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Arrêt
publié le 16 juin 2006

Extrait de l'arrêt n° 31/2006 du 1 er mars 2006 Numéro du rôle : 3822 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 33bis du décret de la Région flamande du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement c La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, (...)

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Extrait de l'arrêt n° 31/2006 du 1er mars 2006 Numéro du rôle : 3822 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 33bis du décret de la Région flamande du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais, tel qu'il a été inséré par le décret du 11 mai 1999, posée par le Tribunal de première instance de Furnes.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, M. Bossuyt, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 30 novembre 2005 en cause de E. Demaeght contre la « Vlaamse Landmaatschappij » (Société flamande terrienne) et la Région flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 5 décembre 2005, le Tribunal de première instance de Furnes a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 33bis du décret du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il instaure une discrimination entre les exploitations agricoles qui ont accru le bétail sur leur exploitation conformément aux autorisations au cours de l'année 1996 et les exploitations qui ont accru leur bétail conformément aux autorisations au cours de l'année 1997 seulement, étant donné que ces exploitations qui ont accru leur cheptel en 1997 seulement doivent maintenant réduire le nombre d'animaux à cause de l'introduction de la notion de teneur maximale en éléments nutritionnels, ce qui porte atteinte à leur droit à la sécurité juridique et à leur droit de propriété, alors que ce n'est pas le cas pour les exploitations qui ont accru leur cheptel en 1996 ? ».

Le 20 décembre 2005, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juges-rapporteurs E. Derycke et R. Henneuse ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt constatant que la question préjudicielle appelle manifestement une réponse négative. (...) III. En droit (...) B.1. Le juge a quo demande à la Cour si l'article 33bis du décret de la Région flamande du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais, tel qu'il a été inséré par le décret du 11 mai 1999, est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

La disposition en cause, dans sa version applicable à l'affaire au fond, énonce : «

Art. 33bis.§ 1er. A chaque exploitation agricole et/ou élevage de bétail et/ou leurs parties est accordée une teneur en éléments nutritionnels P2O5 (NHp) et une teneur en N (NHn), qui sont déterminées comme suit : - NHp = le plus élevé des 3 chiffres suivants : MPBp97, ou MPBp96 ou MPBp95; - NHn = le plus élevé des 3 chiffres suivants : MPBn97, ou MPBn96, ou MPBn95; où : - MPBp97 = la somme des produits du cheptel moyen de l'exploitation agricole et/ou de l'élevage de bétail et/ou de leurs parties, tels qu'indiqués dans la déclaration à la Mestbank de l'année d'imposition 1998, avec la production P2O5 correspondante par espèce animale, calculée conformément aux normes d'excrétion, définies au § 2; - MPBn97 = la somme des produits du cheptel moyen de l'exploitation agricole et/ou de l'élevage de bétail et/ou de leurs parties, tels qu'indiqués dans la déclaration à la Mestbank de l'année d'imposition 1998, avec la production N correspondante par espèce animale, calculée conformément aux normes d'excrétion, définies au § 2; - MPBp96 = la somme des produits du cheptel moyen de l'exploitation agricole et/ou de l'élevage de bétail et/ou de leurs parties, tels qu'indiqués dans la déclaration à la Mestbank de l'année d'imposition 1997, avec la production P2O5 correspondante par espèce animale, calculée conformément aux normes d'excrétion, définies au § 2; - MPBp96 = la somme des produits du cheptel moyen de l'exploitation agricole et/ou de l'élevage de bétail et/ou de leurs parties, tels qu'indiqués dans la déclaration à la Mestbank de l'année d'imposition 1997, avec la production N correspondante par espèce animale, calculée conformément aux normes d'excrétion, définies au § 2; - MPBp95 = la somme des produits du cheptel moyen de l'exploitation agricole et/ou de l'élevage de bétail et/ou de leurs parties, tels qu'indiqués dans la déclaration à la Mestbank de l'année d'imposition 1996, avec la production P2O5 correspondante par espèce animale, calculée conformément aux normes d'excrétion, définies au § 2; - MPBn95 = la somme des produits du cheptel moyen de l'exploitation agricole et/ou de l'élevage de bétail et/ou de leurs parties, tels qu'indiqués dans la déclaration à la Mestbank de l'année d'imposition 1996, avec la production N correspondante par espèce animale, calculée conformément aux normes d'excrétion, définies au § 2. § 2. Pour la détermination de MPBp97, MPBp96, MPBp95, MPBn97, MPBn96 et MPBn95, il est tenu compte des normes d'excrétion suivantes par animal et par année : Pour la consultation du tableau, voir image (1) La teneur en éléments nutritionnels visée à l'article 33bis, peut être calculée sur demande et moyennant preuve du producteur, à l'aide d'une valeur d'excrétion sur la base des comparaisons régressives suivantes : - excrétion de P2O5 = (0,0025 x production laitière) + 15,66; - excrétion de N = (0,0075 x production laitière) + 52; où l'excrétion de P2O5, l'excrétion de N et la production laitière sont exprimées en kg par animal et par année; et ce, à condition que la production laitière soit prouvée et que le producteur joigne les données relatives à la production laitière au cours des trois années suivant le calcul de la teneur en éléments nutritionnels à la déclaration visée à l'article 3. Le Gouvernement flamand peut déterminer les modalités nécessaires à cette fin. (2) Pour le calcul de la teneur en éléments nutritionnels, et dans la mesure où l'espèce « truies en ce compris des porcelets » a été déclarée lors de la déclaration de 1998, 1997 ou 1996 et que les porcelets n'ont pas été déclarés dans la rubrique « porcelets de moins de 10 semaines », l'excrétion de P2O5 pour les truies peut être augmentée par animal et par année de 14,5 à 22,58 kg de P2O5 et l'excrétion de N peut être portée par animal et par année de 24 à 33,84 kg de N. Le producteur qui fait usage de cette méthode de calcul doit au cours des trois années d'imposition suivant le calcul de la teneur en éléments nutritionnels tenir un nombre de truies et de porcelets égal à : - 'truies en ce compris des porcelets avec un poids inférieur à 7 kg' : le même nombre d'animaux, moyennant un degré de précision de 10 pour cent, que dans la déclaration visant à déterminer la teneur en éléments nutritionnels pour l'espèce 'truies incl. Porcelets'; et - 'porcelets avec un poids de 7 à 20 kg' : un nombre d'animaux de maximum 8 fois le nombre de truies indiquées. (3) lorsque, lors de la déclaration de 1998, 1997 ou 1996, l'espèce 'truies', soit inclusivement, soit exclusivement les porcelets, a été déclarée, la teneur en éléments nutritionnels est augmentée comme suit, à titre de compensation des truies d'élevage et des animaux-mères qui n'ont pas encore mis bas et qui ont été déclarés comme d'autres porcs : - pour l'excrétion de P2O5 : d'une quantité égale au nombre de truies déclarées x 2,375 kg de P2O5; - pour l'excrétion de N : d'une quantité égale au nombre de truies déclarées x 3,5225 kg de N. Le producteur qui fait usage de cette méthode de calcul doit, au cours des trois années d'imposition suivantes, tenir un nombre 'd'autres porcs' qui, par rapport à la déclaration afin de déterminer la teneur en éléments nutritionnels, a été réduit à raison du nombre correspondant de truies d'élevage et d'animaux-mères. (4) Pour le calcul de la teneur en éléments nutritionnels, est retenue pour l'espèce 'autres porcs', quels que soient les aliments qui ont été spécifiés dans la déclaration de 1998, 1997 ou 1996, la norme d'excrétion de 5,33 kg de P2O5 par animal et par année, à savoir : la valeur de la convention en matière de produits pour les aliments pauvres en phosphore du 1er septembre 1995. (5) Pour le calcul de la teneur en éléments nutritionnels pour les espèces animales qui ont été déclarées dans la déclaration de 1998, 1997 ou 1996 sous la rubrique 'autre volaille', cette déclaration peut sur demande et moyennant preuve du producteur être spécifiée selon les espèces animales telles que définies à l'article 5, sous III.3. pour les autruches, III.4. pour les dindons et III.5. pour l'autre volaille. Pour le calcul ultérieur de la teneur en éléments nutritionnels de ces espèces animales, la norme d'excrétion forfaitaire est d'application, telle qu'indiquée à l'article 5, § 1er.

Le producteur qui fait usage de cette méthode de calcul doit, durant les trois années d'imposition suivant le calcul de la teneur en éléments nutritionnels, tenir les mêmes quotas d'animaux moyennant une précision de 10 pour cent par espèce animale spécifiée que celles indiquées dans la déclaration visant à déterminer la teneur en éléments nutritionnels. (6) En cas de conclusion d'une nouvelle convention de produits pour le phosphore, la teneur en éléments nutritionnels est calculée d'office sur cette base, moyennant prise d'effet le 1er janvier de l'année suivant l'année au cours de laquelle la convention de produits a été conclue. § 3. Le Gouvernement flamand peut, par dérogation au § 2, déterminer une autre méthode de calcul pour le NHp et le NHn pour : 1° des établissements avec des catégories d'animaux qui devaient être déclarées pour les années d'imposition 1998, 1997 et 1996 sous la catégorie d'animaux 'autre volaille';à cet égard, il convient de tenir compte des chiffres de production tels que définis à l'article 5, sous III.3 pour les autruches, III.4 pour les dindons et III.5. pour l'autre volaille; 2° des élevages de bétail existants pour lesquels après le 1er janvier 1996 une autorisation écologique a été délivrée par l'autorité compétente;3° des établissements dont l'exploitation a été partiellement ou totalement bloquée pendant une certaine période suite à un cas de force majeure ou à un événement fortuit. § 4. Sans préjudice des dispositions des §§ 1er, 2 et 3, la partie de la teneur en éléments nutritionnels NHp et NHn d'une exploitation agricole et/ou d'un élevage de bétail et/ou de leurs parties, qui porte sur des animaux soumis à autorisation, ne peut jamais dépasser la production autorisée de l'élevage de bétail correspondant et/ou de partie de celui-ci. A cet égard, le producteur est tenu de veiller à ce que, pour la partie qui se rapporte aux animaux soumis à autorisation, il ne produise pas davantage d'effluents d'élevage que la quantité correspondant aux animaux autorisés.

Pour les animaux non soumis à autorisation la teneur en éléments nutritionnels reste intégralement déterminée sur la base de la déclaration de 1998, 1997 ou 1996. § 5. Les teneurs en éléments nutritionnels sont indissociablement liées à l'exploitation agricole et/ou à l'élevage de bétail autorisé et/ou à leurs parties et sont valables jusqu'au 31 décembre 2004 inclus. Jusqu'au 31 décembre 2004, les teneurs en éléments nutritionnels sont transférées en cas de reprise de l'exploitation agricole et/ou de l'élevage autorisé et/ou de leurs parties. Lors d'une reprise partielle d'une exploitation agricole et/ou d'un élevage autorisé et/ou de leurs parties, une partie de la teneur en éléments nutritionnels est également transférée, proportionnellement à la production d'effluents d'élevage transférée. § 6. Le producteur peut solliciter auprès du Gouvernement flamand une révision et/ou une autre méthode de calcul du calcul de la teneur en éléments nutritionnels établi pour une exploitation agricole et/ou un élevage et/ou leurs parties. Le Gouvernement flamand peut déterminer les modalités nécessaires à cette fin. § 7. Le Gouvernement flamand détermine les modalités selon lesquelles et le moment de la notification de la teneur en éléments nutritionnels a` l'exploitation agricole et/ou à l'élevage concerné et/ou à leurs parties ».

B.2. L'article 33bis précité a été inséré par l'article 29 du décret du 11 mai 1999 « modifiant le décret du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais et modifiant le décret du 28 juin 1985 relatif à l'autorisation écologique ».

Dans les travaux préparatoires du décret précité du 11 mai 1999, l'article 29 de ce décret a été commenté comme suit : « Cet article insère les nouveaux articles 33bis et 33ter dans le décret relatif aux engrais. L'article 33bis introduit la nouvelle notion de 'teneur maximale en éléments nutritionnels'. La réglementation la concernant a déjà été détaillée sous le point 7 de l'exposé général » (Doc. parl., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1317/1, p. 13).

Le point 7 de l'exposé général, intitulé « Standstill », mentionne notamment : « En complément, il est également prévu un standstill au niveau des élevages. Partant du fait que la production d'engrais animal au niveau de l'exploitation est proportionnelle à la moyenne annuelle du nombre d'animaux et non au nombre d'animaux autorisés, il est notamment introduit une nouvelle notion de 'teneur maximale en éléments nutritionnels' (nouvel article 33bis ). De cette façon, il peut être évité qu'un exploitant optimalise le nombre moyen d'animaux à concurrence du maximum d'animaux autorisé et un standstill effectif est ainsi obtenu.

La teneur maximale en éléments nutritionnels visée correspond à la plus haute production des années 1995, 1996 ou 1997 (nouvel article 33bis, § 1er). On prévoit ces trois années en vue d'éliminer d'éventuelles sous-occupations temporaires (par exemple suite à la peste porcine). Cette 'teneur maximale en éléments nutritionnels' est valable jusqu'au 31 décembre 2004 et est liée à l'exploitation agricole et/ou à l'élevage autorisé ou à une partie de celui-ci (nouvel article 33bis, § 5) » (Doc. parl., Parlement flamand, 1998-1999, n° 1317/1, p. 7).

B.3. Il appartient au législateur décrétal d'apprécier dans quelle mesure il est nécessaire de prendre des dispositions en vue de protéger l'environnement.

B.4. C'est le propre d'une nouvelle règle d'établir une distinction entre les personnes qui sont concernées par des situations juridiques qui entraient dans le champ d'application de la règle antérieure et les personnes qui sont concernées par des situations juridiques qui entrent dans le champ d'application de la nouvelle règle. Semblable distinction ne viole pas en soi les articles 10 et 11 de la Constitution. A peine de rendre impossible toute modification de la loi, il ne peut être soutenu qu'une disposition nouvelle violerait les articles constitutionnels susdits par cela seul qu'elle modifie les conditions d'application de la législation ancienne.

Les justiciables qui avaient espéré que les anciennes règles seraient maintenues ont peut-être été déçus dans leurs attentes par la nouvelle réglementation, mais celle-ci n'a pas créé deux catégories de personnes qui seraient comparables à la lumière des articles 10 et 11 de la Constitution.

Pour le surplus, la mesure en cause paraît devoir être considérée comme une réglementation de « l'usage des biens conformément à l'intérêt général » au sens du deuxième alinéa de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

B.5. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 33bis du décret de la Région flamande du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais, inséré par l'article 29 du décret du 11 mai 1999 modifiant le décret du 23 janvier 1991 susdit et modifiant le décret du 28 juin 1985 relatif à l'autorisation écologique, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 1er mars 2006.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, A. Arts.

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