaté qu'une déclaration est tardive, éviter cette sanction en respectant la procédure prévue par la disposition en cause.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 4, 5 et 6 de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et communales ne violent pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 20 juin 2007.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux. A. Arts.

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