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Arrêt
publié le 12 juillet 2006

Extrait de l'arrêt n° 109/2006 du 28 juin 2006 Numéro du rôle : 3759 En cause : le recours en annulation totale ou partielle des articles 19, 35 à 40, 102 et 103, § 1 er , de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

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Extrait de l'arrêt n° 109/2006 du 28 juin 2006 Numéro du rôle : 3759 En cause : le recours en annulation totale ou partielle des articles 19, 35 à 40, 102 et 103, § 1er, de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus, introduit par le Gouvernement flamand.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot et L. Lavrysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 juillet 2005 et parvenue au greffe le 29 juillet 2005, le Gouvernement flamand a introduit un recours en annulation totale ou partielle des articles 19, 35 à 40, 102 et 103, § 1er, de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus (publiée au Moniteur belge du 1er février 2005). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1. Le Gouvernement flamand demande l'annulation totale ou partielle des articles suivants de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus : « TITRE III. - Des prisons [...] CHAPITRE III. - Du placement, du transfèrement et de l'accueil [...]

Art. 19.§ 1er. Lors de son accueil, le détenu sera informé de ses droits et de ses devoirs, des règles en vigueur dans la prison ou dans la section, du rôle du personnel ainsi que des possibilités existant sur place ou accessibles à partir de là en matière d'aide médicale, juridique, psychosociale et familiale, en matière de soutien moral, philosophique ou religieux ainsi qu'en matière d'aide sociale. [...] TITRE IV. - De la planification de la détention CHAPITRE Ier. - De l'enquête sur la personne et la situation du condamné

Art. 35.§ 1er. Dès l'incarcération et l'accueil du condamné débute une enquête sur sa personne et sa situation dans la perspective du plan de détention individuel visé à l'article 38. § 2. Il peut être renoncé à l'enquête visée au § 1er si elle ne se justifie pas dans la mesure où la partie de la peine privative de liberté est de courte durée et si le condamné y consent, ou lorsque le condamné ne désire pas de plan de détention. Cet accord ou la circonstance que le condamné ne désire pas de plan de détention, décision sur laquelle le condamné peut revenir à tout moment, est acté dans un formulaire dont le modèle sera arrêté par le Roi. § 3. Si le condamné purge déjà une peine privative de liberté, l'enquête peut se limiter aux aspects présentant un intérêt direct pour une éventuelle adaptation d'un plan de détention individuel existant.

Art. 36.§ 1er. L'enquête sur la personne et la situation du condamné comporte une enquête sur les circonstances qu'il est nécessaire de connaître : 1° pour personnaliser le principe de la limitation des effets préjudiciables formulé à l'article 6, § 2;2° pour personnaliser les objectifs de l'exécution de la peine privative de liberté, tels que prévus à l'article 9, § 2;3° pour, au besoin, moduler judicieusement la décision de placement, sur la base d'informations recueillies au cours de l'enquête visée aux points 1° et 2°. § 2. Le condamné a le droit de prendre connaissance des résultats de l'enquête. § 3. Le Roi fixe les modalités relatives à l'enquête sur la personne et la situation du condamné.

Art. 37.Lorsque des circonstances propres à la problématique du condamné ou au délit pour lequel il a été condamné requièrent un programme d'enquête spécial, le condamné peut, pour les besoins de cette enquête, être transféré dans un centre spécialisé désigné par le Roi. CHAPITRE II. - Du plan de détention individuel

Art. 38.§ 1er. Sur la base de l'enquête visée aux articles 35 à 37, un plan de détention individuel est élaboré en concertation avec le condamné et avec la participation de celui-ci. § 2. Le plan de détention est élaboré dans l'établissement pénitentiaire ou dans la section où le condamné a été placé ou a été transféré en application du titre III, chapitre III. § 3. Le plan de détention individuel contient une esquisse du parcours de détention et, le cas échéant, des activités axées sur la réparation notamment du tort causé aux victimes. Le plan de détention contient aussi des avis éventuels concernant des transferts qui peuvent raisonnablement être prévus pour le condamné compte tenu de la durée des peines prononcées, des critères d'application de modalités particulières d'exécution et de libération anticipée ou de la date de la libération définitive.

Ce plan contient par ailleurs des propositions d'activités auxquelles le détenu participera, telles que : 1° le travail disponible ou à mettre à sa disposition dans le cadre de l'exécution de la peine;2° les programmes d'enseignement ou de formation, les activités de formation ou de recyclage et d'autres activités axées sur la réinsertion;3° les programmes d'encadrement psychosocial ou les programmes de traitement médical ou psychologique. Le plan de détention est élaboré en tenant compte des possibilités du détenu et de l'administration pénitentiaire. § 4. Le plan de détention est intégré dans un protocole de collaboration qui est signé par le condamné et par le directeur. § 5. Le Roi peut fixer des règles complémentaires relatives au plan de détention individuel.

Art. 39.En cours de détention, le plan de détention individuel est, autant qu'il en est besoin, complété, concrétisé et adapté, en collaboration avec le condamné, notamment en fonction de son évolution et des décisions judiciaires ou administratives qui influencent ou peuvent influencer son parcours de détention.

Art. 40.Le Roi fixe les modalités relatives aux personnes ou services chargés de l'élaboration, de l'adaptation et du suivi du plan de détention individuel.

TITRE V. - Des conditions de vie dans la prison [...] CHAPITRE IX. - De l'aide sociale

Art. 102.Le détenu a le droit à une préparation et à un suivi par le service attaché à la prison dans le cadre de l'élaboration et de la gestion de son plan de détention. CHAPITRE X. - De l'assistance judiciaire et de l'aide juridique

Art. 103.§ 1er. Le détenu a droit à l'offre présente en prison en matière d'aide sociale. [...] ».

Quant au fond B.2. Le Gouvernement flamand demande l'annulation totale ou partielle des articles 19, 35 à 40, 102 et 103, § 1er, de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus.

B.3.1. Le moyen unique est pris de la violation de l'article 128 de la Constitution et de l'article 5, § 1er, II, 7°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.3.2. L'article 128, § 1er, de la Constitution dispose : « Les Parlements de la Communauté française et de la Communauté flamande règlent par décret, chacun en ce qui le concerne, les matières personnalisables, de même qu'en ces matières, la coopération entre les communautés et la coopération internationale, y compris la conclusion de traités.

Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, arrête ces matières personnalisables, ainsi que les formes de coopération et les modalités de conclusion de traités ».

B.3.3. Sur la base de l'article 5, § 1er, II, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, remplacé par l'article 3 de la loi spéciale du 8 août 1988, les communautés sont compétentes, dans les matières personnalisables et plus précisément « en matière d'aide aux personnes », pour : « 7° l'aide sociale aux détenus, en vue de leur réinsertion sociale ».

B.3.4. Avant le remplacement opéré par la loi spéciale du 8 août 1988 de réformes institutionnelles, les communautés étaient, sur la base de l'article 5, § 1er, II, 7°, de la loi spéciale du 8 août 1980, compétentes pour « l'aide sociale pénitentiaire et post-pénitentiaire à l'exception de l'exécution des décisions pénales ». Lors de la suppression de cette exception en 1988, le législateur spécial a souligné qu'elle ne pouvait pas entraîner de conséquences juridiques (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 405-2, p. 73).

B.4.1. Il faut considérer que le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.

B.4.2. En vertu de l'article 128, § 1er, de la Constitution et de l'article 5, § 1er, II, 7°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, les communautés ont la plénitude de compétence pour régler l'aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion sociale. Cette compétence comprend notamment l'aide matérielle, morale ou psychosociale aux détenus et ex-détenus et à leur famille, ainsi que la préparation au reclassement (Doc. parl., Chambre, 1979-1980, n° 627/10, pp. 67-69).

B.5.1. La loi attaquée fixe les règles de base relatives à l'exécution des peines privatives de libertés et, corollairement, au statut juridique des détenus.

B.5.2. L'objectif de la loi attaquée est justifié comme suit dans les travaux préparatoires : « Le droit pénitentiaire belge s'est jusqu'à présent caractérisé par l'absence d'une base légale solide. C'est en effet essentiellement le pouvoir exécutif et l'administration pénitentiaire qui prennent les mesures concrètes pour l'application des peines privatives de liberté et la détermination du statut juridique des détenus. Il est dès lors urgent de régler cette matière par la voie légale et de définir précisément les droits et les obligations des détenus ainsi que les objectifs à poursuivre lors de l'application de peines et de mesures privatives de liberté » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0231/015, p. 3).

B.6.1. Le législateur fédéral est compétent pour régler tout ce qui a trait à l'exécution des décisions pénales. Il s'agit notamment de l'organisation des établissements pénitentiaires, du régime pénitentiaire, de l'inspection et du contrôle (Doc. parl., Chambre, 1979-1980, n° 627/10, pp. 67-69).

B.6.2. Compte tenu de la nécessaire imbrication des compétences fédérales et communautaires, les différents législateurs veilleront à ne pas rendre impossible ou exagérément difficile l'exercice des compétences attribuées aux autres autorités normatives. Le cas échéant, pour éviter tout excès de compétence, ils n'auront d'autre choix que de collaborer.

B.6.3. En l'espèce, le législateur fédéral doit veiller à ce que les communautés soient en mesure de réaliser pleinement l'aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion sociale, dont elles ont la compétence exclusive.

B.6.4. Selon l'article 9, § 2, de la loi attaquée, l'exécution de la peine privative de liberté est axée sur la réparation du tort causé aux victimes par l'infraction, sur la réhabilitation du condamné et sur la préparation, individualisée, de sa réinsertion dans la société.

La poursuite de ces objectifs ne pourrait permettre au législateur fédéral de s'arroger les compétences attribuées aux communautés.

B.7.1. L'article 19 attaqué de la loi du 12 janvier 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/01/2005 pub. 01/02/2005 numac 2005009033 source service public federal justice Loi de principes concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus fermer règle les informations fournies aux détenus lors de leur arrivée dans la prison.

Selon l'article 19, § 1er, le détenu sera informé, lors de son accueil, de ses droits et de ses devoirs, des règles en vigueur dans la prison ou dans la section, du rôle du personnel ainsi que des possibilités existant sur place ou accessibles depuis la prison en matière d'aide médicale, juridique, psychosociale et familiale, en matière de soutien moral, philosophique ou religieux, ainsi qu'en matière d'aide sociale.

L'article 19, § 2, donne au Roi le pouvoir de fixer les modalités nécessaires pour que ces informations soient données au détenu dans une langue qu'il comprend ou de manière intelligible.

B.7.2. Le Gouvernement flamand demande l'annulation de ces dispositions en tant qu'elles visent également l'information relative à l'aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion sociale.

B.7.3. Selon le législateur spécial, le règlement des informations fournies aux détenus à leur arrivée dans la prison relève de la compétence du législateur fédéral (Doc. parl., Chambre, 1979-1980, n° 627/10, pp.67-69).

La disposition attaquée vise à informer de façon générale les détenus, à leur arrivée dans l'établissement pénitentiaire, du régime de détention et des différentes formes d'aide sociale auxquelles ils peuvent faire appel.

De ce que les détenus doivent également, selon la disposition attaquée, être informés de l'offre en matière notamment d'aide sociale, dont les communautés ont la compétence exclusive, il ne s'ensuit pas que le législateur fédéral s'arrogerait l'exercice de cette compétence. La disposition attaquée n'empêche pas non plus les communautés d'organiser elles-mêmes le contenu de l'information relative à l'aide sociale dont elles ont la responsabilité exclusive.

L'article 19, § 1er, de la loi attaquée ne viole donc pas les règles répartitrices de compétences.

B.7.4. Le Gouvernement flamand fait également valoir que le pouvoir attribué au Roi par l'article 19, § 2, de la loi attaquée, de fixer les modalités relatives aux informations visées au paragraphe 1er, fait naître un risque que soient prises des dispositions d'exécution impliquant une ingérence inadmissible dans une compétence communautaire.

B.7.5. Une habilitation accordée au pouvoir exécutif pour fixer les modalités d'exécution d'une loi ne saurait se comprendre comme autorisant celui-ci à violer les règles répartitrices de compétences.

B.7.6. Lorsqu'Il donne exécution à l'article 19, § 2, de la loi attaquée, le Roi est tenu d'exercer le pouvoir qui Lui est délégué dans le respect des règles répartitrices de compétences. La délégation accordée au Roi n'implique pas en soi un excès de compétence.

B.7.7. Les griefs formulés contre l'article 19 de la loi du 12 janvier 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/01/2005 pub. 01/02/2005 numac 2005009033 source service public federal justice Loi de principes concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus fermer ne sont pas fondés.

B.8.1. Le Gouvernement flamand demande également l'annulation des articles 35 à 40 de la loi du 12 janvier 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/01/2005 pub. 01/02/2005 numac 2005009033 source service public federal justice Loi de principes concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus fermer, en tant que la planification de la détention réglée par ces dispositions porte sur l'aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion sociale.

B.8.2. Les articles 35 à 37 de la loi attaquée règlent l'enquête sur la personne et la situation des condamnés dans la perspective de l'établissement du plan de détention individuel visé à l'article 38.

B.8.3. Aux termes de l'article 38, le plan de détention individuel est élaboré en concertation avec les condamnés et avec la participation de ceux-ci. Ce plan contient une esquisse du parcours de détention et, le cas échéant, des activités axées notamment sur la réparation du tort causé aux victimes. Le plan de détention contient aussi des avis éventuels concernant des transferts qui peuvent raisonnablement être prévus pour le condamné compte tenu de la durée des peines prononcées, des critères d'application des modalités particulières d'exécution et de libération anticipée ou de la date de la libération définitive.

Ce plan contient des propositions d'activités auxquelles le détenu participera, telles que : 1° le travail disponible ou à mettre à sa disposition dans le cadre de l'exécution de la peine;2° les programmes d'enseignement ou de formation, des activités de formation ou de recyclage et d'autres activités axées sur la réinsertion;3° les programmes d'encadrement psychosocial ou les programmes de traitement médical ou psychologique. Le plan de détention est intégré dans un protocole de collaboration qui est signé par le condamné et par le directeur.

B.8.4. Selon le Gouvernement flamand, ces dispositions sont entachées d'excès de compétence en ce que la planification de la détention qu'elles règlent porte sur l'aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion sociale.

Le pouvoir accordé au Roi de fixer les modalités relatives à l'exécution des dispositions concernant la planification de la détention crée également, selon le Gouvernement flamand, le risque que soient pris des arrêtés d'exécution impliquant une ingérence inadmissible dans une compétence communautaire.

B.9.1. L'une des caractéristiques de la compétence des communautés en matière d'aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion sociale est que cette aide sociale s'inscrit dans le cadre de l'exécution des peines, dont la compétence appartient au législateur fédéral.

B.9.2. La répartition des compétences entre l'Etat fédéral et les communautés repose sur un système de compétences exclusives qui implique que toute situation juridique soit en principe réglée par un seul et unique législateur. Lorsqu'une réglementation a, comme en l'espèce, des liens avec plusieurs attributions de compétences, la Cour doit rechercher où se trouve l'élément prépondérant de la relation juridique réglée.

B.9.3. Dans le cadre de la loi attaquée, le plan de détention individuel occupe une position centrale. Il sert d'instrument de base pour le traitement pénitentiaire des détenus condamnés et vise à donner une signification constructive aux peines privatives de liberté (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC 50-1076/001, p.87).

Le plan de détention, tel qu'il est conçu dans les articles 35 à 40 de la loi attaquée, vise à planifier le parcours de détention individuel du détenu, ce qui relève de la compétence du législateur fédéral pour régler l'exécution des peines.

B.9.4. Bien que les communautés aient la compétence exclusive de l'aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion sociale, c'est au législateur fédéral qu'il appartient de déterminer la façon dont cette aide sociale peut s'insérer dans l'ensemble de l'exécution individuelle des peines, compte tenu de la situation spécifique de chaque détenu pris individuellement et de la marge que laisse à cet effet le régime de détention dans un cas concret.

B.9.5. La compétence des communautés en matière d'aide sociale aux détenus, visée à l'article 5, § 1er, II, 7°, de la loi spéciale du 8 août 1980, d'une part, et les compétences attribuées aux communautés par d'autres dispositions, d'autre part, exigent cependant que le législateur fédéral, lorsqu'il règle l'exécution des peines et le régime pénitentiaire, se limite à ce qui est nécessaire à cet effet et ne rende pas impossible ou exagérément difficile l'exercice de la compétence communautaire.

B.9.6. Cette condition est remplie en l'espèce. De ce que le plan de détention peut également contenir des propositions d'activités dont l'organisation relève de la compétence des communautés il ne découle pas que le législateur fédéral a l'intention d'organiser lui-même ces activités.

Les communautés ont la responsabilité exclusive de régler l'aide sociale aux détenus en vue de leur réinsertion sociale et d'exécuter pleinement les autres compétences qui leur ont été attribuées. De la façon dont elles sont formulées, les dispositions attaquées laissent la marge nécessaire pour l'offre en matière d'aide sociale que l'on peut attendre des communautés en l'espèce et ne violent pas les règles répartitrices de compétences.

B.9.7. La loi attaquée doit au demeurant être combinée aux accords de coopération conclus entre l'autorité fédérale et les communautés.

En l'espèce, l'article 5 de l'accord de coopération du 28 février 1994 entre l'Etat et la Communauté flamande relatif à l'aide sociale dispensée aux détenus en vue de leur intégration sociale dispose que, au sein de l'équipe d'aide sociale active en permanence dans chaque prison, l'intervenant du service agréé d'aide sociale aux justiciables de la Communauté flamande veille à ce que les demandes et les besoins des détenus soient satisfaits par les dispositifs d'aide sociale mis en place par la Communauté flamande, ce qui comprend notamment l'élaboration d'un parcours d'accompagnement psychosocial individuel de chaque détenu, tenant compte du parcours de détention individuel.

B.10.1. Les griefs du Gouvernement flamand à l'égard de la délégation accordée au pouvoir exécutif pour fixer les modalités d'exécution des dispositions attaquées ne peuvent être accueillis, pour les motifs exposés en B.7.5.

B.10.2. Compte tenu des différentes matières qui figurent dans le plan de détention, le Roi, lorsqu'Il règle la question de savoir quelles personnes ou services seront chargés de l'établissement, de l'adaptation et du suivi du plan de détention individuel, doit respecter les compétences et l'autonomie des communautés.

B.10.3. La délégation accordée au pouvoir exécutif ne pourrait conduire à ce que des services ou des personnes relevant de la compétence du législateur fédéral soient chargés de missions relevant de la compétence des institutions communautaires. Le pouvoir exécutif fédéral ne peut pas davantage fixer unilatéralement les tâches des services et des personnes relevant de la compétence de la communauté.

Cependant, la délégation accordée au Roi n'implique pas en soi un excès de compétence.

B.10.4. En ce qu'il est dirigé contre les articles 35 à 40 de la loi attaquée, le moyen n'est pas fondé.

B.11.1. L'article 102 attaqué fait partie du chapitre IX de la loi, intitulé « De l'aide sociale ». Il dispose que le détenu a droit à une préparation et à un suivi par le service attaché à la prison dans le cadre de l'élaboration et de la gestion de son plan de détention.

Le Gouvernement flamand demande l'annulation de cette disposition en ce que la mission d'accompagnement du service fédéral porte également sur l'aide sociale aux justiciables.

B.11.2. L'article 103, § 1er, attaqué fait partie du chapitre X, intitulé « De l'assistance judiciaire et de l'aide juridique ». Il dispose que le détenu a droit à l'offre d'aide sociale existant en prison. L'autorité fédérale n'étant pas compétente en matière d'aide sociale aux détenus, elle ne peut pas, selon le Gouvernement flamand, accorder de droit à cette aide.

B.12.1. Les travaux préparatoires révèlent que la loi attaquée est sous-tendue par une approche du statut juridique du détenu, dans laquelle le régime pénitentiaire est formulé en termes de droits et de devoirs (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC 50-1076/001, p. 54).

Le législateur a considéré à cet égard : « Les condamnés à une peine privative de liberté effective sont en effet des personnes qui ont rompu la digue de la protection juridique grâce à laquelle les citoyens sont protégés non seulement contre les actes irréguliers des pouvoirs publics mais aussi contre la criminalité.

Ceci n'enlève rien au fait que le droit, inhérent à l'Etat de droit, à une protection juridique, de même que celui de bénéficier de chances d'épanouissement individuel soutenues par l'Etat social actif, ne peuvent être considérés comme l'apanage des seuls citoyens qui respectent les normes, mais qu'ils font partie des prérogatives de chaque citoyen » (ibid., p. 56).

B.12.2. En accordant au détenu le droit de faire usage de l'offre existant en prison en matière d'aide sociale et le droit de se faire assister par le service attaché à la prison, le législateur fédéral ne règle pas cette aide. Il n'impose pas davantage d'obligations en la matière aux communautés ou aux détenus et il ne rend pas l'exercice des compétences communautaires impossible ou exagérément difficile.

B.12.3. Les dispositions attaquées ne violent donc pas les règles de compétences en vigueur en la matière.

B.13. Le moyen unique n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 28 juin 2006.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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