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Arrêt
publié le 12 février 2007

Extrait de l'arrêt n° 199/2006 du 13 décembre 2006 Numéro du rôle : 4044 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 221, § 1 er , de la loi générale sur les douanes et accises, coordonnée par l'arrêté royal d La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 199/2006 du 13 décembre 2006 Numéro du rôle : 4044 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 221, § 1er, de la loi générale sur les douanes et accises, coordonnée par l'arrêté royal du 18 juillet 1977, et l'article 39 de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise fermer relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, posées par le Tribunal de première instance de Termonde.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot et A. Alen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 12 juin 2006 en cause du ministre des Finances et du ministère public contre H.S., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 13 septembre 2006, le Tribunal de première instance de Termonde a posé les questions préjudicielles suivantes : « - L'article 221, § 1er, de la loi générale relative aux douanes et accises du 18 juillet 1977 (Moniteur belge du 21 septembre 1977), ci-après dénommée L.G.D.A., et l'article 39 de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise fermer relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution ainsi que l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où ils ne laissent au juge répressif aucune marge pour apprécier l'amende qui y est prévue, égale au décuple des droits fraudés, alors que les dispositions pénales de droit commun, en prévoyant un minimum et un maximum ou l'application de circonstances atténuantes, offrent au juge répressif la possibilité de déterminer lui-même dans une certaine mesure le taux de la peine en fonction des circonstances concrètes de la cause et des principes généraux de droit, parmi lesquels le principe de proportionnalité ? - L'article 221, § 1er, de la L.G.D.A. et l'article 39 de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise fermer relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution et l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où ils ne permettent pas au juge répressif, en cas d'application de circonstances atténuantes, de modérer l'amende qui y est prévue, égale au décuple des droits fraudés, alors qu'il laisse cette latitude à l'administration, laquelle est autorisée, en vertu de l'article 263 de la L.G.D.A., à transiger en l'espèce en présence de circonstances atténuantes ? - L'article 221, § 1er, de la L.G.D.A. et l'article 39 de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise fermer relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution et l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où ils n'offrent pas au juge répressif la possibilité de modérer l'amende qui y est prévue, égale au décuple des droits fraudés, selon l'importance de la fraude constatée, alors que l'article 239 de la L.G.D.A. prévoit, pour une fraude comparable, une amende égale au décuple ou au double des droits fraudés, en fonction de l'importance de la fraude ? ».

Le 5 octobre 2006, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juges-rapporteurs M. Bossuyt et P. Martens ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1.1. Les questions préjudicielles concernent l'article 221, § 1er, de la loi générale sur les douanes et accises, coordonnée par l'arrêté royal du 18 juillet 1977, (ci-après L.G.D.A.) et sur l'article 39 de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise fermer relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (ci-après : loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise fermer).

L'article 221, § 1er, de la L.G.D.A. dispose comme suit : « Dans les cas prévus par l'article 220, les marchandises seront saisies et confisquées, et les contrevenants encourront une amende égale au décuple des droits fraudés, calculée d'après les droits les plus élevés de douanes ou d'accises ».

Il ressort du jugement a quo qu'en ce qu'elles portent sur l'article 39 de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise fermer, les questions préjudicielles sont limitées au premier alinéa de cette disposition, qui énonce : « Toute infraction aux dispositions de la présente loi ayant pour conséquence de rendre l'accise exigible, est punie d'une amende égale au décuple de l'accise en jeu avec un minimum de 250,00 EUR ».

B.1.2. L'affaire soumise au juge a quo et les questions préjudicielles font apparaître que la Cour est invitée à examiner les dispositions en cause en tant qu'elles limitent la liberté d'appréciation du juge répressif lorsqu'il détermine le taux de la peine pour les infractions qui y sont définies.

B.2. Les dispositions en cause punissent toutes les infractions qu'elles définissent d'une amende invariable, égale au décuple des droits fraudés avec un minimum de 250 euros, sans que soient prévues une peine minimale et une peine maximale entre lesquelles le juge pourrait choisir. Ces dispositions ne permettent pas davantage au juge de prendre en compte des circonstances atténuantes. Elles restreignent dès lors la liberté d'appréciation du juge en ce qui concerne la peine à infliger.

Le juge a quo demande à la Cour, par trois questions préjudicielles, d'examiner si ces dispositions violent dès lors les articles 10 et 11 de la Constitution et l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, lus en combinaison.

La première question préjudicielle invite la Cour à opérer une comparaison par rapport au droit pénal commun, qui permet généralement au juge de déterminer la peine dans les limites d'une peine minimale et maximale fixées par la loi et de tenir compte de circonstances atténuantes pour infliger une sanction en deçà du minimum légal (articles 79 à 85 du Code pénal).

La deuxième question préjudicielle invite la Cour à comparer les pouvoirs du juge répressif avec ceux de l'Administration des douanes et accises, laquelle peut, par application de l'article 263 de la L.G.D.A., transiger, notamment à propos de l'amende, « toutes et autant de fois que l'affaire sera accompagnée de circonstances atténuantes, et qu'on pourra raisonnablement supposer que l'infraction doit être attribuée plutôt à une négligence ou erreur qu'à l'intention de fraude préméditée ».

La troisième question compare l'amende égale au décuple des droits éludés, prévue par les dispositions litigieuses, à l'amende prévue à l'article 239 de la L.G.D.A., qui énonce : « § 1er. Lorsqu'à la vérification en détail de marchandises d'accises acheminées sous régime d'accise vers une destination autorisée, il sera constaté un manquant par rapport à la déclaration en matière d'accise ou au document d'accise délivré, le déclarant ou le titulaire du document délivré encourra, de ce chef, une amende égale au décuple de l'accise due sur la quantité manquante. § 2. L'amende prévue au § 1er sera réduite au double de l'accise due sur la quantité reconnue manquante lorsque celle-ci n'excédera pas un douzième de la quantité déclarée ou mentionnée au document. § 3. Indépendamment des amendes prévues aux §§ 1er et 2, les droits d'accise sur la quantité reconnue manquante devront être acquittés ».

B.3. Les dispositions en cause s'inscrivent dans le cadre du droit pénal douanier, qui relève du droit pénal spécial et par lequel le législateur, sur la base d'un système spécifique de recherche et de poursuite pénales, entend combattre l'ampleur et la fréquence des fraudes dans une matière particulièrement technique relative à des activités souvent transfrontalières et régie en grande partie par une abondante réglementation européenne. La répression des infractions en matière de douanes et accises est souvent rendue difficile par le nombre de personnes qui interviennent dans le commerce et par la mobilité des marchandises sur lesquelles les droits sont dus.

Dans ce cadre, le législateur a assorti d'amendes très lourdes les infractions en matière de douanes et accises pour empêcher que des fraudes soient commises en vue d'obtenir les gains énormes qu'elles peuvent engendrer. En vue de justifier la lourdeur de l'amende, il a toujours été soutenu que celle-ci non seulement constituerait une peine individuelle assortie d'un caractère fortement dissuasif pour l'auteur, mais viserait également à rétablir l'ordre économique perturbé et à assurer la perception des impôts dus. Le fait de permettre au juge répressif de tenir compte de circonstances atténuantes serait incompatible avec l'objectif consistant à réprimer la fraude fiscale.

B.4. Puisqu'elles portent essentiellement sur la compétence du juge répressif pour fixer le taux de la peine et l'adapter aux circonstances concrètes de la cause en modérant l'amende prévue par les dispositions en cause, les trois questions préjudicielles sont traitées ensemble.

B.5.1. Sous la réserve qu'il ne peut prendre une mesure manifestement déraisonnable, le législateur démocratiquement élu peut vouloir déterminer lui-même la politique répressive et exclure ainsi le pouvoir d'appréciation du juge.

Le législateur a toutefois opté à diverses reprises pour l'individualisation des peines, en abandonnant au juge un choix, limité par un maximum et un minimum, quant à la sévérité de la peine, en lui permettant de tenir compte de circonstances atténuantes qui l'autorisent à infliger une peine inférieure au minimum légal et en l'autorisant à accorder des mesures de sursis et de suspension du prononcé.

B.5.2. L'impossibilité pour le juge d'adoucir la peine en deçà des limites fixées par les dispositions en cause provient de ce qu'en l'absence d'une disposition expresse dans la loi pénale particulière, les dispositions du Code pénal relatives aux circonstances atténuantes ne peuvent être appliquées (article 100 du Code pénal).

B.5.3. Il appartient au législateur d'apprécier s'il est souhaitable de contraindre le juge à la sévérité quand une infraction nuit particulièrement à l'intérêt général, spécialement dans une matière qui, comme en l'espèce, donne lieu à une fraude importante. Cette sévérité peut concerner non seulement le niveau de la peine pécuniaire, mais aussi la faculté offerte au juge d'adoucir la peine en deçà des limites fixées s'il existe des circonstances atténuantes.

La Cour ne pourrait censurer pareil choix que si celui-ci était manifestement déraisonnable ou si la disposition litigieuse avait pour effet de priver une catégorie de prévenus du droit à un procès équitable devant une juridiction impartiale et indépendante, garanti par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.6. La manière dont l'amende est déterminée par les dispositions en cause répond aux objectifs poursuivis par le législateur tels qu'ils ont été exposés en B.3.

B.7.1. Aux termes de l'article 263 de la L.G.D.A., il pourra être transigé, par l'administration, notamment en ce qui concerne l'amende, « toutes et autant de fois que l'affaire sera accompagnée de circonstances atténuantes, et qu'on pourra raisonnablement supposer que l'infraction doit être attribuée plutôt à une négligence ou erreur qu'à l'intention de fraude préméditée ».

B.7.2. L'absence, dans les dispositions litigieuses, d'une compétence du juge répressif qui soit équivalente à celle que l'article 263 de la L.G.D.A. accorde à l'administration n'est pas compatible avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe général de droit pénal qui exige que rien de ce qui appartient au pouvoir d'appréciation de l'administration n'échappe au contrôle du juge.

B.7.3. Il est vrai que, dans toutes les matières où elle est permise, la transaction met fin à l'action publique sans contrôle du juge. Mais le prévenu peut généralement, si la transaction ne lui est pas proposée ou s'il la refuse, faire valoir devant un juge l'existence de circonstances atténuantes.

En l'espèce, le prévenu est libre d'accepter la transaction qui lui serait proposée par l'administration mais s'il la refuse, ou si elle ne lui est pas proposée, il ne pourra jamais faire apprécier par un juge s'il existe des circonstances atténuantes justifiant que l'amende soit réduite en deçà du montant fixé par la loi.

B.7.4. Il est vrai également que le juge peut ordonner la suspension du prononcé de la condamnation ou le sursis à l'exécution des peines, en application de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation. Mais les pouvoirs confiés au juge par cette loi ne sont pas les mêmes que ceux qu'il tient de l'article 85 du Code pénal et que la L.G.D.A. confie à l'administration.

B.8. Les questions préjudicielles appellent une réponse affirmative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 221, § 1er, de la loi générale sur les douanes et accises, coordonnée par l'arrêté royal du 18 juillet 1977, et l'article 39 de la loi du 10 juin 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1997 pub. 01/08/1997 numac 1997003403 source ministere des finances Loi relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise fermer relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, violent les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que ces dispositions ne permettent pas au juge pénal, s'il existe des circonstances atténuantes, de modérer l'amende qu'elles prévoient.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 13 décembre 2006.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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