publié le 23 juin 2006
Extrait de l'arrêt n° 91/2006 du 7 juin 2006 Numéros du rôle : 3694, 3789 et 3796 En cause : les recours en annulation de la loi du 7 avril 2005 « relative à la protection des sources journalistes », introduits par L. Lamine, M. Weemaes et La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, M.(...)
Extrait de l'arrêt n° 91/2006 du 7 juin 2006 Numéros du rôle : 3694, 3789 et 3796 En cause : les recours en annulation de la loi du 7 avril 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/04/2005 pub. 27/04/2005 numac 2005009280 source service public federal justice Loi relative à la protection des sources journalistes fermer « relative à la protection des sources journalistes », introduits par L. Lamine, M. Weemaes et M. Elincx.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 avril 2005 et parvenue au greffe le 29 avril 2005, L.Lamine, demeurant à 3110 Rotselaar, Steenweg op Wezemaal 90, a introduit un recours en annulation de la loi du 7 avril 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/04/2005 pub. 27/04/2005 numac 2005009280 source service public federal justice Loi relative à la protection des sources journalistes fermer « relative à la protection des sources journalistes » (publiée au Moniteur belge du 27 avril 2005). b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 11 octobre 2005 et parvenue au greffe le 12 octobre 2005, M.Weemaes, demeurant à 3110 Rotselaar, Steenweg op Wezemaal 90, a introduit un recours en annulation de la loi précitée. c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 25 octobre 2005 et parvenue au greffe le 26 octobre 2005, M.Elincx, demeurant à 3020 Herent, Bijlokstraat 144, a introduit un recours en annulation partielle de l'article 2 de la loi précitée.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 3694, 3789 et 3796 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant à la loi attaquée B.1. Les dispositions de la loi du 7 avril 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/04/2005 pub. 27/04/2005 numac 2005009280 source service public federal justice Loi relative à la protection des sources journalistes fermer « relative à la protection des sources journalistes » énoncent : «
Art. 1er.La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2.Bénéficient de la protection des sources telle que définie à l'article 3, les personnes suivantes : 1° les journalistes, soit toute personne qui, dans le cadre d'un travail indépendant ou salarié, ainsi que toute personne morale, contribue régulièrement et directement à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d'informations, par le biais d'un média, au profit du public;2° les collaborateurs de la rédaction, soit toute personne qui, par l'exercice de sa fonction, est amenée à prendre connaissance d'informations permettant d'identifier une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations.
Art. 3.Les personnes visées à l'article 2 ont le droit de taire leurs sources d'information.
Sauf dans les cas visés à l'article 4, elles ne peuvent pas être contraintes de révéler leurs sources d'information et de communiquer tout renseignement, enregistrement et document susceptible notamment : 1° de révéler l'identité de leurs informateurs;2° de dévoiler la nature ou la provenance de leurs informations;3° de divulguer l'identité de l'auteur d'un texte ou d'une production audiovisuelle;4° de révéler le contenu des informations et des documents eux-mêmes, dès lors qu'ils permettent d'identifier l'informateur.
Art. 4.Les personnes visées à l'article 2 ne peuvent être tenues de livrer les sources d'information visées à l'article 3 qu'à la requête du juge, si elles sont de nature à prévenir la commission d'infractions constituant une menace grave pour l'intégrité physique d'une ou de plusieurs personnes en ce compris les infractions visées à l'article 137 du Code pénal, pour autant qu'elles portent atteinte à l'intégrité physique, et si les conditions cumulatives suivantes sont remplies : 1° les informations demandées revêtent une importance cruciale pour la prévention de la commission de ces infractions;2° les informations demandées ne peuvent être obtenues d'aucune autre manière.
Art. 5.Les mesures d'information ou d'instruction telles que fouilles, perquisitions, saisies, écoutes téléphoniques et enregistrements ne peuvent concerner des données relatives aux sources d'information des personnes visées à l'article 2 que si ces données sont susceptibles de prévenir la commission des infractions visées à l'article 4, et dans le respect des conditions qui y sont définies.
Art. 6.Les personnes visées à l'article 2 ne peuvent être poursuivies sur la base de l'article 505 du Code pénal lorsqu'elles exercent leur droit à ne pas révéler leurs sources d'information.
Art. 7.En cas de violation du secret professionnel au sens de l'article 458 du Code pénal, les personnes visées à l'article 2 ne peuvent être poursuivies sur la base de l'article 67, alinéa 4, du Code pénal lorsqu'elles exercent leur droit à ne pas révéler leurs sources d'information ».
Quant à l'intérêt des parties requérantes B.2.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.
B.2.2. A l'appui de son intérêt, la partie requérante dans l'affaire n° 3694 fait notamment valoir qu'elle a fait l'objet, dans deux articles de presse, de diffamations de la part de deux collègues restés anonymes.La loi attaquée l'affecterait directement et défavorablement parce qu'elle a pour effet que les journalistes concernés ne peuvent en aucune manière être contraints de révéler qui sont ces deux collègues restés anonymes.
La partie requérante dans l'affaire n° 3789 soutient qu'en sa qualité d'épouse de la partie requérante dans l'affaire n° 3694, elle a subi un dommage moral en raison des articles de presse visés et qu'elle souhaite obtenir réparation de la part des collègues de son mari restés anonymes. Elle soutient que la loi attaquée l'empêche d'exercer ses droits à l'égard desdits collègues.
B.2.3. Selon la loi attaquée, les journalistes et les collaborateurs de la rédaction ont le droit de taire leurs sources d'information (article 3). Les journalistes et collaborateurs de la rédaction ne peuvent être tenus de livrer leurs sources qu'à la requête du juge et « si elles sont de nature à prévenir la commission d'infractions constituant une menace grave pour l'intégrité physique d'une ou de plusieurs personnes » (article 4). Les mesures d'information ou d'instruction ne peuvent concerner des données relatives aux sources d'information que « si ces données sont susceptibles de prévenir la commission des infractions visées à l'article 4 » (article 5). Les journalistes et collaborateurs de la rédaction qui exercent leur droit de taire leurs sources d'information ne peuvent être poursuivis sur la base de l'article 505 du Code pénal relatif au recel ni, en cas de violation du secret professionnel au sens de l'article 458 du Code pénal, sur la base de l'article 67, alinéa 4, du Code pénal relatif à la complicité (articles 6 et 7).
B.2.4. Etant donné que les articles 3 à 7 de la loi du 7 avril 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/04/2005 pub. 27/04/2005 numac 2005009280 source service public federal justice Loi relative à la protection des sources journalistes fermer rendant plus difficile, pour les parties requérantes dans les affaires nos 3694 et 3789, la découverte, par l'intermédiaire des journalistes qui ont écrit les articles visés en B.2, de l'identité des collègues restés anonymes, ces parties justifient en principe de l'intérêt requis au recours tendant à l'annulation.
B.3.1. Le Conseil des Ministres conteste en particulier l'intérêt de la partie requérante dans l'affaire n° 3694 à l'annulation de l'article 2 de la loi attaquée. L'ensemble de sa requête révèlerait qu'elle critique surtout la protection accordée par la loi aux journalistes. Une annulation de l'article 2 sur la base du premier moyen formulé par la partie requérante pourrait seulement conduire à ce que cette protection soit étendue à des personnes qui ne sont présentement pas protégées.
B.3.2. La partie requérante dans l'affaire n° 3694 soutient qu'elle est active dans la politique communale et qu'en cette qualité, elle publie régulièrement des articles sur Internet. Elle considère que les dispositions constitutionnelles et conventionnelles qui garantissent la liberté d'expression et la liberté de la presse lui confèrent à cet égard le droit de taire ses sources journalistiques. Elle serait privée de ce droit par l'article 2 attaqué, aux termes duquel seuls les journalistes qui travaillent comme indépendants ou comme salariés bénéficient de la protection des sources journalistiques réglée dans la loi.
La partie requérante dans l'affaire n° 3796 motive son intérêt à l'annulation de l'article 2 attaqué d'une façon similaire.
B.3.3. Les parties requérantes dans les affaires nos 3694 et 3796 possèdent un intérêt à une annulation éventuelle de l'article 2 de la loi attaquée, puisque cette disposition les exclut - à tort selon elles - de l'avantage que la loi accorde aux personnes définies dans cette disposition. La circonstance que la requête dans l'affaire n° 3694 critique principalement la protection des sources journalistiques et les exceptions à cette protection ne prive pas automatiquement la partie requérante de tout intérêt à attaquer la disposition qui règle le champ d'application ratione personae de cette loi. En effet, rien n'empêche qu'une partie requérante motive à partir de différents points de vue son intérêt à l'annulation d'une loi constituée de différentes dispositions.
L'exception est rejetée.
Quant à la recevabilité des moyens B.4.1. Le Conseil des Ministres soutient que les quatrième et cinquième moyens dans l'affaire n° 3694 sont irrecevables.
B.4.2. Ces deux moyens ont été formulés par la partie requérante pour la première fois dans son mémoire en réponse.
Il s'agit donc de moyens nouveaux, qui ne peuvent être formulés que dans l'hypothèse visée à l'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les quatrième et cinquième moyens ne sont pas recevables.
B.5.1. Le Conseil des Ministres fait aussi valoir que la partie requérante dans l'affaire n° 3694 ne possède aucun intérêt à ses deux premiers moyens.
B.5.2. Dès lors que la partie requérante a démontré son intérêt à l'annulation des dispositions de la loi attaquée, il n'y a pas lieu d'examiner en outre si elle possède un intérêt à chacun des moyens qu'elle invoque.
L'exception est rejetée.
Quant à l'objet du recours B.6. Il ressort de l'exposé des moyens jugés recevables que les recours concernent exclusivement les articles 2, 1°, 4 et 7 de la loi attaquée. En effet, ces moyens n'indiquent pas en quoi les normes de référence invoquées auraient été violées par les autres dispositions de la loi attaquée. La Cour limite son examen à ces dispositions.
Quant au fond Quant au premier moyen dans l'affaire n° 3694 et au moyen unique dans l'affaire n° 3796 B.7. Les moyens sont pris de la violation des articles 10, 11, 19 et 25 de la Constitution, combinés avec les articles 10 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 3 du Premier Protocole additionnel à cette Convention (invoqué seulement dans le moyen unique dans l'affaire n° 3796) et avec les articles 19.2 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et sont dirigés - ainsi qu'il ressort de leur exposé - contre l'article 2, 1°, de la loi attaquée. En accordant exclusivement le droit au secret des sources d'information aux journalistes qui travaillent en qualité d'indépendants ou de salariés et qui exercent des activités journalistiques de manière régulière, et non aux personnes qui exercent des activités journalistiques sans satisfaire à ces conditions, la loi attaquée restreindrait de façon discriminatoire la liberté d'expression et la liberté de la presse.
B.8.1. L'article 2 de la loi attaquée dispose que la protection des sources est accordée aux journalistes et aux collaborateurs de la rédaction. L'article 2, 1°, définit un « journaliste » comme « toute personne qui, dans le cadre d'un travail indépendant ou salarié, ainsi que toute personne morale, contribue régulièrement et directement à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d'informations, par le biais d'un média, au profit du public ».
B.8.2. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur, au moyen des termes « dans le cadre d'un travail indépendant ou salarié », a entendu faire référence au statut social de l'intéressé (Doc. parl., Sénat, 2004-2005, n° 3-670/6, p. 59). Une personne physique ne peut donc bénéficier de la protection organisée par la loi que si elle exerce des activités journalistiques à titre professionnel, soit comme travailleur indépendant, soit comme salarié. La personne qui ne réunit pas ces conditions ne peut se prévaloir du droit accordé par la loi de taire ses sources d'information. Il résulte du terme « régulièrement » utilisé à l'article 2, 1°, qu'il en est de même pour les personnes qui n'exercent pas leurs activités journalistiques de façon régulière.
B.9. La Cour n'est pas compétente pour contrôler directement des normes législatives au regard de dispositions conventionnelles.
Toutefois, lorsqu'une disposition conventionnelle liant la Belgique a une portée analogue à celle d'une des dispositions constitutionnelles dont le contrôle relève de la compétence de la Cour et dont la violation est alléguée, les garanties consacrées par cette disposition conventionnelle constituent un ensemble indissociable avec les garanties inscrites dans les dispositions constitutionnelles concernées.
Il s'ensuit que, dans le contrôle qu'elle exerce au regard des dispositions constitutionnelles, la Cour tient compte de dispositions de droit international qui garantissent des droits ou libertés analogues.
B.10.1. L'article 19 de la Constitution énonce : « La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés ».
L'article 25 de la Constitution dispose : « La presse est libre; la censure ne pourra jamais être établie; il ne peut être exigé de cautionnement des écrivains, éditeurs ou imprimeurs.
Lorsque l'auteur est connu et domicilié en Belgique, l'éditeur, l'imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi ».
B.10.2. L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ». B.10.3. L'article 19.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ».
B.11.1. Ces dispositions garantissent la liberté d'expression et la liberté de la presse.
B.11.2. La liberté d'expression constitue un des fondements essentiels d'une société démocratique et la liberté de la presse est une composante essentielle de cette liberté.
La Cour européenne des droits de l'homme a défini à plusieurs reprises la protection des sources journalistiques comme « l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse » (Goodwin c/ Royaume Uni du 27 mars 1996, § 39; Roemen et Schmit c/ Luxembourg du 25 février 2003, § 46; Ernst e.a. c/ Belgique du 15 juillet 2003, § 91).
Elle a motivé sa position comme suit : « L'absence d'une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d'aider la presse à informer le public sur des questions d'intérêt général. En conséquence, la presse pourra être moins à même de jouer son rôle indispensable de ' chien de garde ' et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s'en trouver amoindrie. Eu égard à l'importance que revêt la protection des sources journalistiques pour la liberté de la presse dans une société démocratique, pareille mesure ne saurait se concilier avec l'article 10 de la Convention que si elle se justifie par un impératif prépondérant d'intérêt public » (ibid. ).
B.12. Le droit au secret des sources journalistiques doit donc être garanti, non pas pour protéger les intérêts des journalistes en tant que groupe professionnel, mais bien pour permettre à la presse de jouer son rôle de « chien de garde » et d'informer le public sur des questions d'intérêt général. Pour ces motifs, ce droit fait partie de la liberté d'expression et de la liberté de la presse garanties dans les dispositions constitutionnelles et conventionnelles reproduites en B.10.1 à B.10.3.
B.13. Il s'ensuit que toute personne qui exerce des activités journalistiques puise dans les dispositions constitutionnelles et conventionnelles précitées un droit au secret de ses sources d'information.
B.14.1. En privant certaines personnes de ce droit, à savoir celles qui n'exercent pas leurs activités journalistiques comme travailleurs indépendants ou salariés ou celles qui n'exercent pas ces activités d'une façon régulière, l'article 2, 1°, de la loi attaquée viole les articles 19 et 25 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 19.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
B.14.2. En tant que le moyen est pris de la violation de la liberté d'expression et de la liberté de la presse, il est fondé.
A l'article 2, 1°, de la loi attaquée, les termes « les journalistes, soit », « , dans le cadre d'un travail indépendant ou salarié, ainsi que toute personne morale, » et « régulièrement et » doivent être annulés.
B.14.3. En tant qu'il est également pris de la violation d'autres droits et libertés, il n'y a pas lieu d'examiner davantage le moyen, puisqu'il ne pourrait donner lieu à une annulation plus ample.
Quant au moyen unique dans l'affaire n° 3789 et au troisième moyen dans l'affaire n° 3694 B.15. Le troisième moyen dans l'affaire n° 3694 est pris de la violation des articles 10, 11 et 22 de la Constitution, combinés avec les articles 8, 10.2 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 19.3 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et il est dirigé, ainsi qu'il ressort de son exposé, contre les articles 4 et 7 de la loi attaquée. Ces dispositions violeraient de façon discriminatoire le droit au respect de la vie privée et familiale en ce que, d'une part, l'article 4 ne permet pas au juge de déroger au droit au secret des sources journalistiques en cas d'atteinte grave à la réputation, au renom et/ou à la vie privée de personnes et n'établit à cet égard pas davantage de distinction entre les données dont la diffusion intéresse l'intérêt général et celles qui relèvent de la sphère privée et en ce que, d'autre part, l'article 7 contient des règles qui tolèrent des atteintes au droit au respect de la vie privée et familiale par des personnes tenues par le secret professionnel.
B.16. Le moyen unique dans l'affaire n° 3789 est pris de la violation des articles 10, 11, 22, 23, 29 et 191 de la Constitution, combinés avec les articles 8, 10.2, 14 et 17 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 19.3 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Dans une première branche, la partie requérante soutient que la loi attaquée violerait de façon discriminatoire le droit au respect de la vie privée et familiale, et ce, pour des motifs similaires à ceux exposés dans le troisième moyen dans l'affaire n° 3694. Dans une deuxième branche, il est allégué que la loi entraînerait une discrimination selon la couleur de la peau : une victime de propos diffamatoires dans la presse ne peut, en raison du secret des sources journalistiques, poursuivre en justice que le journaliste lui-même. Or l'article 150 de la Constitution entraîne de facto qu'un journaliste ne peut être poursuivi pénalement, à moins que le délit de presse ait été inspiré par le racisme ou la xénophobie, de sorte que la protection juridique de la victime de propos diffamatoires diffèrerait, sans justification raisonnable, selon la couleur de peau de cette victime.
Quant à la discrimination alléguée sur la base de la couleur de peau B.17. Sans qu'il faille vérifier si la protection juridique des victimes de propos diffamatoires dans la presse est différente selon la couleur de peau de ladite victime, il y a lieu de constater que cette différence de traitement, pour autant qu'elle existerait, ne résulterait pas des dispositions attaquées, mais d'un choix opéré par le Constituant, à savoir à l'article 150 de la Constitution.
Il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur un choix du Constituant.
En tant qu'il fait grief à la loi attaquée de contenir une discrimination selon la couleur de la peau, le moyen unique dans l'affaire n° 3789 ne peut être accueilli.
Quant à l'article 4 de la loi attaquée B.18. Aux termes de l'article 4 de la loi attaquée, un juge ne peut contraindre des journalistes et des collaborateurs de la rédaction à livrer leurs sources d'information que si elles sont de nature à prévenir que soient commises des infractions constituant une menace grave pour l'intégrité physique d'une ou de plusieurs personnes, en ce compris les infractions visées à l'article 137 du Code pénal, pour autant qu'elles portent atteinte à l'intégrité physique, et si un certain nombre de conditions cumulatives sont remplies.
B.19. Les travaux préparatoires font apparaître que le législateur a souhaité limiter les exceptions au droit au secret des sources journalistiques afin d'éviter que ce droit soit vidé de sa substance (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0024/010, p. 16).
En réponse à une question de la section de législation du Conseil d'Etat, qui demandait pourquoi l'exclusion ne concerne que les infractions risquant de porter atteinte à l'intégrité physique des personnes, et non d'autres faits punissables, notamment les atteintes portées à l'honneur des personnes (avis du Conseil d'Etat du 5 novembre 2003, Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0024/002, p. 13), l'auteur de la proposition de loi qui a conduit à la loi attaquée a apporté les précisions suivantes devant la Commission de la justice de la Chambre des représentants : « Il ne semble pas opportun d'inscrire dans la loi d'autres infractions (comme l'atteinte portée à l'honneur) que celles représentant une menace pour la vie en tant qu'exception au droit qu'ont les journalistes de taire leurs sources. Un tel texte de loi laisserait trop de place à l'interprétation, au détriment de la sécurité juridique.
Les atteintes à l'intégrité physique des personnes peuvent provoquer des dommages irréparables et justifient une intervention immédiate, y compris la remise en cause du droit qu'ont les journalistes de taire leurs sources (en cas d'enlèvement, par exemple). En principe, les infractions ' morales ' sont réparables.
La proposition de loi, telle qu'elle est formulée, est conforme à la jurisprudence de la C.E.D.H., laquelle ne prévoit qu'une possibilité restreinte d'obliger un journaliste à divulguer ses sources d'information, à savoir uniquement lorsqu'il s'agit d'un ' impératif prépondérant d'intérêt public ' » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0024/010, p. 16).
B.20.1. La liberté d'expression et la liberté de la presse valent non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui choquent, inquiètent ou heurtent. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de société démocratique (Cour européenne des droits de l'homme, Handyside c/ Royaume-Uni du 7 décembre 1976, § 49; Lehideux et Isorni c/ France du 23 septembre 1998, § 55; Öztürk c/ Turquie du 28 septembre 1999, § 64). Ceci ne signifie toutefois pas que la presse pourrait être dispensée de son devoir de principe de ne pas franchir certaines limites « tenant notamment à la protection de la réputation et aux droits d'autrui ainsi qu'à la nécessité d'empêcher la divulgation d'informations confidentielles » (Cour européenne des droits de l'homme, De Haes et Gijsels c/ Belgique du 24 février 1997, § 37; Fressoz et Roire c/ France du 21 janvier 1999, § 45; Ernst e.a. c/ Belgique du 15 juillet 2003, § 92). Par ailleurs, la liberté d'expression peut, en vertu de l'article 10.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, être soumise sous certaines conditions, à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, en vue, notamment, de la protection de la réputation ou des droits d'autrui.
B.20.2. Il s'ensuit que, bien que la presse doive, dans une société démocratique, être en mesure de communiquer des informations et des idées relatives à toutes les questions d'intérêt général, la liberté d'expression et la liberté de la presse qui y est liée ne peuvent être considérées comme des libertés absolues. Etant donné que, comme cela a déjà été mentionné en B.13, le droit au secret des sources journalistiques fait partie de ces libertés, cette conclusion s'applique également à ce droit.
Cette conclusion découle également de la jurisprudence citée en B.11.2, dont il ressort que la Cour européenne des droits de l'homme, même si elle définit la protection du secret des sources comme « l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse », admet que certaines circonstances puissent justifier une ingérence dans ce droit.
B.21. Lorsque la liberté d'expression et la liberté de la presse menacent d'entrer en conflit avec le droit au respect de la vie privée et familiale, il convient de ménager un juste équilibre entre ces droits et libertés et les intérêts qui y sont liés. Il y a lieu, à cet égard, de tenir compte de ce que le droit au secret des sources journalistiques revêt une importance particulière pour la liberté de la presse dans une société démocratique, raison pour laquelle une ingérence dans ce droit ne peut se justifier que par un « impératif prépondérant d'intérêt public ».
B.22. La Cour doit examiner si l'article 4 attaqué est compatible avec les dispositions constitutionnelles et conventionnelles citées par les parties requérantes, qui garantissent le droit au respect de la vie privée et familiale, en tenant compte de ce que cet article 4 a pour objet de garantir le droit au secret des sources journalistiques.
B.23.1. L'article 22 de la Constitution énonce : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.
La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».
L'article 29 de la Constitution énonce : « Le secret des lettres est inviolable.
La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation du secret des lettres confiées à la poste ».
B.23.2. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme énonce : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». B.24.1. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, l'article 8 de la Convention européenne implique non seulement une interdiction des ingérences arbitraires dans la vie privée et familiale, mais également une obligation pour les Etats contractants de prendre les mesures nécessaires en vue de garantir la jouissance effective de la vie privée et familiale (X et Y c. Pays-Bas du 26 mars 1985, § 23; Stubbings e.a. c/ Royaume-Uni du 22 octobre 1996, § 62; Botta c/ Italie du 24 février 1998, § 33; Ignaccolo-Zenide c/ Roumanie du 25 janvier 2000, § 94; Mikulic c/ Croatie du 7 février 2002, § 57; Craxi n° 2 c/ Italie du 17 juillet 2003, § 73). La Cour européenne des droits de l'homme a notamment déduit de cet article l'obligation de déployer les efforts suffisants pour faire cesser des atteintes répétées à la jouissance du droit au respect de la vie privée et familiale (Surugiu c/ Roumanie du 20 avril 2004, § 68), et, en cas d'atteinte à ce droit, pour mener une enquête effective sur les circonstances concrètes de l'affaire et, au besoin, sanctionner les personnes responsables de certains manquements (Craxi n° 2 c/ Italie du 17 juillet 2003, §§ 74 et 75).
B.24.2. L'article 22, alinéa 2, de la Constitution contient une obligation positive similaire. Il ressort des travaux préparatoires de cet article que le Constituant a cherché la plus grande concordance possible « avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), afin d'éviter toute contestation sur le contenu respectif de l'article de la Constitution et de l'article 8 de la CEDH » (Doc. parl., Chambre, 1993-1994, n° 997/5, p. 2).
B.25.1. L'article 4 de la loi permet au juge de déroger au secret des sources mais uniquement lorsque ces sources contribuent à empêcher que certaines infractions soient commises et non lorsqu'elles aboutissent à réprimer ces infractions. Des informations relatives à des infractions accomplies ne relèveraient du champ d'application de l'exception que si leur révélation permettait de prévenir de nouvelles infractions, distinctes de celles qui ont été commises (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51 0024/010, p. 34).
B.25.2. Le législateur a pu considérer qu'en raison de la gravité et du caractère souvent irréparable des infractions qui constituent une atteinte à l'intégrité physique, la nécessité de les prévenir pouvait justifier l'exception au secret des sources. Il relève aussi de son appréciation de décider si cette exception doit être étendue à la prévention d'infractions constituant une atteinte à la vie privée ou familiale qui n'ont ni la même gravité, ni le même caractère irréparable.
B.25.3. En outre, l'obligation de révéler la source d'une information relative à une atteinte à la vie privée ou familiale qui n'est pas encore réalisée n'est pas de nature à éviter cette atteinte de la même manière qu'une révélation qui pourrait permettre d'identifier ceux qui se proposent de commettre une infraction constituant une menace pour l'intégrité physique d'une ou de plusieurs personnes.
B.25.4. Le refus d'étendre l'exception aux atteintes à la vie privée et familiale aurait des effets disproportionnés si elle aboutissait à priver les personnes d'une protection effective de leur droit au respect de la vie privée et familiale. Mais ce refus n'a pas pour effet d'affecter la responsabilité civile du journaliste qui doit répondre des fautes qu'il commettrait en portant atteinte à ce droit et qui reste libre de taire ou de révéler ses sources lorsque sa responsabilité est mise en cause (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51 0024/010, pp. 7, 33, 36).
B.25.5. Il découle de ce qui précède qu'il n'est pas déraisonnable de traiter différemment le droit à la vie ou à l'intégrité physique, d'une part, et le droit au respect de la vie privée et familiale, d'autre part, en ce qui concerne la mesure de divulgation qui peut être imposée par un juge, en dérogation au principe du secret des sources des journalistes.
B.26. En tant qu'ils sont dirigés contre l'article 4 de la loi attaquée et qu'ils sont pris de la violation du droit au respect de la vie privée et familiale, les moyens ne sont pas fondés. Pour le surplus, les requérants n'avancent aucun argument distinct permettant de conclure à la violation du principe d'égalité et de non-discrimination. Enfin, la Cour n'aperçoit pas et les requérants n'exposent pas en quoi les articles 10.2 et 17 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 19.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques pourraient être violés par l'article 4 de la loi attaquée.
Quant à l'article 7 de la loi attaquée B.27.1. Selon l'article 7 de la loi attaquée, les journalistes et collaborateurs de la rédaction ne peuvent, lorsqu'une personne tenue au secret professionnel au sens de l'article 458 du Code pénal commet une violation de ce secret, être poursuivis sur la base de l'article 67, alinéa 4, du Code pénal lorsqu'ils exercent leur droit à ne pas révéler leurs sources d'information.
L'article 458 du Code pénal est libellé comme suit : « Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission d'enquête parlementaire et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cent francs à cinq cents francs ».
L'article 67, alinéa 4, du Code pénal est libellé comme suit : « Seront punis comme complices d'un crime ou d'un délit : [...] Ceux qui, hors le cas prévu par le § 3 de l'article 66, auront, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs du crime ou du délit dans les faits qui l'ont préparé ou facilité, ou dans ceux qui l'ont consommé ».
B.27.2. Les travaux préparatoires font apparaître que le législateur, par la disposition attaquée, a voulu éviter qu'un journaliste ou collaborateur de la rédaction soit poursuivi du chef de complicité de violation du secret professionnel afin de le contraindre à révéler ses sources (Doc. parl., Sénat, 2004-2005, n° 3-670/6, pp. 66 et 67).
B.28. Selon les parties requérantes, la disposition attaquée a pour effet que des atteintes au droit au respect de la vie privée et familiale par des personnes tenues au secret professionnel sont désormais tolérées.
B.29. Le fait que les journalistes et collaborateurs de la rédaction ne puissent plus être poursuivis comme complices du délit défini à l'article 458 du Code pénal n'empêche aucunement la poursuite des personnes visées dans cet article (médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toute autre personne dépositaire, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie).
Par conséquent, contrairement à ce qu'affirment les parties requérantes, l'article 7 attaqué n'implique pas que des atteintes au droit au respect de la vie privée et familiale par des personnes tenues au secret professionnel soient désormais tolérées.
B.30. En tant qu'ils sont dirigés contre l'article 7 de la loi du 7 avril 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/04/2005 pub. 27/04/2005 numac 2005009280 source service public federal justice Loi relative à la protection des sources journalistes fermer, les moyens ne sont pas fondés.
Quant au deuxième moyen dans l'affaire n° 3694 B.31. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 3694 est pris de la violation des articles 22bis et 23, alinéa 1er, de la Constitution, combinés avec les articles 1 et 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 6.1 et 9.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En ce que la loi attaquée dispose en son article 4 que les journalistes et les collaborateurs de la rédaction ne peuvent être tenus de livrer leurs sources d'information qu'à la requête du juge, si elles sont de nature à prévenir que soient commises des infractions constituant une menace grave pour l'intégrité physique d'une ou de plusieurs personnes, mais non lorsque les infractions ont effectivement été commises, elle empêcherait la poursuite de meurtriers (de masse), ce qui est contraire au droit à la vie, tel qu'il est interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, combiné avec les articles 22bis et 23, alinéa 1er, de la Constitution.
B.32.1. L'article 22bis de la Constitution énonce : « Chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle.
La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».
L'article 23, § 1er, de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine ».
B.32.2. L'article 1 de la Convention européenne des droits de l'homme porte : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au Titre 1 de la présente Convention ».
L'article 2.1 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ».
L'article 6.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques énonce : « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ».
L'article 9.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne.
Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément à la procédure prévus par la loi ».
B.33. Le moyen vise à contrôler l'article 4 attaqué au regard du droit à la vie. La partie requérante se prévaut plus particulièrement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, selon laquelle le droit à la vie implique une obligation positive pour l'Etat d'effectuer une enquête sur les causes de la mort d'une personne.
B.34. Si les dispositions constitutionnelles invoquées ne garantissent pas, comme tel, le droit à la vie, l'exercice des droits qu'elles consacrent présuppose le respect du droit à la vie, de telle sorte qu'elles peuvent être combinées avec les dispositions conventionnelles précitées, qui protègent explicitement ce droit.
B.35. Il découle de l'utilisation du terme « prévenir » dans l'article 4 attaqué que le juge ne peut en principe contraindre les journalistes et les collaborateurs de la rédaction à livrer leurs sources d'information dans le cadre d'une enquête sur des infractions déjà commises.
Selon les parties requérantes, cette impossibilité pour le juge est incompatible avec le droit à la vie, tel que celui-ci est interprété par la Cour européenne des droits de l'homme.
B.36. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, les parties contractantes ont une obligation positive, en vertu des articles 1 et 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, de mener une enquête, à l'issue d'un assassinat ou d'un meurtre, au sujet des circonstances de l'affaire, y compris lorsque les auteurs ne sont pas des autorités (voy. entre autres : Cour européenne des droits de l'homme, Ergi c/ Turquie du 28 juillet 1998, § 82; Tanrikulu c/ Turquie du 8 juillet 1999, § 103; Demiray c/ Turquie du 21 novembre 2000, § 48).
B.37. La Cour doit examiner si l'article 4 attaqué est compatible avec le droit à la vie invoqué par les parties requérantes.
B.38.1. En ce qu'il permet la levée du secret des sources pour prévenir les atteintes à l'intégrité physique, y compris dans l'hypothèse où une atteinte a déjà été commise mais que l'on sait que d'autres pourraient suivre, l'article 4 est précisément un outil que se donne l'Etat pour remplir son obligation de garantir la protection du droit à la vie.
B.38.2. Le législateur a pu juger que lorsque l'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique a été portée, l'atteinte au droit fondamental de la liberté d'expression, dont le secret des sources journalistiques fait partie, ne se justifiait pas, les autorités judiciaires disposant de suffisamment d'autres moyens pour mener à bien les enquêtes concernant les infractions commises.
B.38.3. Lorsque l'atteinte à l'intégrité physique d'une personne n'a pas encore été commise, le journaliste qui détient une information qui pourrait permettre d'éviter cette atteinte possède une obligation légale d'accorder une aide à quelqu'un qui est en grand danger, ce qui n'est pas le cas lorsque l'atteinte a déjà été commise et que le journaliste détient ensuite des informations à ce sujet.
B.39. En tant que le législateur permet uniquement au juge de déroger à la protection des sources journalistiques réglée dans la loi afin de prévenir que soient commises des infractions constituant une menace grave pour l'intégrité physique, il n'a pas violé les dispositions citées dans le moyen.
B.40. Le moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour - annule, à l'article 2, 1°, de la loi du 7 avril 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/04/2005 pub. 27/04/2005 numac 2005009280 source service public federal justice Loi relative à la protection des sources journalistes fermer relative à la protection des sources journalistes, les termes « les journalistes, soit » et « , dans le cadre d'un travail indépendant ou salarié, ainsi que toute personne morale, » et « régulièrement et »; - rejette les recours pour le surplus.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 7 juin 2006.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, A. Arts.